Les Grandes Lignes de
L'Économie
islamique
Mohammad
Bâqer al-Sadr
Édité et
traduit par :
Abbas Ahmad al-Bostani
Éditeur
Abbas Ahmad al-Bostani
(La Cité du
Savoir)
C.P. 712 Succ. (B)
Montréal, QC, H3B
3K3
Canada
Tél : (1-514) 341 73 63 Fax :(1-514)
341 70 56
Site Web http://www.bostani.com
E-mail 1: abbas@bostani.com
E-mail 2: bostani5@yahoo.fr
E-mail 3: bostani5@hotmail.com
Première édition
Février 2009
I.S.B.N. 978-2-922223-41-5
copyrights : Tous droits réservés à l'éditeur
ci-dessus
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La Table des matières
LIVRE I
APERÇU DE
L'ÉCONOMIE ISLAMIQUE 9
L'ISLAM EST-IL
UN MODE DE VIE? 11
La Khilâfah De L'homme 17
L'islam est
immuable alors que la vie est évolutive 30
Les indications
Générales 33
1-
L'Orientations de la Législation 33
2- L'Objectif explicité
d'un Statut constant 37
3- Les Valeurs
sociales dont l'Islam a souligné l'importance 39
4- L'Orientation
des Éléments mobiles par le Prophète ou le Tuteur (Waçî) 40
5- Les Objectifs
définis au Gouverneur (wali al-amr) 45
LIVRE II
LIGNES DÉTAILLÉES
DE L'ÉCONOMIE
DE LA SOCIÉTÉ ISLAMIQUE 51
Quels sont les
éléments de la forme intégrale ? 60
EXPRESSIONS
GÉNÉRALES . . . . . . . . . . . . . . . . . .69
LES ASPECTS
GÉNÉRAUX de la forme intégrale de l'économie de la
Société islamique 73
PREMIÈRE
PARTIE
LA DISTRIBUTION
PRIMAIRE DES SOURCES DE LA RICHESSE NATURELLE 74
1- Les Sources
de la Richesse naturelle 77
2- Les Biens
Mobiliers 84
DEUXIÈME
PARTIE
LA PRODUCTION ET
LE MODE DE DISTRIBUTION DE SES PRODUITS 87
1- La Production
et son importance dans l'Économie islamique 87
2- La Production
primaire et la Mode de Distribution de ses Produits 91
3- La Production
secondaire et son Mode de Répartition 96
TROISIÈME
PARTIE
L'ÉCHANGE
ET LA CONSOMMATION
(ou LA GESTION DES BIENS) 106
1-
L'Échange 106
2- La Dépense
des Biens 112
QUATRIÈME
PARTIE
LES
RESPONSABILITÉS GÉNÉRALES DE L'ÉTAT 116
TERMES
TECHNIQUES ISLAMIQUES 127
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AVANT-PROPOS
Louange
à Dieu, Maître des mondes. Bénédiction et salut au
Seigneur de Sa créature - Mohammad - et aux Dirigeants bienfaiteurs
parmi les purifiés membres de sa famille.
J'éprouve
une grande fierté en m'adressant au peuple musulman iranien qui a
écrit de nouveau par la lutte missionnaire (jihad), avec son
sang et son héroïsme unique en son genre, l'histoire de l'Islam et
offert au monde une incarnation des premiers jours de l'Islam, riches en
épopées de courage et de foi.
Mon sentiment
gagne en profondeur lorsque je constate que ce peuple aborde une phase qui
constitue un tournant non seulement de son histoire, mais de la vie de l'Umma(1) islamique tout entier,
moment où ce peuple militant musulman se dresse pour dire son mot sur la
République islamique que lui propose le Guide de l'Umma,
l'imam Khomeyni, pour confirmer, en votant pour cet
Etat, sa foi en l'Islam, après avoir affirmé cette foi par les
sacrifices qu'il a consentis et par les différentes formes de
générosité et de militantisme islamique dont il a fait
preuve, et enfin pour commencer - en disant oui à la République
islamique - une nouvelle phase dans la vie des musulmans, qui les ramène
des ténèbres de l'ignorance à la lumière de
l'unicité, des différentes formes de l'exploitation de l'homme
par l'homme, à la servitude sincère envers Dieu, laquelle
constitue la base réelle de la liberté, de la justice et de
l'égalité.
En
lançant le slogan de «la République islamique»,
l'imam Khomeyni ne fait que continuer l'Appel des
Prophètes, prolonger le rôle de Mohammad et de 'Alî, instaurer le régime de Dieu sur terre, et
exprimer sincèrement la conscience profonde de cette Umma
qui n'avait connu la gloire que sous l'Islam, et n'avait vécu dans
l'humiliation, la faiblesse, la misère, la privation et la
dépendance des colonialistes incrédules que lorsqu'elle s'est
écartée de l'Islam et a abandonné son grand message dans
la vie.
La
législation islamique n'est pas une partie d'une alternative, mais la
seule alternative. Car elle est le Jugement de Dieu, Sa juridiction sur la
Terre, et Sa législation irremplaçable:
«Lorsque
Dieu et Son Prophète ont pris une décision, il ne convient ni
à un croyant, ni une croyante de maintenir son choix sur cette affaire»
(Coran, 33: 36).
Mais l'imam Komeyni a voulu que le peuple musulman iranien confirme de
nouveau son choix, sa volonté et sa capacité d'assumer la
responsabilité de ce grand «dépôt» avec
conscience et détermination. En choisissant la République
islamique comme programme de vie et cadre de gouvernement, vous vous acquittez
sans doute de l'une des plus grandes obligations divines et vous redonnez
à la réalité de la vie, l'âme de l'expérience
qu'a menée le plus grand Prophète et pour laquelle il a
consacré toute sa vie, l'âme de la thèse pour laquelle
l'Imam 'Alî a conduit le jihâd
(la lutte missionnaire) et combattu les hérétiques, et enfin
l'âme de la révolution pour laquelle l'Imam al-Hussayn
a sacrifié jusqu'à la dernière goutte de son sang pur.
Par ce choix,
louable, vous réalisez le grand objectif du sang versé, il y a
treize siècles, sur la terre de Karbala.
Il est normal
que l'Occident voit dans votre choix conscient de
l'Islam comme programme de vie, un défi flagrant aux fondements de ses
pensées et à l'idéologie de sa civilisation, comme il a
trouvé que votre décision courageuse de détrôner le
Chah et de mettre fin à son régime, un défi flagrant
à ses intérêts politiques et à ses visées...
Ceci, parce que,
pour l'homme européen ou américain, la civilisation
européenne a pu, depuis bien longtemps, venir à bout de l'Islam
et obliger les Musulmans, par voies militaires ou politiques, à lui
substituer les modes de vie et les traditions de l'homme occidental. Et alors
que l'aile occidentale de la civilisation européenne a
déclaré que l'Europe ne s'était développée
que lorsqu'elle avait séparé la religion et la vie, son aile
orientale a prétendu que la religion est l'opium des peuples et que
ceux-ci doivent abdiquer la religion pour pouvoir défendre la
liberté.
Mais vous, vous
êtes les mieux armés pour réfuter ces deux mensonges, parce
que vous pouvez les contredire en vous appuyant sur la réalité de
votre expérience. L'entrave à l'évolution et au vrai développement
du peuple musulman iranien n'était autre que son écart de l'Islam
et le fait de lui avoir imposé le régime du Chah ainsi que les
idées et les valeurs jahilites(2) qu'il représentait, alors que l'énergie
qui a poussé ce peuple à se révolter et détruire le
Tyran (Taghout) n'était autre que
cette religion islamique que vous allez choisir demain comme programme de vie
et mode de construction.
LIVRE I
APERÇU DE
L'ÉCONOMIE ISLAMIQUE
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L'ISLAM EST-IL UN MODE DE VIE?
Les
intellectuels occidentaux et occidentalisés prétendent que
l'Islam est une religion et non pas économie, un dogme et non pas un
programme de vie, une relation entre l'homme et son Seigneur et ne saurait constituer
la base d'une révolution sociale en Iran.
Mais il leur a
échappé que l'Islam est une révolution dans laquelle la
vie est indissociable de la foi, l'aspect social est inséparable du
contenu spirituel. C'est pourquoi cette révolution est unique en son
genre tout au long de l'histoire.
L'Unicité
est l'essence de la foi islamique. C'est par elle que l'Islam libère
l'homme de toute servitude autre que celle de Dieu: «Il n'y a de dieu
que Dieu». Elle refuse toute forme de fausse divinité
à travers l'histoire. Là, c'est la libération de l'homme
de l'intérieur. Puis, l'Islam, conséquemment à cette
libération, décide de libérer la richesse et l'univers de
tout propriétaire autre que Dieu, et là, c'est la
libération de l'homme de l'extérieur. L'Imam 'Alî
relie, l'une à l'autre, ces deux vérités, lorsqu'il a dit:
«Les Serviteurs sont les serviteurs de Dieu et les Biens sont les biens
de Dieu».
De cette
manière, l'Islam a détruit toutes les chaînes artificielles
et toutes les barrières historiques qui entravaient la progression et la
marche hâtive de l'homme dans le chemin de son Seigneur qu'il s'agisse
des chaînes et des barrières incarnées par la fausse
divinité, les appréhensions et les forces légendaires qui
amoindrissent l'humanité, ou de celles, présentées sous
formes de royautés, qui consacrent la souveraineté de tyran -
individu, oligarchie ou classe - sur la terre au détriment des peuples
et qui empêchent le développement naturel de ceux-ci et leur
imposent des rapports de dépendance et de servitude.
De là,
l'Islam, pour lequel tous les prophètes ont lutté, était
une révolution sociale contre l'injustice, la tyrannie et contre toutes
formes d'exploitation et de servitude.
De là,
également, les prophètes qui portaient ce flambeau, polarisaient
toujours les damnés de la terre et les masses misérables qui
étaient déchirés spirituellement par la fausse
divinité, tiraillés intellectuellement par la «jahilyya» (obscurantisme, ignorance) et
tombés en proie aux différentes formes d'exploitation et
d'injustice sociale.
Notons cependant
que la révolution des prophètes s'est distinguée
qualitativement de toutes autres révolutions sociales à travers
l'histoire, car elle a libéré l'homme de l'intérieur en
même temps qu'elle a libéré l'univers de
l'extérieur. Elle a appelé la première libération,
le «jihâd majeur», la
seconde le «jihâd mineur»,
celui-ci ne pouvant réaliser son grand objectif que dans le cadre de
celui-là.
Il s'en est
suivi que:
1- Cette
révolution n'a pas remplacé l'ancien exploiteur par un nouvel
exploiteur, ni n'a substitué une forme de tyrannie à une autre
tyrannie, car en même temps qu'elle a libéré l'homme de
l'exploitation, elle l'a libéré de l'intérieur, des
sources de l'exploitation qui sont en lui, et cela en modifiant sa vision de
l'univers et de la vie. Dieu a dit:
«Nous
avons voulu combler de nos faveurs ceux qui sont opprimés sur terre;
nous avons voulu les rétablir comme chefs de la communauté et
comme héritiers». (Coran, S28 :v5).
Remarquons bien
comment les deux actions révolutionnaires sont menées côte
à côte: les opprimés deviennent à la fois les guides
et les héritiers de la terre; c'est dire qu'en même temps qu'ils
sont rétablis à la place des exploiteurs et des profiteurs dont
ils reprennent la charge des affaires, ils sont purifiés de
l'intérieur et élevés au niveau de l'«exemple
à suivre» et du «modèle de l'homme sublime».
C'est pourquoi l'opération du remplacement révolutionnaire faite
par les prophètes, ne sera pas identique à celle du remplacement
du féodal par le capitaliste, du capitalise par le prolétaire.
Autrement dit, il ne s'agit pas de changer les positions de l'exploitation mais
d'extirper définitivement l'exploitation et toutes formes de l'injustice
humaine.
Dans un autre
texte, le noble Coran définit la qualité de ces opprimés
que la révolution des prophètes propose pour le charger de la Khilâfah sur la terre. Dieu a dit, en effet:
«L'assistance
est donnée à ceux qui, si nous leur accordons le pouvoir sur la
terre, s'acquittent de la prière, font l'aumône, ordonnent ce qui
est convenable et interdisent ce qui est blâmable. La fin de toute chose
appartient à Dieu». (Coran, 22 : 41).
2- La lutte des
prophètes contre l'injustice et l'exploitation n'a pas pris un
caractère de lutte des classes, comme c'était le cas dans
beaucoup de révolutions sociales, car elle était une
révolution humaine qui avait pour but, avant tout, de
libérer l'homme de l'intérieur. L'aspect
révolutionnaire social de cette lutte n'était qu'une super-structure de cette révolution. C'est pourquoi
notre Grand Prophète avait appelé la révolution de
libération de l'intérieur: le «jihâd
majeur», et celle de l'extérieur: le «jihâd
mineur», comme nous l'avons indiqué plus haut.
L'Islam a pu,
par le processus de libération de l'intérieur ainsi que par la
réalisation des exigences du jihâd
mineur, exalter chez les âmes pieuses de différentes couches
sociales des communautés jahilites,
toutes les potentialités de «Bien» et de la
«Générosité», et y faire exploser toutes les
énergies créatrices. Il s'en est suivi que le riche s'est mis aux
côtés du pauvre sur la ligne d'affrontement avec l'injustice et la
tyrannie. L'exploiteur de la veille s'est mélangé le lendemain
à l'exploité, dans un même cadre révolutionnaire,
après avoir assimilé les hautes valeurs de jihâd
majeur.
Le
révolutionnaire qui suit la ligne des prophètes n'est pas cet
exploité qui croit que l'homme puise sa valeur dans l'appropriation des
moyens de production et de sa puissance sur la terre, et qui s'efforce par
conséquent d'arracher cette valeur aux mains de ses exploiteurs et de la
faire sienne, sachant que c'est son appartenance à une classe - celle de
exploiteurs ou celle des exploités - qui détermine sa position
dans la lutte sociale. Le révolutionnaire qui suit la ligne des
prophètes, c'est celui qui croit que l'homme puise sa valeur dans ses
efforts soutenus en vue de s'approcher de Dieu, et dans son assimilation de
toutes les valeurs humaines que revêtent ces efforts, et livre un combat
acharné contre l'exploitation qu'il considère comme une
dilapidation de ces valeurs et une déviation de l'humanité de son
acheminement vers Dieu et de la réalisation de ses grands objectifs en
la distrayant par l'enrichissement et la thésaurisation. Ce qui
détermine cette position au révolutionnaire qui suit la ligne des
prophètes, c'est son degré de succès dans le jihâd majeur et non pas sa situation sociale
ni la classe sociale à laquelle il appartient.
La Khilâfah(3) De L'homme
Après
avoir établi le principe de la propriété divine, l'Islam a
attribué à l'homme le rôle de mandataire
accrédité par Dieu(4) pour gérer les
sources de la richesse dans l'univers, conformément à l'esprit
général de ce principe:
«...
donnez en aumône une portion des biens dont Dieu vous accordera
l'héritage». (Coran, 57 : 7).
«Donnez-leur
quelque peu de ces biens que Dieu vous a accordés». (Coran,
24 : 33).
Le processeur de
la Khilâfah (Mandat divin) comporte
deux phases:
La
Première phase: la Khilâfah
(Mandat divin) donnée à la communauté humaine
intègre en tant qu'un tout. Dieu dit à cet égard:
«Ne
confiez pas aux insensés les biens que Dieu vous a donnés pour
vous permettre de subsister». (Coran, 4 : 5).
Ce noble texte
parle des biens des ineptes; il interdit à la Communauté d'en
laisser la charge à leurs propriétaires et lui demande de les
garder pour elle-même, et ce afin d'indiquer que tous les biens de ce
monde sont accordés (par Dieu) pour pourvoir aux besoins de la vie de
l'ensemble de la communauté humaine et pour permettre à celle-ci
de continuer une vie digne et de réaliser les objectifs divins du mandat
de l'homme sur la terre. Or, les ineptes n'étant pas qualifiés
pour réaliser ses objectifs, Dieu a interdit à la
Communauté de leur laisser les mains libres dans leurs biens.
D'un autre
côté, on s'aperçoit que le Coran et la jurisprudence
islamique (fiqh) appellent «fay'»(5) toutes les richesses
naturelles des infidèles qui tombent entre les mains de la
Communauté musulmane, et les considèrent comme une
propriété publique. Le mot «fay'»
signifie le retour à l'origine, ce qui veut dire que ces richesses
appartiennent originellement à la Communauté et que Dieu en a
confié la gérance à celle-ci.
C'est pourquoi,
la Communauté en tant qu'un tout, du fait de ce Khilâfa,
est responsable devant Dieu. Cette responsabilité est définie par
ce noble verset:
«C'est
Dieu qui a créé les cieux et la terre; Il fait descendre l'eau du
ciel, par elle, Il fait germer les fruits qui vous nourrissent; Il vous a
soumis les vaisseaux qui fendent la mer par Son ordre; Il a soumis les fleuves
pour votre utilité; Il a soumis le soleil et la lune, poursuivant leur
course dans leurs ornières. Il fait servir le jour et la nuit à
vos besoins. Il vous a donné tous les biens que vous lui avez
demandés. Comptez les Bienfaits de Dieu si vous le pouvez! Mais l'homme
est injuste et ingrat». (Coran, 14 : 32-34).
Ce noble texte
coranique, après avoir passé en revue les richesses de l'univers,
ses énergies et ses bienfaits confiés par Dieu aux soins de
l'homme, fait allusion à deux sortes de déviation: l'injustice et
l'ingratitude vis-à-vis du bienfait de Dieu. L'injustice signifie la
mauvaise répartition des bienfaits entre les individus ou leur distribution
d'une façon inégale entre eux; il s'agit d'une injustice
pratiquée par une partie de la communauté sur l'autre. Quant
à l'ingratitude vis-à-vis des bienfaits, elle signifie la
négligence de la Communauté d'exploiter les énergies et
les divers bienfaits de l'univers que Dieu lui avait accordés, c'est
dire l'interruption de la créativité, laquelle constitue en
même temps l'arrêt de la marche vers l'Absolu, vers Dieu. Et c'est
l'injustice de la Communauté elle-même. Le texte définit,
en même temps, deux responsabilités à la Communauté
devant Dieu, le Dispensateur de ces biens:
1) Justice dans
la répartition de la richesse: c'est dire que la Communauté doit
veiller à ce que la richesse qui lui est confiée soit
gérée conformément aux principes de son Mandat (Khilâfah) général et à
son droit - en tant qu'un tout - sur ce que Dieu a accordé.
2) Justice dans
la protection et le développement de la richesse: elle doit
déployer toutes ses énergies pour exploiter l'univers,
reconstruire la terre et rendre les bienfaits disponibles.
La
deuxième phase: c'est la Khilâfah
des individus, laquelle prend, sur le plan de la jurisprudence et du droit, la
forme de la propriété privée.
La «Khilâfah» signifie, ici, un Mandat que
la Communauté donne à l'individu. C'est pourquoi, le verset
coranique mentionné plus haut a confié les biens des individus
à la Communauté, ce qui veut dire que toute
propriété privée qui s'oppose à la Khilâfah de la Communauté et à
son droit (en tant que tout) sur la richesse, est abolie. Et étant donné
que la propriété privée est un simple acte de
délégation (istikhlâf)
accordé par la Communauté à l'individu, il est naturel que
l'individu soit responsable devant la Communauté, et qu'il gère
ses biens conformément à ses responsabilités devant Dieu
et aux exigences de sa «Khilâfah»
générale. Il est aussi naturel que le représentant
légal de la Communauté retire à l'individu sa
propriété, si celui-ci la gère mal ou que sa gestion est
de nature à porter atteinte aux intérêts d'autrui et de la
Communauté; c'est ce qu'a fait le Prophète (P), avec Samra ibn Jandab.
En effet, selon
plusieurs récits, ce dernier possédait un dattier au fond de la
maison d'un «Partisan» (Ançâr)(6). Chaque fois qu'il voulait se
rendre auprès de ce dattier, il entrait dans la maison du
«Partisan» sans lui demander la permission. Le
«Partisan», excédé, lui dit un jour:
- «Samra! Tu continues à entrer chez nous à
l'improviste et à nous surprendre. Nous n'aimerons pas être
surpris de la sorte! Quand tu veux entrer chez nous, tu devrais nous en
demander la permission!»
- «Je ne
demande pas la permission d'emprunter une voie qui conduit à mon
dattier», répondit-il.
Le
«Partisan» porta plainte auprès du Prophète, lequel
convoqua Samra, lui fit part de la plainte du
«Partisan» et lui ordonna de demander la permission avant d'entrer.
- «Demander la permission de prendre mon chemin vers mon
dattier!», s'étonna-t-il.
-
«Abandonne ton dattier. On vous en donne un autre ailleurs», lui
dit le Prophète.
-
«Non», dit Samra.
Le
Prophète lui dit alors:
- «Tu es
un homme nuisible. On ne doit pas nuire à un fidèle».
Et il ordonna
à ce qu'on arrache le dattier et qu'on le lui jette devant sa porte.
Rappelons, ici,
que la justice sur laquelle se sont fondées les responsabilités
de la Communauté selon le principe de la Khilâfah
générale, est la face sociale de la justice divine dont se sont
réclamés les prophètes et que le Message divin a
considérée comme deuxième «fondement» de
l'Islam, juste après celui de l'Unicité.
Cette attention
particulière apportée à la justice divine qui se
distingue, en tant que fondement indépendant de la religion, des autres
attributs de Dieu telles: la Science, la Puissance, l'Ouïe, la Vue, etc.,
ne s'explique que par de la révolution sociale et son lien profond avec
l'essence de la révolution que mènent les prophètes sur le
plan de la réalité. Si l'Unicité signifie socialement que
le propriétaire est Dieu l'Unique qui ne doit être associé
à aucune autre fausse divinité, la justice signifie que cet
Unique Propriétaire, étant Juste, ne favorise pas un individu par
rapport à un autre ni n'accorde un droit à une catégorie
sociale au détriment d'une autre, mais accorde la Khilâfah
à la Communauté saine - en tant qu'un tout - pour gérer
les bienfaits et les richesses disponibles.
Les buts
de la khilâfah(7) (Mandat)
En instituant le
principe de la Khilâfah et en
désignant la communauté humaine comme Khalîfah(8) sur terre, l'Islam détermine au Khilâfah ses nobles buts: et ce faisant, il
provoque une grande révolution dans la conception et
l'appréciation des grands objectifs, ce qui conduit à son tour un
grand changement des moyens et méthodes révolutionnaires.
Pour pouvoir
provoquer ce grand changement dans l'appréciation de la vie et la
définition de ses buts, l'Islam était amené à
concevoir la vie de façon appropriée aux buts qu'il veut se fixer
et à créer l'ambiance psychologique qui permet à la
société de la saine Khilâfah
de se diriger vers ses buts et d'entreprendre leur réalisation. Mais
quel changement l'Islam veut-il introduire, au niveau de la réalisation
de ces buts?
Les
sociétés jâhilites ne
regardent la vie que du côté de sa tranche
éphémère qui se termine par la mort, et ne réalisent
leur «soi» et leur jouissance que par l'assouvissement des
instincts et voluptés humains. Pour cela, elles font de l'argent en soi
et de son accumulation ainsi que de la concurrence, le but naturel susceptible
de garantir à l'homme la possibilité de remplir autant que
possible sa vie et de la terminer quantitativement et qualitativement,
c'est-à-dire de réaliser une pérennité relative et
à la mesure des possibilités matérielles qu'offre la vie
terrestre.
Cette conception
de la vie et du rôle déterminant qu'y joue l'argent est la cause
de tous les efforts que déploient les sociétés jâhilites(9) pour la croissance et
l'enrichissement ainsi que de toutes sortes de contradictions et
d'exploitations; étant donné qu'il y a trop de joueurs pour une
table limitée et des cartes peu nombreuses, le plus chanceux y est
forcément celui qui parvient à obtenir le plus grand nombre de
ces cartes, même au détriment des autres!
Pour
débarrasser l'homme de cette conception et lui en extirper les racines
psychologiques, l'Islam a refusé de considérer l'argent, son
accumulation et son accroissement, comme un but en soi. Il lui a
dénié tout pouvoir d'assurer à l'homme la
pérennité et de lui accorder une existence réelle plus
large:
«Malheur
au calomniateur acerbe qui amasse les richesses et les garde pour l'avenir. Il
s'imagine que ses trésors le feront vivre éternellement.
Assurément, il sera précipité dans al-Hotama. Qui te dira ce qui c'est qu'al-Hotama? C'est le feu de Dieu, le feu
allumé, qui dévore jusqu'aux entrailles». (Coran, 104
: 1-5).
«Le
désir d'augmenter vos richesses vous préoccupe. Jusqu'au moment
où vous descendez dans la tombe. Mais sous peu vous saurez! Mais oui,
sous peu vous saurez! Ah! Si vous aviez la science certaine! Vous verrez
l'enfer. Vous le verrez de vos propres yeux». (Coran, 102 : 1-7)
«Annonce
un châtiment douloureux à ceux qui amassent l'or et l'argent, et
ne le dépensent point dans le chemin de Dieu. Le jour où le feu
de la géhenne sera allumé sur leurs têtes, des marques
brûlant seront imprimées avec cet or et cet argent sur leurs
fronts, sur leurs flancs et sur leurs reins; et on leur dira: voici ce que vous
avez amassé». (Coran, 9 ; 34).
L'Islam ne s'est
pas contenté de désapprouver les buts des jâhilites
et leurs valeurs relatives à la vie, mais il a désigné le
but qu'on doit poursuivre. Dieu a dit:
«Béni
soit Celui dans la main de qui est l'Empire, et qui est Tout-Puissant. C'est
Lui qui a créé la mort et la vie pour voir qui de vous agira le
mieux. Il est Puissant et Miséricordieux». (Coran, 67 : 1).
Au lieu
«du plus riche», et «de la richesse la plus
pérenne», Dieu a proposé «la meilleur action»
comme idéal suprême et objectif premier. Dieu a incité la
communauté humaine que les prophètes avaient
éduquée, à orienter sa compétition vers ce but et
sa concurrence vers la bonne action:
«C'est
pour cela que les gens fassent la concurrence». (Coran, 83 : 26)
Pour que ce
nouveau but soit fondé sur une base «réaliste» et
solide, l'Islam a présenté une nouvelle vision de la vie en la
liant à un monde sensoriellement invisible. Au
lieu de l'argent et de la fortune, il a mis l'accent sur la
pérennité de l'action dans ce monde invisible, sur ses effets
dans les profondeurs de l'âme de l'homme travailleur et sur sa
cristallisation à la fin, de la façon dont sont organisées
les actions dans le monde de la vérité. De la sorte, il a
donné à l'homme le sentiment que sa pérennité et
son éternité se réalisent par la bonne action et non pas
par l'accumulation de la fortune ni par la thésaurisation de l'argent.
Il lui a fait changer sa conception concernant l'investissement du travail dans
le chemin de Dieu: au lieu de considérer cet investissement comme une
dissipation de son existence et une aventure dans laquelle il risquerait son
avenir et sa continuité - ou tout au moins comme un don sans
contrepartie - il le conçoit comme une garantie de sa
pérennité, comme un don qui sera compensé et comme un
commerce susceptible de se développer et de l'enrichir spirituellement,
et d'assurer son avenir:
«Tout
ce que vous donnerez en aumône, Il (Dieu) vous le rendra».
(Coran, 34 : 39)
«Celui
qui se présentera avec une bonne action recevra en récompense dis
fois autant». (Coran, 5 : 160)
«Si
vous faites à Dieu un prêt généreux, Il vous paiera
le double». (Coran, 64 : 17)
«Ceux
qui dépensent leurs biens dans le chemin de Dieu sont semblables
à un graine qui produit sept épis, et chaque épi contient
cent grains. Dieu accorde le double à qui Il veut. Dieu est
Présent partout et Il sait». (Coran, 2 : 261)
C'est là,
la face sociale révolutionnaire de «Ma'âd»
(la Résurrection), cinquième fondement de l'Islam. En effet, le Ma'âd joue au niveau de la révolution
sociale des prophètes un rôle essentiel en sa qualité de
fondement réaliste des objectifs et valeurs que l'homme sain, qui suit
le modèle des prophètes, adopte dans la vie.
Sachant que le
Prophète est le porteur de la révolution et son Messager
envoyé par Dieu et que l'Imamat au sens de Tutelle est une transition
à travers laquelle le ciel continue à patronner cette
révolution jusqu'à ce que l'Umma
se hisse au niveau de la maturité révolutionnaire requise, nous
pouvons constater dès lors, très clairement, que les cinq
fondements qui représentent, sur le plan doctrinal, l'essence de l'Islam
et le contenu fondamental du Message céleste, représentent en
même temps - par leurs aspects sociaux et sur le plan de la
révolution sociale conduite par les prophètes - la vision
intégrale des bases de cette révolution, et trace à la
marche de l'humanité les aspect de sa «Khilâfa
sur la Terre».
L'islam est immuable
alors que la vie est
évolutive
Les sceptiques
se demandent souvent comment on peut traiter les problèmes de la vie
économique à la fin du XXe siècle sur la base
de l'Islam, alors que les rapports sociaux et économique ont subi un tas
de complications et de ramifications et alors que l'homme d'aujourd'hui doit
faire face à autant de problèmes qui en résultent?
La
réponse en est simple: l'Islam est capable de conduire et d'organiser la
vie dans ses cadres toujours vivants, car son économie est
représentée par un ensemble de statuts qui régissent la
richesse. Ces statuts comprennent deux catégories d'éléments:
1- Les
éléments constants, relatifs à la vie économique et
qui sont mentionnés explicitement dans le Coran et la Sunna.
2- Les
éléments flexibles et mobiles qui sont puisés -
à la lumière de la nature de la phase de chaque conjoncture -
dans les indications islamiques générales qui entrent dans le
cadre des éléments constants.
Il y a donc les
éléments constants des indications auxquelles on recourt pour
déterminer les éléments flexibles mobiles susceptibles de
s'approprier aux exigences de la nature d'une conjoncture donnée.
L'Économie
islamique - ou en d'autres termes, l'économe de la société
islamique - ne prend sa forme complète que par la fusion des
éléments mobiles et des éléments constants dans une
structure unique dotée d'un esprit unique et animé par des
objectifs communs.
L'opération
de déduction des éléments mobiles à partir des
indications islamiques générales nécessite ce qui suit:
1) Un programme
islamique conscient des tenants et des aboutissants des éléments
constants, et une conscience approfondie de leurs indications et significations
générales.
2) Assimilation
globale de la nature de la conjoncture et de ses conditions économiques,
ainsi qu'une étude exhaustive et minutieuse des objectifs
déterminés par les indications générales et des
moyens nécessaires pour leurs réalisations.
3) Une
connaissance et une assimilation juridiques islamiques des pouvoirs du walï al-amr
(le gouverneur légal), et l'obtention d'une formule dans le cadre des
pouvoirs du gouverneur et dans les limites de la province (wilaya)
dont il assume le contrôle.
De là, on
comprend que la planification de la vie économique dans la
Société islamique est une tâche nécessitant la
coopération des penseurs islamiques conscients qui doivent être en
même temps des faqîh (jurisconsultes)
créateurs et des savants économiques portés au renouveau.
Quant aux lignes
générales des indications qui constituent la base de la forme
intégrale de l'économie des sociétés islamiques,
elles se présentent comme suit (section suivante):
Les indications
Générales
1- L'Orientations de la Législation
Cette indication
signifie que la législation de l'Économie islamique, relative aux
éléments constants, comporte des statuts explicites dans le Coran
et la Sunna s'orientant tous vers un objectif commun à la réalisation
duquel le législateur semble concentrer l'attention. Cet objectif
lui-même est considéré comme une indication constante. Pour
le maintenir ou l'acheminer vers son summum, on aurait besoin
d'éléments mobiles.
Ci-dessous un exemples de cette indication, représenté par
une série de statuts législatifs constituant dans leur ensemble
une orientation législative:
1) L'Islam
autorise la propriété privée de la
nue-propriété (raqabat
al-mal) dans les sources de la richesse naturelle(10).
2) L'Islam a
aboli le «himâ»
(c'est-à-dire le fait d'acquérir un droit dans une source
naturelle, basé sur la possession ou mainmise - sans mise en valeur).
Aucun droit privé ne peut être acquis dans les sources naturelles
sans travail.
3) Si les aspects
du travail effectué dans une source naturelle disparaissent et que
celle-ci retrouve par conséquent son état antérieur, tout
autre individu peut l'exploiter de nouveau et l'utiliser d'une façon
saine.
4) Le travail
effectué pour la mise en valeur d'une source naturelle telle la terre,
ne conduit pas au transfert de la propriété du secteur public au
secteur privé, mais confirme au travailleur (l'exploitant) son droit
à la priorité, dû à son travail.
5) La mise en
valeur indirecte à la façon capitaliste qui consiste à
payer aux travailleurs des salaires et à leur fournir les moyens de
travail - comme c'est le cas dans la société capitaliste - ne
donne pas au créancier de droit sur les résultats de la mise ne
valeur ni ne l'autorise à cueillir les fruits du travail qu'il a
financé.
6) La production
capitaliste dans les industries d'extraction ne confère pas au
capitaliste le droit de s'approprier l'article produit. Par exemple, lorsqu'un
ou plusieurs individus paient des salaires aux travailleurs qui extraient du
pétrole et leur fournissent les moyens et les outils nécessaires
à leur travail, le pétrole extrait dans ce cas n'est pas
considéré comme propriété des créanciers et
des fournisseurs des outils; c'est ce qui explique la raison du refus de fonder
la mise en oeuvre des industries d'extraction,
fondées sur une base capitaliste.
7) La
propriété des moyens de production utilisés dans les
industries de transformation ainsi que dans d'autres opérations de
production ne confère pas aux propriétaires (de ces moyens) un
droit quelconque sur l'article produit. Si des fileurs filent leur laine en
utilisant des instruments mécaniques de filage appartenant à
d'autres individus, ceux-ci n'auront pas des parts dans la laine mais doivent
percevoir des fileurs - qui possèdent la totalité de la valeur produite - les prix du louage de leurs instruments.
8) Si la
restitution d'un capital utilisé dan une opération d'exploitation
était garantie à son propriétaire, celui-ci n'acquiert
aucune part aux bénéfices résultant de l'opération;
car l'intérêt usuraire est prohibé en Islam, et le fait
d'avoir ajourné l'utilisation de son capital ou de s'abstenir de s'en
servir directement ne confère pas au capitaliste de droit à des
gains sans travail propre, ces gains étant réalisés en
fait par les travailleurs et devant leur revenir dans leur totalité,
même s'ils ne possèdent pas les moyens matériels de leur
réalisation. Le seul cas ou l'Islam autorise au capital monétaire
de partage le gain réalisé, c'est lorsque le capitaliste accepte
d'assumer, lui seul et sans y associer le travailleur, tous les risques et
toutes les conséquences négatives de l'opération à
laquelle il partage par son capital.
9) Le locataire
n'a pas le droit d'exploiter, de façon capitaliste, le loyer qu'il paie,
pour réaliser des gains sans travail; c'est-à-dire qu'il n'a pas
le droit de louer une maison, un bateau ou une usine à un prix
donné et de les sous-louer ensuite à un tiers à un prix
supérieur sans y avoir effectué des travaux qui justifieraient
une telle augmentation. En d'autres termes, il est interdit de louer une
utilité quelconque à un prix donné pour la sous-louer
ensuite à un prix supérieur.
10) Il est
interdit de faire signer à quelqu'un une reconnaissance de dette sans
lui avoir prêté effectivement l'équivalent réel de
cette dette; car la perception effective du bien est une condition du contrat
d'emprunt. De cette façon sont abolies toutes les actions de bourse que
les esprits capitalistes européens se sont ingéniés
à inventer pour développer la finance sans aucune
opération de développement purement capitaliste et ce, en signant
des obligations dix fois supérieures aux biens réels qu'ils
possèdent pour pouvoir ainsi décupler le montant qu'ils sont à
même de consentir réellement aux usages, sachant qu'ils ne seront
pas acculés à s'acquitter de toutes leurs obligations en
même temps et que chaque emprunteur préfère traiter par ses
actions que de retirer de l'argent liquide des Caisses du capitaliste ou de la
Banque. C'est de cette façon que le capitaliste parvient à
multiplier sa fortune sans travail en abolissant du contrat d'emprunt, l'acte
de paiement direct.
Ainsi, tous ces
statuts s'orientent vers l'élimination du gain sans travail et le refus
de l'exploitation capitaliste, c'est-à-dire l'accroissement de la
propriété des capitaux par le seul capital. Cette orientation
constitue une indication constante et une base des éléments
mobiles dans l'économie de la société islamique. Le
gouverneur doit suivre cette orientation en promulguant des formules
législatives conformes à ses pouvoirs et ne comportant aucun
risque de contredire l'un des éléments constants de la
législation.
2- L'Objectif explicité d'un Statut constant
Cette indication
signifie que si l'une des références de l'Islam, le Coran ou le
Sunna, promulgue un statut et en explicite l'objectif, celui-ci doit servir de
signe indicateur permettant de combler l'aspect mobile de la forme de
l'Économie islamique par des formules législative qui
garantissent sa réalisation (de cet objectif), à condition que
ces formules soient dans les limites des pouvoirs du gouvernant. Pour
promulguer les formules législatives nécessaires à la
réalisation du dit objectif, le juge légal (le gouvernant) doit
faire un effort de recherche à la lumière des circonstances de la
société et de ses conditions économiques et sociales.
L'exemple en est
le texte coranique suivant:
«Ce
que Dieu a octroyé à Son Prophète comme butin pris sur les
habitants des cités appartient à Dieu et à Son
Prophète, à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, au voyageur,
afin que ce ne soit pas attribué à ceux d'entre vous qui sont
riches. Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce
qu'il vous interdit. Craignez Dieu! Dieu est terrible dans Son châtiment».
(Coran, 59 : 6-7).
Il ressort de ce
texte précieux que l'un des objectifs de la législation islamique
est la répartition équilibrée des biens, lesquels doivent
servir à satisfaire tous les besoins de la société et être
soustraits au monopole d'un nombre limité d'individus.
Cet objectif est
considéré comme une indication constante pour ce qui concerne les
éléments mobiles. C'est sur cette base que le tuteur promulgue
toutes les formules législatives possibles pour maintenir
l'équilibre social dans le domaine de la distribution des biens, et
empêcher la concentration de ceux-ci chez un groupe limité
d'individus. Aussi, l'État islamique combat-il la concentration
capitaliste dans la production et le monopole sous ses différentes
formes.
Un autre exemple
à retenir: tous les textes relatifs à la Zakât
(l'impôt légal) précisent que celle-ci n'est pas faite
seulement pour satisfaire les besoins de première nécessaire du
pauvre, mais de lui permettre de rattraper le niveau de vie moyen de tout le
monde. Ce qui signifie que l'unification ou le rapprochement des niveaux de vie
de tous les citoyens est un objectif que le juge légal doit s'appliquer
à réaliser.
3- Les Valeurs sociales dont l'Islam a souligné l'importance
Cette indication
signifie qu'il y a dans les textes islamiques du Coran et de la Sunna certaines
valeurs mises en exergue telle l'égalité, la fraternité,
la justice, l'égalité, etc. Ces valeurs constituent un fondement
dont doivent s'inspirer des formules législatives vivantes et
évolutives, susceptibles de s'approprier au renouveau et au changement,
et capables de réaliser lesdites valeurs dans les limites des pouvoirs
du juge légal et de son devoir de combler les zones creuses.
Dieu a dit:
«O
vous qui croyez! Tenez-vous fermes comme témoins, devant Dieu, en
pratiquant la justice. Que la haine envers un peuple ne vous incite pas
à commettre des injustices». (Coran, 5 : 8).
«O
vous, les hommes! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une
femelle. Nous vous avons constitués en peuples et en tribus pour que
vous vous connaissiez entre vous». (Coran, 49 : 13).
4- L'Orientation des Éléments mobiles par le Prophète
ou le Tuteur (Waçî)
Cette indication
signifie que le Prophète et les Imams ont deux personnalités ou
fonctions : l'une, en leur qualité de hérauts signifiant les
éléments constants édictés par Dieu, l'autre, rn
leur qualité de gouverneurs et dirigeants de la société
islamique, promulguant les éléments mobiles en s'inspirant des
indications générales de l'Islam et de l'esprit social et humain
de la législation islamique sacrée. Partant de là, le
Prophète et les Imams se sont appliqués à formuler les
éléments mobiles de différentes affaires de la vie
économique et autres, ces éléments - du fait qu'ils
émanent du Messager et de ses Successeurs infaillibles(11) - portent sans doute l'esprit général de
l'économie islamique et expriment ses aspirations relatives à la
réalité de la vie. Pour cela les pratiques du Guide infaillible
dans ce domaine revêtaient un caractère constant. Le juge
légal doit donc les considérer comme une indication islamique -
dans la mesure où il peut les dissocier de leur contexte historique -
selon laquelle il définit les éléments mobiles.
De même
qu'il y a des valeurs islamiques explicites, de même il y a dans nos
références islamiques des notions précises et des
interprétations déterminées des phénomènes
sociaux ou économiques. Ces notions jettent à leur tour de la
lumière sur les éléments mobiles.
L'exemple en est
la conception de la pauvreté selon l'Imam 'Alî.
En effet, selon les récits, il a dit: «Qu'un pauvre ait faim c'est
qu'un riche a trop consommé».
Un autre
exemple, c'est sa conception du rôle du commerçant et du gain
commercial dans la vie économique. Dans sa lettre de recommandations
adressée à Mâlik al-Achtar qu'il venait de nommer gouverneur de l'Egypte,
l'Imam 'Alî traite des questions des
commerçants et des articles et souligne leur rôle important dans
la vie économique: «Ils sont l'origine des profits et la source du
confort, ce sont eux qui l'apportent des pays les plus lointains et les plus
reculés sur la terre et sur la mer, dans les plaines et dans les
montagnes, et là où d'autres hommes ne s'entendraient pas pour
l'installer et n'oseraient pas le rechercher».
Cela signifie
que l'Imam considérait le commerçant comme l'artisan, en le liant
aux efforts qu'il déploie pour transporter la marchandise et la
conserver; ce qui constitue une conception du commerce foncièrement
différente de celle du capitalisme.
Prenons-en
d'autres exemples illustrant cette indication:
1) Selon
plusieurs hadith, le Prophète avait interdit pendant une certaine
période le louage de la terre. D'après un récit il a
déclaré: «Celui qui possède une terre, qu'il la
cultive ou qu'il la fasse cultiver par son frère. Il ne doit la louer ni
contre le tiers ou le quart de sa production, ni contre des denrées
quelconques». Selon une autre version, il a dit: «Celui qui
possède une terre qu'il la cultive ou qu'il la donne à son
frère. S'il refuse, qu'il la tienne». Enfin, selon la version de
Jabir ibn Abdullah, le Prophète a dit: «Celui qui possède
une terre, qu'il la cultive. S'il ne peut pas, qu'il la donne à son
frère et ne la lui loue pas».
Bien que le
contrat de louage ait été admis du point de vue du droit civil du
fiqh islamique le Prophète,
d'après ces récits, avait utilisé ses pouvoirs en tant que
tuteur, pour l'interdire, et ce afin de sauvegarder l'équilibre social
et d'empêcher la naissance d'un grand gain sans travail, à un moment
où la moitié de la société - les Emigrés (Muhajirines)(12) - vivaient dans le manque et le besoin.
2) Selon
certains textes, le prophète avait prohibé la conservation du
surplus d'eau et l'herbes. L'Imam al-Sâdiq a
déclaré que «Le Prophète avait prononcé un
jugement pour les gens de Médine, selon lequel personne n'a le droit
d'interdire aux autres l'excédent de son eau et de ses herbes».
Cette
interdiction, qui revêt un caractère de prohibition, le
Prophète l'avait instituée, en sa qualité de tuteur, parce
que la communauté de Médine avait un besoin impérieux de
développer sa richesse agricole et animale, et de rendre disponibles les
articles nécessaires à la production en interdisant leur
accaparement. C'est pourquoi l'État avait obligé les individus de
donner le surplus de leur eau et de leurs herbes aux autres.
3) Dans sa
recommandation à Mâlik al-Achtar, l'Imam 'Alî a mis
l'accent sur l'interdiction absolue et totale du monopole. En effet,
après avoir parlé des commerçants en soulignant leur
rôle positif dans la vie économique, il a ajouté: «Tu
dois savoir, cependant, que beaucoup d'entre eux sont d'un dureté
inhumaine et d'une avarice sordide, qu'ils accaparent les profits et sont
impitoyables en affaires, ce qui peut nuire au petit peuple, et discréditer
les gouvernants. Tu dois interdire l'accaparement, car le Messager de Dieu (que
le Seigneur le bénisse, ainsi que sa Famille) l'a interdit. Que les
ventes se fassent équitablement, avec des poids justes, et à des
prix qui ne lèsent ni le vendeur ni l'acheteur».
Cette interdiction
nette du monopole faite par l'Imam 'Alî montre
combien l'Islam désapprouve les bénéfices
réalisées grâce à des prix artificiels que les
conditions capitalistes du monopole créent, tout en préconisant
le recours à des bénéfices propres obtenus par la valeur
réelle d'échange de la marchandise (laquelle prend en
considération l'utilité de celle-ci, le degré de sa valeur
selon les facteurs naturels et objectifs - tout en en excluant le rôle de
la rareté artificielle, provoquée par les commerçants capitalistes
monopolisateurs en manipulant l'offre et la demande.
4) Il a
été établi que l'Imam 'Alî
avait imposé la Zakât
(impôt légal) sur des biens autres que ceux mentionnés dans
la formule législative constante. En effet, cette formule avait
imposé la Zakât sur neuf sortes
de biens. L'Imam 'Alî en a ajouté
d'autres tels que: les chevaux par exemple. Ce faisant, il nous fournit un
élément mobile selon lequel la Zakât
ne vise pas dans la conception de l'Islam, un bien particulier à
l'exclusion de tout autre. Il appartient donc au tuteur d'appliquer cette
conception là où il le croit nécessaire.
5- Les Objectifs définis au Gouverneur (wali al-amr)
Cette indication
signifie que la législation a fixé dans ses textes
généraux et dans ses éléments constants, des
objectifs au Tuteur, et l'a chargé de les réaliser ou tout au
moins de s'efforcer de s'en approcher autant que possible. Ces objectifs
constituent la base sur laquelle on doit tracer la politique économique
et formuler les éléments mobiles de l'Économie islamique,
de telle sorte qu'ils concourent à réaliser lesdits objectifs ou
à accélérer au fond, la marche sociale vers leur
réalisation. Un exemple qui illustre de telles démarches, c'est
l'affirmation de l'Imam Mûsâ ibn Ja'far - à lui le salut - selon laquelle le
gouverneur doit pourvoir, de son compte, aux besoins des pauvres,
jusqu'à ce qu'il les satisfasse, au cas où la Zakât
s'avère insuffisante.
L'expression
«de son compte» montre que la responsabilité dans ce domaine
incombe au gouverneur selon toutes ses possibilités, et non pas
spécialement à la caisse de la Zakât
parmi les autres caisses de la trésorerie. Il y a donc un objectif fixe
que le gouverneur doit réaliser ou s'efforcer de réaliser par
tous les moyens en son pouvoir, et cet objectif, c'est d'assurer un minimum de
niveau de vie convenable à tous les membres de la communauté
islamique. Cette indication constitue une partie du fondement fixe sur lequel
se dresse la superstructure des éléments mobiles de
l'Économie islamique et ce au cas où les éléments
constants ne suffisent pas à la réalisation de l'objectif en
question.
***
La forme
intégrale de l'économie de la Société islamique,
c'est celle dans laquelle les éléments mobiles et les
éléments constants concourent à la réalisation de
la justice sociale sur la terre, conformément à la Volonté
de Dieu. Nous mettons dans ces pages que vous lisez, le programme de cette
forme intégrale de l'économie de la Société islamique,
ainsi qu'une partie des éléments et des objectifs fixes qui
constituent à leur tour une base des éléments mobiles et
une indication de leurs orientations générales. A la
lumière de ces données, nous pouvons schématiser les
lignes importantes que contient la forme intégrale de l'économie
de la Société islamique.
- Toutes les
sources de la richesse naturelle appartiennent à Dieu; l'acquisition
d'un droit d'usufruit n'y est accordée que sur la base de l'effort et du
travail. Toute production humaine de la richesse naturelle ne confère le
droit, dans celle-ci, qu'au travailleur qui l'a produite, et que la nature et
les moyens de production ne sont que des instruments au service de l'homme.
- L'État
doit s'efforcer de lier le gain au travail et d'extirper progressivement toutes
les formes de gain qui ne se fondent pas sur ce principe. Autant qu'il diminue
le rôle du capital dans les projets productifs et commerciaux, autant il
doit oeuvrer en vue de la réduction du gain
basé sur le mode purement capitaliste, et autant il se doit
d'encourager, en revanche, le rôle du gain fondé sur la base de
travail.
- L'État
doit assurer, à tous les citoyens, des niveaux de vie unifiés ou
rapprochés, et ce en leur assurant le minimum
nécessaire et raisonnable d'une part, et en interdisant et prohibant la
prodigalité d'autre part. Il est de son devoir aussi de sauvegarder
l'équilibre social en veillant à ce que les richesses ne soient
enfermées dans un circuit limité.
L'État,
selon la forme intégrale de l'économie de la
Société islamique, a le devoir de ramener l'argent à son
rôle naturel d'instrument d'échange, d'abolir son rôle de
moyen de croissance financière due aux intérêts usuraires
ou à l'épargne, de créer un impôt frappant
l'épargne et le gel des biens, d'éliminer, dans la mesure du
possible, les opérations parasitaires qui interviennent entre la
production de l'article et son arrivée au consommateur, et de combattre
le monopole, c'est-à-dire toute opération visant à
provoquer une pénurie artificielle d'un article dans le but d'en faire monter
le prix.
L'État
doit s'orienter vers la transformation du rôle du système
bancaire: au lieu de servir de moyen de développement capitaliste de
l'argent, il doit concourir à l'enrichissement de l'ensemble de l'Umma en rassemblant ses biens dispersés
dans un seul affluent pour faire participer le plus grand nombre de citoyens
aux opérations d'épargne et de collecte dont les fonds ainsi
réunis seront investis dans les projets utiles de production,
établis par l'État sur la base d'association (mudhârabah)
entre l'ouvrier et le propriétaire conformément à la
jurisprudence islamique (fiqh).
L'État
est tenu à donner un travail dans le secteur public à tout
citoyen, prendre en charge tous les invalides ou ceux qui ne trouvent pas de
travail, à percevoir le Zakât
pour fonder une Caisse de sécurité sociale, et à consacrer
le cinquième des revenus pétroliers ou d'autres richesses
naturelles à la sécurité sociale et la construction de
maisons d'habitation aux citoyens, selon un ordre qu'il établit
lui-même.
L'État
est également tenu à dépenser les rentes du secteur public
sur l'enseignement gratuits dans toutes ses étapes, et sur les services
gratuits de la santé sous toutes leurs formes, de telle sorte que tout
citoyen puisse bénéficier de la gratuité de l'enseignement
et de la santé, et ce conformément à un système
qu'il établit lui-même.
Telle est donc
la forme intégrale de l'économie de la Société
islamique. Dans le prochain épisode, nous en parlerons d'une
façon plus détaillée. Que Dieu couronne notre tâche
de succès. «O Croyants! Répondez à l'Appel de Dieu
et du Prophète quand il vous appelle à ce qui vous fait vivre, et
sachez que Dieu se glisse entre l'homme et son coeur,
et que vous serez un jour rassemblés devant Lui».
«Souvenez-vous!
Lorsque sur la terre vous étiez peu nombreux et faibles, craignant que
les hommes ne s'emparent de vous, Dieu vous a procuré un refuge; Il vous
a assistés de Son secours; Il vous a accordé d'excellentes
nourritures, peut-être servez-vous reconnaissants». (Coran, 8
: 26)
LIVRE II
LIGNES DÉTAILLÉES
DE L'ÉCONOMIE
DE LA SOCIÉTÉ
ISLAMIQUE
Dans le livre
précédent, il a été dit que, selon le principe du
«mandat général» (al-Khilâfah
al-'âmmah)(13) prôné par l'Islam, Dieu est le
véritable et unique Propriétaire de l'Univers et de toutes les
richesses que celui-ci contient et qu'Il (Dieu) en a
délégué la propriété à l'homme,
lequel a mérité cet honneur, puisqu'un tel mandat suppose que Son
détenteur possède le sens de la responsabilité et inspire
confiance et que l'homme est justement l'être terrestre qui se distingue
par le sens de la responsabilité dont il est doté. Il est donc
naturel que l'homme doive - du fait de son mandat - se comporter envers ce qui
lui est confié d'une façon conforme aux prescriptions de Dieu qui
l'a délégué auprès de l'univers et lui a
confié toutes les richesses que celui-ci renferme.
En Islam, les
statuts de la richesse représentent un aspect des prescriptions de Dieu.
Et c'est par l'observation et l'application de ces prescriptions que
l'homme-délégué peut s'acquitter des obligations du mandat
dont il doit respecter les termes.
Mais ces statuts
se présentent islamiquement sous deux formes :
la forme islamique intégrale, la forme islamique limitée.
La forme
intégrale, c'est la forme législative qui s'applique dans le cas
d'une société intégralement islamique, fondée sur
une base islamique et ayant un système économique et un
régime politique qui s'inspirent totalement de la Loi
révélée. Quant à la forme limitée, c'est la
forme législative qui s'applique islamiquement
dans le cas d'un individu pratiquant, personnellement soucieux de baser sa
conduite et ses rapports avec les autres sur les fondements de l'Islam, mais
vivant dans une société qui n'adopte pas celui-ci comme système
de vie et qui applique des régimes sociaux et des idéologies non
islamiques.
La
différence entre les deux cas est grande, elle l'est
conséquemment, entre les deux formes.
Les raisons de
cette différence peuvent se résumer comme suit:
1- Un certain nombre de
statuts immuables de la Loi islamique révélée ne peuvent
pas être appliqués à l'individu en tant que tel et sont
destinés à la société. De tels statuts n'ont pas de
place dans la forme limitée qui réglemente la conduite
économique de l'individu pratiquant alors qu'ils occupent une place
essentielle dans la forme intégrale de l'économie de la
société islamique. L'exemple en est l'obligation d'établir
l'équilibre social dans la société islamique, de la
façon que nous expliquerons plus loin. Cette obligation constitue un
devoir pour la société et pour ceux qui en assurent la direction
générale, mais n'a pas de signification pratique dans
l'application religieuse purement individuelle.
2- Les indications
islamiques générales qui constituent une base pour les
éléments variables de l'Économie islamique, ainsi que les
autres éléments variables qui en découlent, entrent dans
la composition de la forme intégrale de l'économie de la
Société islamique, alors qu'elles ne jouent très souvent
aucun rôle dans la forme limitée - c'est-à-dire dans la
conduite de l'individu pratiquant - car elles sont souvent liées
à des formes législatives promulguées par le
«tuteur» (walî al-amr) ou le gouverneur légal,
conformément à ses pouvoirs légaux et en application de
ses responsabilités de diriger la société à la
lumière de ces indications.
Lorsqu'il ne
s'agit plus de diriger une société, mais d'orienter un individu,
la plupart de ces éléments variables ainsi que leurs formes
législatives disparaissent. Exemple: les législations que le
gouverneur légal doit formuler - conformément à ses
pouvoir - pour lutter contre le monopole dans tous les domaines de la vie
économique afin d'empêcher la pratique de la hausse de prix
artificielle, provoquée par l'action de ce monopole sur les
quantités de l'offre et de la demande, sont habituellement
inhérentes au rôle dirigeant du gouverneur légal et
deviennent sans effet dès lors qu'il s'agit du cas d'un individu
pratiquant qui vit dans le cadre d'une société n'observant pas
socialement les règles de l'Islam.
3- Le cas de l'individu
pratiquant et vivant dans une société qui n'adopte pas l'Islam
comme mode de vie, est un cas complexe et comporte une contradiction entre les
obligations religieuses et les nécessités qui s'y opposent et auxquelles
on ne peut pas suppléer dans ladite société. Très
souvent des circonstances exceptionnelles apparaissent nécessitant des
statuts exceptionnels différents de ceux qui s'appliquent normalement
dans la forme intégrale de l'économie de la société
islamique. Exemple: attitude de l'individu pratiquant vis-à-vis des
banques gouvernementales dans une société dont le régime
pratique l'usure et l'attitude de la Société islamique
vis-à-vis des banques elles-mêmes. Dans le premier cas, le faqîh(14) pourrait autoriser
l'individu pratiquant à percevoir les intérêts de l'argent
qu'il a déposé dans les banques en les considérant comme
propriété anonyme, et à les dépenser pour lui-même
ou pour les pauvres; alors que dans le second cas, la société
islamique refuse absolument la pratique de l'usure et n'autorise les
bénéfices de la banque qu'en les liant au travail et à
leur participation aux efforts productifs de la vie économique.
Ainsi, par ce
qui précède, on peut constater combien les deux formes sont
fondamentalement différentes. Cependant, dans la plupart des
«Guide pratique du Musulman» (al-rasâ'ïl
al-'amaliyah)(15), c'est habituellement la forme limitée qui est
présentée puisqu'il s'agit, dans ces guides, d'orienter
l'individu pratiquant désireux d'avoir une conduite conforme aux lois
islamiques bien qu'il vive dans une société qui n'adopte pas
l'Islam comme mode de vie.
C'est pourquoi,
la forme qui ressort de ces guides ne suffit pas à traduire la vision
intégrale de l'importance de l'Économie Islamique et de ses
fruits qui devraient assurer le bonheur et le bien-être de
l'humanité. Mais elle demeure, toutefois, indispensable car elle a pour
but de permettre à l'individu pratiquant de :
1) obéir
à son Seigneur et de s'acquitter de ses devoirs islamiques dans sa
conduite personnelle;
2)
préserver ce qu'il peut des règles islamiques, de les adopter
dans la réalité de sa vie pour exprimer ainsi, d'une façon
concrète, sa foi dans le Message divin, sa persévérance
à considérer celui-ci comme le seul mode de vie adéquat et
son refus tacite de tout autre système de vie;
3) de
réaliser une part de la justice sociale, proportionnelle aux
possibilités d'application qui lui sont offertes. La meilleurs
illustration en est sans doute le rôle humano-divin joué, dans le
domaine de la solidarité sociale et du secours des pauvres et des
miséreux, par deux obligations islamiques: le Zakât
et le Khoms(16). De nobles pratiquants
tiennent en effet à s'acquitter de ces deux obligations
financières bien qu'ils paient leurs impôts officiels; ils le font
par acquit de conscience et par sentiment de responsabilité islamique
envers tous les indigents et les opprimés de la terre, offrant ainsi un
exemple concret de la solidarité sociale qui doit prévaloir entre
les membres de la Communauté islamique.
Ceci dit, la
présentation de la forme limitée ne dispense pas de
présenter la forme intégrale qui s'applique islamiquement
dans le cas d'une société désireuse de baser sa vie sur
des fondements islamiques.
Quels sont les
éléments de
la forme intégrale ?
L'approche de
cette question nous amène obligatoirement à débuter par
l'analyse des rapports qu'établit l'homme dans l'exercice de sa vie
économique et qui sont de deux types :
- D'une part,
les rapports qu'il établit avec la nature en travaillant et en essayant
de la maîtriser et d'en exploiter les richesses: ce type de rapports est
habituellement incarné par l'opération de production sous les
différentes formes qu'elle a prises au cours de l'histoire.
Ainsi, la simple
pierre, la houe à main, le moulin à vent, l'instrument à
vapeur et les moteurs électriques sont des formes de production
traduisant les rapports variés qui peuvent s'établir entre la
nature et l'homme qui, tout au long de l'histoire, a essayé de
l'exploiter.
- D'autre part,
ses rapports avec ses semblables qui partagent son droit à
bénéficier de la nature et de ses richesses: ce type de rapports
est habituellement représenté par l'opération de distribution
sous ses différentes formes. L'esclavagisme, le féodalisme, le
capitalisme, le socialisme et l'Économique islamique sont tous des
formes de distribution et traduisent une diversité de rapports qui
s'établissent entre les membres de la société afin de
déterminer la façon positive ou négative dont ils
partagent les richesses de la nature.
Le marxisme a
lié à tort les formes de distribution aux formes de production en
considérant celle-là comme une superstructure émanant
inévitablement de celle-ci. Pour lui, tout rapport de production aboutit
nécessairement à un rapport déterminé de
distribution, lequel est approprié à la forme de production en
cours et concourt à son développement, et lorsque les rapports de
distribution, sous leur forme sociale, deviennent à un moment
donné un obstacle face à la croissance de la production et que de
nouveaux rapports de production et de nouvelles forces productives dont le
développement nécessite une redistribution nouvelle apparaissent,
les lois du matérialisme historique tendent à modifier
l'équilibre social et à remplacer et à changer lesdits
rapports de distribution par d'autres, qui sont à même de
répondre aux nouveaux besoins de la production et de ses rapports.
C'est dire que
c'est l'intérêt de la production, et non celui de l'homme, qui
détermine et justifie les rapports de distribution et que toute forme de
rapport de distribution est considérée comme juste et acceptable
tant qu'elle va dans l'intérêt de la production. Le
matérialisme historique a même considéré
l'esclavagisme comme un système de distribution progressiste pendant
l'étape où il servait l'opération de production.
Tout au
contraire, l'Islam ne fait pas de l'intérêt de la production la
base des rapports de distribution, mais établit ceux-ci sur des valeurs
immuables, les valeurs humano-divines incarnées par «la Mandat de
l'homme sur la terre» (khilâfah)(17) et visant à assurer le
bon droit (al-haq), la justice,
l'égalité et à défendre la dignité humaine.
C'est pourquoi, l'Islam condamne les rapports de distribution basés sur
l'exploitation et l'injustice, et ceci quels que soient le niveau et la forme
de la production ; mieux encore, il ne se contente pas de condamner
théoriquement ces rapports mais il les a effectivement abolis, dans des
circonstances où les rapports de production étaient, selon la
logique marxiste, à cent lieues de nécessiter la condamnation et
l'extirpation d'un tel genre d'exploitation. De ce fait l'Islam lui-même,
ainsi que son application, constituent un défi évident aux
conceptions du matérialisme historique et aux valeurs du marxisme
relatives à l'histoire et à l'économie.
Dans l'optique
de l'Islam, l'évolution de l'expérience de l'homme avec la nature
ainsi que ses progrès scientifiques doivent affecter continuellement les
rapports de production. Etant donné que l'expérience scientifique
de l'homme est en constant développement, il est tout naturel que son
expérience et sa maîtrise de la nature s'accroissent
progressivement et que ses outils et ses moyens de production
s'améliorent sans cesse.
Quant aux
rapports de distribution, il sont fondés, selon
la conception islamique, comme nous l'avons signalé plus haut, sur des
droits humains immuables et sur la logique du «Mandat de l'homme sur la
terre» (Khilâfah). Pour cela, la
forme de distribution ne change pas forcément et ne se renouvelle pas
obligatoirement suivant la modification des rapports de l'homme avec la nature.
Ainsi, lorsque l'Islam lie la propriété au travail et fait du
travail et du besoin les deux bases de la propriété, en
matière d'économie, il n'obéit ni à une
nécessité circonstancielle ni à un souci d'enlever les
obstacles dressés devant les forces productives, comme c'est le cas du
marxisme qui voit dans la nationalisation la satisfaction de l'un des besoins
des forces de production. Pour l'Islam, baser la propriété sur le
besoin et le travail, c'est adopter un principe immuable dans les rapports de
la distribution, valable aussi bien pendant l'ère de la production
manuelle, que pendant celle du moulin à vent que pour celle du moulin
à vapeur.
L'instrument -
quel qu'il soit: une pierre, une charrue ou un outil complexe - dont se sert
l'homme, n'apprend pas à celui-ci le sens de la justice ; au contraire,
il pourrait l'amener à dévier de la voie de la justice sociale et
à se détourner des lois du «Mandat de l'homme sur la
terre» (Khilâfah).
Là
réside la faille qui assujettit la législation, dans le domaine
des rapports de la distribution à l'évolution des opérations
de production et des rapports de l'homme avec la nature; car le
développement de l'outil de production par certaines
membres de la société ouvre les portes à l'exploitation.
Il faut donc pallier à cela en protégeant la
société par des législations supplémentaires, pour
que l'évolution des forces de production n'affecte pas le bon
fonctionnement et la justice de la distribution. Pour ce faire, les
éléments de l'économie de la Société
islamique se divisent en trois catégories:
- La
première catégorie comprend les éléments immuables,
ceux qui régissent les rapports de distribution conformément aux
principes de la justice sociale et du «Mandat de l'homme sur la
terre» (Khilâfah). Ces
éléments sont exprimés, dans l'Islam, sous forme des lois
mentionnées textuellement dans le Coran et dans la Sunna ou
déduits de ces lois. L'exemple qui illustre cette catégorie
d'éléments, c'est le fait de baser la propriété sur
deux fondements seulement, le travail et le besoin, comme nous l'avons
noté plus haut.
- La deuxième
catégorie comprend des éléments variables concernant le
domaine de distribution et l'organisation de ses rapports. Ces
éléments sont nécessités par une éventuelle
modification et complication des domaines de la production, et qui pourrait
engendrer de nouvelles occasions d'exploitation. L'exemple de ces
éléments, c'est la fixation, par le juge légal, d'un
maximum à ne pas dépasser dans l'exploitation de la terre ou
d'autres sources de la richesse naturelle, au cas où l'autorisation
d'une exploitation illimitée pourrait, avec le développement
matériel et mécanique de l'opération de production,
conduire à l'apparition de formes de monopole et d'exploitation
inadmissibles en Islam.
Font partie de
cette catégorie, les éléments islamiques variables dont
nous avons précisé, dans le livre précédant, les
indications immuables dans la législation islamique.
- La
troisième catégorie comprend des éléments variables
relatifs à l'opération de production, à son
amélioration et au développement de ses moyens et de son
rendement. Ces éléments sont naturellement évolutifs, car
il est absurde de supposer l'immuabilité des rapports de l'homme avec la
nature, étant donné que ces rapports sont les produits de
l'expérience humaine et que celle-ci évolue continuellement. La
base de ces éléments est la recherche scientifique, les sciences
positives et naturelles, y compris la science économique dans la mesure
où elle a trait à la nature et aux lois naturelles de la
production, telle la loi du rendement régressif, par exemple.
Ainsi, l'Islam a
promulgué la première catégorie d'éléments
sous formes de statuts immuables et a posé des indications
générales permettant de définir la deuxième
catégorie d'éléments. De cette façon, il a pu fixer
les jalons de sa vision générale de la justice sociale et d'un
mode de distribution sain dans la Société islamique.
Quant aux
éléments de la troisième catégorie, que nous
pouvons appeler des «éléments variables temporels»
pour les distinguer des «éléments variables»
précédents, leur définition est laissée aux
études scientifiques et aux dernières découvertes
auxquelles aboutira l'expérience humaine. Dans ce domaine,
l'État, dans la Société islamique, doit tracer une
politique économique de production, basée sur les
éléments variables et inspirée desdites études,
à condition que le buts de cette politique
soient conformes à l'application et aux orientations islamique de la
production. Ainsi, l'État doit-il, en traçant une politique de
production, aplanir les obstacles naturels, en profitant des expériences
et des réalisations de la science, et élaborer un plan
d'orientation basé sur les méthodes statistiques. Il faut, en
outre, que l'État élimine les obstacles politiques qui
empêchent la société d'exploiter ses richesses et qu'il
mette fin à tous phénomènes susceptibles de porter
atteinte à la dignité de l'individu et à sa
souveraineté sur ses richesses. Il doit, par exemple, élaborer
des législations capables de libérer la Société
islamique de toutes les formes de dépendance économique et lui
permettre de reprendre le contrôle total de son économie.
Dans les pages
suivantes, en exposant quelques lignes détaillées sur la forme
intégrale de l'économie de la société islamique,
nous visons principalement à mettre en exergue la première et la
deuxième catégorie des éléments de
l'économie de cette société, c'est-à-dire «les
éléments invariables» et «les
éléments islamiques variables à indications
générales invariable».
EXPRESSIONS
GÉNÉRALES
La
propriété publique:
Ce sont les
biens de l'État islamique ou l'État en sa qualité de
représentant divin auprès de la communauté islamique (Umma).
La
propriété de l'État:
C'est la
propriété du Prophète ou de l'Imam ( en
leur qualité de Mandataire désigné par Dieu). En l'absence
de l'un et de l'autre c'est le gouvernement légal qui les
représente et qui jouit légalement de leurs pouvoirs dirigeants.
La
propriété de la Umma:
Ce sont les
biens de la Communauté islamique (Umma)
en sa qualité de communauté islamique et tout au long de son
existence historique.
La nue-propriété (raqabat
al-mâl)(18) :
Si le bien est
une source de richesse naturelle, telle qu'une source d'eau, un fleuve ou un
puits de pétrole, on appelle la source elle-même et l'ensemble de
ce qu'elle contient (la source, la fleuve, le puits): raqabat al-mâl,
pour la distinguer des quantités limitées de richesse qu'on en
retire, c'est-à-dire l'usufruit.
Les
biens communs:
Ce sont les
richesses naturelles dont la propriété n'est attribué
à personne ni à aucune partie et dont le droit d'usufruit est
accordé à tous les membres de la société sans
distinction, la raqabah (la source
naturelle) conservant sa qualité de bien commun.
La
propriété privée:
C'est le bien
appartenant à un individu ou à une entreprise privée et
dont le propriétaire n'est tenu de payer - en
contrepartie de l'utilisation de ce bien - aucune indemnité, ni à
la Umma ni à l'État.
Le droit
de propriété :
C'est le droit
qu'un individu acquiert dans le secteur de la propriété publique
et en vertu duquel il a la priorité sur les
autres de bénéficier de ce bien, la raqabah
demeurant dans le cadre de la propriété publique.
Le droit
public de l'Umma:
C'est le
même droit de priorité que celui défini dans l'expression
précédente, mais acquis par la Communauté islamique (Umma) conçue dans son ensemble et tout au
long de son étendue historique. Ainsi, la Communauté islamique (Umma) acquiert ce droit dans le secteur de la
propriété de l'État par exemple, celui-ci demeurera le
propriétaire de la raqabah, alors que
la Communauté islamique (Umma) aura
le droit à la priorité.
Al-hemâ (la protection):
C'est
l'acquisition d'une propriété ou d'un droit sur une source
naturelle par la mainmise ou la possession.
La mise
en valeur:
C'est le travail
qui rend un site naturel effectivement exploitable. Ainsi, labourer la terre,
effriter son sol et l'irriguer, mettent la terre en valeur. De même,
découvrir un métal, accéder à ses mines et à
ses veines et le rendre extractible constituent une mise en valeur du
métal. Enfin, creuser la terre en vue de parvenir à une source
d'eau est une mise en valeur de la source et ainsi de suite.
Le
secteur public:
C'est tout bien
qui fait partie de la propriété publique, ainsi que la raqabah dans les biens communs.
Le
secteur privé:
C'est tout bien
qui fait partie de la propriété privée.
La
production capitaliste:
Au sens
dogmatique, c'est le fait que la possession d'un bien déjà
constitué donne à son propriétaire le droit à un
gain obtenu sans travail. Nous l'appellerions également le
«système capitaliste». Le bien déjà
constitué peut être: argent liquide, terre ou moyen de production.
La
production primaire:
C'est la
production d'une matière naturelle dans laquelle aucun travail humain
antérieur n'est accompli, telles que les industries extractives, la
production agricole au cas où les graines n'étaient pas
antérieurement la propriété d'un autre producteur, ainsi
d'autres opérations similaire de production.
La
production secondaire:
C'est la
production dans laquelle le producteur transforme une matière
déjà développée par l'homme et faisant partie,
antérieurement, de la propriété d'un autre producteur,
comme c'est le cas des industries de transformation telles que l'industrie
textile ou la production de différentes sortes de machines.
LES ASPECTS
GÉNÉRAUX
de la forme intégrale de
l'économie
de la Société
islamique
Nous allons
maintenant traiter des aspects généraux de la forme
intégrale de l'économie de la société islamique en
classifiant comme suit les statuts de la richesse en Islam.
-
Première partie: la distribution primaire des sources de la richesse
naturelle.
-
Deuxième partie: la production et le mode de répartition de ses
produits.
1- La production
et son importance dans l'Économie islamique
2- La production
primaire et le mode de répartition de ses produits.
3- La production
secondaire et le mode de répartition de ses produits.
-
Troisième partie: la gestion des biens.
1-
L'échange des biens et le bénéfice commercial basé
sur les opérations de l'échange.
2- La
consommation du fonds et sa dépense pour satisfaire les besoins.
-
Quatrième partie: les responsabilités générales de
l'État.
PREMIÈRE PARTIE
LA DISTRIBUTION PRIMAIRE DES
SOURCES DE LA RICHESSE NATURELLE
Lorsque l'homme qui
vit au sein d'une société voit les différentes richesses
de la nature, il pense à s'emparer de tout ce qu'il peut pour le garder
pour lui-même et en tirer le profit. Ainsi, il a envie de posséder
la terre et les puits de pétrole, de couper le bois dans la forêt,
de puiser l'eau dans le puits ou le fleuve, de transporter des pierres du
désert ou de la montagne, de pêcher les poissons dans l'eau, de
chasser les oiseaux dans l'air et ainsi de suite.
Tant qu'il vit
dans une société, l'homme a des motifs qui justifient toutes ces
formes de possession. Mais si l'on suppose que l'homme se trouve seul dans la
nature, sans qu'il y ait un autre homme qui le concurrence, la situation
changerait sûrement et la possession perdrait, dans un bon nombre des cas
cités, ses motifs, en demeurant toutefois, dans d'autre cas,
l'expression d'un acte naturel et raisonnable. Ainsi, dans les premiers cas,
l'homme n'aurait aucun motif susceptible de l'amener à penser à
la possession et au contrôle d'un fleuve naturel, étant
donné que tout ce qu'il pourrait en espérer c'est de l'avoir
à sa disposition pour s'en servir quand il en aurait besoin. Or, le
fleuve est là effectivement, et il peut s'en servir à sa guise
tant qu'il ne se sent pas menacé par un concurrent.
Mais dans tous les
cas, il doit penser à transporter le bois de la forêt et l'eau du
fleuve à sa maison ou à sa ferme, et donc à les
posséder. Car il est évident que dans ce cas, la possession est
une condition sine qua non de l'utilisation de l'eau et du bois et de
leur usage à des fins personnelles.
On voit donc que
la possession est, dans les premiers cas, une opération de monopole
découlant de la concurrence et non un acte économique objectif,
tandis que dans les derniers cas, c'est un acte économique qui n'est pas
de nature monopolistique, même s'il peut aboutir au monopole.
Si nous
examinons les cas où la possession constitue, par sa nature, un
monopole, nous constatons qu'il s'agit du cas du contrôle des sources
naturelles de la richesse, telles que la terre, les métaux et les
sources d'eau. Quant aux cas où la possession constitue un profit de
nature économique et non monopolistique, ce sont les cas de la
possession de quantités limitées de richesse qu'on peut tirer de
ces sources et des différents domaines de la nature.
Ainsi, chasser
les oiseaux, pêcher les poissons, découper le bois dans la
forêt, puiser l'eau dans le fleuve, extraire les perles de la mer et le
pétrole des puits, conduisent à la possession et constituent des
actes économiques.
Pour cette
raison, la richesse naturelle se divise en deux catégories principales:
1- La
première catégorie: les sources de la richesse naturelle comprenant la terre, les
métaux, les fleuves, les cours et les sources d'eau.
2- La
deuxième catégorie: les autres richesses naturelles
dispersées dans les quatre coins du monde telles que les
différentes sortes d'animaux, les plantes, les bois, les pierres ainsi
que toute autre variété de richesses dont l'homme peut se servir
en les possédant et dont la possession constitue un acte
économique. Appelons cette partie de richesses «biens
mobiliers» pour les distinguer des autres sources de la richesse
qui sont des «biens immobiliers».
1- Les Sources de la Richesse naturelle
Les principales
sources de la richesse naturelle sont:
1) La terre, ses
forêts et ses surfaces naturellement cultivables ou dont la bonification
nécessite une intervention humaine.
2) Les
métaux et les minéraux: il s'agit de toute richesse naturelle se
trouvant à l'intérieur de la terre ou au fond de la mer, telle
que les puits de pétrole, les mines d'or, d'argent, de fer, etc.
3) Les source
d'eau: fleuves, mers, lacs et sources d'eaux.
La
première et la seconde catégorie de source de la richesse
naturelle entrent dans le cadre du secteur public, lequel est propriété
de l'État, tandis que la troisième catégorie fait partie
des biens communs.
Pour ces trois
catégories de sources, l'Islam n'autorise pas l'acquisition d'une
propriété privée dans la raqabah
- la source elle-même - laquelle demeure propriété de l'État,
ou entre dans le cadre des biens communs.
L'Islam interdit
également aux individus l'acquisition par le «hemâ».
Le Prophète a dit à ce propos: «Le droit du hemâ ne revient qu'à Dieu et
à Son Prophète».
Ceci est
dû au fait que hemâ est
une possession à caractère de monopole. Egalement, la possession
d'une source naturelle ne donne pas au possesseur le droit d'en être le
propriétaire, ni d'y acquérir sur elle un droit privé, car
cette possession constitue un monopole et non pas un acte économique. Par
contre, l'Islam a autorisé les particuliers à acquérir un
droit privé, basé uniquement sur la mise en valeur, laquelle est
un acte économique, et non un monopole, qui crée une occasion ou
une possibilité d'exploiter et d'utiliser la source naturelle.
Ainsi, celui qui
met en valeur une terre, en la labourant, en la débarrassant des roches
et en l'irriguant, la rend exploitable. De même, celui qui met en valeur
un métal, en creusant la mine de façon à pouvoir en
extraire des quantités de ce métal, crée une certaine
occasion d'exploitation: utiliser le métal et pouvoir en tirer profit.
De telles
occasions d'exploitation, créées par l'effort humain lors de
l'opération de la mise en valeur, deviennent la propriété
de l'exploitant, lequel acquiert ainsi le droit d'utiliser la source naturelle
et le droit de priorité (sur les autres) de bénéficier de
l'occasion d'exploitation qu'il a créée par son propre travail.
Mais cela ne signifie pas que raqabah
deviennent sa propriété ou qu'il ait sur elle un droit
privé. D'autres peuvent utiliser la même source en créant,
par une autre opération de mise en valeur, une autre occasion
d'exploitation.
Lorsque les
aspects de la mise en valeur disparaissent, l'exploitation perd le droit de
priorité et tout autre individu pourra, dès lors, remettre la
source naturelle en valeur et remplacer le précédent exploitant.
En règle
générale celui qui entreprendre la mise en valeur d'une source
naturelle, n'a le droit ni de geler son exploitation, ni de faire preuve de
laxisme en l'exploitant, ni de négliger de l'utiliser convenablement
dans l'opération de production.
Quant à
la fixation d'une clôture, c'est-à-dire le fait d'enclore un
terrain au moyen de repères de pierres ou d'un mur, elle ne donne,
à l'auteur de cette action, d'autre droit que celui d'avoir
commencé une opération de mise en valeur.
Egalement la
mise en valeur d'une source naturelle donne à l'exploitant le droit de
priorité dans les limites de cette source seulement et ce droit ne
s'étend pas à d'autres sources tant qu'il n'aura pas
effectivement mis celles-ci en valeur. En d'autres termes, si un individu
acquiert un droit de priorité sur une terre qu'il a mise en valeur en
vue d'une exploitation agricole, il n'a pas le même droit sur les
métaux et les autres richesses que cette terre renferme car
l'opération de la mise en valeur agricole de la terre concerne
uniquement l'exploitation agricole de cette terre et n'a pas de rapport avec
les métaux et les mines qu'elle renfermerait et dont la mise en valeur
nécessite un nouvel effort.
L'autorisation
générale de mise en valeur et de droit de priorité,
accordée aux particuliers, n'est qu'une des formes possibles auxquelles
peut recourir l'État pour exploiter le secteur public et le mettre au
service de l'économie. L'État peut recourir à d'autres
formes d'exploitation du secteur, s'il les estime plus profitables à
l'ensemble de la vie économique de la Société islamique.
Il est important
de noter que la mise en valeur, qui donne droit de priorité, est
basée sur un travail effectué directement. Autrement dit, la mise
en valeur réalisée selon le mode capitaliste, qui consiste
à employer des salariés en leur fournissant les outils
nécessaires à cette opération, ne permet pas
d'acquérir ce droit. Le capital qui couvre les salaires et les frais
d'utilisation des outils et qui est dépensé lors de la mise en
valeur ne donne pas de droit sur la terre. Ce droit est basé uniquement
sur le travail direct.
Lorsqu'un
travailleur utilise les outils d'un autre pendant l'opération de mise en
valeur, il doit payer à ce dernier une indemnité dont la valeur
est équivalente à celle de la dévaluation que subissent
les outils du fait de l'usage. L'État a le droit d'acheter le droit de
priorité de l'exploitant, et d'obliger celui-ci à le vendre, s'il
estime que la conservation de ce droit porte attente à la justice de la
distribution des sources naturelles entre les individus ou à
l'équilibre social. Pour acheter ce droit de priorité, il doit
payer à l'exploitant l'équivalent de la valeur du travail effectué
dans la source naturelle et dont celui-ci est l'ayant droit, soit pour l'avoir
mise en valeur lui-même, soit parce qu'elle lui a été
transmise de l'exploitant originel par héritage ou indemnisation. Cette
valeur doit être estimée selon le critère de la production
directe et non pas capitaliste.
Le
transfert à la communauté islamique (Umma) du droit de priorité:
Si un individu
acquiert, avant sa conversion à l'Islam, un droit de priorité
basé sur la mise en valeur d'une source naturelle et que celle-ci,
à la suite d'une conquête, tombe aux mains de l'Islam du vivant de
l'ayant droit, le droit de priorité de l'exploitant sera
transféré à l'Umma pour
l'étendue de son existence historique.
Ainsi le droit
de priorité devient, à la suite de la conquête ou du Jihâd, un droit public de l'Umma et la terre ainsi conquise s'appelle terre kharâjiyyah(19), sur laquelle aucun
droit privé ne pourra être attribué.
Mais si cette
terre venait à être détruite et à perdre les aspects
de sa mise en valeur, par suite d'une négligence de l'État ou en
raison de l'absence du gouverneur légal, un particulier ne pourrait pas,
sur la base de la mise en valeur, en acquérir le droit de
priorité. C'est l'État lui-même qui doit, au nom de la
Communauté islamique (Umma), la
remettre en valeur.
En revanche,
dans le cas d'une terre mise en valeur par des infidèles se
convertissant volontairement à l'Islam et faisant de leur terre, en
répondant positivement à l'Appel de l'Islam, un territoire
islamique, le droit de priorité acquis par la mise en valeur demeure
valable et ne se perd pas à la suite de leur conversion à l'Islam
et de la soumission de leur terre au contrôle de l'État islamique.
Les
sources naturellement exploitables:
Etant
donné que la mise en valeur est la base unique de l'acquisition par les
particuliers de droits privés, cela signifie qu'il n'y a pas lieu
d'accorder un droit quelconque sur les source naturellement exploitables et
effectivement utilisables telles que les forêts naturellement
exploitables, les métaux se trouvant à la surface de terre et les
terre cultivables en raison de la fertilité de leur sol et de leur
proximité de sources d'eau. Aucun droit privé n'est
accordé dans ces sites naturels et il est interdit d'y travailler sans
la permission de l'Imam (tuteur). En outre le travail s'y effectue à
titre d'usufruit et non pas de mise en valeur, ce qui revient à dire que
les liens des travailleurs avec le site exploitable sont coupés
dès que ceux-là cessent de l'utiliser ou si l'État leur en
retire la permission.
Toutes les
sources de la richesse naturelle font partie de secteur public. Les
particuliers peuvent acquérir sur elles un droit privé
d'usufruit, basé uniquement sur le travail qui se traduit par la mise en
valeur exercée directement par le travailleur.
RÈGLE
1 :
Toutes
les sources de la richesse naturelle font partie du secteur public. Les
individus peuvent y acquérir des droits privés d'usufruit,
basés uniquement sur le travail qui se traduit par la mise en valeur, c'est-à-dire
le travail direct.* * *
Nous avons
appelé la deuxième catégorie de richesse
naturelles les «biens mobiliers», lesquels sont à la
disposition de tous les individus. Leur possession par l'individu - sous toute
forme que ce soit: coupage du bois dans la forêt, pêche des
poissons et puisage de l'eau dans le fleuve, etc. - est
considéré, ainsi que nous l'avons précisé, comme un
acte économique et non pas comme un monopole; c'est pourquoi la
possession de richesses mobilières est admise comme une justification de
la propriété, au même titre que la mise en valeur octroie
un droit sur les sources naturelles.
La mise en
valeur d'une source naturelle ainsi que la possession d'une richesse
mobilière sont considérées comme une activité
économique créatrice d'une occasion d'utilisation du bien, et
c'est le travailleur qui jouit d'un titre de mise en valeur ou de possession
qui est le propriétaire de cette occasion d'exploitation.
Etant
donné que la source naturelle est généralement plus grande
que la possibilité d'utilisation créée par l'exploitant
lors de son action de mise en valeur, l'appropriation de l'occasion
d'exploitation ne mène pas à l'appropriation de la source
elle-même, laquelle demeure une propriété commune sur
laquelle d'autres peuvent eux aussi créer des possibilités
d'exploitation qui leur permettent de s'en servir.
Quant au
«bien mobilier», cette quantité limitée d'eau, de
poissons ou de bois, dont la valeur est pratiquement égale à
celle de la possibilité de son exploitation, que crée le
travailleur - respectivement par le puisage, le découpage ou pêche
-, sa possession (de ce bien) se justifie par le fait d'être acquis (par
l'exploitation).
Nous remarquons
ici, comme nous l'avons remarqué dans le cas de la mise en valeur, que
l'Islam n'admet pas la possession sur un mode capitaliste. Si un individu
fournit le capital nécessaire à une opération de
possession, en payant à un groupe de pêcheurs leurs salaires et en
leur prêtant le matériel de la pêche, il n'acquiert pas, par
là, le droit sur la richesse qu'ils obtiennent. Pour une richesse
quelconque, tout droit privé et toute propriété
privée ne peuvent s'acquérir que par le travail.
Si un bien
mobilier se trouve dans les mains d'un individu qui n'a pas effectué un travail
ni consenti un effort pour le posséder, il ne saurait être la
propriété dudit individu et demeure un bien commun.
RÈGLE
2
Toutes richesse mobilière existant dans la nature
devient la propriété de celui qui l'acquiert par son travail,
c'est-à-dire par le travail direct. Aucune autre raison ne justifie son appropriation, excepté si le travailleur qui la
possède la transmet par héritage ou indemnisation ou tout autre
mode de transmission de la propriété.
DEUXIÈME PARTIE
LA PRODUCTION ET LE MODE
DE DISTRIBUTION DE SES PRODUITS
1- La Production et son importance dans l'Économie
islamique
L'Économie
islamique s'accorde avec toutes les autres doctrines sociales pour souligner la
nécessité de s'intéresser de près à la
production et de recourir à tous les moyens possibles pour la
développer et l'améliorer, et ce fin de permettre à
«l'homme - khalife de Dieu sur la terre» de mieux
exploiter les bienfaits et les grâces de la terre. Mais en
considérant le développement de la production comme un objectif
qu'il faut s'efforcer d'atteindre socialement, l'Islam se conforme aux
objectifs généraux du «Khilâfah
de l'homme sur la terre». Par cela, il diffère
foncièrement, quant aux valeurs et au programme qu'il suit, des
doctrines sociales matérialistes. Le capitalisme, par exemple,
considère le développement de la production comme un objectif en
soi, alors que l'Islam ne fait pas de l'accumulation de la fortune un but en
soi mais un moyen d'assurer l'aisance et le bien-être, et de permettre
à la justice sociale de suivre son cours normal dans la vie des gens,
ainsi que l'une des conditions de la réalisation du «Khilâfah de l'homme sur la terre» et
de ses objectifs visant à instaurer la société de
l'Unicité.
Cette
différence conduit à des divergences notables en ce qui concerne
l'attitude de l'Islam et des autres tendances sociales vis-à-vis de
l'opération de production. Nous allons relever quelques-unes de ces
divergences.
1) Les formes
que prend l'opération de production et les
conditions sociales qu'elle incarne doivent être islamiquement
conformes à la dignité de l'homme, à ses valeurs morales
et à ses droits naturels en lesquels croit l'Islam. Celui-ci, en effet,
refuse catégoriquement la pratique du capitalisme qui consiste à
employer et à exploiter des femmes et des enfants sous-payés dans
les activités productives et à sacrifier les valeurs
éthiques, les liens familiaux et la protection morale de la femme au
profit des intérêts de la production capitaliste.
2) La
production, dans l'Économie islamique, n'est pas seulement soumise -
comme c'est le cas dans la société capitaliste - aux indices de
la demande du marché. Ce qui l'anime positivement, avant tout, c'est le
désir de rendre les produits vitaux accessibles à tout le monde,
et ceci quelles que soient les conditions de la demande sur le marché.
Cette attitude est considérée dans la Société
islamique comme une obligation que pratiquent tous les individus, au même
titre que la pratique des devoirs religieux et actes de dévotion par
lesquels ils s'approchent de Dieu. Par contre, l'Économie islamique
adopte dans le domaine de la production une attitude négative
vis-à-vis des secteurs qui se consacrent aux articles de luxe et de
prestige. Ainsi, la production dans la Société islamique est
organisée de façon à assurer aux individus toutes les
possibilités d'une vie convenable de laquelle ont disparu tous les
signes de somptuosité et de prodigalité, ce qui est tout à
fait à l'opposé de la Société capitalise où
la production, étant mue par la demande et le pouvoir d'achat des
consommateurs, tend, en conséquence, à se consacrer aux articles
de luxe, aux instruments de divertissement et aux produits de beauté, et
à négliger les biens vitaux.
3) La production
dans les société capitaliste souffre, dans certains cas, d'une
fausse inflation, car elle est soumise à la demande, laquelle ne
représente pas (dans la Société capitaliste) la demande du
vrai consommateur mais celle de l'acheteur, et celui-ci n'est souvent qu'un de
ces nombreux intermédiaires que la Société capitaliste
s'ingénie à créer et auxquels elle distribue des
rôles divers. Il s'ensuit que la production refabrique
la marchandise dès que celle-ci est écoulée parmi les
intermédiaires, sans tenir compte ni du besoin réel des
consommateurs ni du volume effectif de ce besoin. La production s'accumule
ainsi, provoquant des crises qui acculent les capitalistes à
arrêter le travail et même à détruire de grands quantités de la marchandise en cause afin de
maintenir un certain degré d'équilibre entre l'Offre et la
Demande.
Ce gaspillage
dans la production trouve son origine dans la tromperie dont sont responsables
les intermédiaires, et dans l'existence d'un grand fossé
séparant le producteur du consommateur. Ce fossé n'existe pas
dans l'Économie islamique qui tend à extirper les rôles
parasitaires des intermédiaires et à rapprocher l'une de l'autre,
les opérations de production et de consommation. C'est pourquoi la
production se trouve, dans la Société islamique, immunisée
contre les problèmes - objectivement injustifiables - de l'accumulation
de marchandises, et orientée de façon à assurer la
satisfaction des besoins réels de la société.
RÈGLE
3 :
La
production est au service de l'homme et non le contraire.
* * * 2- La Production
primaire et la Mode de Distribution de ses Produits
Dans toutes
opérations de production primaire de la richesse naturelle, deux
éléments sont combinés: le travail humain accompli pendant
la production et la nature. Car la production n'est pas née du
néant, mais c'est l'extraction du métal de la mine, de l'eau du
puits, des poissons de la mer, etc. Il y a donc la nature et un travail qui s'y
rajoute et la transforme, et cette transformation, c'est la production.
On peut supposer
que dans l'opération de la modification de la matière
première le producteur utilise des outils et des instruments; il y a
dans ce cas, outre la nature concernée par la production et outre le
travail humain, un troisième élément :les
moyens de production résultant, eux-mêmes, de la nature et d'un
travail antérieur.
L'Islam croit,
en ce qui concerne la distribution de la richesse résultant de la
production primaire, à ce qui suit:
1) La richesse
produite est la propriété du travailleur qui l'a produite. C'est
une propriété basée sur le travail.
2) Si le
travailleur utilise les outils et instruments d'un tiers, celui-ci
perçoit de celui-là une indemnisation dont la valeur est
équivalente à celle du dommage que subissent ses outils suite
à l'usage qui en est fait au cours de l'opération de production,
mais n'acquiert pas de part dans la richesse produite.
3) La
collectivité représentée par l'État a droit
à une partie de la richesse produite qu'elle perçoit soit
à titre de rétribution due à l'utilisation par le
producteur de la source naturelle qui appartient à l'État, comme
le kharâj(20) imposé sur la terre, soit à titre
d'obligation financière sur la richesse produite, comme le Khoms imposé sur la richesses extraites de
la mer ou sur tout profit, après en avoir déduit les munitions de
bouche.(21)
Le droit de
l'État ou de la collectivité sur une partie de la richesse
produite se justifie par leur besoin de couvrir leurs dépenses
générales car le besoin, dans l'Économie islamique, est la
deuxième base de la propriété.
De ce qui
précède on peut remarquer que l'Économie islamique
diffère des Économies capitaliste et marxiste. Ainsi, alors que
le capitalisme considère le travail humain comme l'un des
éléments de la production et qu'il le range au niveau de ces
derniers en déterminant l'un et les autres en fonction de l'offre et de
la demande, l'Islam, loin d'avoir une telle conception, fait du travailleur
l'axe de la production et l'ayant droit et relègue les autres
éléments - les outils et les instruments de production et les
capitaux - aux rang d'auxiliaires au service du travailleur et de son objectif;
ils ne confèrent pas à leurs propriétaires de droits sur
la richesse que le travail a produit, mais uniquement un droit à une indemnité
de louage payable par le travailleur-producteur. Quant au marxisme, il
considère le travail comme la base de la plus-value dans la richesse
produite, et la plus-value comme la propriété du travailleur qui
l'a lui-même créée. Pour le marxisme, la collectivité
n'a pas de droit sur une partie de la richesse produite, puisqu'elle ne
participe pas à la création de la plus-value; un tel droit ne se
justifiant pas par conséquent.
D'aucuns avaient
tenté de justifier la propriété de la collectivité
en considérant que celle-ci participe à la création de la
plus-value par sa pratique historique et ses expériences successives qui
sont antérieures au travailleur-producteur et qui lui sont transmises
héréditairement ou socialement en contribuant à la
formation de sa compétence en matière de productivité.
Mais on peut
réfuter cette explication en faisant remarquer que les
expériences historiques de la collectivité constituent certes un
travail humain mais que ce travail n'est pas absorbé par la richesse
produite. Car ce sont des expériences qui ne sont pas diminuées
ou consommées par la richesse produite et qui ne s'y mêlent pas.
Or le travail ne crée la plus-value que s'il est incarné dans la
richesse produite, c'est-à-dire à la condition que celle-ci
l'anéantisse et l'absorbe, et le travail ainsi anéanti et
absorbé ne représente que l'effort déployé par le
travailleur-producteur pour accomplir l'opération de production ou pour
se préparer à l'accomplissement de cette opération.
Ainsi, seule
l'Économie islamique de par sa nature humaine, fondée sur la
croyance que Dieu est le Propriétaire général de l'Univers
et que l'homme y est Son mandataire, peut justifier le partage de la richesse
produite entre l'individu et la communauté, conformément à
la logique du Coran.
Il ressort de ce
qui précède que l'Islam désapprouve le système
capitaliste de la production primaire et refuse l'acquisition d'un droit sur
l'article produit selon ce système qui permet à un
créancier de payer des salaires et de fournir les outils nécessaires
à des travailleurs afin qu'ils entreprennent une opération de
production d'un article dont la valeur devient propriété du
créancier après déduction des salaires.
Il y a un seul
cas où l'opération de production capitaliste n'est pas, selon
certains faqîh (jurisconsulte),
totalement abolie par la législation islamique: il s'agit du cas du
contrat de plantation en vertu duquel le propriétaire de la terre
conclut un accord avec le cultivateur qui possède les graines et partage
sa récolte.
Il y a, toutefois,
des éléments variables dans l'Économie islamique qui
incitent à l'interdiction de ce genre de contrats, et qui s'appuient,
pour ce faire, sur un hadith du Prophète, d'après lequel il est
interdit d'exploiter la terre selon le mode capitaliste et que le
propriétaire d'une terre doit choisir entre deux solutions: la cultiver
lui-même ou permettre à un autre d'en bénéficier
sans contrepartie.
En incluant un
tel élément variable conformément aux pouvoirs du faqîh, la forme de l'Économie
islamique se complète de ce côté et se débarrasse de
toutes les formes de la production capitaliste.
RÈGLE
4 :
Dans
l'Économie islamique, la répartition de la richesse produite lors
de la production primaire se fait sur deux bases: le travail et le besoin.
Toutes les formes de production capitalise en sont ainsi
éliminées.
* * *
3- La Production secondaire et son Mode de
Répartition
Nous allons
maintenant étudier la production secondaire et son mode de
répartition, dans le cas de deux sociétés
différentes.
Le
premier cas: c'est le cas d'une société dans laquelle l'opération
de répartition primaire des sources de la richesse naturelle ainsi que
les opérations de production primaire et des
répartition de ses richesses produites ont été
effectuées selon les règles déjà définies de
l'Économie islamique.
Le
seconde cas: c'est le cas d'une société dans laquelle ces
différentes opérations n'ont pas été accomplies
selon les exigences et les lignes générales de l'Économie
islamique, ce qui a conduit à l'apparition de grands écartes
entre les membres de la société en ce qui concerne la
propriété ainsi qu'au déséquilibre social.
1) Dans le
premier cas, toute opération de production secondaire signifie - selon
la définition déjà donnée - qu'on veut
développer un article déjà fabriqué lors de la
production primaire, et qui est devenu la propriété du fabricant
qui l'a produit - en vertu de la règle qui fait
du travail la base de la propriété. En d'autres termes, il s'agit
d'une opération de transformation du coton en papier, du bois en lit, du
fer en instrument, etc. Cette opération de transformation s'appelle
production secondaire.
Dans ce domaine,
l'Islam n'autorise pas que la transformation de l'article en question se fasse
indépendamment de la volonté du premier individu qui l'a
possédé par son travail, car, ayant reconnu le premier
travailleur comme propriétaire de la richesse qu'il a
réalisée lors de la production primaire, il est normal qu'il lui
donne le droit d'en disposer comme il veut.
L'Islam
diffère donc du marxisme en ceci que ce dernier ne reconnaît pas
au travailleur de la production primaire le droit d'être seul
propriétaire de la richesse qu'il a réalisée, mais qu'il
lui reconnaît seulement le droit d'être propriétaire de la
valeur d'échange qu'il a créée, c'est-à-dire de la
valeur de la transformation de la graine en coton. Autrement dit, si un
deuxième travailleur transforme ce coton en papier et, de ce fait,
augmente sa valeur d'échange, il devient le propriétaire de la
nouvelle valeur.
Cette conception
marxiste qui consiste à limiter la propriété du
travailleur à la seule valeur d'échange qu'il crée et non
à la richesse dans son ensemble est erronée, puisqu'elle suppose
que la valeur d'échange résulte dans sa totalité du
travail, étant donné qu'elle stipule que le travailleur de la
production primaire possède toute la valeur d'échange effective
de l'article et que le travailleur de la production secondaire possède
la valeur ajoutée que lui confère cette production.
Or, il est juste
de considérer que la valeur d'un article est déterminée
par son utilité et par sa rareté naturelle et que sa valeur
augmente proportionnellement à la quantité de travail qu'il
exige, car il s'agit là d'un facteur qui affecte sa rareté
naturelle.
Toutefois, nous
pouvons remarquer que la rareté naturelle de la quantité d'or
dans le monde par rapport à celle de l'argent rend le premier
métal plus cher que le second, bien que sa production ne
nécessite pas plus de travail. Il y a donc une rareté qui
émane de la nature et de la quantité de travail que nécessite la production et une autre rareté
qui a pour origine les conditions naturelles elles-mêmes. Les deux types
de rareté participent donc à la détermination de la valeur
d'échange. Par conséquent, si nous limitons la
propriété du travailleur à la valeur qu'il crée,
cela ne justifierait pas sa possession de l'intégralité de la
valeur d'échange qu'il a produite.
Ainsi, l'Islam
considère qu'il est erroné de limiter le résultat du
travail à la possession de la valeur d'échange et qu'il est plus
juste de faire du travail la base de l'appropriation de la richesse, ce qui
signifie que le producteur du coton devient le propriétaire de la
matière qu'il s'est approprié par son travail productif, et non
pas seulement de la valeur de marché qu'il lui a donnée. Dans un
tel cas, c'est le travailleur, producteur du coton, qui conserve l'initiative
de la production secondaire et qui peut théoriquement effectuer
lui-même celle-ci, pour confirmer ainsi sa possession intégrale de
l'article. Mais il peut également autoriser un autre travailleur
à se charger de la production secondaire, auquel cas, il peut soit
partager avec lui la valeur de l'article produit - sur la base d'une
indemnité - soit lui payer en salaire équitable pour compenser
son travail. Et c'est à l'État qu'il appartient de définir
les modalités de tels accords pour en éliminer toute
velléité de monopole.
Et
évaluant la valeur du travail selon la base d'un pourcentage du prix de
l'article ou d'un salaire fixe, l'État doit faire abstraction de la rareté
artificielle provoquée par le monopole, telle qu'on la rencontre dans
les sociétés capitalistes. Dans ces sociétés, les
matières premières sont accaparées par les capitalistes
pour en faire des denrées rares dans le marché de la production
secondaire alors que le travail devient une marchandise abondante puisque,
d'une part, le monopole n'y intervient pas parallèlement à son
intervention qui avait provoqué la rareté des matières
premières et que, d'autre part, le travailleur a besoin d'offrir ses services
sur le marché à n'importe quel prix qui lui assure le minimum
nécessaire pour survivre.
Avec
l'élimination de la rareté artificielle provoquée par le
monopole apparaît la valeur réelle du travail et disparaissent,
progressivement et d'une façon naturelle, les traces de la production
capitaliste dans les opérations de production secondaire où est
réalisée la plus grande partie du bénéfice
capitaliste, grâce au facteur de la rareté artificielle que
provoque le monopole et qui confère au capital une part, dans l'article
produit, largement supérieure à celle du travail effectué
pour sa production.
Il est à
noter à cet égard que, dans l'Économie islamique, les
conditions de production primaire et de répartition de la richesse
qu'elle engendre, empêchent l'apparition des symptômes du
capitalisme et de ses contradictions dans le domaine de la production
secondaire. Car l'individu ne peut acquérir ni de grandes
quantités de matières premières ni de grandes sommes
d'argent susceptibles de servir à en acheter dans le marché, ce
qui lui ôte toute possibilité de créer un monopole et de
pratiquer un mode de production capitaliste.
La grandeur de
l'Islam s'affirme donc en ceci qu'il conçoit la société de
façon à l'immuniser, dès le début, contre les
symptômes de l'exploitation capitaliste et de l'enrichissement aux
dépens des autres, tout en conservant au travailleur son droit naturel
de disposer de la richesse qu'il produit.(22)
Quant aux
instruments et moyens de production qui sont utilisés dans
l'opération de la production secondaire, leur rôle est tout
à fait identique à celui qu'ils jouent dans l'opération de
production primaire, c'est-à-dire qu'ils ne permettent pas
d'acquérir le droit de propriété sur l'article produit
mais qu'ils sont considérés comme «serviteurs» du
producteur et doivent être indemnisés en tant que tels.
Dans
l'Économie islamique, d'une manière générale et
théoriquement, l'évaluation du prix du louage des moyens de
production se fait sur la base de l'indemnisation de l'usure subie par l'outil.
C'est pourquoi l'Islam refuse la rétribution prélevée par
les capitalistes-usuriers sous le couvert d'intérêts, étant
donné que le capital monétaire ne subit aucun dégât
lorsqu'il est prêté puis rendu intégralement.
Si le prix des
capitaux en nature, tels que les instruments et les outils de production est
très élevé dans les sociétés capitalistes,
c'est à cause de la rareté artificielle que crée le
monopole capitaliste autour de ces instruments. C'est pourquoi l'État
islamique, qui rejette le monopole sous toutes ses formes, doit s'orienter vers
l'élimination d'une telle rareté artificielle afin de limiter les
prix des moyens de production.
2) Passons au
second cas, c'est-à-dire celui d'une société qui n'a pas
suivi les directives de l'Économie islamique lors de la production
primaire. Nous y rencontrons des individus qui ont pu, à travers les
circonstances exceptionnelles des opérations de la distribution
précédente, bénéficier de situations
monétaires qui leur permettent d'accaparer de grosses quantités
de matières premières de la production secondaire, soit
directement, soit en les achetant aux producteurs, ce qui ne manquerait pas
d'exposer les opérations de production secondaire à toutes les
formes d'exploitation capitaliste, en laissant le monopole des matières
premières entre les mains de quelques individus qui imposeraient leurs
volonté aux travailleurs de la production secondaire.
Dans ce domaine,
l'État doit intervenir pour combattre ce monopole et pour
l'empêcher d'affecter les prix et ce, en fixant ceux-ci. Il doit
également rétablir l'équilibre social en recourant au
secteur public et en limitant l'activité des entreprises privées
de la production secondaire de façon à les empêcher de
contrôler la vie économique et d'entraver les principes de la
justice sociale islamique.
RÈGLE
5
Tout
bien qui est l'objet d'une opération de production secondaire, demeure
la propriété du travailleur qui l'a possédé du fait
de son travail lors de la production primaire et tant qu'il n'existe pas, entre
le propriétaire originel et tout autre individu, un accord qui modifie
ce statut.
RÈGLE
6
L'État
doit fixer le prix du louage des moyens de production ainsi que le montant de
la rémunération du travail et s'acheminer vers l'élimination
du facteur de la rareté artificielle provoquée par le monopole.
RÈGLE
7
Chaque
fois que l'équilibre social se trouve menacé, dans des
circonstances exceptionnelles, par les facteurs que nous avons
mentionnés plus haut, l'État doit prendre conformément
à ses pouvoirs, les mesures nécessaires pour rétablir et
maintenir cet équilibre.
*
TROISIÈME PARTIE
L'ÉCHANGE ET LA
CONSOMMATION
(ou LA GESTION DES
BIENS)
Le
phénomène de l'échange dans les sociétés
humaines provient du fait que, même au sein des société les
plus élémentaires, l'individus ne peut
habituellement pas couvrir par la production directe tous ses besoins de
consommation, ni consommer tout ce qu'il produit. Dès lors est
née la tendance à la répartition du travail et à la
spécialisation. Les membres de la société se sont rendu
compte des vertus de la répartition et de la spécialisation et de
leurs effets positifs sur la bonification et l'amélioration continuelles
du travail. L'homme commence, en vertu de la répartition du travail,
à produire un article donné en quantités
supérieures à ses besoins afin qu'il puisse l'échanger
contre d'autres articles dont il a besoin et qui sont produits par d'autres
individus.
Au début,
l'échange se faisait sous forme de troc: le producteur d'un article
donné en offrait le superflu à un autre producteur contre
d'autres articles produits par ce dernier et dont il avait lui-même
besoin. Ainsi, les deux contractants d'un accord de troc étaient à
la fois producteurs et consommateurs; en d'autres termes, la production
était équilibrée par une consommation équivalente.
D'autre part, le
producteur n'avait pas intérêt à conserver en nature la
richesse qu'il produisait, car, d'une part, tout article se dévalorise
avec le temps et, d'autre part, pour satisfaire ses autres besoins de
consommation, l'homme devait soit les produire lui-même, soit en produire
d'autres pour les troquer contre ce dont il avait besoin. Autrement dit, la
production était uniquement un moyen de satisfaire les besoins.
Quant au troc
lui-même, il n'est pas un moyen de gagner ce dont on a besoin, mais
seulement un moyen d'échange pour obtenir ce dont on a besoin, ce qui
veut dire qu'il ne procure pas à l'individu une nouvelle richesse, mais
lui assure la satisfaction de ses besoins en lui offrant la possibilité
d'échanger la part de sa production dont il n'a pas besoin contre ce
dont il a besoin des produits des autres.
Trois
phénomènes dominent donc l'opération de l'échange
à l'ère du troc. Ce sont schématiquement:
1) La production
était indissociable de la consommation.
2)
L'accumulation continuelle des produits n'était pas possible.
3)
L'échange lui-même ne permettait pas à l'individu de
réaliser un gain.
L'apparition de
la monnaie - comme instrument général d'échange et de
détermination des valeurs des articles - a affecté beaucoup ces
phénomènes. Ainsi, en ce qui concerne le premier d'entre eux, le
producteur eut désormais la possibilité de vendre son produit
contre de l'argent et d'ajourner l'achat d'un autre article destiné
à sa consommation. La production, par conséquent, se trouvait
dissociée de la consommation.
En ce qui
concerne le second phénomène, on a constaté qu'il est
souvent possible de mettre son argent de côté, sans risque de le
voir se dévaluer. La monnaie devient donc un moyen d'épargne et
de thésaurisation; la possibilité de monopoliser est, par
conséquent, acquise.
Quant au
troisième phénomène, dorénavant l'opération
d'échange offre elle-même des possibilités de gain. Car il
suffit à l'homme d'avoir assez d'argent pour qu'il puisse acheter une
grande quantité d'un article et la revendre par la suite à des
prix monopolistes, réalisant ainsi un nouveau gain qui résulte
des deux opérations d'achat et de vente indépendamment de toute
production de richesse réelle. Pis encore, la monnaie elle-même,
par les pouvoirs qu'elle a acquis dans la vie économique, est devenue un
article demandé non pas pour la consommation, mais pour l'investissement.
Ceux qui ont pu se procurer de grosses sommes d'argent se sont appliqués
à l'accaparer pour le «vendre» à crédit
à une valeur supérieure. D'où la naissance de l'usure et
l'ouverture de marché capitalistes de prêts usuraires.
L'Islam
considère que cette déviation de la société - dans
le domaine de l'échange - des trois phénomènes originels
que nous venons d'exposer, menace la sécurité de la
société, met fin à son équilibre social et
détourne les opérations économiques de leur but naturel.
Pour cette raison l'Économie islamique est en mesure de mettre au point,
grâce à ses éléments variables et immuables, une
politique capable d'éviter cette déviation par tous les moyens
appropriés. Elle a également dénoncé l'usure et
prohibé catégoriquement l'intérêt. Car
l'intérêt provenant des prix monopolistes de l'argent n'est pas
une rétribution du dommage subi pendant le travail. Lorsque vous
utilisez la charrue que vous louez, vous usez une partie de la capacité
de travail qu'elle possède et qu'elle aura perdue quand vous la rendez
à son propriétaire. Il est donc naturel de payer à
celui-ci une rétribution convenable. Mais lorsque vous empruntez une
somme d'argent pour financer un projet et que vous la rendez par la suite
à votre créancier, l'argent reviendra chez son
propriétaire sans avoir perdu de sa valeur pendant son utilisation. La
rétribution - ou l'intérêt - n'est donc ici que
l'expression du prix monopoliste de la monnaie. L'Islam a également
prohibé la thésaurisation et l'accumulation de la monnaie.
Dans de nombreux
cas il a imposé des impôts sur l'argent thésaurisé,
pour que celui-ci ne se détourne pas de son rôle naturel de moyen
de facilitation de l'échange entre les produits, vers un rôle
monopoliste servant de moyen d'accumuler et de monopoliser la richesse et d'en
décider par conséquent le prix.
Aussi l'Islam
s'est-il acheminé vers l'abolition des opérations parasitaires de
l'échange, lesquelles dissocient la production de la consommation, et
vers l'interdiction de la vente d'une marchandise avant de l'avoir
possédée. Il a donné au métier de commerçant
un sens qui implique le travail et l'effort, et n'a pas autorisé
l'individu à acheter une utilité à un prix pour la
revendre à un prix supérieur s'il n'a pas effectué un
travail qui justifie cette augmentation.
Dans les
éléments immuables de l'Islam, se trouve un texte fort explicite
à cet égard, concernant les utilités. Mais il est probable
qu'il n'y ait pas un texte similaire concernant l'échange des articles
et des biens, car ce type d'échange signifiait habituellement le travail
et l'effort dont il ne pouvait pas se passer dans les circonstances historiques
contemporaines de la période de la promulgation de la législation
islamique. L'opération commerciale était, en effet,
indissociable, à cette époque-là, des opérations du
transport de l'article, de sa mise à la distribution de l'acheteur dans
un endroit convenable, de son emmagasinage et de sa conservation. C'est
pourquoi nous avons fait remarquer dans le livre précédent que
l'Imam Amir al-Mou'minine 'Alî
avait défini l'identité des commerçants comme suit:
«Ils sont les origines des profits et la source du confort. Ce sont eux
qui les (marchandises) apportent des pays les plus lointains et les plus
reculés sur la terre et sur la mer, dans tes plaines et dans tes
montagnes, et là où d'autres hommes n'oseraient pas les
rechercher».
Pour cette
raison, l'Économie islamique, en ce qui concerne l'échange des
articles et des biens, doit s'orienter grâce à ses
éléments mobiles vers la même direction qu'avaient suivi les éléments immuables dans le domaine
de l'échange des utilités.
RÈGLE
8
Il est
interdit d'amasser et thésauriser l'argent.
RÈGLE
9
Il faut
s'orienter vers l'interdiction de tout gain résultant des prix
monopolistes de l'argent, y compris des intérêts usuraires.
RÈGLE
10
La
politique économique de l'État islamique est orientée vers
la réduction du fossé séparant le producteur du
consommateur et tend à éliminer de l'opération de
l'échange, la possibilité de gain qu'elle pourra offrir
indépendamment de la production et du travail.
De même
que l'Islam a posé des restrictions sur l'échange des biens, il a
également restreint la dépense relative à la satisfaction
des besoins en prohibant le gaspillage. La prohibition du gaspillage et des
prodigalités représente, en fait, une limitation quantitative des
dépenses de la vie. Dans la société islamique, personne
n'a le droit de dépasser les limites habituelles de niveau de vie en
vigueur. Le dépassement de ces limites est considéré comme
des prodigalités que l'État doit interdit.
C'est là
une des deux mesures que prend l'Islam pour éliminer les grands
écarts entre les niveaux de vie. La seconde mesure est celle qui vise
à relever le niveau de vie des pauvres pour atteindre la moyenne
générale du bien-être. Par ces deux mesures l'Islam tend
à réaliser un équilibre social entre les niveaux de vie de
tous les membres de la Communauté malgré la différence de
leurs revenus.
Ainsi, les
prodigalités, tel que nous venons de le voir, sont relatives et varient selon
le degré du bien-être général de la
société: plus ce degré est élevé, plus les
dépenses nécessaires pour atteindre le seuil des
prodigalités augmentent. C'est dire que ce qui est
considéré comme prodigalités dans une
société donnée ne le serait pas dans une autre
société ayant un niveau de bien-être supérieur.
Quant au gaspillage, l'Islam propose, pour y pallier, une limitation
qualitative des dépenses. C'est pourquoi il n'autorise pas la
dépense en vue de satisfaire des caprices inadmissibles et des désirs
considérés comme frivoles par la norme islamique, tels que
l'élevage des chiens, les jeux et d'autres enfantillages.
Tout en
interdisant à l'individu les différentes formes des
prodigalités et du luxe, l'Islam a encouragé en revanche le
fidèle à offrir ce qui excède ses besoins raisonnables
à la communauté et à la cause de Dieu. Dieu - Il est
Élevé - a dit ce propos:
«Ils
t'interrogent au sujet des aumônes; dit: Donne votre superflu».
Il est
imposé également aux individus la responsabilité de la solidarité
sociale en obligeant tous les nantis de la société islamique
à y subvenir aux besoins de nécessiteux et à prendre en
charge les pauvres et les invalides.
Pour faciliter
l'application de ces mesures, l'Islam a recouru à l'éducation
spirituelle et doctrinale en vue de créer un terrain approprié.
En d'autres termes, il s'efforce de détourner l'homme de sa tendance
à la dépense effrénée pour se désirs, ses
caprices et pour un style de vie somptueux, et de le réorienter vers des
préoccupations se rapportant aux grands problèmes de
l'humanité et aux responsabilités que lui confère le
«Khilâfah de l'homme sur
terre».
L'éducation
islamique, unique en son genre, a pu ainsi créer une atmosphère
spirituelle et un terrain intellectuel propices à cette transformation
grandiose dans l'orientation de la dépense, ses raisons et ses
objectifs, à tel point que l'Islam s'est vu contraint de fixer des
limites à la dépense pour la cause de Dieu, ceci afin
d'empêcher les fidèles de consacrer tout ce qu'ils possèdent
à cette cause. En effet, Dieu dit à cet égard:
«Dépensez
vos biens dans le chemin de Dieu; ne vous exposez pas, de vos propres mains,
à la perdition. Accomplissez des oeuvres
bonnes; Dieu aime ceux qui font le bien».
Dieu dit
également:
«Ne porte
pas ta main fermée à ton cou et ne l'étends pas non plus
trop largement, sinon te tu retrouverais honni et misérable».
RÈGLE
11
Le
niveau de vie de l'individu ne doit pas dépasser de beaucoup le niveau
du bien-être général de la société.
L'État doit en faire l'évaluation et prendre les mesures
nécessaires pour empêcher les prodigalités.
QUATRIÈME PARTIE
LES RESPONSABILITÉS
GÉNÉRALES
DE L'ÉTAT
On peut limiter
les responsabilités de l'État islamique dans la vie
économique de la société à deux grandes lignes:
1- Appliquer les
éléments immuables de l'Économie islamique.
2- Formuler les
éléments mobiles selon les conditions de la réalité
sociale et à la lumière des indications islamiques
générales que nous avons mentionnées et
détaillées précédemment.
De ces deux
grandes lignes se ramifient en de nombreuses responsabilités secondaires
telles que les responsabilités de la sécurité sociale et
de l'équilibre social, la responsabilité de prendre un soin
particulier du secteur public et de l'exploiter à fond, de
contrôler l'ensemble de l'activité productive dans la
société et de présenter les directives nécessaires
à cet égard afin d'éviter les problèmes de
l'anarchie dans la production et de mettre au point une politique
économique visant à développer le revenu total de la
société dans le cadre des formules législatives qui sont
du ressort du juge légal, et enfin la responsabilité de
protéger les vraies valeurs de l'échange des marchandises et des
différentes formes du travail en luttant contre le monopole dans tous
les domaines économiques.
La
responsabilité de la sécurité sociale s'appuie
essentiellement sur la croyance de l'Islam dans le droit de toute la
communauté de bénéficier des richesses naturelles. De ce
droit naît la responsabilité directe de l'État de garantir
à tous les membres de la société un niveau de vie
convenable, ceci en offrant la possibilité de travail à tous ceux
qui sont à même de travailler et en prenant en charge les
invalides et ceux qui ne trouvent pas de travail.
Le crédit
alloué par l'Islam à la sécurité, afin de permettre
à l'État de s'acquitter de ses responsabilités à
cet égard, est représenté - en
plus des obligations fiscales imposées aux individus, telles que le Zakât et le Khoms
- par le secteur public que l'Économie islamique crée et dont les
fonds doivent subvenir, sur ordre du mandataire, aux besoins des
nécessiteux de la société. Dieu dit à ce propos:
«Vous
n'avez pas fourni ni chevaux, ni monture pour vous emparer du butin pris sur
eux et que Dieu destine à Son Prophète. Dieu donne pouvoir
à Ses prophètes sur qui Il veut. Dieu est Puissant sur toute
chose». (Coran, 59 : 8)
«Ce
que Dieu a octroyé à Son Prophète comme butin pris sur les
habitants des cités appartient à Dieu et à Son
Prophète, à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, aux
voyageurs afin que ce ne soit pas attribué à ceux d'entre vous
qui sont riches. Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous
de ce qu'il vous interdit. Craignez Dieu! Dieu est terrible dans Son Châtiment».
(Coran, 59 : 7)
Quant à
la responsabilité de l'équilibre social, elle signifie:
1- Assurer un
minimum d'aisance et de bien-être à tous les membres de la
société en élevant les bas niveaux de vie au niveau de ce
minimum.
On attribue
à l'Imam Mûsâ ibn Ja'afar les propos suivants sur la définition de la
responsabilité du wâli(23) sur les fonds du Zakât:
«Le wâli doit diviser ces fonds,
conformément aux indications de Dieu, en huit parts, et les distribuer
entre les pauvres et les indigents de façon à ce que rien ne leur
manque durant toute l'année. S'il en reste un surplus, le wâli le garde; mais si les fonds
distribués s'avèrent insuffisants, il doit dépenser de sa
caisse pour couvrir tous leurs besoins».
Ce texte indique
avec précision que l'objectif final que l'Islam tente de réaliser - en en confiant la responsabilité au
Mandataire - est d'élever le niveau de vie de tous les individus de la
société.
2- Limiter les
dépenses et interdire de dépasser largement le niveau de vie
convenable de bien-être que l'on peut assurer à la
société, conformément à la Règle 11.
Ces deux mesures
sont à même de réaliser l'équilibre social en
matière de niveau de vie.
3-
Empêcher la monopolisation de la richesse et l'entassement des biens chez
une couche particulière de la société, et s'efforcer de
créer des possibilités de travail et de production pour tous.
Il
apparaît donc, à la lumière des règles de
l'Économie islamique que nous venons de souligner que le
développement naturel de la société islamique dans le cadre
d'une économie saine, ne permet pas l'apparition du
phénomène de monopole et d'accumulation que l'on voit dans la
société capitalise et qui polarise la vie économique.
C'est donc par
une application saine des règles de l'Économie que l'État
parvient à prévenir les symptômes de ce
phénomène et à préserver l'équilibre social.
Mais si ce phénomène venant à disparaître en raison
d'une erreur d'application de ces règles lors d'une étape
antérieure, l'État, conformément à ses pouvoirs,
doit prendre les mesures nécessaires pour rétablir
l'équilibre social. C'est ce qu'à fait le Saint Prophète
de l'Islam lorsqu'il y a eu une défaillance dans l'équilibre
social à Médine où une grande disparité et un grand
écart s'étaient creusés entre le niveau financier relativement
bon des Partisans et celui, beaucoup plus faible, des Emigrés qui
s'étaient exilés de leur gré, laissant leurs maisons pour
la plupart et leurs biens à l'ennemi. Le Saint Prophète de
l'Islam a pris alors des mesures pour rétablir l'équilibre en
ordonnant à ceux dont les revenus et la situation économique
étaient au-dessus de leurs besoins, d'en dépenser le surplus pour
les autres. Le secteur public joue un grand rôle dans ce domaine.
En ce qui
concerne la responsabilité de l'État de prendre un soin particulier
du secteur public, elle provient du fait que ce secteur représente un
dépôt confié à l'État qui doit le
protéger et réaliser les objectifs divins expliqués dans
le verset d' «Al-Faï». Le
mandataire est donc tenu de veiller sur ce secteur et de recourir aux moyens
scientifiques les plus modernes pour le développer, le réformer
et pour augmenter le niveau de sa productivité au point de devenir une
grande force capable d'acheminer la vie économique vers ses objectifs islamique
avisés.
L'extrait (ci-dessous)
de la lettre que l'Imam 'Alî, Commandeur des
croyants, adressée à Mâlik al-Achtar qu'il venait de nommer gouverneur de
l'Égypte, demeurera un exemple vivant de cette vérité:
«Que ton intérêt pour l'exploitation des terres soit encore
plus grand que pour le recouvrement de l'impôt...».
La
responsabilité de contrôler l'ensemble de l'activité
productive émane de l'obligation d'appliquer la politique islamique dans
le domaine de la production et de garantir la production des articles de
première nécessité de façon à satisfaire les
besoins de toute la communauté sans gaspillage dans la production. Car
de même qu'il est défendu à l'individu de gaspiller dans
ses dépenses, de même il est interdit à la
société de gaspiller dans les siennes.
Il est
évidant que si l'opération de production n'est pas fondée
sur un axe susceptible de l'orienter et si elle n'est pas basée sur des
statistique scientifique précises, elle tend au gaspillage à
cause de la qualité ou de la quantité de l'article produit.
Aussi, la mise au point d'une politique économique de
développement économique et d'augmentation du niveau de la
production est considérée comme un devoir de l'État dans
les limites de ses pouvoirs. Car la force économique devient l'une des
plus grandes forces sociales dont dépendent la puissance de la
société et sa résistance sur la scène
internationale. Dieu a dit:
«Préparer,
pour lutter contre eux, tout ce que vous trouverez de forces et de cavaleries,
afin d'effrayer l'ennemi de Dieu et le vôtre en dehors de ceux-ci, mais
que Dieu connaît».
Ce verset ne
vise pas ici la force militaire seulement, mais toute force, notamment
économique, susceptible de donner à la communauté une
image qui inspire la crainte chez les sociétés jahilites qui la guettent et conspirent contre
elle.
Quant à
la responsabilité de l'État dans la sauvegarde des vraies valeurs
de l'échange de articles et de différentes formes de travail,
elle émane du principe selon lequel la vraie valeur d'échange
provient de l'utilité de l'article pour le besoin de l'homme et du
facteur de la difficulté du travail, car plus l'article exige de travail
ou plus il exige d'efforts difficiles et plus le degré de sa
rareté augmente. Entre également dans ce facteur la
quantité naturelle de la matière dans le monde, car l'or peut
avoir plus de valeur que l'argent tout simplement parce que, dans la nature,
les mines d'or sont plus rares que les mines d'argent.
En ce qui
concerne le facteur de la rareté créée par le monopole et
la mainmise de individus sur le niveau de l'offre et de la demande, il
contribue à la détermination du prix effectif de l'article (ou du
salaire effectif du travail); mais il s'agit d'un prix artificiel qui ne
correspond pas à la valeur d'échange définie objectivement;
autrement dit, c'est un prix à la formation duquel la volonté de
l'homme d'exploiter les autres est intervenue.
Ainsi, l'Islam
distingue entre la valeur et les prix effectifs. L'État sous l'Islam
doit s'efforcer, dans les différents domaines de la vie
économique, de préserver aux articles et aux formes du travail
leur valeur d'échange réelle déterminée par
l'utilité et le facteur de la rareté naturelle et
d'empêcher les prix du marché de dévier de ces valeurs (que
ce soit dans le sens de la hausse ou de la baisse), déviation qui pourrait
avoir pour cause la rareté artificielle créée par les
monopoles et les monopolisateurs.
L'Imam Amir al-MouminineAli a écrit à propos des
commerçants à Mâlik al-Achtar: «Tu dois savoir, cependant, que beaucoup
d'entre eux sont d'une dureté inhumaine et d'une avarice sordide, qu'ils
accaparent les profits et sont impitoyables en affaires, ce qui peut nuire au
petit peuple et discrédite les gouvernants. Tu doit
interdire l'accaparement, car le Messager de Dieu (que le Seigneur le
bénisse ainsi que sa famille) l'a interdit. Que les ventes se fassent
équitablement, avec des poids justes, et à des prix qui ne
lèsent ni le vendeur ni l'acheteur. Quiconque se sera rendu coupable
d'accaparement, après ton interdit, punis-le pour l'exemple et
châtie-le sans excès».
RÈGLE
12
L'État
doit appliquer les éléments immuables de l'Economie islamique et
en préciser les éléments mobiles conformément aux
indications générales de l'Islam
Règle
13 :
En appliquant
les éléments immuables et les éléments mobiles, l'Etat
doit réaliser :
1) La
sécurité sociale garantissant un minimum de bien-être
à tous les membres de la société.
2) Un
équilibre social dans le niveau de vie, en rapprochant les
différents revenus et en empêchant le monopole et l'entassement
des biens.
3) Une
exploitation maximale du secteur public, tout en mettant au profit une
politique générale de développement économique.
4) Un travail
constant tendant à ramener les prix des articles et les formes du
travail vers leurs valeurs d'échange réelles, en résistant
au monopole dans tous les domaines de la vie économique.
* * *
A la
lumière de ce qui précède dans ce livret et dans le livret
précédant, vous pouvez vous faire une idée précise
de la vie des fidèles dans la Société islamique, de la
justice et du bien-être qu'elle comporte, des objectifs et des valeurs
grandioses qui l'animent, et enfin de cette foi qu'elle implique et qui forge
le vrai révolutionnaire.
Concluons cet
exposé par quelques phases de Prières de l'Iftitâh,
qui incarnent l'image grandiose de la société islamique, sous
forme de prière et d'invocations adressées à Dieu et
l'implorant de faire réapparaître l'Imam al-Mahdi, afin que
celui-ci réalise l'application de cette image et applique les principes
de l'Islam dans la réalité de la vie:
Seigneur,
rassemble, par sa
réapparition nos débris,
colmate notre brèche,
efface notre humiliation,
satisfait notre besoin,
acquitte notre dette,
pallie à notre
pauvreté,
comble-nous de ce qui nous manque
lève nos difficultés
libère-nous de notre captivité,
accomplis nos promesses,
satisfais à notre demande
et exauce
nos espoirs dans ce bas monde et
dans l'au-delà,
O Toi, le Meilleur Responsable
et le Plus Généreux
des donateur!
Najaf, 10 Rabï al-thâni, 1399 (hégire)
TERMES
TECHNIQUES ISLAMIQUES
- Ançar (sing.
Ançârî): les Partisans
(les Médinois qui ont soutenu le Prophète lorsqu'il a
émigré à Médine)
- (al) hâkim al-char'î
(m.): le gouverneur légal (gouverneur qui jouit d'une légitimité
islamique pour exécuter ou prendre des décision
conformes à la Loi).
- (al) Char'a (f.): la Loi islamique, la
Législation islamique révélée.
- hemâ (m.): (équivalent
approximatif en français: protectorat): le fait de s'approprier ou de
contrôler une source naturelle, une richesse naturelle, un terrain, etc.
par la simple mainmise et sans aucune autre justification.
- hukm
char'î: jugement légal ou
statut légal (conforme à la législation islamique).
- ijtihâd (m.): ce mot a pour racine le
verbe «jahada» qui signifie
faire un effort. Mais le sens courant et effectif est le fait de déduire
(par un effort soutenu) des décrets et des jugements islamiques à
partir des sources de la Loi (la Charî'ah).
- Khalîfah (m.): le Mandataire de Dieu
sur terre, c'est-à-dire l'Homme à qui Dieu a confié le
Mandat de gérer la terre.
- Khilâfah (f.) (sens
courant Califat, dignité de Calife): Mandat que Dieu a donné
à l'Homme (à travers ses prophètes) pour le
représenter sur la terre, laquelle appartient, ainsi que tout ce qu'elle
contient, à Dieu.
- (al) Muhâjirîne (m. plur.; sing. Muhâjîr):
Émigrés (les Mekkois qui ont émigré à
Médine avec le Prophète).
- mujâhidîne (m. plur.; sing.: mujahid): les
militants musulmans, les soldats de l'Islam (cf. jihâd)
- Mujtahid (m.): celui qui pratique l'ijtihâd (voir ce mot), c'est-à-dire
celui qui est capable, grâce au degré de ses connaissances en la
matière, de déduire les décrets religieux à partir
des Textes de la Loi islamique.
- raqabat al-mâl
(f.) (sens littéral: la nuque d'un bien): la
nue-propriété.
wali al-amr (m.): le tuteur
légal, celui qui a la tutelle de ... (le gouverneur légal).
- walâyat al-amr
(f.): dignité de wali al-amr (la
tutelle).
- Zakât (f. ou m. en français;
f. en arabe): aumône légale, dîme, impôt islamique
équivalent à un dixième d'un gain ou d'un produit
après déduction des dépenses nécessaires.
--------------------------------------------------------------- notes
--------------------------------------------------
1.
La
nation musulmane
2.
Jâhiliyyah: terme instauré par
l'Islam pour désigner l'époque pré-islamique.
Dérivé de la racine «J.H.L.»: ignorer, le terme jâhiliyyah connote une réalité
où l'ignorance fait règle. Par extension, ce terme signifie aussi
tout ce qui n'est pas islamique
3.
Khilâfah : Lieutenance, mandat divin donné àl'homme.
4.
Voir
«Khilâfat de l'Homme...»,
même auteur
5.
Fay: butin, biens, tributs qui échoient aux
Musulmans vainqueurs des infidèles.
6.
Partisan
médinois du Prophète
7.
Khilâfah: c'est le fait que Dieu a mandaté l'homme
pour Le représenter sur terre.
8.
Khalîfah: l'homme en tant que représentant de Dieu
sur terre.
9.
Matérialistes;
non islamique
10. La totalité de la source d'une richesse naturelle.
11. Les Imams d'Ahl-al-Bayt
12. Les compagnons du prophète qui ont fui la Mecque pour Médine.
13. Voir à ce sujet «Khilafa de
l'homme et Témoignage des Prophètes», même auteur.
14. Juriste musulman
15. Petit traité dans lequel le mujtahid
(savant musulman habilité à interpréter les lois
islamique) précise les devoirs, les obligations et les droits des
fidèles.
16. Le Zakât et le Khoms
: respectivement le dixième et le cinquième des
bénéfices nets (après déduction des dépenses
nécessaires à la vie) prélevés annuellement comme impôts
islamiques.
17. Voir à ce propos «Khilâfah
de l'homme et Témoignage des Prophètes», même auteur.
18. Traduction littérale: le col du bien = la
nue-propriété
19. Terre appartenant originellement à des infidèles, et devenue propriété de l'Umma
à la suite d'une conquête.
20. Une sorte d'impôt
21. Ce qui est nécessaire à l'homme pour subsister.
22. Ceci explique, sans doute, les propos suivants attribués selon
Ibrahim ibn Muhammad à l'Imam al-Sadiq et
rapportés par Hamma ibn Issa: «Personne
n'a jamais pu amasser légalement dix mille dirhams». Ce qui
revient à dire que l'Économie islamique, par l'ensemble de ses
éléments, est faite de telle sorte qu'elle empêche
l'individu d'amasser légalement cette somme d'argent. Notons que
celle-ci ne doit pas être considérée comme un montant fixe
d'argent, mais comme un bien donné dont la valeur est
déterminée par rapport au pouvoir d'achat de l'époque et
au total de la richesse de la société.
23. Le mandataire, le juge religieux, l'autorité islamique
compétente.