ou
la Gnose
mystique
Mortadhâ
Motahhary
Traduit, annoté
et édité par :
Abbas Ahmad
al-Bostani
Publication de
la Cité du Savoir
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Le 'Irfân ou la Gnose mystique
Première édition octobre 2010
Éditeur
Abbas Ahmad al-Bostani
(La Cité du Savoir)
C.P. 712 Succ. (B)
Montréal, Qc., H3B 3k3
Canada
E-mail :
abbas@bostani.com
bostani3@hotmil.com
bostani3@yahoo.com
Site internet :
http://www.bostani.com
Isbn : 978-2-922223-45-3
© Copyrights : Tous droits réservés
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Table des matières
Le ‘Irfân (gnose) et le soufisme
Leçon 2………………………………………………………………….
La Charî‘ah, la Tarîqah et la Haqîqah
Les matériaux du ‘irfân musulman
Bref historique (2)…………………………………………………….
Leçons 7, 8, 9………………………………………………………….
Le Définition des zâhid, ‘âbid, ‘ârif
Leçon 10 :………………………………………………………………
2 & 3)- : Al-hâl الحال (état) et al-maqâm
المقام (station)
4 & 5) -: Al-qabdh قبض
(contraction) et al-bast بسط
(décontraction)
6 & 7)- : jam‘ جمع
(rassemblement, rencontre) et farq فرق (séparation)
8 & 9) -: ghaybah غيبه absence) et dhuhûr ظهور (apparition)
10 - 13)- : Thawq ذوق
le goût), chirb شرب (le boire), sukr سكر (l’ivresse),
rayy ري
(l’arrosage) :
17- Khawâtir خواطر
(les idées)
14-16)- : Mahw محو
(effacement), mahq محق
(anéantissement), çahw صحو (éveil)
18-20)- : Qalb قلب(cœur), rûh
روح (âme), sirr سِر (le for
intérieur)
Index
des termes tchniques arabes de la gnose………………112
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Leçon 1
Le ‘Irfân (gnose) et le soufisme
Le ‘Irfân ou la
gnose mystique est une science qui naquit, se développa et se perfectionna au
berceau de la culture islamique. Il est possible d’étudier la gnose et d’y
effectuer des recherches séparément sur le plan social et sur le plan culturel.
Il y a une
différence entre les gnostiques (‘urafâ’, plur. de ‘irfâni ou 'ârif) et toutes les
autres tranches de la culture islamique tels les mufassir (exégètes du
Coran), les muhaddithines (rapporteurs de Hadith ou des récits
hagiographiques), les faqîh (jurisconsultes), les théologiens
(scolastiques ou mutakallimûn), les philosophes, les littérateurs et les
poètes, car outre le fait qu’ils ont constitué une couche cultivée qui a fondé
une science dénommée «le ‘Irfân» et engendré de grands uléma
(savant musulman) qui produisirent des chefs-d’œuvre, ils se sont détachés dans
le monde musulman comme une classe sociale qui se distingue des autres par ses
traits spécifiques, à la différence des
autres classes sociales tels que les jurisconsultes, les théosophes (hukamâ’
) et d’autres semblables couches sociales et scientifiques, lesquelles ne se sont
pas démarquées comme groupes à part.
En tant que
classe scientifique, les cheikhs de la gnose sont connus sous l’appellation de ‘urafâ’,
et en tant que couche sociale sous la dénomination de soufis.
Bien que les
‘urafâ’ et les soufis n’aient pas formé pour eux une école juridique
particulière au sein de l’Islâm- mais figuraient dans tous les groupes
islamiques- ils ont quand même constitué un groupe socialement solidaire et
coopératif. Toutefois, leurs idées et leurs opinions sur la fréquentation des gens,
ainsi que leur accoutrement spécifique et même leurs habitudes de se laisser
pousser la barbe et les cheveux, et de s’enfermer dans les couvents et bien
d’autres comportements particuliers les ont détachés comme un groupe doctrinal
et social particulier.
Il est
indéniable qu’il y a des ‘urafâ’ -notamment parmi les chiites- qui ne se sont
pas distingués dans leurs apparences des autres, alors qu’ils étaient en
réalité de vrais ‘urafâ’ dans "leur conduite et leur cheminement";
ceux-ci représentent à vrai dire, les vrais ‘urafâ’, contrairement à d'autres
qui se sont forgé diverses règles de savoir-vivre et de conduite, ainsi que
toutes sortes d’hérésies.
Dans cet
exposé, nous n’allons pas traiter du ‘irfân sur son volet social (le soufisme)
et en tant qu’une Voie (tarîqah) empruntée par un groupe social;
nous nous contenterons de l’aborder sous
son aspect culturel et en tant qu’une des disciplines ou sciences islamiques.
Car si nous voulions l’étudier sous son angle social, nous devrions rechercher les
causes et les raisons qui ont conduit à l’émergence de ce groupe social et les
rôles positifs ou négatifs qu’il a joués dans la société islamique, ainsi que
les influences réciproques entre lui et tous les autres groupes islamiques et
son effet sur la propagation de l’Islâm. Mais nous évitons ici d’entrer dans
ces détails, nous limitant à aborder le ‘irfân en tant que science et courant
culturel islamique.
En tant que
science et culture, le ‘irfân a deux aspects : pratique et théorique.
Sur le plan
pratique, le ‘irfân est l’attitude de l’homme et ses devoirs envers lui-même,
envers l’univers et envers son Créateur. Pris dans cette approche, il ressemble
à l’éthique dans le sens qu’il est une science pratique à une différence près
que nous expliquerons plus loin. Cette partie de ‘irfân est appelée «La science
de la conduite et du comportement »[1] et elle s’occupe de décrire le premier pas que
l’aspirant au ‘irfân doit effectuer en vue d’atteindre à «l’Unicité »,
laquelle est le sommet quasi inaccessible de l’humanité, les différentes
positions et les étapes qu’il a à traverser sur son chemin, et les états qu’il
risquerait de connaître dans ces étapes. Il va de soi que l’aspirant ‘irfâni
doit passer par toutes ces étapes sous
la direction d’un homme parfait qui aurait traversé lui-même cette voie et
connu toutes ces positions et que les ‘urafâ’ dénomment parfois «l’oiseau de
Jérusalem »[2] ou «al-Khedhr », sans quoi -s’il marche tout seul
et sans la guidance de cet homme parfait- il n’aboutirait qu’à l’égarement.
Il est évident
qu’il y a une grande différence entre l’Unicité que le gnostique voit comme le
sommet inaccessible de l’humanité et l’extrême but final auquel il aboutit dans
"son cheminement et sa conduite", et celle à laquelle croient les
gens du commun ou les non-initiés, ou même le philosophe qui croit que l’Être
nécessaire est Un et pas plus.
En effet,
l’Unicité telle que la conçoit le gnostique (‘ârif ) signifie que le
seul être existant réellement est Allâh - Le Très-Haut - et que
toutes les autres créatures ne sont que Ses ombres (panthéisme), qu’il n’y a
aucune autre existence qu’Allâh, et que le ‘ârif doit emprunter et traverser cette voie pour
atteindre au stade dans lequel il ne voit plus qu’Allâh – Exalté soit-Il.
Ceux qui
s’opposent aux gnostiques récusent ce stade de l’Unicité et la considèrent même
parfois comme une sorte de mécréance et d’athéisme, alors même que les premiers
le considèrent comme la vraie Unicité et que tout le reste n’est pas dépouillé
de tache polythéiste.
L’approche de
ce stade ne relève pas de l’esprit et de la pensée, mais c’est une affaire de
cœur, de combat intérieur, de conduite, de comportement, ainsi que de
purification et de rééducation de l’âme[3].
En tout état de
cause, tel est le volet pratique du ‘irfân ressemblant à la science de
l’éthique qui traite du comportement et de la conduite, mais dont il diffère
par les points suivants :
1-
Le ‘irfân traite du rapport de l’homme avec lui-même, avec l’univers et
avec son Créateur, et focalise son attention sur la relation de l’homme avec
Allâh, tandis que tous les systèmes éthiques ne voient aucune nécessité à
s’occuper de cette relation (entre la créature et le Créateur) et se contentent
d’aborder les règles de la morale religieuse dans ce domaine.
2- Le cheminement et la conduite ‘irfânites
sont -comme le laissent deviner ces deux termes – actifs et mouvants,
contrairement à l’éthique qui est figée. En effet, le ‘irfân parle d’un point
de départ, des positions et des étapes que l’aspirant ‘irfâni ou "le
voyageur spirituel" doit obligatoirement plier pour atteindre à son but
escompté. Le ‘irfâni voit qu’il y a une véritable voie au sens propre du mot,
dont l’homme doit traverser successivement toutes les étapes et qu’il lui est
impossible d’en atteindre une seconde étape avant d’avoir obligatoirement
traversé l’étape précédente. Le ‘irfâni considère l’âme humaine comme un plant
ou un bébé qui croît et se développe progressivement selon un processus spécifique,
alors que l’éthique traite d’une série de vertus tels que la véracité, la
droiture, la justice, la chasteté, la bienfaisance, l’équité, l’altruisme et
d’autres hautes qualités morales qui ornent l’âme et accentuent sa beauté et sa
brillance. Ainsi, l’éthique voit l’âme humaine comme une maison qu’on devrait
orner avec une couche de peinture et construire avec des pierres et du bois
sans qu’il y ait un ordre chronologique à suivre, dans ce sens qu’il est
indifférent qu’on commence par le toit puis les murs et le contraire, ou par la
façade ou l’arrière.
Le ‘irfân, par
contre, considère que les éléments moraux évoluent selon un ordre dynamique,
mouvant et vivant.
3- Les éléments
spirituels de l’éthique sont restreints par des notions et des concepts connus,
le plus souvent, alors que les éléments spirituels du ‘irfân sont plus ouverts,
car dans le "le voyage spirituel" du ‘irfâni, il est question d’une
série d’états d’âme et de souffrances psychologiques qu’il subit lorsqu’il
traverse les différentes étapes, sans que les gens connaissent ses souffrances.
Le second volet
du ‘irfân s’occupe de l’étude de l’existence et de la connaissance d’Allâh, de
l’univers et de l’homme; et sur ce plan, le ‘irfân ressemble à la philosophie,
car il se déploie à expliquer l’existence, à la différence du premier volet qui
ressemble à l’éthique et se propose de changer l’homme.
Et de même que
le premier volet du ‘irfân diffère dans certains points de l’éthique, de même
dans ce second volet, il diffère de la philosophie sur certains sujets, comme
nous allons le voir dans le chapitre suivant.
Questions (Leçon 1)
1-Quel est le berceau du 'irfan?
2-Le 'ifrân se démarque-t-il des autres branches de la
culture islamique?
3-Pourquoi dénomme-t-on les cheikh de la gnose musulmane tantôt soufi tantôt 'ifrâni?
4-Les urafa se sont-ils distingués par leurs
comportements et leurs apparences physiques?
5- Qu'est-ce que le 'ifrân social et qu'est-ce que le
'ifrân culturel?
6-Définissez le 'irfan pratique et le 'ifrân théorique
7- Quel rôle joue "L'Oiseau de Jérusalem" ou
"al-Khedhr" dans la formation ou le cheminement de l'aspirant
gnostique?
8-Qu'est-ce que 'ilm al-Sayr wa-l-Sulûk" ?
9- En quoi se distingue l'Unicité que conçoit le
gnostique de celle recherchée par les autres dont les philosophes théologiques?
10-Quelle est la différence entre la science du 'ifrân
et la science de l'ethique ?
11-En quoi se différencie l'objectif du 'ifrân de celui de la philosophie
théologique ou la théosophie?
Le ‘irfân
théorique se déploie à analyser l’Existence et traite de la question du
Créateur, de l’univers et de l’homme. Sous cet angle, il ressemble à la
philosophie théologique qui s’intéresse à l’étude de l’Existence. Et de même
que la philosophie théologique a un objet, des sujets et des principes, de même
le ‘irfân possède un objet, des sujets et des principes. Mais alors que la
philosophie fonde ses raisonnements sur les principes et les fondements
rationnels, le ‘irfân fait des divinations mystiques (mukâchafât)[4]la principale matière de ses raisonnements, et
s’évertue par la suite à les expliquer et justifier rationnellement.
Ainsi, le
raisonnement rationnel philosophique est comme un sujet écrit dans une langue
donnée afin que le lecteur le lise dans cette langue, tandis que le
raisonnement gnostique est pareil à un sujet traduit d’une autre langue, c’est
dire que le ‘irfâni prétend soumettre ce qu’il a vu par sa vue intérieure (baçîrah
بصيرة) et son
existence à l’interprétation rationnelle.
Il y a une différence
radicale entre l’interprétation gnostique de l’existence -ou en d’autres termes
la vision cosmique de l’existence- et
celle philosophique.
Ainsi, le
philosophe théologique attribue le açâlah (le Principe) à Allâh et à
d’autres, à cette différence qu’Allâh est l’Être nécessaire et auto-existant,
alors que les autres sont des êtres contingents et dépendants de leur existence
d'un autre et causés par l’Être nécessaire, alors que le ‘ârif (ou 'irfânî) considère que tout, à
l’exception d’Allâh, n’a pas d’existence réelle lors même qu’il
est causé par Allâh, et que la seule réalité est l’Existence d’Allâh qui
entoure toute chose, alors que toutes les choses ne sont que des noms, des attributs et des
manifestations (épiphanie divine) d’Allâh – le Très-Haut – et non pas des
choses qui s’ajouteraient à Lui.
De même la
vision du philosophe diffère de celle du ‘ârif : le premier veut
comprendre le cosmos, c’est dire qu’il essaie de parvenir à une conception
correcte, globale et intégrale du cosmos et considère que le sommet de la
perfection humaine est que l’on perçoive par son esprit le cosmos tel qu’il
est, afin que le cosmos ait une existence rationnelle dans sa propre existence
et qu’il devienne lui-même un savant rationnel; ou comme on le définit la philosophie : « L’homme
devient un savant rationnel semblable à l’homme concret ».
En revanche le
‘ârif n’attache aucune importance au ‘aql
(raison, esprit, intelligence) ni à la perception; ce qu’il recherche, c’est
d’arriver à l’essence de l’existence, c'est-à-dire Allâh -le Sublime- afin de
Le "voir" et d’entrer en contact avec Lui.
La perfection
de l’homme ne doit pas se limiter chez le ‘ârif au simple fait de se faire une idée de
l’existence dans son esprit, mais il faut aller bien au-delà de cette limite et
continuer à se diriger vers le Principe qui lui a donné existence et à détruire
les distances entre lui et le Créateur, et à s’approcher de Lui jusqu’à ce
qu’il s’anéantisse en Lui et s’éternise dans Son
éternité.
Les outils du
philosophe sont l’esprit, la logique et le raisonnement, alors que les
instruments de travail du ‘irfâni se constituent de l’œil intérieur, la lutte
intérieure, la purification et la rééducation de l’âme, ainsi que le mouvement
et le combat intérieurs.
On verra plus
loin la différence entre la vision cosmique du ‘irfâni et du philosophe.
Le ‘irfân dans
ses deux volets pratique et théorique a un lien solide avec la religion
musulmane, car l’Islâm s’attache- comme toutes les autres religions, et même encore
plus- à expliquer les liens de l’homme avec son Créateur, avec l’univers et
avec lui-même, et à étudier l’Existence.
Là, la question
qui se pose est de savoir ce que le ‘irfân
professe et ce que l’Islâm enseigne à cet égard pour voir s’il y a une opposition
entre les deux ou si au contraire il y a une communauté de vues ?
Bien entendu,
les ‘urafâ’ récusent l’accusation selon laquelle leur vision irait au-delà de
ce que l’Islâm enseigne, et prétendent qu’ils ont découvert les vérités
islamiques mieux que quiconque d’autre, que ce sont eux les Musulmans
authentiques, et qu’enfin ils fondent leur doctrine- aussi bien sur le plan
pratique que théorique - sur le Coran et
Toutefois,
leurs détracteurs ne sont pas de cet avis, et on peut résumer les griefs qu’ils
leur adressent comme suit :
1- Certains
traditionnistes (rapporteurs de Hadith ou de traditions hagiographiques) et
jurisconsultes (faqîh) considèrent que les ‘urafâ’ n’observent
pas les enseignements islamiques sur le plan pratique, et que leur référence au
Coran et à
2- Certains
contemporains et rénovateurs – qui ne croient pas vraiment en l’Islâm et
défendent toute opinion teintée de révolte contre les lois islamiques,
avancent- comme les précédents – que les ‘urafâ’ ne croient pas à l’Islâm-du
moins sur le plan pratique- et que le
‘irfân et le soufisme ne sont en réalité qu’une révolution déclenchée par les
non-Arabes contre l’Islâm et les Arabes, menée sous le masque des abstractions
et des choses sacrées.
Ce dernier
groupe s’accorde avec le premier groupe pour professer l’opposition du ‘irfân à
l’Islâm, à cette différence importante que le premier sanctifie l’Islâm, et sa
critique du ‘irfân a pour fondement la sauvegarde des sentiments et des
croyances des masses musulmanes en écartant du champ de l’Islâm le ‘irfân,
alors que le second groupe met en avant son opinion sur le ‘irfân comme étant
opposé à l’Islâm et en se référant à des figures de proue du ‘irfân, connues
mondialement, pour dénigrer l’Islâm et pour affirmer que les pensées sublimes
‘irfânites sont étrangères à l’Islâm et venues de l’extérieur, et que le niveau
de la pensée islamique ne s’élève pas au niveau de celles du ‘irfân. Ce groupe
prétend aussi que la référence que les ‘irfânî font au Livre et à
3- L’opinion du
groupe neutre : ce groupe estime qu’il y a beaucoup de déviations dans le
‘irfân et le soufisme, notamment dans le ‘irfân pratique et tout spécialement
lorsque le ‘irfân se détache comme groupe normatif, auquel cas on pourrait y
trouver beaucoup d’hérésies qui ne concordent pas avec le Livre d’Allâh et
La question de
l’opposition entre le ‘irfân et l’Islâm a été soulevée par des gens mal
intentionnés, car il est possible, pour quiconque lise les livres des ‘urafâ’ d’une façon neutre tout en comprenant bien
les sens de leurs termes techniques, d’y trouver beaucoup d’erreurs, mais
n’aura aucun doute sur leur fidélité à l’Islâm.
Quant à nous,
notre avis sur le sujet penche vers cette dernière opinion et nous considérons
que les ‘urafâ’ n’avaient pas de mauvaises intentions, et qu’en même temps, les
spécialistes du ‘irfân et d’autres connaissances islamiques profondes devraient
étudier les questions ‘irfânites d’une façon neutre et objective pour voir dans
quelle mesure elles s’accordent avec les Enseignements Islamiques.
Parmi les
questions qui font l’objet de désaccord entre les ‘urafâ’ (les gnostiques) et les
autres -notamment les jurisconsultes – c’est l’opinion particulière des
premiers sur
Ainsi, si les
‘urafâ’ et les jurisconsultes s’accordent pour dire que la charî‘ah –les
statuts légaux de l’Islâm- est fondée sur une série d’intérêts et de vérités,
ils divergent quant à la finalité de ces intérêts et vérités que le jurisconsulte considère comme le moyen de
conduire l’homme au bonheur et l’utilisation maximale des dons matériels et
moraux, alors que les ‘urafâ’ les voient comme une voie qui mène vers Allâh et
qu’ils constituent des chemins qui dirigent le serviteur vers son Créateur.
En d’autres
termes, alors que les jurisconsultes estiment que la série des intérêts qui se
trouvent derrière la charî‘ah équivalent aux causes et à l’esprit de
celle-ci, et que l’application de la charî‘ah est le seul moyen de
réaliser ces intérêts, les ‘urafâ’ pensent que les intérêts et les vérités qui
sous-tendent la législation islamique sont une sorte de positions et d’étapes
qui conduisent l’homme à s’approcher du Trône divin et à atteindre à la Vérité,
et ils croient que l’intérieur de
Les
jurisconsultes divisent les statuts légaux islamiques en trois
catégories :
1-Les
fondements des croyances dont traite la théologie scolastique (‘ilm
al-Kalâm) : le musulman doit en effet croire en toutes les questions
relatives aux fondements de la doctrine, d’une façon rationnelle qui ne souffre
aucun doute.
2-Les
commandements qui expliquent les devoirs de l’homme sur les plans des vertus et
des vices moraux, et c’est la science de l’éthique qui s’en occupe.
3-Les statuts
légaux relatifs aux actes et aux comportements extérieurs de l’homme, et c’est
la science de fiqh (jurisprudence musulmane) qui s’en charge.
Ces trois
catégories ou branches sont séparées les unes des autres, puisque la branche
des croyances est liée à l’esprit et à la pensée, la branche de l’éthique est
liée à l’âme et à ses dons et habitudes, et celle des statuts des actes
extérieurs concerne les membres de l’homme.
Par contre, les
‘urafâ’ ne se contentent pas, concernant la branche des croyances, de la simple
croyance mentale et rationnelle, mais considèrent qu’il est nécessaire de
toucher ce à quoi il faut croire, et pour ce faire, on doit obligatoirement
enlever les voiles qui séparent entre l’homme et ces vérités, et dans la
seconde branche, ils ne se contentent pas des morales fixes et déterminées, et
proposent de remplacer l’éthique pratique et philosophique par la conduite ou
le cheminement (sayr) et le comportement (sulûk) ‘irfânites[8] qui a ses étapes bien déterminées. Concernant la troisième branche, ils n’ont
pas d’objection majeure (à la vue des jurisconsultes susmentionnée), à
l’exception de quelques points qu’on peut considérer comme contradictoires
parfois avec les statuts légaux de la jurisprudence.
Les ‘urafâ’ ont
appelé ces trois branches : la Charî‘ah, la Tarîqah
et
1-Quels sont les outils de travail du 'ifrânî et quels
sont ceux du philosophe?
2-D'aucuns affirment que le 'ifrân en Islam est une
doctrine intruse, empruntée au -Christianisme, aux Juifs ou aux Bouddhisme,
qu'en pensez-vous?
4-Citez quelques exemples de la Sunna ou du Coran qui
les concepts des gnostiques musulmans ne sont pas étrangers à l'Islam.
5-Quels sont les points de divergence et de
convergence entre les 'Urafâ' et les jurisconsultes sur la finalité de la
Charia et les statuts légaux?
6- Comment les Jurisconsultes divisent-ils les statuts
de la Charia et comment les 'Urafâ' les appellent-ils?
7- Quelle est la corrélation entre la Charia et
la tariqah et la Haqiqah chez les 'Urafâ'
Les matériaux du ‘irfân musulman
Il est
nécessaire, pour connaître toute science, d’étudier son histoire et les
changements qu’elle a connus, et de savoir quels sont ses principaux ouvrages
et ses figures de proue. C’est ce que nous allons faire dans le présent cours
et le cours suivant.
La première
question que nous devrions nous poser ici est : la gnose musulmane (‘irfân)
est-elle pareille aux autres sciences islamiques telles la jurisprudence (fiqh), les
Fondements (uçûl), l’Exégèse (tafsîr), et le Hadîth, dont les
Musulmans ont tiré la matière du fondement de l’Islâm pour ensuite les
développer et édifier leurs règles ? Ou
bien elle est à l’instar de la médecine et des mathématiques, introduites en
Islâm de l’extérieur et développées par les Musulmans au berceau de la
civilisation islamique ? Ou bien encore si elle ne fait partie d’aucune de
ces deux catégories ?
Les ‘urafâ’ eux-mêmes affirment
qu’ils appartiennent à la première catégorie et récusent formellement la
seconde, alors que certains orientalistes insistent que le ‘irfân et toutes ses
subtiles idées sont venus de l’extérieur de l’Islâm. Tantôt
ils l’imputent au Christianisme en affirmant que
la pensée irfânite s’est développée au contact
des Musulmans avec les moines chrétiens, tantôt ils prétendent qu’il
s’est formé par réaction des Iraniens à l’Islâm et aux Arabes, tantôt ils
assurent qu’il
est le produit du néoplatonisme, lequel est un mélange des pensées
d’Aristote, de Platon, de Pythagore (Pythagoras), des Gnostiques d’Alexandrie
ainsi que des idées des Juifs et des Chrétiens, et tantôt le considèrent comme
étant issu des pensées du bouddhisme. D’autre part, les détracteurs du ‘irfân
du côté des Musulmans, se déployèrent eux aussi à montrer qu’il est, comme le
soufisme, étranger à l’Islâm et à lui rechercher des racines non islamiques.
Le troisième
avis considère que le ‘irfân – aussi bien théorique que pratique- a tiré ses matières premières de
l’Islâm et qu’il a ensuite posé à ces matières des règles et des fondements,
tout en subissant les influences de courants non islamiques – notamment dans
ses pensées kalâmites (théologico-apologétiques) et philosophiques- tout spécialement
la philosophie ishrâqite (illuministe). Toutefois, si selon cet avis il ne fait
pas de doute que le ‘irfân musulman a tiré sa matière fondamentale exclusivement de l’Islâm, il ne
reste pas moins que des interrogations s’imposent : Dans quelle mesure les
‘urafâ’ ont-ils réussi à poser les règles et les fondements corrects à cette
matière première islamique? Si oui, leur succès dans ce domaine serait-il
comparable à celui des jurisconsultes? Quelle a été la somme de l’influence
exercée par les courants extérieurs sur le ‘irfân islamique? Le ‘irfân a-t-il pu attirer ces influences extérieures vers lui
en les revêtant de sa couleur et en s’en servant à son intérêt? Ou bien si au contraire ce
sont ces courants qui l’ont entraîné dans leur sillage et en l’amenant à
marcher dans le sens de leur cours? Ce sont là des interrogations auxquelles on
devrait chercher des réponses à travers des recherches objectives
indépendantes.
Les tenants du
premier avis – et dans une certaine mesure du second avis- affirment que la
religion musulmane est dépouillée de complications, et compréhensible pour le
commun des mortels, car elle n’est pas teintée d’équivoque ni entourée de
mystères. Pour eux, le fondement doctrinal de l’Islâm est l’unicité, dans ce
sens que, de même qu’une maison a un architecte ou constructeur séparé et
différent d’elle, de même le monde a un Créateur séparé de lui, et que du point
de vue islamique, le fondement du lien de l’homme avec ce bas-monde est
l’abstinence et l’abandon des plaisirs de ce dernier pour parvenir à la
félicité et à la vie éternelle. Et si on
va encore plus loin, on trouve une série de statuts légaux pratiques dans ce
sens que la jurisprudence islamique se charge d’expliquer.
Ce groupe pense
que ce que les ‘urafâ’ disent à propos
de l’Unicité est différent de ce que l’Islâm enseigne à ce sujet, car l’Unicité
‘irfânite consiste en l’unicité de l’existence, et qu’il n’existe rien en
dehors d’Allâh, de Ses Noms, Ses Attributs et Ses Manifestations, et affirme
que "le cheminement (sayr) et la conduite (sulûk)" des
‘urafâ’ diffèrent aussi du mysticisme (zuhd)
musulman, car ils évoquent dans "leur cheminement et leur conduite"
(leur voyage spirituel) une série de concepts et termes –tels que ‘eshq
(le désir ardent) et l’amour d’Allâh, annihilation mystique (fanâ’) en
Allâh, la manifestation d’Allâh (théophanie) dans le cœur du ‘irfâni, ce qui n’a pas d’existence dans l’ascétisme
musulman. En bref, il voit que la méthode ‘irfânite diffère de la charia islamique en ceci qu’elle
sous-tend des conceptions qui n’ont rien à voir avec la jurisprudence musulmane
et que les Compagnons pieux du Messager d’Allâh (P) auxquels se réfèrent les
‘urafâ’ et les soufis et qu’ils disent
suivre n’étaient que des ascètes détachés des attraits de la vie d’ici-bas, et
tournés vers le Monde futur (âkherah) avec des cœurs craignant le
Châtiment d’Allâh et aspirant à Sa Récompense;
ils ne savaient rien du «cheminement et de la conduite » et de
« l’unicité » irfânites.
En réalité, le
jugement ainsi émis par ce groupe sur le rapport du ‘irfân à l’Islâm n’est aucunement acceptable, car les
matières premières de l’Islâm sont nettement plus riches et plus profondes que
ne présument – par ignorance ou intentionnellement- les tenants dudit groupe.
Ni l’Unicité islamique n’est aussi simple et creuse qu’ils le laissent entendre
ni la dévotion de l’homme en Islâm ne se réduit à cet ascétisme superficiel
qu’ils supposent, ni les pieux Compagnons du Prophète (P) ne sont comme ils les
décrivent, ni les statuts légaux de l’Islâm ne se bornent aux actes des membres
et organes de l’homme.
C’est pourquoi,
dans le présent cours, nous allons essayer de démontrer la possibilité de
recourir aux enseignements islamiques authentiques pour parvenir à une série de
connaissances relatives au ‘irfân théorique et pratique. Quant à savoir jusqu’à quel point les
‘urafâ’ musulmans ont réussi à se servir
correctement de ces enseignements, c’est une autre question dont nous ne
pourrons pas traiter dans ces cours concis.
Ainsi,
concernant l’Unicité, le Coran ne compare pas le rapport Allâh-créatures au
rapport architecte-maison, mais Le (le Très-Haut) présente comme étant le Créateur de l’univers et se
trouvant partout et avec toute chose, comme en témoignent les versets suivants
par exemple- entre bien d’autres- : « Où que vous vous tourniez,
Il est évident
que ce genre de versets orientent la pensée vers une notion d’Unicité bien plus
sublime et profonde que celle à laquelle les gens du commun croient, s'accordent
avec ce que le 'irfân énonce.
Il suffit pour
s’en convaincre de jeter un coup d’oeil, au sujet du "voyage
spirituel", et le pliage des étapes, sur certains versets relatifs à «la
rencontre d’Allâh » et «l’agrément d’Allâh », ou ceux ayant trait à
la révélation, à l’inspiration et la parole que les Anges ont
adressées à des non-Prophètes, tel que Maryam (p) et surtout les versets
évoquant l’Ascension du Noble Messager d’Allâh[12].
De même, le
Coran parle de «l’âme qui ne cesse de blâmer » (al-nafs al-lawwâmah)[13], «l'âme très incitatrice au mal » (al-nafs
al-ammârah)[14] et «l’âme apaisée » (al-nafs al-mutma’innah)[15], ainsi que du savoir qu’Allâh «effuse », du
savoir tiré directement d’Allâh (al-‘ilm al-ladunî)[16], et de
Mais comme nous
l’avons dit précédemment, nous n’entendons pas par cet exposé, juger dans
quelle mesure les ‘urafâ’ ont réussi à utiliser ces vérités enrichissantes à
bon escient ni à porter un jugement sur la justesse ou la fausseté de leurs
opinions. Ce qui nous importe avant tout c’est de montrer les idées
tendancieuses que les Occidentaux et leurs adeptes répandent pour tenter de
vider l’Islâm de son contenu spirituel, et de souligner la grande richesse que
recèle l’Islâm et qui peut constituer une matière apte à inspirer aux Musulmans
les vérités et les concepts sublimes que nous avons relevés, c’est dire que
même à supposer que les ‘urafâ’ au sens
technique du terme- n’aient pu l’exploiter correctement, d’autres pourront le
faire.
En outre, les
récits hagiographiques (riwâyah), les sermons, les du‘â’, (prière de
demande), débats islamiques et les biographies des hautes personnalités qui
grandirent au berceau de l’Islâm, tout ceci prouve que ce qui se passait aux
premiers temps de l’Islâm n’était pas un simple ascétisme creux et une
adoration dont on ne s’attend que l’obtention de récompense spirituel!
En effet, on
peut trouver dans ces récits, sermons, du‘â’, et débats des concepts sublimes
et transcendants. Les biographies des personnages notoires, vécus au premier
temps de l’Islâm évoquent une série de concepts qui dénotent l’amour et le
désir spirituel, les visions du cœur, la brûlure dans l’affliction spirituelle.
Ainsi, il est
rapporté dans le corpus al-Kâfi :
«Un jour, le
Messager d’Allâh (P) accomplit en assemblée
De même les
propos suivants du Commandeur des Croyants, l’Imâm ‘Alî (p), dont la chaîne de
la majorité écrasante des tenants du ‘irfân et du soufisme remonte à lui constituent une source
d’inspiration des connaissances et des spiritualités. Nous citons ici deux
exemples à titre d’illustration :
Dans le sermon
No 219 de son œuvre majeure, Nahj al-Balâghah, on lit : «Allâh – qu’Il
soit glorifié et exalté- a fait de l’évocation des attributs d’Allâh un
polissage des cœurs : tu entends par Lui après avoir souffert de lourdeur
dans l’oreille, tu vois par Lui après avoir connu une faiblesse dans l’œil, et
tu es guidé par Lui après avoir été perdu dans la polémique. Allâh – que Ses
Signes soient Puissants- a encore pendant la période dépourvue des Prophètes,
des gens à qui Il s’adresse par inspiration et parle à leurs esprits
mêmes… »[21]
Dans le sermon
217 où il décrit le pèlerin vers Allâh (sâlik ou le voyageur spirituel),
on lit : «Il a ravivé son ‘aql (esprit), fait mourir ses désirs,
jusqu’à ce qu’il devînt décharné et son âme limpide, et qu’une brillance très
éclairante l’éclairât, lui montrant la voie, le conduisant à travers les
chemins. Il passait ainsi d’une position à l’autre des étapes de la
perfection et de la demeure de séjour. Ses pieds se sont fixés avec la sûreté
de son corps dans la résidence de la sécurité et du confort de façon à faire
appel à son coeur et à satisfaire son Seigneur.»[22]
De même, les
du‘â’ islamiques, notamment du Chiisme, renferment d’immenses trésors de
connaissances de tendance gnostique, tels que Du‘â’ Kumayl, Du ‘â’ Abû Hamzah
al-Thamâlî, al-Munâjât al-Cha‘bâniyyah, ainsi que les du‘â’ d’al-Sahîfah
al-Sajjâdiyyah.
Avec cette
richesse fabuleuse en concepts spirituels et gnostiques islamiques pourquoi
recherche-t-on des sources en dehors de l’Islâm ?!
C’est dans le
même registre que s’inscrivent les tentatives de certains orientalistes de
rechercher à l’extérieur de l’Islâm l’origine et les motifs du mouvement de
critique et d’opposition mené par le Compagnon Abû Tharr al-Ghifârî contre les
tyrans de son époque et contre leur pratique de l’oppression, de l’injustice,
de la dilapidation du fonds publiques et de la thésaurisation des fortunes,
mouvement qui lui valut d’être proscrit, torturé et harcelé jusqu’à ce qu’il
décédât dans la solitude et le dépaysement
en exil. Et ce fussent ces tentatives desdits orientalistes qui
suscitèrent l’interrogation étonnée et sarcastique de l’écrivain chrétien, Georges Jordâq, qui écrit dans son livre
«L’Imâm ‘Alî,
En effet, Abû
Tharr aurait-il pu s’inspirer le djihâd (le combat) contre l’injustice d’une
source autre que l’Islâm!!! Quelle référence autre que l’Islâm aurait pu
inspirer à Abû Tharr sa révolte contre des tyrans et des oppresseurs comme
Mu‘âwiyah!?
Et c’est ce que
les orientalistes font avec le ‘irfân aussi lorsqu’ils essaient de rechercher aux
spiritualités ‘irfânites une source d’inspiration hors de l’Islâm, ignorant le fait que
celui-ci représente une mer immense de spiritualité (….) Mais heureusement que
quelques autres orientalistes tels que l’Anglais, Nicholson et le Français,
Massignon, qui avaient étudié le ‘irfân musulman d’une façon exhaustive et font l’objet de l’estime
de tous, ont reconnu dernièrement que la source primordiale du ‘irfân est le Coran et
Il dit
également : «Les fondements de l’unicité dans le soufisme se trouve
dans le Coran plus que nulle part ailleurs. De plus, il est dit dans un hadith
qudsî[32] :
«Le serviteur
continue de se rapprocher de Moi par les actes surérogatoires jusqu’à ce que Je
l’aime, et lorsque Je l’aime, Je serais son ouїe par laquelle il entend, sa vue par laquelle il voit,
sa langue par laquelle il parle, et sa main par laquelle il
frappe » ».
لا يزال
العبد يتقرب
اليَّ
بالنوافل حتى
احبه، فاِذا
احببته كنت
سمعه الذي
يسمع به، وبصره
الذي يبصر به،
ولسانه الذي
ينطق به، ويده
التي يبطش بها
Ceci dit,
rappelons-le une fois de plus : nous n’entendons pas par cet exposé
étudier dans quelle mesure les soufis et les ‘urafâ’ ont réussi à s’inspirer
des textes islamiques dans leur doctrine, mais seulement de savoir si la source
de leur inspiration était bien les textes islamiques ou bien d’autres sources
en dehors de l’Islâm.
1-Quelles sont les trois opinions principales sur
l'origine de la gnose en Islam?
2-Quels sont les éléments ou les concepts chez le
'ifrân que certains jurisconsultes trouvent étrangers à l"Islam?
3- Citez quelques hadith et quelques versets
coraniques qui indiquent que le 'ifrân en tire sa doctrine.
Les
connaissances islamiques originelles et les traditions des Imâms de l’Islâm,
riches en rayonnements moraux et spirituels qui constituaient les sources de
beaucoup de grands esprits dans le monde musulman, ne se limitent pas à ce
qu’on appelle ‘irfân ou soufisme. Mais dans le présent exposé, nous nous bornons à ces deux
sujets sans aller plus loin. Bien entendu, vu la nature brève de ces cours,
nous traitons l’historique du ‘irfân et du soufisme sans commentaires critiques ni
annotations explicatives. Aussi, limitons nous à exposer les tournants qu’ont
connus le ‘irfân et le soufisme à partir des premiers temps de l’Islâm jusqu’au Xe
siècle (de l’hégire), puis à quelques sujets de ‘irfân et à conclure enfin par l’examen et l’analyse
objective de ses racines.
Il est admis
généralement qu’il n’existait pas au début de l’Islâm et au premier siècle de
l’hégire, un groupe de ‘urafâ’ ou de
soufis. Le soufisme est apparu, en effet, au IIe siècle de l’hégire,
et le premier à avoir eu droit à la dénomination de soufi fut Abû Hâchim
al-çûfî al-Kûfî qui vécut en ce siècle et y érigea le premier couvent pour les
adorateurs et les ascètes musulmans[33]. L’histoire ne fixe pas la date du décès d’Abû
Hâchim, mais elle nous en laisse un indice en notant qu’il était le professeur
de Sufiyân al-Thawrî décédé lui en l’an 161 de l’hégire.
Abû-l-Qâcim
al-Quchrî – une des figures de proue des ‘urafâ’ et des soufis- mentionne que cette appellation
est apparue avant l’an 200 de l’hégire, et selon Nicholson, elle vit le jour
vers la fin du IIe siècle de l’hégire. Mais d’après un récit
d’al-Kâfî (Kitâb al-Ma‘îchah), il y avait un groupe contemporain de l’Imâm
al-Sâdiq (p) (c’est-à-dire pendant la
première moitié du IIe s.) comme Sufiyân al-Thawrî et un
autre groupe qui furent connus sous cette désignation.
Donc si Abû
Hâchim al-Kûfî fut le premier à porter cette appellation, alors qu’il était le
professeur de Sufiyân al-Kûfî décédé en l’an 161 H., on peut présumer que le
mot soufisme fut connu pendant la première moitié du IIe siècle et non à la fin
de ce siècle comme le soutiennent Nicholson et d’autres. Ceci dit, il n’y a pas
divergence d’avis sur le fait que les soufis furent désignés sous cette
appellation parce qu’ils portaient des vêtements soufî (en laine) qui
connotent leur détachement des attraits de ce monde. Ils répugnaient ainsi à se
vêtir de tissus douillets, avaient un goût prononcé pour les vêtements rudes,
notamment en laine brute.
Si nous
ignorons la date exacte à laquelle ce groupe s’est donné l’appellation de
‘urafâ’, du moins nous sommes sûr que celle-ci fut répandue au IIIe
siècle de l’hégire, à en croire l’affirmation d’al-Sirrî al-Siqtî
(décédé en l’an 243 H.)[34]. Toutefois, Abû Naçr al-Sarrâj al-Tûcî
rapporte dans son livre «al-Luma‘» - un écrit très crédible dans le domaine du ‘irfân et du soufisme- un récit de Sufiyân al-Thawrî ,
qui laisse penser que cette désignation est apparue vers la première moitié du
IIe siècle[35].
En tout état de cause, il n’existait pas au I er
siècle de l’hégire de groupe dénommé soufisme. Cette appellation n’est apparue
qu’au IIe siècle, et le regroupement de personnes sous cette
désignation est survenu en ce siècle aussi et non pas au IIIe siècle comme
l’ont soutenu certains[36].
Mais l’absence d’un groupe désigné sous cette
appellation pendant le premier siècle de l’hégire ne signifie nullement que les
dévots des compagnons étaient de simples adorateurs et ascètes au même degré de
foi naïve dépourvue de la brillance de la vie spirituelle, comme aiment le dire
les Occidentaux et les occidentalisants. En effet, il y avait des Compagnons
marqués par leur forte spiritualité, et le niveau de foi de tous les Compagnons
n’était pas le même. Ainsi Salmân al-Fâresi et Abû Tharr, par exemple,
n’étaient pas au même degré de foi, comme en attestent de nombreux hadiths dont
celui-ci : «Si Abû Tharr savait ce qu’il y a dans le cœur de Salmân, il
l’aurait tué »[37].
1-Al-Hassan al-Baçrî : De même que le kalâm
(la scolastique musulmane) commence avec Hassan al-Baçrî (décédé en 110 H.) de
même le terme ‘irfân débute par lui.
Il est né en l’an
22 de l’hégire et vécut 88 ans dont la plus grande partie au Ier
siècle.
Il est clair
qu’al-Hassan al-Baçrî ne fut pas connu comme soufi, mais on le compta parmi les
soufis pour avoir écrit un livre intitulé «Ri‘âyat huqûq Allâh» (Le
respect des droits d’Allâh) que l’on peut considérer comme le premier livre
soufi. L’unique copie existant de ce livre se trouve à l’université d’Oxford.
Selon Nicholson : «Le premier Musulman à avoir écrit sur la vraie manière
de vivre soufie est al-Hassan al-Baçrî, puis il fut suivi par d’autres qui
expliqueront les fondements du soufisme pour atteindre aux hautes positions
(spirituelles), en commençant par la repentance et en passant par une série
d’autres pratiques qu’il faut effectuer successivement pour s’élever jusqu’à
Il est à noter
que les ‘urafâ’ eux-mêmes font remonter
certaines chaînes de
Il apparaît,
d’après certains récits, qu’al-Hassan al-Baçrî était plus tard pratiquement
l’un de ceux qui ont eu la réputation de soufis. Nous rapporterons certains de
ces récits dans un autre contexte. Il est à noter aussi qu’al-Hassan al-Baçrî
avait des racines iraniennes.
2-Mâlik Ibn
Dînâr (décédé en 131 H.) : Il était de Bassora et il s’adonna à un
ascétisme excessif et au détachement de ce monde.
3-Ibrâhîm Ibn
al-Adham : Il est de la ville de Balakh et il eut une histoire connue
semblable à celle de Bouddha, car on dit qu’au début il était le Sultan de
cette ville, et qu’après avoir vécu certains événements, il se repentit et
s’engagea dans la voie soufie. Les ‘urafâ’
le tinrent en très haute estime. Il mourut approximativement en l’an 161
H.
4-Râbi‘ah
al-‘Adawiyyah : Elle est soit égyptienne soit Baçrite (de la ville de
Bassora en Irak). Elle fut une des étrangetés de l’histoire. Elle fut surnommée
«Rabi‘ah» (quatrième) parce qu’elle naquit après la naissance de trois
sœurs. A ne pas la confondre avec Rabi‘ah
al-Châmiyyah qui vécut au IXe siècle et fut la contemporaine
d’al-Jâmî.
Rabi‘ah avait
des états étranges, et composa des poèmes considérés comme le sommet du ‘irfân. On raconte d’elle une histoire amusante concernant
la visite que lui rendirent al-Hassan al-Baçrî, Mâlik Ibn Dînâr et une
troisième personne. Elle mourut en l’un 135 ou 136 H., ou selon d’autres
sources en 180 ou 185 H.
5-Abû Hâchim
al-Çûfî al-Kûfî : Il était syrien. Il vécut et mourut en Syrie. Toutefois,
on ignore la date de sa mort. La seule chose de lui dont est sûre est qu’il fut
le professeur de Sufiyân al-Thawrî (décédé en 161 H.). Il paraît qu’il
fut le premier à avoir droit à l’étiquette de soufi. Sufiyân dit de lui :
«Sans Abû Hâchim, je n’aurais pas connu les subtilités de la cagoterie. »
6-Chaqîq
al-Balkhî : Il était l’élève d’Ibrâhîm al-Ad-ham. Il est noté dans le
livre «Rîhânat-ul-Adab» citant «Kashf-ul-Ghummah » de ‘Alî Ibn
‘Îssâ al-Atbalî et «Nûr-ul-Abçâr» d’al-Chalbanjî que Chaqîq rencontra l’Imâm
Mûssa al-Redhâ (p) et qu’il rapporta de lui des récits spirituels extraordinaires.
Il mourut en
l’an 153 ou 174 ou encore 184 de l’hégire selon les différentes sources.
7-Ma‘rûf
al-Karkhî : Il était du quartier al-Karkh à Baghdâd et il semblerait qu’il
était d’origine iranienne puisque son père s’appelait «Fayrûz ». Il
comptait parmi les plus célèbres des ‘urafâ’
et on dit que ses parents étaient des Chrétiens et qu’il se convertit à
l’Islâm sous l’égide de l’Imâm Mûssâ al-Redhâ (p) dont il apprendra beaucoup de
sciences. Selon les ‘urafâ’, beaucoup de chaînes du soufisme remontent à lui et
puis à l’Imâm al-Redhâ (p) et à ses prédécesseurs puis au Noble Prophète (P).
C’est pourquoi cette chaîne (celle d’al-Karkhî) fut connue sous la désignation
de la chaîne dorée (al-Silsilah al-thahabiyyah), c’est du moins ce que
réclament tous les thahabiyyoun (les membres de cette chaîne).
Deux dates sont
retenues pour son décès : 200 ou
206 de l’hégire.
8-Al-Fudhayl
Ibn ‘Ayâdh (décédé en 187 H.) : Il était de Marw, donc iranien avec des
racines arabes.
On dit qu’il
avait été à l’origine un brigand et qu’un jour, alors qu’il escaladait un mur
pour commettre un vol, il vit un homme dans l’obscurité en train de prier et de
réciter le Coran. Il fut troublé par les versets coraniques et se repentit tout
de suite. On lui attribue la paternité du livre « Miçbâh
al-Charî‘ah » dont on dit qu’il consistait en les cours qu’il avait appris
de l’Imâm al-Sâdiq (p), ouvrage accrédité par le grand traditionniste
al-Muhaddith al-Hâj Mirzâ Hussain al-Nûrî.
1-Bâyazîd
al-Bastâmî (Tayfûr Ibn ‘ïssâ) (décédé en 261 h.) : Il est
l’un des plus grands ‘urafâ’ et il est
originaire de Bastâm. On dit qu’il fut le premier à parler franchement
de l’anéantissement en Allâh et de la fusion en Allâh. Il disait de
lui-même à ce propos: «Je suis sorti de Bâyazîd comme le serpent sort de sa
peau ».
Bâyazîd eut
quelques écarts langagiers qui lui valurent d’être accusé de mécroyance, alors
que les ‘urafâ’ voyaient en ces écarts
son appartenance au courant de «sukr» (ivresse spirituelle), c’est-à-dire qu’il
fit ses écarts dans l’état de l’anéantissement dans l’Essence divine.
D’aucuns
prétendirent qu’il fut serveur d’eau dans la maison de l’Imâm al-Sâdiq (p),
mais l’histoire infirme cette prétention car Bâyazîd n’était pas contemporain
de l’Imâm (p).
2-Bishr al-Hâfî :
Il était de Baghdâd mais ses ancêtres étaient de Marw. Au début, il était un
débauché et un libertin, mais par la suite, Allâh le guida vers
Il eut droit au
sobriquet d’al-hâfî (déchaussé, pieds nus), car il marchait pieds nus,
mais d’autres évoquent autres causes pour ce surnom.
Il mourut en
l’an 226 ou 227 de l’hégire.
3-Al-Sirrî
al-Siqtî : il était de Baghdad mais on ignore ses origines. Il fut un ami de Bishr al-Hâfî.
C’était un homme affectueux, altruiste envers les serviteurs d’Allâh dont il
faisait passer l’intérêt avant le sien. Ibn Khalkân raconte dans «Wafiyyât
al-A‘yân » qu’al-Sirrî disait : «J’ai demandé à Allâh pardon pendant
30 ans pour avoir dit un jour «Dieu merci » (alhamdu lillâh). On
lui demanda : «Comment cela? » Il s’expliqua ainsi : «Une nuit, le
feu fut déclaré dans le souk. Je suis sorti alors m’enquérir du sort de ma boutique.
On m’informa que le feu ne l’avait pas touchée. Je dis alors : «Dieu
merci ». Puis je me suis rendu compte que ce que je venais de dire, trahit
mon égoïsme et mon indifférence aux affaires des Musulmans. Aussi me
suis-je mis à demander à Allâh de me pardonner depuis lors ».
Al-Sirrî était
un élève et un adepte de Ma‘rûf al-Karkhî et en même temps le professeur de son
neveu (le fils de sa sœur) Junayd al-Baghdâdî. Il avait beaucoup d’écrits sur
l’Unicité et l’amour divin. C’est lui qui dit : «Le gnostique est comme le
soleil rayonnant sur tous les coins de la terre qui porte le maigre et le gras,
et comme l’eau par laquelle se ravivent les cœurs assoiffés, et le flambeau qui
éclaire tous les lieux ».
Il mourut en
l’an 245 ou 250 de l’hégire, âgé alors de plus de 98 ans.
4-Al-Harith
al-Muhâcibî (décédé en l’an 243 H.) : Ses origines remontent à
la ville de Bassora. Il était un compagnon de Junayd. Il fut surnommé al-Muhâcibî
en raison de son métier de comptable et de vérificateur. Il était contemporain
d’Ahmad Ibn Hanbal, lequel étant fortement opposé au kalâm
(scolastique musulmane), le chassa, ce qui éloigna les gens de lui.
5-Junayd
al-Baghdâdî : Ses origines remontent à Nahâwand. Les ‘urafâ’ et les soufis l’appelaient «Sayyid al-Tâ’ifah »
(Le Maître de la secte). C’était un gnostique modéré. Il n’eut pas les écarts
langagiers prononcés par d’autres, et ne portait pas les vêtements des soufis,
mais ceux des uléma et des faqîh (jurisconsultes). Lorsqu’on lui
demanda : «Pourquoi ne portez-vous pas les vêtements des soufis pour leur
ressembler? », il répondit : «Si je savais que les vêtements ont un
effet, j’aurais porté une robe en fer embrasé. En fait ce qui compte ce n’est
pas le tissu, mais la brûlure intérieure ».
Il était le
neveu et l’élève d’al-Sirrî al-Saqtî, mais aussi l’élève d’al-Harith
al-Muhacibî.
On dit qu’il
mourut à l’âge de 90 ans en 297 de l’hégire.
6-Thû-l-Nûn
al-Miçrî : Il était égyptien et étudia le fiqh (la jurisprudence) chez le
célèbre Mâlik Ibn Anas. Al-Jâmî le surnomma «Le Chef des soufis ». Il fut
le premier à utiliser les symboles pour désigner les termes techniques soufis
afin qu’ils ne fussent compris que par les initiés. Dès lors, ce sont ses
symboles qui furent utilisés par les soufis, et les concepts gnostiques commencèrent
à se faire connaître à travers les poèmes d’amour et les expressions
symboliques. D’aucuns soutiennent que Thû-l-Nûn introduisit dans le ‘irfân et le soufisme beaucoup d’enseignements de la
philosophie néoplatonicienne.
Il mourut entre
240 et 250 de l’hégire.
7-Sahl Ibn
‘Abdullah al-Tastarî : Il compte parmi les grands ‘urafâ’ et soufis. Il est originaire de Shushtar (en
Iran). On lui attribue la paternité d’un groupe de ‘urafâ’ et de soufis –qui adoptèrent comme fondement
«la lutte contre soi-même »[40]- connu sous la désignation de «sahliyyah».
Il rencontra
Thû-l-Nûn al-Miçrî à
8-Hussain Ibn
Mançûr al-Hallâj : Il était natif
de la ville d’al-Baydhâ’ près de Chirâz (Iran), mais il vécut et grandit
en Irak. Il provoqua un grand vacarme sur le ‘irfân et ses écarts langagiers se sont multipliés. Il
s’ensuivit que toutes sortes de bruits circulèrent le concernant et il fut
accusé de mécréance et pendu sous le règne du calife abbasside al-Muqtadar.
D’autre part, les ‘urafâ’ l’accusèrent
de divulguer et de répandre leurs secrets. Certains le classèrent dans la
sorcellerie, mais les ‘urafâ’ le
blanchissent de cette accusation et soutiennent que les propos mécréants qui
sortent de sa bouche, tout comme ceux de Bâyazîd, furent prononcés par eux
pendant leur état d’ivresse et d’anéantissement spirituels. Les ‘urafâ’ l’appellent «le martyr ». Il fut exécuté
en l’an 306 ou 309 de l’hégire[42].
1-Quand le soufisme a vu le jour
dans l'histoire de l'Islam?
2-Qui était le premier à avoir porté l'étiquette de
soufi dans le monde musulman?
3-Quelle est l'origine et la cause de
l'appellation "soufi"?
4- Pourquoi al-Hassan al-Baçrî était-il compté comme
un soufi?
5- Citez les noms des trois plus importants des Urafa
du IIe siècle.
6-Qu'est-ce que "al-Silsilah al-Thahabiyyeh"
?
7-Citez les noms des trois plus importants soufis du
IIIe siècle.
1-Abû Bakr al-Chiblî : Il est l’un des plus renommés des ‘urafâ’. Il
étudia chez Junayd al-Baghdâdî et fut contemporain d’al-Hallaĵ. Il
est originaire de Khorâsân (Iran). Les livres de Biographies dont
« Rawdhât al-Jannât » citèrent beaucoup de ces écrits et poèmes
gnostiques. Al-Khawâjah ‘Abdullâh al-Ançârî écrit que Thû-l-Nûn al-Miçrî était
le premier à s’être exprimé par les symboles et les signes,
suivi par al-Junayd qui donna à cette science (soufisme-‘irfân) des règles et
un ordre et composa des livres sur ce sujet. Puis vient le rôle d’al-Chiblî
pour la porter vers les chaires.
Il mourut entre 234 et 244 de l’hégire à l’âge 87 ans environ.
2-Abû ‘Alî al-Rûdbârî (décédé en l’an 322 H.) : Son ascendance
remonte à Anoushîrawân, le célèbre shah sassanide d’Iran. Il fut le compagnon
inséparable d’al-Junayd et étudia le fiqh chez Abû-l-‘Abbâs Ibn Charîh
et la littérature chez Tha‘lab. On dit qu’il réunit
3-Abû Naçr al-Sarrâj al-Tûcî (décédé en378 H.) : Il est
l’auteur du célèbre livre «al-Luma‘» (ouvrage classique, original et crédible
dans le domaine du ‘irfân et du soufisme). Il étudia chez beaucoup de cheikh du
soufisme directement ou indirectement. Certains prétendent que le mausolée
situé vers la fin de la rue de Mashhad, connu sous le nom de «Pîr Pâlâné
Dûz »[43] serait en réalité la tombe de Abû Naçr
al-Sarrâj.
4-Abû-l-Fadhl-al-Sarkhacî (décédé en 369 H.). Il est le neveu d’Abû ‘Alî
al-Rûdbârî et compte parmi les ‘urafâ’
de
5- Abû Tâlib al-Makkî (décédé en 385 ou 386 H.) : Il s’est
rendu célèbre grâce à son livre «Qût al-Qulûb» qu’il écrivit sur le ‘irfân et
le soufisme. Il est originaire de Bilâd al-Jabal en Iran mais était connu sous
le nom de Makkî (mécquois) parce qu’il habita à
1-Al-Cheikh Abû-l-Hassan al-Kharqânî (décédé en 425 H.) : Il
compte parmi les ‘urafâ’ les plus connus
et on raconte sur lui des histoires étonnantes. On dit par exemple qu’il
rendait visite au tombeau de Bâyazid al-Bistâmî et lui parlait et que ce
dernier de son tombeau résolvait ses problèmes. Al-Mawlawî le cita souvent dans
« al-Muthnawî » et déclarait qu’il l’aimait beaucoup et qu’il
avait subi son influence. On dit qu’il avait rencontré le célèbre philosophe
Avicenne et le gnostique renommé Abû-l-Khayr.
2-Abû Sa‘îd Abû-l-Khayr al-Nichâpûrî (décédé en 440 H.) : Il est l’un
des plus renommés et le plus actif des ‘urafâ’. Il composa de très beaux
quatrains et des écrits en belle prose cadencée gnostiques. Un jour, Avicenne
assista à sa séance de prône où il discourait sur la nécessité de l’action et
sur les conséquences respectives de l’obéissance et la désobéissance à Allâh.
Avicenne intervint alors et composa des vers dont la teneur approximative
est : «Nous n’aspirons qu’à
3- Abû ‘Alî al-Daqqâq al-Nîchâpûrî (décédé en 405 ou 412 H.) : Il est
considéré comme ayant réuni en lui la pratique et la connaissance de
4-Abû ‘Alî Ibn ‘Uthmân al-Hajwîrî al-Ghaznawî (décédé en 470 H.) : Il
est l’auteur d’un ouvrage célèbre «Kashf al-Mahjûb » qui vient
d’être réédité.
5- Al-Khawâjah ‘Abdullâh al-Ançârî (décédé en 418 H.) : Il est arabe
et descend de la lignée du célèbre Compagnon Abû Ayyûb al-Ançârî. Il est l’un
des plus pieux et des plus connus des ‘urafâ’ . Il écrivit des aphorismes, des
conciliabules (munâjât) et quatrains originaux qui lui ont valu une
grande renommée. Dans l’un de ses
discours, il dit : «Si tu était dans ton enfance abject, dans ta jeunesse
impétueux, et dans ta vieillesse impuissant, quand tu adorerais Allâh? »
Et : «Enlaidir le laid est bassesse et embellir le beau est abêtissement,
quant à moi, je m’évertue à embellir le laid ».
Il naquit et mourût à Herât (Afghanistan). De là son
surnom : «Cheikh de Herât ». Il écrivit beaucoup de livres dont
le plus connu est «Manâzil al-Sâ’irîn »
(Les stades des pèlerins spirituels) considéré comme un livre didactique
dans le domaine du «voyage spirituel » (al-Sayr wa-l-Sulûk) et le plus
profond des ouvrages gnostiques. Les uléma ont beaucoup commenté cette œuvre.
6-Al-Imâm Abû Hâmid Muhammad al-Ghazâlî al-Tûcî
(décédé en 505 H.) : Il est l’un des plus réputés des ‘ulemâ’ de l’Islâm. Sa renommée s’étendit à l’orient
et à l’occident du monde. Il cumula les sciences rationnelles et
instrumentales. Il fut le président de «Jâmi‘ al-Nidhâmiyyah », la plus
haute position spirituelle de l’époque.
Mais n’ayant trouvé dans les connaissances qu’il avait acquises ni dans la
position qu’il avait obtenue ce qui satisfait son désir spirituel, il
s’occulta et se mit à rééduquer son âme pendant dix ans à Bayt-ul-Maqdas. Tout
au long de cette période de retraite spirituelle, il s’orienta vers le ‘irfân
et le soufisme et n’accepta plus aucune fonction officielle jusqu’à la fin de
sa vie. Après cette période d’exercices spirituels, il écrivit son célèbre
livre : «Ihyâ’ ‘Ulûm al-Dîn ». Il mourut à Tûs, sa
ville natale.
1-‘Ayn al-Qudhât al-Hamadânî : Il fut le plus zélé des ‘urafâ’ et un adepte d’Ahmad al-Ghazâlî, le
frère cadet de Muhammad al-Ghazâlî, un gnostique lui aussi. Il écrivit beaucoup
de livres, ainsi que des poèmes riches en significations mais dont certains
n’étaient pas dénués de propos d’apparence blasphématoire (chatahât)
à cause desquels il fut considéré comme mécréant, assassiné et brûlé entre l’an
525 et 535 H.
2- Al-Sanâ’î al-Ghaznawî : Il était un poète connu et mourut pendant
la première moitié du VIe Siècle. Ses poèmes débordaient de gnose
profonde. Al-Mawlawî rapporta ses dires dans al-Mathnawî et les
expliqua.
3- Ahmad al-Jâmî (décédé en 536) : C’est l’un des
‘urafâ’ et soufis de renom. Il composa
des poèmes sur la peur et l’espérance. Sa tombe est connue à Turbat Jâm, à la
frontière irano-afghane.
4- ‘Abdul-Qâdir al-Jîlânî (décédé en l’an 560 ou 561 H.) : Il naquit
au nord de l’Iran mais il vécut, grandit et mourut à Baghdad et y fut
enterré. D’aucuns soutiennent qu’il était natif du quartier
« Jîl » à Baghdad et non pas de «Guîlân » d’Iran. Il était une
personnalité islamique tumultueuse à qui on attribue la paternité de la chaîne
qâdiriyyah, l’une des principales chaînes soufies. Sa tombe est un lieu de
visite en Irak. Il descend de l’Imâm al-Hassan (p).
5- Cheikh Rûzbahân al-Baqlî al-Chîrâzî, connu sous l’appellation
d’«al-Cheikh al-Châttâh» à cause de la multitude de ses «propos
d’apparence blasphématoire » (chat-hah). Il mourut en 606 H.
Les orientalistes publièrent dernièrement certains de ses livres.
Ce siècle vit l’apparition des
‘urafâ’ éminents dont nous mentionnons
certains d’entre eux selon l’ordre de la date de leur décès :
1- Cheikh Najm-ul-Dîn Kubrâ al-Khawârizmî : C’est l’un des plus grands
et des plus renommés des ‘urafâ’. La plupart des chaînes gnostiques remontent à
lui. Il avait été l’élève, l’adepte et le beau fils du Cheikh Rûzbahân
al-Chîrâzî. De même il avait beaucoup de disciples dont Bahâ’-ul-Dîn al-Walad,
le père de Mawlânâ al-Mawlawî al-Rûmî. Il vécut à Khawârizm et connut
l’invasion mongole. Lorsque les mongols décidèrent d’envahir Khawârizm, ils lui
envoyèrent une lettre de sauf-conduit lui permettant de sortir en toute
sécurité de la ville pour avoir la vie sauve. Mais il leur répondit :
«J’ai vécu avec les habitants de cette ville dans l’aisance, et je ne vais pas
les abandonner dans la difficulté ». Joignant l’acte à la parole, il mit
ses habits de guerre et combattit avec ses concitoyens jusqu’à ce qu’il fût
mort en martyr en l’an 616 de l’hégire.
2- Cheikh Farîd al-‘Attâr : Il compte parmi les plus grands et
les plus en vue des ‘urafâ’ . Il écrivit des livres en prose et en vers. Son
ouvrage «Tath-kirat al-Awliyâ’» est l’une des plus importantes sources
auxquelles se sont intéressés les orientalistes. Il expliqua dans ce livre les
notices biographiques des ‘urafâ’ et des
soufis en commençant par l’Imâm al-Sâdiq (p) et en finissant par l’Imâm
al-Bâqir (p). De même son livre «Mantiq al-Tayr» (Le
Langage des Oiseaux) est l’un des plus merveilleux ouvrages gnostiques.
IL étudia chez Cheikh Majd-ud-Dîn al-Baghdâdî, un adepte et disciple du
Cheikh Najm-ud-Dîn Kubrî al-Khawârizmî. Il atteignit aussi l’époque de Qutb-ud-Dîn
Haydar qui avait été un des cheikhs de cette époque-là et qui fut
enterré dans «Turbaté Haydariyyah » qui porte son nom. La mort d’al-‘Attâr coïncida
avec les troubles des Mongols et on dit qu’il fut assassiné par ceux-ci entre
626 et 628 de l’hégire.
3- Cheikh Chahâb-ud-Dîn al-Suhrawardî al-Zanjânî (décédé en 632 h.) :
Il composa le livre «‘Awârif al-Ma’ârif » considéré comme une des
sources précieuses de
4- Ibn al-Fâridh al-Miçrî (décédé en 632 H.) : Il compte parmi les
‘urafâ’ les plus en vue et il composa
des vers gnostiques en arabe, qui sentent la perfection et
Ibn al-Fâridh vivait souvent des états gnostiques et se trouvait
dans l’extase et l’attraction spirituelle. Et c’est lorsqu’il se trouvait dans
de tels états qu’il composa la plupart de ses poèmes.
5- Muhyy-id-Dîn Ibn ‘Arabî al-Hâtamî al-Tâ’î
al-Andaluci (décédé en638 H.) : Il naquit en Andalousie et son ascendance
remonte à Hâtam al-Tâ’î. Il semblerait qu’il passa la plus grande
partie de sa vie à
La gnose islamique s’acheminait vers sa perfection progressivement à
travers les siècles. Comme nous avons pu le constater dans les précédentes
pages, à chaque siècle apparaissaient de grands ‘urafâ’ qui contribuaient à cette marche vers le
perfectionnement progressif du ‘irfân, et ce jusqu’à la venue d’Ibn ‘Arabî au
VIIe siècle où il fit un grand bond en avant dans la gnose islamique
et l’amena vers l’apogée de sa perfection, vers une nouvelle étape jamais
atteinte auparavant. De même, Ibn ‘Arabî fonda le second volet du ‘irfân,
c’est-à-dire son volet théorique et philosophique.
Ceci dit tous les ‘urafâ’ venus
après Ibn ‘Arabî vivront des restes de sa table. En outre, il fut l’objet
d’étonnement de son époque au point que les avis le concernant étaient
contradictoires : les uns le rehaussaient à la position la plus sublime de
la piété et voyaient en lui l’ami parfait d’Allâh, un pôle, d’autres le
rabaissèrent au plus bas niveau de la mécréance en le traitant tantôt de «mumît-ud-dîn»
(l’anéantisseur de la religion) ou de «mâhî-d-dîn» (l’effaceur de
la religion).
Toutefois, Sadr-ul-Muta’allihîn, le grand philosophe et le génie de
l’Islâm le vénérait et le tenait en grande estime. Il le préférait même à
al-Fârâbî et à Avicenne.
Il écrivit environ trois cents livres dont la plupart -sinon la
totalité- furent publiés. Le plus important d’entre eux s’intitule «al-Futûhât
al-Makkiyyah», un ouvrage très volumineux, ou même une vraie encyclopédie
de ‘irfân. Une autre œuvre importante de lui a pour titre «Fuçûç al-Hikam».
Bien que ce soit un petit livre, il est considéré comme le texte gnostique le
plus précis et le plus profond. Il y eut de nombreux commentaires sur ce livre
qui ne pourrait être compris que par une ou deux personnes à chaque époque.
Muhyy-id-Dîn Ibn ‘Arabî mourut et fut enterré à Damas où sa tombe
existe toujours.
6-Çadr-ud-Dîn Muhammad
al-Qûniyawî : Il est natif de Qûniyah en Turquie. Il était un élève et un
adepte de Muhyy-id-Dîn Ibn ‘Arabî et le fils de son épouse. Contemporain
d’al-Mawlawî al-Rûmî et d’al-Khawâjah Naçîr-ud-Dîn al-Tûcî, celui-ci le
respectait beaucoup et échangeait des lettres avec lui, alors que celui-là
avait des relations solides et cordiales avec lui à Qûniyah et priait derrière
lui dans les Prières en assemblée qu’il dirigeait. Il semblerait aussi,
qu’al-Mawlawî était son élève et que l’influence d’Ibn ‘Arabî très visible dans
les écrits de ce dernier avait pour origine ce qu’il avait appris de lui (de
Qûniyawî). On dit aussi qu’un jour al-Mawlawî entra chez al-Qûniyawî et que ce
dernier lui céda le dossier sur lequel il était assis, ce qu’il refusa
gentiment en lui disant : «Que répondrais-je le Jour de
Al-Qûniyawî était celui qui a expliqué le mieux les idées et les
opinions d’Ibn ‘Arabî, et sans ces explications, il aurait été quasi impossible
de comprendre ses écrits. La pensée d’Ibn ‘Arabî est clairement reflétée
dans « al-Mathnawî » et «Dîwâne Chams». Les
ouvrages d’al-Qûniyawî faisaient partie des programmes scolaires de la
philosophie et de la gnose islamique durant les six derniers siècles.
Parmi les livres connus d’al-Qûniyawî on peut citer «Miftâh-ul-Ghayb»,
«al-Nuçûç» et «al-Fukûk».
Al-Qûniyawî mourut en l’an 672 de l’hégire (la même année où
moururent al-Mawlawî et al-Khawâjah Naçîr-ud-Dîn al-Tûcî) ou en 673.
7- Mawlânâ Jalâl-ud-Dîn Muhammad
al-Balkhî al-Rûmî (décédé en 672 H.) : Il fut plus connu sous la
dénomination d’al-Mawlâwî et il est l’un des plus grands
‘urafâ’ de l’Islâm et des génies du monde. Son origine remonte à Abû Bakr. Son
livre «al-Mathnawî » est un océan de gnose et de sagesse et
renferme des détails minutieux du savoir spirituel, social et gnostique.
D’autre part, al-Mawlâwî compte parmi les poètes de la première classe en Iran.
Sa ville natale était «Balkh»
qu’il quitta depuis son enfance avec son père pour
8- Fakhr-ud-Dîn al-‘Irâqî al-Hamadânî (décédé en 688 H.) : C’était un
poète connu, il fut élève de Çadr-ud-Dîn al-Qûniyawî et l’adepte de
Chihâb-ud-Dîn al-Sohrawardî précité.
1- ‘Alâ’-ud-Dawlah al-Simnânî (décédé en 736 H.) : Au début, il
occupait le poste de
2- ‘Abdul-Razzâq al-Kâchânî (décédé en
735 H.) : C’était un chercheur (muhaqqiq) et un gnostique de son
époque. Il entreprit l’explication du livre d’Ibn ‘Arabî, «al-Fuçûç» et celui
d’al-Khawâjah ‘Abdullâh al-Ançâtî, «Manâzil al-Sa’irîn », deux livres
publiés auxquels se réfèrent les chercheurs.
Dans la note de son commentaire sur ‘Abdul-Razzâq al-Lâhijî, l’auteur de
«Rawdhât al-Jannât» écrivit : «Al-Chahîd al-Thânî loua avec beaucoup
d’éloquence ‘Abdul-Razzâq al-Kâchânî »
Il y avait entre lui et ‘Alâ’-ud-Dawlah al-Simnânî précité des
polémiques sur les questions de la gnose théorique, apportées par Ibn ‘Arabî.
3- Al-Khawâjah Hâfidh al-Chîrâzî
[44](décédé en 791 H.) : Malgré
sa grande renommée, il reste un personnage entouré de mystère et de brouillard.
La seule chose qu’on connaît de lui avec certitude c’est qu’il était un savant
religieux (‘âlim), un gnostique, un mémorisateur et un interprète du Coran,
comme il nous le fit comprendre dans ses poèmes.
Bien qu’il parle souvent du cheikh de sa voie (tarîqah),
on ne sait pas qui était son cheikh et son maître.
Les poèmes de Hâfidh sont considérés comme le sommet de la gnose musulmane.
Mais rares sont ceux qui saisissaient la finesse et les méandres de sa gnose.
Cependant, tous les ‘urafâ’ qui lui ont succédé reconnaissent sa vertu et sa
traversée de toutes les positions du voyage spirituel, sur le plan pratique.
Certains parmi les sommités de
" بيرَ ما كفت :
خطا بر قلم
صنع نرفت آفرين
بر نظر باك
خطا بوشش باد "
4- Al-Cheikh Mahmûd al-Chabastarî (décédé en 720 H.): Il
composa un poème intitulé «Rawdhat al-Asrâr » dont les contenus
gnostiques sont très profonds et ce recueil compte parmi les livres gnostiques
les plus sublimes. Et c’est à ce livre qu’il doit sa grande renommée. Beaucoup
d’auteurs ont commenté son livre, et le meilleur commentaire est sans doute
celui du Cheikh Muhammad al-Lâhîjî, qui est imprimé et disponible actuellement.
5- Al-Sayyid Haydar
al-Âmulî : C’est l’un des chercheurs gnostiques. Il composa un livre
intitulé «Jâmi ‘al-Asrâr», considéré comme un ouvrage précis sur la gnose
musulmane et qui reçut un commentaire très positif de la part d’Ibn ‘Arabî. Il
est sorti dans une belle édition. Son autre livre est «Naç-çu-nuçûç fî charh-ul-Fuçûç ».
Il était le contemporain du célèbre faqîh (jurisconsulte) al-Muhaqqiq
al-Hillî. On ne connaît pas la date de sa mort.
6- ‘Abdul-Karîm al-Jîlî : Il est l’auteur d’«al-Insân al-Kâmil »
(L’Homme parfait). Le premier à avoir traité du sujet de «l’Homme
parfait », sur le plan théorique fut Ibn ‘Arabî. Par la suite, un grand
volet fut ouvert à ce thème. Çadr-ud-Dîn al-Qûnawî, le disciple d’Ibn ‘Arabî a
consacré à ce sujet chapitre détaillé. À notre connaissance, à part deux parmi
les ‘urafâ’, personne d’autre n’avait consacré un livre à part entier à ce
thème. Ce sont ‘Azîz-ud-Dîn al-Nasfî, un gnostique de la seconde moitié du VIIe siècle, et
‘Abdul-Karîm al-Jîlî. Les deux livres portent ce même titre (al-Insân
al-Kâmel). Al-Jîlî mourut en l’an 805 de l’hégire, à l’âge de 38 ans, et on ne
sait pas s’il tire son nom de «Jîl » à Baghdad ou de «Jîlân » au nord
de l’Iran.
1- Shâh Ni‘mat-ullâh al-Walî : Son ascendance remonte à l’Imâm ‘Alî
(p) et il est l’un des ‘urafâ’ et des
soufis bien connus. De même, la chaîne de sa voie est la plus connue des
chaînes soufies à notre époque. Sa tombe à Mâhân (province de Kerman en Iran) est
un lieu de visite pieuse des soufis. On dit qu’il mourut à l’âge de 95 ans et
la date de sa mort oscille entre 820, 827 et 834 selon les différentes sources.
Il passa la plus grande partie de sa vie au VIIIe Siècle et il
rencontra Hâfidh al-Chîrâzî. Il légua beaucoup de vers gnostiques.
2- Çâ’in-ud-Dîn ‘Alî Tirkah
al-Içfahânî : Il compte parmi les chercheurs gnostiques et il était le
bras long de la gnose théorique fondée par Ibn ‘Arabî. De même, son livre
«Tamhîd al-Qawâ‘id » qui a été réédité dernièrement, témoigne de son
érudition dans la gnose et constitua la source des chercheurs après lui.
3- Muhammad Ibn Hamzah al-Fannârî
al-Rûmî : Il était l’un des uléma de l’État Ottoman et c’était un esprit
encyclopédique qui écrivit beaucoup de livres. Il doit sa renommée en gnose à
son livre «Miçbâh al-Uns », lequel est une explication du «Miftâh
al-Ghayb » de Çadr-ud-Dîn al-Qûnawî. Si rares furent ceux qui
étaient capables d’expliquer les œuvres d’Ibn ‘Arabî ou de Çadr-ud-Dîn
al-Qûnawî, al-Fannârî, lui l’a fait, et tous les chercheurs gnostiques qui lui
succédèrent reconnurent la valeur de ses explications.
Ce livre a été édité en impression de pierre[45] à Téhéran avec les annotations de
feu Äghâ Mirzâ Hâchim al-Rachtî, un gnostique et muhaqqiq
(chercheur) du siècle dernier. Mais il est regrettable que sa mauvaise
impression empêchât la lecture de certaines des
notes de feu al-Rachtî.
4- Chams-ud-Dîn Muhammad
al-Lâhijî al-Nûrbakh-chî : Il est le commentateur de «Rawdhat
al-Asrâr » de Mahmûd al-Chabastarî. Il habitait à Chîrâz et il fut
le contemporain de Mîr Çadr-ud-Dîn al-Dachtakî et al-‘Allâmah al-Dawânî.
Al-Qâdhî Nûrullâh mentionna dans «Majâlis al-Mu’minîn » que ces deux
sommités qui comptaient parmi les théosophes en vue de leur époque tenaient en
très grande estime al-Lâhîjî. Il était un adepte de Sayyid Muhammad
Nûrbakh-ch, l’élève d’ibn Fahd al-Hillî.
Al-Lâhijî écrivit dans «Charh Rawdhat al-Asrâr» page 698 qu’il
commença sa chaîne dans
Al-Lâhîjî doit sa renommée à son commentaire de «Rawdhat
al-Asrâr », lequel est considéré parmi les textes gnostiques les plus précieux.
Et comme il le mentionne dans l’introduction, il commença la rédaction de son
livre en 877 de l’hégire.
Nous ne connaissons pas la date exacte de sa mort, survenue
vraisemblablement avant le IXe siècle de l’hégire.
5- Nûr-ud-Dîn ‘Abdul-Rahmân al-Jâmî : Il avait des racines
arabes car son origine remonte à Muhammad Ibn al-Hassan
al-Chîbânî, le célèbre jurisconsulte du IIe siècle de
l’hégire.
Al-Jâmî était un poète suffisamment appréciable pour être considéré
comme le dernier des poètes gnostiques de langue persane.
Au début il était surnommé al-Dachtî, mais en raison de sa naissance
dans la ville de Jâm dans l’agglomération de Mashhad et étant un adepte d’Ahmad
al-Jâmî (al-Jandabîl) il sera rebaptisé « al-Jâmî » par la suite.
Al-Jâmî fut parvenu aux hauts niveaux des différentes disciplines
scolaires des sciences religieuses : la syntaxe, la morphologie, la
jurisprudence, les fondements (uçûl), la logique, la philosophie et le
‘irfân. Il écrivit de nombreux livres dont : le «Charh »
(Explication) des « Fuçûç al-Hikam » d’Ibn ‘Arabî, «Charh »
d’«al-Lumu‘ât» de Fakhr-ud-Dîn al-‘Irâqî, «Charh Tâ’iyyat
Ibn al-Fâ’idh », «Charh » du «Poème al-Burdah » un
panégyrique du Prophète (P), « Charh » du «Mîmiyyat
al-Furuzdoq », un panégyrique de l’Imâm ‘Alî Ibn al-Hussain (p),
«al-Lawâ’ih », «al-Bahâristân » lequel est composé sur le
modèle de «Golestan » du célèbre poète Sa‘dî al-Chîrâzî, «Nafahât
al-Uns Fî Bayân Sîrat al-‘Urafâ’».
Notons qu’Al-Jâmî était un adepte de
Al-Jâmî mourut en l’an 898 de l’hégire à l’âge de 81 ans.
* *
*
Nous terminons ainsi notre bref historique du ‘irfân depuis ses prémices
jusqu’au IXe siècle où le ‘irfân a pris –à notre avis- une autre
forme. En effet, jusqu’à cette date indiquée, les personnalités scientifiques
et culturelles du ‘irfân appartenaient toutes aux chaînes soufies, et les
personnalités centrales du soufisme étaient les sommets scientifiques et
culturels du ‘irfân et léguèrent de grandes œuvres dans ce domaine. Mais dès
qu’on dépassa le IXe siècle la situation a changé, car :
Premièrement : Toutes les figures centrales du
soufisme ou du moins la plupart d’entre elles qui vont apparaître n’auront pas le
haut degré scientifique que connurent leurs prédécesseurs. On pourrait même
dire que le soufisme était dominé depuis lors par l’attachement aux apparences,
ce qui déboucha naturellement sur l’émergence de certaines hérésies.
Deuxièmement : D’aucuns se sont spécialisés dans le ‘irfân théorique
qu’avait fondé Ibn ‘Arabî bien qu’ils n’eussent appartenu à aucune des Voies
soufies et ont atteint un tel haut degré de spécialisation qu’aucun soufi n’a
pu atteindre.
Par exemple Çadr-ul-Muta’llihîn al-Chirâzî (décédé en 1050 H.) et son
disciple, al-Faydh al-Kâchânî (décédé en 1091 H.), ainsi que son disciple
al-Qâdhî Sa‘îd al-Qummî n’appartenaient à aucune des chaînes du
soufisme, et étaient pourtant plus au fait du ‘irfân théorique d’Ibn ‘Arabî que
n’importe lequel de leurs contemporains parmi les figures centrales du
soufisme. Cette nouvelle donne continua jusqu’à notre époque où feu Aghâ
Muhammad Redhâ al-Hakîm al-Qamcha’î, et feu Aghâ Mirzâ Hâchim al-Rachtî,
qui comptaient parmi les savants et les théosophes du siècle dernier, étaient
des spécialistes du ‘irfân théorique sans appartenir aux Voies soufies. Et en
règle générale, depuis que furent établis les fondements du ‘irfân théorique à
l’époque d’Ibn ‘Arabî jusqu’à celle de Çadr-ud-Dîn al-Qawnawî, le ‘irfân avait
une empreinte philosophique. Mais, après cette époque, cette situation a pris
une autre tournure. Ainsi, on peut remarquer que la plupart des spécialistes du
‘irfân théorique au Xe siècle n’étaient pas des adeptes du ‘irfân
pratique, du voyage spirituel[46] et de la Voie[47]. Et même s’ils l’étaient, ils
n’appartenaient officiellement à aucune des Voies soufies connues.
Troisièmement : On peut voir à partir du Xe
siècle des personnes et des groupes (dans le monde du chiisme) pratiquer «al-Sayr
wa-l-Sulûk » (le voyage spirituel) et atteindre une haute position
dans le ‘irfân sans faire partie d’aucune des chaînes gnostiques ou soufies
connues. Mieux, ils les ont ignorées ou rejetées ou même s’y sont radicalement
opposés. Ce qui caractérise cette catégorie de personnes -qui étaient des faqîh
aussi- c’est qu’elles ont concilié les règles de
1 - Qui était le
premier soufi à s'être exprimé par les symboles et les signes?
2-Qui avait donné
le premier des règles et un ordre à la doctrine "soufisme-'ifrân" ?
3-Qui était
l'auteur du livre "al-Lum'ah" ?
4- Quel est le
titre du livre qu'écrivit Abû Tâlib al-Makkî et auquel il doit sa
notoriété?
5- Qui a écrit :
«Enlaidir le laid est bassesse et embellir le beau est abêtissement, quant à
moi, je m’évertue à embellir le laid ».?
6-Citez les noms
des trois plus célèbres soufis du IVe siècle.
7- Qui était
‘Abdul-Qâdir al-Jîlânî
8- Qui est l'auteur
de "Mantiq al-Tayr" ?
9- Cheikh
Chahâb-ud-Dîn al-Suhrawardî était-il l'auteur d'un des célèbres livres de la
gnose ('ifrân) ou de l'illuminisme (ishrâq) ?
10- Pourquoi a-t-on
surnommé Muhyy-id-Dîn Ibn ‘Arabî al-Hatamî al-Tâ’î
al-Andaluci, "al-Sheikh al-Akbar" ?
11- Qui était le
fondateur du volet scientifique et théorique du 'ifrân?
12-Quel était le
titre du plus important ouvrage d'Ibn 'Arabi et quel sujet traite-t-il?
13-Quel était le
travail le plus méritoire qu'a accompli Çadr-ud-Dîn Muhammad
al-Qûniyawî ?
14- Décrivez en 5
lignes al-Khawâjah Hâfidh al-Chîrâzî
15-A quelle époque
une ligne de démarcation se dessina entre les urafâ et les soufis?
16- Dans quel
siècle apparurent des personnes et des groupes pratiquant le 'ifrân et
atteignant les plus hautes positions dans ce domaine sans qu'ils fassent partie
d'une des chaînes gnostiques ni soufies? Qu'est-ce qui caractérise ces groupes
et personnes?
Les positions[48] et les
stations[49]
Les
‘urafâ’ considèrent qu’il faut
nécessairement traverser certaines positions et stations pour atteindre au
véritable ‘irfân.
Le ‘irfân converge avec la théosophie sur un plan et diverge
avec elle sur d’autres. Ils convergent en ceci que tous deux visent la
connaissance d’Allâh, et divergent sur les points suivants :
1-La recherche
théosophique ne se limite pas à la connaissance d’Allâh exclusivement, mais
vise à connaître le système de l’existence tel quel, et pour ce faire, il faut
connaître un vaste système dans lequel la connaissance d’Allâh est le pilier
primordial, alors que le ‘irfân se contente exclusivement de la connaissance d’Allâh, car les
‘urafâ’ pensent que la connaissance
d’Allâh équivaut à la connaissance de toutes les choses, et que la connaissance
de toute chose doit se faire à la lumière de la connaissance d’Allâh sous
l’angle de l’Unicité, ce qui signifie que la connaissance de toutes les choses
découlent de la connaissance d’Allâh.
2- La
connaissance que le théosophe recherche est la connaissance mentale et
intellectuelle, à l’instar du mathématicien lorsqu’il pense à la résolution
d’un problème mathématique, alors que la connaissance que vise le ‘irfâni est une connaissance présentielle (hudhûriyyah)
et visuelle (chuhûdiyyah), comme la connaissance du biologiste, acquise dans
son laboratoire. Car, alors que le théosophe projette de parvenir au ‘ilm-ul-yaqîn
(la certitude théorique par information), le ‘irfâni veut atteindre ‘ayn-ul-yaqîn (la certitude de
témoin oculaire).
3- L’instrument
qu’utilise le théosophe est le ‘aql, le raisonnement et la
démonstration, alors que celui du ‘irfâni est le cœur, et l’éducation et la purification de
l’âme. Ainsi, le théosophe s’emploie à étudier le monde avec son esprit, alors
que le ‘irfâni s’efforce de se mouvoir avec tout son être pour parvenir à l’essence
et à
Le ‘irfâni voit que pour parvenir à la destination originelle et
la véritable gnose, il est nécessaire de traverser une série de «manâzil »
(positions) et de « maqâmât » (stations) qu’on appelle en
termes techniques «al-sayr wa-l-sulûk » (le cheminement et la
conduite).
Les ouvrages spécialisés de ‘irfân ont traité exhaustivement de ces «positions» et
«stations», et nous ne pourrons pas les aborder dans notre exposé même
succinctement, nous contentant de citer quelques extraits concis de ce que dit
Avicenne sur ce sujet, car celui-ci, bien qu’il fût un philosophe, il n’avait
pas un style sec, notamment vers la fin de sa vie, où il pencha vers le ‘irfân auquel il a consacré un chapitre de son livre
«al-Ichârât» (lequel était son dernier ouvrage apparemment), qu’il intitula
«Maqâmât al-’ârifîn». Il convient donc de citer quelques extraits de ce beau
chapitre aux contenus sublimes :
Le Définition des zâhid, ‘âbid, ‘ârif
«Celui qui
renonce aux biens et aux plaisirs de ce bas-monde est dénommé zâhid
(ascète), celui qui s’applique assidûment à accomplir les actes de piété, tels
que la prière rituelle, le jeûne etc. est appelé ‘âbid, et celui qui
concentre sa pensée exclusivement au Monde divin avec l’intention intime
d’illuminer son âme par le rayonnement de
Bien que par
ces quelques mots Avicenne définisse le zâhid, le ‘âbid et le ‘irfâni, mais implicitement il a aussi défini le zuhd (ascétisme), la ‘ibâdah
(l’adoration) et le ‘irfân, car la définition de l’ascète en tant que tel, l’adorateur en tant que
tel et le gnostique en tant que tel, requiert la définition de l’ascétisme, de
l’adoration et de la gnose mystique.
Ainsi,
l’ascétisme consiste à renoncer aux plaisirs de ce monde, l’adoration à
accomplir des actes de piété spécifiques tels que
Lorsque
Avicenne dit «Il est possible qu’on cumule dans certains cas deux ou trois de
ces qualificatifs », il fait allusion à un point important, car il est
possible que l’on soit en même temps ascète et adorateur, ou adorateur et
gnostique, ou ascète et gnostique, ou encore ascète, adorateur et gnostique,
bien qu’Avicenne n’ai pas explicité ce détail mais il voulait dire qu’une
personne puisse être ascète et adorateur sans être gnostique, mais il est
impossible qu’elle soit gnostique sans être en même temps ascète et adorateur.
Pour mieux
expliquer ce qui vient d’être noté, disons qu’il y a entre l’ascète et
l’adorateur des points communs et des points particuliers à chacun, ce qui fait
que quelqu’un pourrait être ascète sans être adorateur, ou adorateur sans être
ascète, ou bien entendu, à la fois ascète et adorateur. Tandis que ce rapport
diffère lorsqu’il s’agit du gnostique par rapport à l’ascète et à
l’adorateur : alors que le gnostique est forcément adorateur et ascète,
mais que l’adorateur et l’ascète ne sont pas nécessairement gnostiques.
On verra que la
philosophie de l’ascétisme du gnostique diffère naturellement de celle de
l’ascétisme des autres, de même que la philosophie de son adoration diffère de
celle de l’adoration d’autrui. Bien plus, l’esprit et la quiddité de
l’ascétisme et de l’adoration du gnostique diffèrent de l’esprit et de la
quiddité de l’ascétisme et de l’adoration d’autrui :
«L’ascétisme
chez le non-gnostique est une sorte de transaction : il troque les biens
de ce monde contre les biens du monde de l’au-delà, alors que chez le gnostique
il consiste à purifier son cœur de tout ce qui obstrue son attention envers
Allâh et une élévation par rapport à tout ce qui n’est pas
« Le
gnostique recherche Allâh et rien que Lui. Rien ne le pousse à L’adorer et à
entrer en communion avec Lui, si ce n’est qu’Il est digne d’adoration et que
celle-ci revient exclusivement à Lui. Il ne L’adore ni par le désir d’une
récompense ni par la crainte d’une punition. »
Cela
veut dire que le gnostique est monothéiste dans sa finalité et son but, il ne
recherche qu’Allâh, et cette recherche n’a pas pour but d’obtenir les bienfaits
terrestres ou eschatologiques d’Allâh, autrement son but serait ces bienfaits
eux-mêmes, et Allâh ne serait pour lui qu’un moyen de les atteindre, comme si
sa vraie déité était son propre soi, lequel désirerait ces bienfaits, et pour
la satisfaction duquel il tente de les atteindre.
Or, le
gnostique ne veut rien qui ne soit uniquement pour
Ici
une question pourrait se poser : Si le gnostique ne vise rien par son
adoration, pourquoi adore-t-il Allâh alors? L’adoration de l’homme n’a-t-elle
pas un but précis? À cette interrogation Avicenne répond : le gnostique adore Allâh pour l’une des deux raisons
suivantes : 1- Parce qu’Allâh mérite intrinsèquement d’être adoré, et il
L’adore donc parce qu’Il est digne d’adoration, tout comme lorsque quelqu’un
complimente un individu ou quelque chose pour une excellente qualité qu’il
possède, et si l’on lui demandait quel avantage tirerait-il de ce compliment,
il répondrait : je ne l’ai pas complimenté pour autre chose que son mérite
de ce compliment. Un tel compliment mérité est prodigué à tous les héros dans
tous les domaines. 2- Le second but de l’adoration est qu’elle est en soi une
bonne chose, car en tant que lien entre le serviteur et son Créateur,
l’adoration mérite d’être accomplie, et il n’est pas nécessaire qu’elle soit
toujours associée à la convoitise ou à
Le
Premier stade
Le
premier stade du voyage spirituel des gnostiques est ce qu’ils appellent
eux-mêmes «irâdah ارادة » (intention), laquelle signifie
l’émergence d’un ardent désir et un vif souhait chez l’aspirant gnostique de se
maintenir ferme sur la voie qui mène à
Il est nécessaire ici d’expliquer la première
étape du voyage spirituel (al-sayr wa-l-sulûk), laquelle renferme en
puissance l’ensemble de la gnose mystique et elle en constitue la clé de voûte.
En
effet, les gnostiques s’appliquent avant tout à expliquer un fondement dans les
termes suivants : «Les fins sont le retour aux débuts » ou il y a
seulement deux voies dans lesquels la fin peut être exactement le commencement.
En
d'autres termes, le retour de la fin vers le début implique deux
hypothèses :
1- Une
chose se meut sur une ligne droite puis retourne -après avoir atteint un point
déterminé- sur la même ligne vers le point du départ. Or, il est démontré en
philosophie qu’un tel mouvement (parcours) requiert un arrêt même s’il n’est
pas perceptible, en plus de deux mouvements dans deux sens opposés et
contraires.
2- Un
objet se meut sur une courbe dont tous les points sont à égale distance d’un
point particulier, ou en d’autres termes, le mouvement se fait sur la
circonférence d’un cercle, auquel cas l’objet finit par arriver obligatoirement
au point de départ. De même, cet objet mouvant sur l’arc du cercle arrivera
dans son mouvement à un point qui soit le plus loin du point du départ, point
qui est lié avec celui-ci par le diamètre du cercle, et dès que ledit objet
atteint ce point, il entamera son mouvement de retour vers le point de départ
sans marquer un arrêt ou une pause.
Les
gnostiques dénomment le mouvement qui va depuis le point de départ jusqu’au
point le plus loin de lui sur l’arc du cercle «l’arc descendant » et celui
qui va du point le plus loin au point du départ, «la courbe ascendante ».
Les
théosophes (falâsefah) définissent la courbe descendante comme le
principe de causalité, alors que les gnostiques l’appellent le principe de
manifestation (épiphanie divine). Quoi
qu’il en soit, le mouvement des objets dans la courbe descendante se fait comme
si quelqu’un les pousse en avant, tandis que le mouvement sur la courbe
ascendante a une autre forme qu’on peut résumer en le retour de chaque branche
à son origine et son point de départ par désir ardent et avec vif intérêt, ou
en d’autres termes c’est le retour de tout exilé à sa patrie. Les gnostiques
voient que ce désir existe dans toutes les particules de l’Existence, dont
l’homme, mais qu’il reste parfois en état latent chez ce dernier à cause de ses
préoccupations et ne se manifeste qu’à la suite des stimulants intérieurs. Et
c’est cette manifestation qu’on appelle «irâdah» (intention), laquelle
est en réalité une sorte de réveil de la conscience (prise de conscience)
latente. Abdul-Razzâq al-Kâshânî a défini la irâdah dans le Traité des termes
techniques publié dans la marge de «Charh Manâzil al-Sâ’irîn »
comme étant : «Une braise du feu de l’amour dans le cœur, qui requiert de
répondre à l’appel de
Il est
important de noter que la «irâdah » présentée comme la première
étape, vient en réalité après une série d’autres étapes préliminaires appelées
«commencements » (bidâyâh), « portes » (abwâb),
«transactions » (mu‘âmalât ) et « éthique » (akhlâq),
c’est dire que la «irâdah » est en fait la première des étapes que
les gnostiques dénomment «les principes » (uçûl) et dans laquelle
la véritable ‘irfân se manifeste clairement.
Avicenne
entendait par ce qui précède que la «irâdah » est un état de
l’homme qui –après avoir ressenti la solitude, le dépaysement et la détresse-
éprouve un désir d’entrer en communion avec
Les
exercices spirituels
Après
l’étape de l’irâdah, l’aspirant gnostique a besoin d’exercices
spirituels qui visent trois objectifs :
1-Enlever
tout ce qui n’est pas Allâh de son chemin
2-Faire
soumettre «l’âme incitatrice au mal » (al-nafs al-ammârah)[50], à «l’âme apaisée » (al-nafs-al-mutma’innah)[51]
3-adoucir
le soi intérieur afin qu’il soit réceptif à l’illumination.
Ainsi,
après l’étape de l’irâdah qui marque le commencement de l’envol
spirituel, on arrive à l’étape de l’exercice et de la préparation psychologique
qu’on appelle «dressage » (irtiyâdh). Dans notre acception
contemporaine, «irtiyâdh » dénote une mortification de l’âme
comme principe adopté par certaines écoles doctrinales, à l’instar de ce
que font les yogis en Inde, mais Avicenne emploie ce terme dans son acception
originelle.
Or
étymologiquement, le terme «irtiyâdh-riyâdhah » signifie dressage
du poulain et son apprentissage pour qu’il serve de monture, ou apprentissage
du chevalier des nobles caractères, puis par extension, ce mot prit un sens figuré pour désigner les
exercices physiques (sport). Mais, employé par les gnostiques, ce terme
signifie la préparation de l’âme et son exposition aux rayons de la gnose.
En
tout état de cause, «riyâdhah» s’entend ici la préparation de l’âme, et
ceci en vue de trois objectifs : 1- Il concerne les choses extérieures,
c’est-à-dire écarter les occupations et tout ce
qui pourrait distraire (du but), 2- Il concerne l’organisation des forces
intérieures et l’élimination des troubles psychologiques, ou selon l’expression
d’Avicenne «Faire soumettre l’âme incitatrice au mal (al-nafs al-ammârah),
à l’âme qui ne cesse de se blâmer (al-nafs al-lawwâmah) », 3- Il
concerne certains changements qualificatifs à l’intérieur de l’âme qu’Avicenne
appelle «l’adoucissement de la surface intérieure de l’âme » (taltîf
al-sirr).
Avicenne
dit qu’un ascétisme adéquat aide à réaliser le premier objectif car il enlève
les obstacles et les distractions. Pour le second objectif (la subordination de
«l’âme incitatrice au mal » à «l’âme apaisée »), il y a plusieurs
facteurs qui contribuent à sa réalisation : l’adoration accomplie avec une
présence de cœur, une belle voix pour réciter des paroles spirituelles réconfortantes
tels les versets coraniques, les supplications (du‘â’) ou les vers
gnostiques, et enfin des prêches et des conseils, à condition que le prêcheur
ou le conseilleur ait un cœur pur, une expression éloquente et une voix
efficace, et qu’il soit à même de conduire les gens vers le droit chemin. Ce
qui participe à la réalisation du troisième objectif (c’est-à-dire la
purification du soi intérieur et la purification de l’âme des impuretés) ce
sont des pensées pures et un amour platonique, stimulés par les qualités morales
du bien-aimé et non par le pouvoir de la concupiscence.
Puis,
lorsqu’il (l’aspirant gnostique) aura atteint un certain degré de l’irâdah
et de la riyâdhah, des éclats très agréables de
A ce
stade, l’aspirant gnostique se sent parfois agité et impatient de l’intérieur
mais son agitation est sentie par ceux qui se trouveraient à ses côtés. Par la
suite, avec plus de riyâdhah, cet état (d’agitation) ponctuel se
transforme en calme, le gnostique s’y familiarise et ne ressent plus ni
agitation ni malaise. Il sent comme s’il était en communion permanente avec
Allâh. Et lorsque cet état venait à disparaître
occasionnellement, il se sentira en détresse et en affliction. Peut-être dans
ce stade les gens autour de lui peuvent connaître ses sentiments intimes de
bonheur ou d’affliction. Mais plus il se familiarise avec ce stade moins ses
sentiments intimes sont perceptibles extérieurement. Il arrive un stade où
alors que les gens le voient parmi eux, il est en réalité ailleurs, son âme se
trouve dans un autre monde.
Ces
derniers propos rappellent une parole du Maître des pieux, l’Imâm ‘Alî (p)
adressée à Kumayl Ibn Ziyâd à propos des Proches Amis (awliyâ’) de
Selon
Avicenne, dans ce stade, cet état envahit occasionnellement le voyageur
spirituel, mais progressivement il parvient à le susciter volontairement quand
il le désirerait. Puis, il franchit un pas en avant, et il n’aura plus besoin
de susciter cet état en lui puisqu’il commencera à percevoir les manifestations
de
Ce qui
précède était un résumé d’une partie du chapitre 9 des «Ishârât »
d’Avicenne.
Il est
important de noter que, pour les gnostiques, il est question de quatre
voyages : 1- aller de la création à
Ainsi,
le premier voyage spirituel est du créé au Créateur, le second se fait chez le
Créateur Lui-Même, où le gnostique novice fait connaissance avec les Noms et
les Attributs du Créateur et s’en revêt; le troisième il retourne à la création
sans se séparer du Créateur, pour guider et orienter les gens alors qu’il est
en contact avec
Ce
résumé que nous avons fait des «Ishârât » d’Avicenne concerne le premier
de ces Quatre Voyages spirituels. Avicenne a abordé un peu le second voyage,
mais nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire de traiter ici des autres
voyages.
De même, al-Khawâjah Naçîr al-Dîn al-Tûcî, expliquant les «Ishârât », dit qu’Avicenne avait évoqué le premier voyage spirituel en neuf étapes : les trois premières sont relatives au départ du voyage, les trois suivantes concernent le passage du départ à l’arrivée, et les trois dernières sont relatives à l’arrivée à la destination finale.
1 - Quels
sont les points de convergence et de divergence entre le 'ifrân et la
théosophie?
2-Quelle est la différence entre la connaissance que
recherche le théosophe et celle visée par le 'ifrâni?
3-Quels sont les instruments utilisés respectivement
par les urafa et les théosophes pour réaliser leurs buts?
4-Quelle est la conception respective du urfani et du
théosophe de l'homme incomplet ?
5-Dans lequel de ses ouvrages Avicenne a abordé le
sujet d' «al-sayr wa-l-sulûk » (le cheminement et la conduite).?
6- De quoi parle le thème d'«al-sayr wa-l-sulûk »
(le cheminement et la conduite)?
7-Définissez le zâhid, le ‘âbid et le ‘ârif .
Qules sont les points communs entre eux?
8- Est-il possible que l’on soit en même temps ascète
et adorateur, ou adorateur et gnostique, ou ascète et gnostique, ou encore
ascète, adorateur et gnostique?
9-Est-il possible qu'une personne soit gnostique sans
être en même temps ascète et adorateur?
10- L’adorateur et l’ascète sont-ils nécessairement
gnostiques?
11-En quoi diffère la philosophie de l'ascétisme et de
l'adoration chez le 'ifrâni des autres types d'adoration et d'ascétisme?
(Quelle est la particularité de la philosophie de l'ascétisme et de l'adoration
'ifrânites?)
12-Quel est le but du gnostique?
13-Lorsque le gnostique recherche les bienfaits
d'Allah ne devient-il pas pareil au simple adorateur?
14-Dans quel but le gnostique adore-t-il Allah?
15-Quel est le premier stade du voyage spirituel?
16-Qu'est-ce qui le caractérise et confère son
importance?
17- Comment est suscité le désir ardent de l'aspirant
gnostique de se maintenir ferme sur la voie qui mène à
18- Comment expliquer philosophiquement ou
existentiellement ce désir?
19-Comment Abdul-Razzâq al-Kâshânî définit-il la
irâdah et comment la définit al-Khawâjah ‘Abdullâh al-Ançârî?
20-Quelles sont les étapes préliminaires qui précèdent
la première étape de la gnose, l'irâdah?
21-Quels sont les objectifs des exercices spirituels
dans la gnose?
22-Comment les gnostiques définissent-ils le terme «irtiyâdh-riyâdhah »?
23-Quels sont les objectifs que vise l'«irtiyâdh-riyâdhah »?
24-Quels facteurs aident à réaliser le premier, le
second et le troisième objectifs de l'«irtiyâdh-riyâdhah »?
25-Que ressent l'aspirant gnostique pendant l'état d'awqât?
26- Quand les gens autour de l'aspirant gnostique
pourraient-ils ressentir le sentiment de détresse ou de bonheur de ce dernier?
27-Décrivez l'état du voyageur spirituel lorsque son
"voyage de la création vers le Créateur" touche à sa fin?
28-Quels sont les 4 voyages spirituels que le
gnostique doit effectuer?
29-Que fais le voyageur spirituel pendant chacun des
quatre voyages qu'il effectue?
30-D'après al-Khawâjah
Naçîr al-Dîn al-Tûcî, expliquant l'ouvrage d'Avicenne
"al-Ishârât", en combien d'étapes ce dernier divisa-t-il le Premier
Voyage ? En quoi consiste chacun de ces étapes?
Dans cette
leçon nous abordons quelques-uns des nombreux termes techniques qu’utilisent
les ‘urafâ’ et dont on ne pourrait pas comprendre les significations sans les avoir préalablement élucidés ou dont le
sens apparent est même parfois le contraire du sens dans lequel ils sont
utilisés en réalité. Et c’est là une pratique propre aux ‘urafâ’.
Notons que
souvent le sens courant des mots de la norme générale ne suffit pas à exprimer
les concepts scientifiques. Aussi, les tenants de chaque science –dont les
‘urafâ’- sont-ils obligés de recourir à des termes spécifiques pour exprimer
des concepts spécifiques.
En outre,
les ‘urafâ’ ont un autre motif qui les amène à utiliser des termes techniques
propres à eux. Ils prennent soin particulier de dissimuler leurs réelles
intentions aux profanes et aux non-initiés qui n’arrivent pas à comprendre les
concepts ‘irfânites (gnostiques). En effet, Abû-l-Qâcim al-Quchayrî, l’un des
imâms des ‘urafâ’ a déclaré dans son al-Risâlah al-Quchayriyyah que les
‘urafâ’ s’ingénient à utiliser des mots équivoques et ambigus pour
barrer la route aux non-‘urafâ’ et les empêcher d’être au fait de leurs
conditions, leurs états et leurs destinations[53].
En plus de ces
deux raisons, il y a un troisième motif qui complique les choses (la
compréhension de leurs dires) et qui pousse certains ‘urafâ’ à avoir recours à
«l’hypocrisie positive» dans leur cheminement et leur conduite (leur voyage
spirituel) pour réformer leur fond aux dépens de leur réputation auprès des
gens. Ainsi, contrairement à un vrai hypocrite qui présente l’orge qu’il vend
comme de bon blé, ils s’efforcent de présenter leur blé comme de l’orge afin de
combattre leur égoïsme et leur moi. Et lorsqu’ils mettent en avant leur
indifférence et leur insouciance, c’est vis-à-vis des créatures qu’ils le font
et non du Créateur.
On attribue
cette attitude à la plupart des ‘urafâ’ de Khorâsân (une province d’Iran), et
on dit que le grandissime poète iranien Hâfidh faisait lui aussi partie de ce
courant, car dans ses poèmes il a dit beaucoup de choses qui dénotent dans leur
apparence ce qui est répréhensible, alors qu’elles expriment dans son for intérieur des concepts
positifs. Néanmoins, Hâfidh a reconnu ailleurs que
feindre la débauche est le frère jumeau de feindre la piété, car l’une et
l’autre feintes sous-tendent une hypocrisie détestable.
Au fait cette
pratique que des ‘urafâ’ ont adoptée, est condamnée par les faqîh
(jurisconsultes, ulémas). En effet, la jurisprudence musulmane (fiqh)
de même qu’elle interdit l’hypocrisie et la considère comme une sorte de
polythéisme, de même elle prohibe la feinte de la débauche et énonce : un
croyant n’a pas le droit de s’exposer et d’exposer son honneur et sa position
sociale au soupçon. Ce que beaucoup de ‘urafâ’ approuvent aussi.
En un mot,
certains ‘urafâ’ ont expressément feint le contraire de la bonne foi qu’ils ont
au fond d’eux-mêmes, ce qui a compliqué encore plus la compréhension de leurs
intentions.
* * *
* * *
Les termes
techniques utilisés par les ‘urafâ’ sont nombreux. Certains d’entre eux
appartiennent à la gnose théorique c’est-à-dire la vision cosmique de la gnose
et l’interprétation de l’existence par les ‘urafâ’. Tels termes techniques
ressemblent à ceux des philosophes et sont des néologismes extrêmement
difficiles à comprendre[54], et forgés, du moins pour la plupart, sinon dans leur
totalité, par Ibn ‘Arabî.
L’autre partie
de ces termes techniques s’apparente au ‘irfân pratique, c’est-à-dire aux
étapes (ou stades) du voyage spirituel[55] et concerne
obligatoirement à un haut degré l’homme. Ils ressemblent donc aux concepts de
la psychologie et de l’éthique, et elle constitue en réalité une sorte
particulière de la psychologie expérimentale. Aussi les ‘urafâ’ estiment-ils
que même les philosophes, les psychologues, les sociologues ou les uléma – et a
fortiori les profanes ou les non-initiés- qui n’ont pas emprunté tels sentiers
(les étapes du voyage spirituel) ni vécu de près les états de l’âme, ni étudié
leurs phénomènes n’ont le droit d’y porter des jugements!
Toutefois, ces
termes techniques du ‘irfân pratique, contrairement à ceux du ‘irfân théorique-
sont anciens et remontent au 3éme siècle de l’hégire, c’est-à-dire à l’époque
de Thû-l-Nûn, Bâyazîd et al-Junayd.
Voici
quelques-uns de ces termes mentionnés par al-Quchayrî et d’autres :
1- al-waqt الوقت (le temps)
Nous avons abordé
ce terme d’après Avicenne dans la leçon précédente et maintenant nous allons
voir comment les ‘urafâ’ eux-mêmes le définissent. Le résumé de ce
qu’al-Quchayri a dit à ce propos est que le concept du temps est un concept
relatif additionnel, car chaque état où se trouve le gnostique requiert de lui
une attitude spécifique et étant donné que ledit état spécifique de ce
gnostique requiert une attitude particulière, on appelle cet état le temps
dudit gnostique. Il est possible qu’un autre gnostique se trouvant dans le même
état ait un autre temps ou que le premier gnostique cité ait un autre temps
dans d’autres circonstances et que ce temps requière une autre attitude et une
autre fonction (devoir).
Le gnostique
doit être donc conscient du temps et connaître l’état auquel l’Au-delà le soumet, et la fonction qu’il doit y assumer. Il
doit toujours saisir le temps et c’est la raison pour laquelle on dit que
« le gnostique est le fils du
temps ».
Dans les poèmes
iraniens, on utilise le terme de «dam » ou « ‘aych
naqd » pour désigner le « temps ». C’est ce qu’on voit
souvent dans les poèmes de Hâfidh, et c’est ce qui a encouragé certains esprits
malveillants et débauchés –qui essayaient de justifier leur débauche et leur
libertinage- de peindre Hâfidh comme un incitateur à une vie plongée dans les
plaisirs terrestres et à l’oubli d’Allâh et du jour de
Dans ces poèmes,
Hâfidh a beaucoup recouru à ces termes en pensant à leur valeur symbolique,
alors que les gens y voient –à tort- une incitation à la débauche et à la
licence. Pourtant, d’autres vers du poète projettent la lumière sur ces
poèmes et écartent leur apparence
trompeuse.
Al-Quchayrî
dit : « Lorsqu’on dit que le soufi est le fils de son temps, on
entend qu’il fait toujours ce qui est le mieux pendant ce temps. On dit aussi
«Le temps est une épée tranchante », le rater expose l’homme à
l’anéantissement.
2 & 3)- : Al-hâl الحال (état) et al-maqâm المقام (station)
Ils font partie
des termes techniques courants du ‘irfân. hâl désigne ce qui
entre dans le cœur du gnostique involontairement, alors que maqâm indique ce
qu’il acquiert et obtient volontairement. Le hâl est,
contrairement au maqâm, très fugace, au point qu’on dit que les «états»
sont comme l’éclair qui étincelle mais disparaît promptement.
On rapporte de
l’Imâm ‘Alî (p) décrivant le gnostique : «Il a ravivé son ‘aql
(esprit), fait mourir ses désirs, jusqu’à ce qu’il devînt décharné et son âme
limpide, et qu’une brillance très éclairante l’éclairât. »[57]
Les
‘urafâ’ appellent aussi ces éclats
brillants «lawâ’ih لوائح», «lawâmi‘ لوامع », «tawâli‘ طوالِع» selon le cas ou
selon la différence de leurs degrés et de leurs positions, de leur intensité et
de leur durée.
4 &
5) -: Al-qabdh قبض (contraction) et al-bast بسط (décontraction)
Ces deux
mots revêtent une signification particulière chez les ‘urafâ’. Qabdh
dénote la crispation, la contraction de l’âme du gnostique, et bast,
sa décontraction et sa décrispation. Les ‘urafâ’ ont beaucoup traité de la
question de la contraction et de la décontraction de l’âme, de leurs causes et
de leur pourquoi.
6 & 7)- : jam‘ جمع (rassemblement,
rencontre) et farq فرق (séparation)
Les
‘urafâ’ ont beaucoup utilisé ces deux
mots. Al-Quchayrî dit à ce propos : « Ce que le gnostique
obtient par lui-même et grâce à ses propres efforts pour mériter «le maqâm »
de l’adoration, est «farq », et ce qu’Allâh lui offre est «jam‘».
En d’autres termes, celui qu’Allâh rapproche de Lui à cause de ses actes
d’adoration et d’obéissance est dans un état de «farq » et celui
qu’Allâh couvre de Sa Grâce et de sa Mansuétude il est dans un état de «jam‘».
8 & 9) -: ghaybah غيبه (absence) et dhuhûr ظهور (apparition)
«Ghaybah »
signifie ne pas voir les créatures et ne pas les sentir, et c’est là un état
que connaît parfois le gnostique dans lequel il devient inconscient de ce qui se passe autour de lui, en raison de son
absorption dans sa présence auprès de son Seigneur. Il se peut même que de
graves événements surviennent autour de lui ou à lui-même sans qu’il s’en rende
compte. Les ‘urafâ’ rapportent à cet
égard des récits quasi mythiques. Ainsi al-Quchayrî relate qu’un jour alors
qu’Abû Hafç, un forgeron de Nishâpour, travaillait, quelqu’un est passé
le voir et lui récita un verset coranique qui le mit dans un état
d’inconscience (ghaybah). Aussi introduisit-il machinalement sa main nue
dans le fourneau pour en sortir le fer fondu, mais son apprenti eut la présence
d’esprit de crier pour le prévenir, cri qui le sortit de son inconscience et
sauva sa main.
Ailleurs,
al-Quchayrî rapporte qu’un jour al-Chiblî entra chez al-Junayd dont l’épouse
était assise à côté de lui et qui, voyant ce visiteur, voulait quitter le lieu.
Mais son mari lui dit de rester à sa place en lui expliquant qu’al-Chiblî se
trouve dans un état d’«absence » (ghaybah) et que par
conséquent il n’est pas conscient de sa présence. Elle s’exécuta donc et
restait sur place. Al-Junayd se mit à parler un peu avec al-Chiblî, lequel peu
après commença à pleurer. Al-Junayd se tourna alors vers son épouse et lui
demanda de se couvrir, car «al-Chiblî est sur le point de reprendre
conscience » lui expliqua-t-il.
C’est ainsi que
les ‘urafâ’ expliquent l’état dans
lequel se plongent « les amis proches d’Allâh »[58] lors de leurs prières au point de ne plus être
conscients de ce qui se passe autour d’eux.
Plus loin nous
expliquerons que les «amis proches d’Allâh » connaissent un état encore
plus sublime que celui de «ghaybah» (absence).
10 -
13)- : Thawq ذوق le goût), chirb
شرب (le boire), sukr سكر (l’ivresse), rayy ري
(l’arrosage) :
Thawq et tathawwuq
ont la même signification. Les ‘urafâ’ estiment
que les connaissances scientifiques ne peuvent ni attirer ni susciter le désir,
car l’attirance et le désir sont le fait ou la conséquence de
Ainsi, le tathawwuq
تذوّق (gustation) c’est le talath-thuth تلذّذ (le plaisir goûté ou dégusté) et le thawq gnostique
signifie la perception présentielle du plaisir procuré par les théophanies
(manifestations) et les dévoilements. On appelle le plaisir primaire « thawq »
(goût ou gustation), sa continuation « chirb » (le boire),
l’ivresse ou la réanimation qui s’ensuit « sukr » et le fait
de s’en rassasier « rayy ».
Les
‘urafâ’ considèrent que ce qui se
produit par le thawq (dégustation) c’est le semblant de l’ivresse
(tasâkur تساكر) et non pas
l’ivresse elle-même, alors que la conséquence du boire « chirb »
est l’ivresse (sukr), tandis que ce qui suit le « rayy »
(arrosage) et le rassasiement (imtilâ’ اِمتلاء) ce sont le « çahw
صحو » (éveil)
et le « ifâqah اِفاقه» (réveil).
Et c’est pour
cette raison que les ‘urafâ’ ont utilisé
très souvent le mot vin par métonymie, pour exprimer leur intention.
17- Khawâtir خواطر (les idées)
Les
‘urafâ’ désignent ce qui est jeté dans
le cœur du gnostique sous le vocable « wâridât واردات»
(importations, entrées) lesquelles se présentent tantôt sous forme de «qabdh قبض » (contraction) ou «bast بسط » (détente), « surûr سرور » (gaieté) ou « huzn حزن » (tristesse), tantôt sous
forme de parole « kalâm » ou « khitâb خطاب» (discours), comme si le
gnostique entendait quelqu’un l’appeler de l’intérieur, auquel cas on dénomme les «wâridât
واردات» :
« khawâtir خواطر » (idées).
Les
‘urafâ’ ont beaucoup dit à propos des khawâtir ».
Par exemple, ils disent que les « khawâtir »
sont parfois rahmaniyyah رحمانيّة (émanant du Miséricordieux) parfois « shaytâniyyah شيطانية» (émanant du
satan) et parfois « nafsâniyyah
نفسانية» (personnelles ou émanant
du soi-même). C’est pourquoi ce sont des choses très sensibles, car satan
pourrait contrôler à travers elles l’homme dans les situations de faute et de
déviation. En effet Allâh dit : « Les diables inspirent à leurs alliés
de….. » (Coran : 6/121).
Ils disent
aussi que l’homme parfait doit être toujours capable de distinguer les idées
miséricordieuses des idées sataniques. Le critère de cette distinction est de
voir ce à quoi appellent ces idées et ce qu’elles interdisent. Si elles
incitent à ce qui est contraire aux enseignements du Législateur (Allâh ou
14-16)- : Mahw محو (effacement), mahq محق (anéantissement), çahw صحو (éveil)
De même
les mots « mahw » (effacement) et «çahw»
(éveil) reviennent très souvent dans le langage des gnostiques (‘urafâ’). Ils
entendent par «mahw» le fait que le gnostique atteint un
stade où il s’anéantit dans l’Essence divine et que dès lors il ne se considère
pas comme les autres. Et si cet état d’anéantissement atteint un degré où
toutes les traces du « moi » disparaissent, il est dénommé alors «mahq».
Tous ces deux états de «mahw» et de « mahq »
sont plus avancés que la position de «ghayb » précité. Car le «mahw»
et le «mahq» sont certes un anéantissement, mais c’est un
anéantissement dont le gnostique peut sortir pour retourner à l’état de «baqâ’»
(permanence), mais pas dans le sens de rechute ou de descente, mais au sens de
rester en permanence en Allâh. Cet état qui dépasse celui de «mahw»
est justement dénommé « çahw»
(éveil)
18-20)- : Qalb
قلب(cœur), rûh روح (âme), sirr سِر (le for
intérieur)
Les
‘urafâ’ dénomment le for intérieur de
l’homme tantôt « nafs » (soi), tantôt « qalb »
(cœur), tantôt « rûh » (âme), tantôt «sirr »
(for intérieur). Ainsi, tant que le sarîrah est le prisonnier de ses
désirs, il est denommé «nafs »; si les connaissances divines y
entrent, il est désigné par le mot «qalb»; lorsque le soleil de
l’amour divin y brille, on l’appelle «rûh », et lorsqu’il atteint le stade de «chuhûd»
(présence), il est appelé «sirr» (for intérieur).
Néanmoins, les
‘urafâ’ croient qu’il y a un stade
plus sublime que le « sirr » qu’ils dénomment «khafiyy »
(caché) ou « akhfâ » (le plus caché)
Questions (Leçon 10)
1-Pourquoi les gnostiques s'évertuent-ils à utiliser des termes
techniques dont le sens apparent diffère du sens dans lequel ils l'emploient?
2-Qu'est-ce que "l'hypocrisie positive" chez les gnostiques?
3-Dans quel dessein les gnostiques recourent-ils parfois à
l'"hypocrisie positive" dans leurs écrits?
4-Quel est le plus célèbre poète qui faisait large usage de l'"hypocrisie positive" dans ses
poèmes?
5- Comment les jurisconsultes musulmans jugent-ils la pratique par
certains gnostiques de l'"hypocrisie positive"?
6-À quoi (à quelle discipline) s'apparentent les termes techniques
auxquels recourent les urafa dans la gnose théorique?
7- À quoi (à quelle discipline) s'apparentent les termes techniques
auxquels recourent les 'urafâ' dans la gnose pratique?
8-Pourquoi les 'urafâ' estiment-ils que personne en dehors d'eux-mêmes
n'a le droit de porter jugement aux termes techniques qu'ils utilisent dans le
'ifrân pratique?
9-Comment les gnostiques définissent-ils le concept al-waqt (le
temps) ?
10-Pourquoi dit-on que "« le gnostique est le fils du temps » ?
11-Qu'est-ce que les poèmes iraniens utilisent comme termes pour
désigner le "temps"? Et quelle conséquence négative a eu cette
utilisation pour les gnostiques (notamment Hâfidh) qui y recourent?
12-Qu'est-ce que le hâl et le maqâm?
13-Qu'est-ce que «lawâ’ih», «lawâmi‘», «tawâli‘»
?
14-Qu'est-ce que le qabdh
(contraction) et le bast (décontraction) pour les
gnostiques?
15- Qu'est-ce que le farq
et le jam' pour les gnostiques?
16-Décrivez l'état de dhuhûr et celui de ghaybah chez le
gnostique.
17-Citez quelques exemples vécus de l'état de ghyabah et de celui
de dhuhûr.
18-Définissez les termes gnostiques suivants thawq (le goût), chirb
(le boire), sukr (l’ivresse), rayy (l’arrosage) et expliquez
à quels états respectifs du gnostique ils correspondent?
19-Expliquez en 10 lignes ce que sont les « khawâtir ».
20- Définissez les termes gnostiques suivants : mahw
(effacement), mahq (anéantissement), çahw (éveil)
et expliquez à quels états respectifs du gnostique ils correspondent?
21- Expliquez en dix lignes les termes
gnostiques suivants : qalb (cœur), rûh (âme), sirr
(le for intérieur).
Annexe
Le 'irfân vu et expliqué par Henri Corbin
Selon H. Corbin, pour comprendre la situation philosophique du Chiisme,
il faut absolument passer par l'étude de l'œuvre de Molla Sadra al-Shirazi. Et
pour comprendre cette œuvre et la pensée de son auteur, Henri Corbin nous
propose de commencer par avoir une idée du combat spirituel de Shirazi[59]:
"Le
premier de ces combats spirituels, Molla Sadra le soutint, lors de ses années
de solitude à Kahak. L’enjeu n’en était
rien de moins que son destin le plus personnel, le sens de sa courbe de vie, le
passage de la spéculation théorique du philosophe à la certitude expérimentale
vécue par le ‘ârif. Sans la réunion de l’un et de l’autre, il n’y a pas de
philosophe complet, de philosophe au sens vrai. C’est tout le propos de la
spiritualité ishrâqî depuis Sohrawardi, mais pour Sadra Shirazi, comme pour ses
devanciers et ses continuateurs, c’est par essence dans la spiritualité shiite
que cette conjonction s’accomplit. Examinons les choses d’un peu plus
près."
Pour nous permettre de saisir un peu
plus clairement le cheminement philosophique et spirituel de Molla Sadra, il
est nécessaire, d'après Henri Corbin, de se faire une idée du concept
"ishrâq" ou illuminisme et son rapport à la gnose musulmane :
"Ce mot
ishrâq a connu fortune extraordinaire dans la philosophie iranienne depuis que
Sohrawardi s’en servit au XIIe siècle pour typifier la sagesse de l’ancienne
Perse qu’il voulut ressusciter. (….) Rappelons donc que le mot ishrâq désigne
la splendeur de l’aurore levante, et avec elle, l’illumination
matutinale investissant les êtres présents à cette aurore; il désigne la source
et l’origine de cette illumination, l’Orient. Toutes ces images sont à
transposer au monde suprasensible, doivent
s’entendre de l’«Orient » qui est le monde de
Et il explique comment cet ishrâq
marque le passage de la connaissance philosophique abstraite, à une
connaissance spirituelle plus directe ou "présentielle" :
"Rappelons
encore que la sagesse qui s’origine à cet Orient de l’âme et qui,
conformément à cette topographie mystique, est appelée « orientale »,
ce n’est ni philosophie ni théologie au sens où nous prenons couramment ces
mots de nos jours, comme désignant deux grandeurs distinctes et séparées, sur
rapports desquelles on s’interroge pour décider en un sens ou un autre. Cette
sagesse « orientale » (hikmat mashriqiya ou ishrâqîya) est une
sagesse divine, une hikmat ilâhîya, terme qui est l’équivalent exact du
grec theosophia. Elle guide son adepte depuis la connaissance abstraite de la
philosophie, celle qui est la connaissance par l’intermédiaire d’une forme,
d’un concept, une connaissance re-présentative (‘ilm çûrî), pour le conduire à
la vision directe, à l’illumination d’une présence qui se lève à l’Orient de
l’âme. Cette connaissance que l’on désigne non plus comme représentative mais
comme présentielle (‘ilm huzûrî) est une connaissance
« orientale », parce qu’elle est illuminative, et illuminative, parce
qu’elle « orientale ». Tel est (…) le sens mystique des mots
« orient » et « oriental » lorsqu’on parle de
« Théosophie orientale » (Hikmat al-Ishrâq) (….) La
connaissance « orientale » (Ishrâq), l’heure où se lève sur l’âme la
lumière de son Orient, c’est-à-dire de son origine préterrestre, ce fut
l’expérience même que vécut Molla Sadra dans la solitude exaltante de
Kahak."[60]
Au fait, Henri Corbin nous explique
concrètement par l'intermédiaire de l'expérience personnelle de Molla Sadra
quelles sont les étapes qui mènent le
voyageur spirituel vers l'état de gnose accompli :
"Il en
fait la confidence à son lecteur dans le prologue de son grand livre :
« Lorsque j’eus persisté, écrit-il, dans cet état de retraite, incognito
et de séparation du monde, pendant un temps prolongé, voici qu’à la longue mon
effort intérieur porta mon âme à l’incandescence ; par mes exercices spirituels
répétés, mon cœur fut embrasé de hautes flammes. Alors effusèrent sur mon âme
les lumières du Malakût ملكوت
(le monde angélique), tandis que se dénouaient pour elle les secrets du Jabarût
جبروت (le monde des pures
Intelligences chérubiniques) et que la compénétraient les mystères de l’Unitude
divine. Je connus des secrets divins que je n’avais encore jamais compris; des
symboles chiffrés (romüzرموز ) se dévoilèrent à moi, comme jamais n’avait
pu jusqu’alors me les dévoiler aucune argumentation rationnelle. Ou mieux dit : tous les secrets
métaphysiques que j’avais connus jusqu’alors par démonstration rationnelle ;
voici que maintenant j’en avais la perception intuitive, la vision
directe. » (Observons que les termes dans lesquels est décrite ici
l’expérience spirituelle la mettent en concordance parfaite avec celle de
Sohrawardi comme avec celle de Mîr Dâmâd : De la certitude inébranlable découle non pas de
l’argumentation logique, mais de la présence immédiate, intuitivement, parfois
visionnairement éprouvée.) «Alors, poursuit Mollâ Sadrâ, Dieu m’inspira de
répandre une gorgée du breuvage auquel j’avais goûté, pour apaiser la soif des
chercheurs (…) C’est pourquoi j’ai composé un livre à l’intention des pèlerins
en quête de la perfection spirituelle; je divulgue ici une sagesse théosophale
(Hikmat rabbâniyya) pouvant conduire ceux qui la cherche, à
Enfin, Henri Corbin nous expose la
partie essentielle de l'expérience gnostique de Molla Sadra, à savoir les Quatre
voyages spirituels que le gnostique doit effectuer pour atteindre son but
:
"Ce livre,
c’est donc
1- Comment
Henri Corbin conçoit-il la place de l'illuminisme (ishrâq) dans la gnose
musulmane?
2-Quel
est l'apport respectif de Molla Sadra et de Sohrawardi à la gnose musulmane
d'après Henri Corbin?
3-
Qu'est-ce que l'Ishrâq d'après Henri Corbin?
4-Qu'est-ce
que le "hikmah ishrâqiyyeh" et quel rôle joue-t-il dans le
cheminement du gnostique?
5-D'après
Molla Sadra la certitude inébranlable d'une chose ou d'un concept pourrait-elle
découler d'une argumentation logique ou bien plutôt d'une expérience
présentielle et intuitive?
6-Décrivez
chacun des quatre voyages spirituels de Molla Sadra tels qu'ils sont présentés
par Henri Corbin.
7-Comment se définit le mot "Orient" dans la
terminologie de Sohrawardi ?
Index des termes tchniques
arabes de la gnose
‘âbid ‘ibâdah |
عابد عبادة |
adorateur adoration |
abwâb |
ابواب |
portes |
âkherah |
أخرة |
le Monde futur |
akhlâq |
اخلاق |
éthique |
‘aql |
عقل |
raison, esprit, intelligence |
‘ayn-ul-yaqîn |
عين
اليقين |
la certitude de témoin oculaire. |
bast
|
بسط |
décontraction |
Charî‘ah |
شريعة |
|
chirb |
شرب |
le boire |
chuhûdiyyah |
شهودية |
une connaissance visuelle |
chuhûd» |
شهود |
présence |
dhuhûr |
ظهور |
apparition |
du‘â’ |
دعاء |
prière de demande |
‘eshq |
عشق |
le désir ardent |
falâsefah |
فلاسفة |
théosophes |
fanâ’ |
فناء |
annihilation mystique |
farq |
فرق |
séparation |
ghaybah |
غيبه |
absence |
hadîth qudsî |
حديث قدسي |
Parole adressée par Allah au
Saint Prophète, sans faire partie du Coran |
hâl |
حال |
état |
hikmat
ilâhîya, |
حكمة
الهية |
terme qui est l’équivalent exact du grec theosophia |
Haqîqah : |
الحقيقة |
|
Hikmat
rabbâniyya |
حكمة
ربانية |
une sagesse théosophale |
hukamâ’ |
حكماء |
théosophes |
ifâqah |
اِفاقه |
réveil |
‘ilm al-ladunî (al-) |
العلم
اللدني |
le savoir tiré directement
d’Allâh |
'irfân 'irfânî, 'ârif 'irfânite |
عرفان عرفاني |
Gnose mystique gnostique gnostique |
‘ilm al-Kalâm |
علم الكلام |
la théologie scolastique |
‘ilm-ul-yaqîn |
علم اليقين |
la certitude théorique par
information |
‘ilm çûrî |
علم
صوري |
une connaissance re-présentative |
‘ilm hudhûrî : |
علم
حضوري |
connaissance présentielle |
imtilâ' |
اِمتلاء |
rassasiement |
ishrâqite |
اِشراقي |
illuministe |
ishrâq, ishrâqî (hikmat mashriqiya ou ishrâqîya |
اشراق،
اشراقي حكمة
مشرقية او
اشراقية |
"orient", "oriental" sagesse « orientale » |
jam‘ |
جمع |
rassemblement, rencontre |
Jabarût |
جبروت |
le monde des pures Intelligences chérubiniques) |
khafiyy al- akhfâ |
خفي اخفى |
(caché) (le plus caché) |
kalâm |
كلام |
la scolastique musulmane |
khawâtir |
خواطر |
les idées |
mahq |
محق |
anéantissement |
mahw |
محو |
effacement |
Ma‘âd |
معاد |
Le jour de la résurrection |
Malakût |
ملكوت |
(le monde angélique |
manâzil, plur. de manzilah |
منازل،
منزلة |
Les positions |
maqâmât, plur. de maqâm. |
مقامات،
مقام |
les stations |
muhaddith,
plur. Muhaddithines, |
محدِّث، محدِّثين |
Rapporteur(s) de Hadith ou
des récits hagiographiques |
mufassir, plur. mufassirîn |
مفسِّر‘مفسِّرين |
Commentateur(s) du Coran |
mujâhadat al-Nafs |
مجاهدة
النفس |
la lutte contre
soi-même |
mukâchafât |
مكاشفات |
divinations mystiques |
mumît-ud-dîn |
مميت الدين |
l’anéantisseur de la
religion |
«mâhî-d-dîn» |
ماحي الدين |
l’effaceur de la religion |
mu‘âmalât |
معاملات |
transactions |
nafs al-mutma’innah (al-) |
النفس
المطمئنة |
l’âme apaisée |
nafs al-lawwâmah (al- |
النفس
اللوّامة |
l’âme qui ne
cesse de blâmer |
nafs |
نفس |
soi |
nafsâniyyah
|
نفسانية |
personnelles ou émanant du soi-même |
qabdh |
قبض |
contraction |
qalb |
قلب |
cœur |
riwâyah |
رواية |
les récits hagiographiques |
rahmaniyyah |
رحمانيّة |
émanant du Miséricordieux |
riyâdhah- irtiyâdh |
رياضة، ارتياض |
dressage |
romüz |
رموز |
des symboles chiffrés |
rûh |
روح |
âme |
sahw |
صحو |
éveil |
sayr |
سير |
cheminement |
shaytâniyyah |
شيطانية |
émanant du satan |
sirr |
سِر |
for intérieur |
soufî |
صوفي |
(en laine) |
sukr |
سكر |
l’ivresse), |
sulûk |
سلوك |
comportement |
tafsîr |
تفسير |
Exégèse, commentaire,
interprétation du Coran |
tâ’ir al-Qods |
طائر القدس |
l’oiseau de Jérusalem |
taltîf al-sirr |
تلطيف السر |
l’adoucissement de la surface intérieure de l’âme. |
tarîqah |
طريقة |
une Voie empruntée par un
groupe social ( les soufis) dans le 'irfân pratique |
tasâkur |
تساكر |
La feinte de l’ivresse elle-même |
tawhîd |
توحيد |
Unicité d'Allah |
thawq |
ذوق |
le goût |
uçûl |
اصول |
les principes |
waqt (al -) |
الوقت |
le temps |
Zâhid |
زاهد |
ascète |
zuhd |
زهد |
Ascétisme, mysticisme |
mina’al-khalq ilâ’l-Haqq |
من
الخلق الى
الحق |
De la création vers la Vérité |
fil-Haqq bil-Haqq |
في
الحق بالحق |
Dans la Vérité par la Vérité |
min-al-Haqq ilâl-khalq bil-Haqq |
من
الحق الى
الخلق بالحق |
De la Vérité à la création par la
Vérité |
bil-Haqq fil-khalq |
بالحق
في الخلق |
Par la Vérité dans la création |
[1]
'ilm-us-sayr wa-s-sulûk علم السير
والسلوك
[2] En arabe : tâ’ir al-Qods. (طائر
القدس)
[3] En d'autres termes, on ne parvient pas à ce stade par
un effort de réflexion et de raisonnement mais
par un travail spécifique et acharné de rééducation de l'âme.
[4] مكاشفات
[5] Charî‘ah :
[6] Tarîqah :
[7] Haqîqah :
[8] C'est-à-dire "le
voyage spirituel" qu'il entame.
[9] Sourate al-Baqarah : S2/ v 115.
[10] Sourate al-Wâqi‘ah : S 56 / v 85.
[11]
Sourate la-Hadîd : S 57 / v 3.
[12] Dans ces versets les concepts évoqués et les idées
énoncées ne diffèrent pas de ce que professe le 'irfân.
[13] Sourate al-Qiyâmah : S 75 / v 2.
[14]
Sourate Yûsuf : S 12 /v 53.
[15] Sourate al-Fajr : S 89 / v 27.
[16] Science ou savoir qu’Allah accorde à quiconque IL veut
parmi Ses serviteurs, par opposition au savoir que l’on acquiert soi-même par
l’effort personnel et l’apprentissage.
[17] Sourate al-‘Ankabût : S 29/ v 69.
[18] Sourate al-Chams : S 91 / v 9-10.
[19] Sourate al-Sajdah : S 32 / v 9.
[20] Al-Kâfî, Tome 2, Kitâb al-Imân wa-l-Kufr, Bâb Haqîqat
al-Imân wa-l-yaqîn, Hadith 2.
[21]
إِنَّ
اللهَ
سُبْحَانَهُ
وَتَعَالَى
جَعَلَ
الذِّكْرَ
جِلاَءً
لِلْقُلُوبِ،
تَسْمَعُ
بِهِ بَعْدَ
الْوَقْرَةِ،
وَتُبْصِرُ بِهِ
بَعْدَ
الْعَشْوَةِ،
وَتَنْقَادُ
بِهِ بَعْدَ
الْمُعَانَدَةِ،
وَمَا بَرِحَ
لِلّهِ ـ
عَزَّتْ
آلاَؤُهُ ـ فِي
الْبُرْهَةِ
بَعْدَ
الْبُرْهَةِ،
وَفِي
أَزْمَانِ
الْفَتَرَاتِ،
عِبَادٌ
نَاجَاهُمْ
فِي
فِكْرِهِمْ،
وَكَلَّمَهُمْ
فِي ذَاتِ
عُقُولِهِمْ.
[22] Nahj-ul-Balâghah, prône 217 :
قَدْ
أَحْيَا
عَقْلَهُ،
وَأَمَاتَ
نَفْسَهُ، حَتَّى
دَقَّ
جَلِيلُهُ،
وَلَطُفَ
غَلِيظُهُ،
وَبَرَقَ
لَهُ لاَمِعٌ
كَثِيرُ
الْبَرْقِ،
فَأَبَانَ
لَهُ
الطَّرِيقَ،
وَسَلَكَ
بِهِ
السَّبِيلَ،
وَتَدَافَعَتْهُ
الاَْبْوَابُ
إِلَى بَابِ
السَّلاَمَةِ،
وَدَارِ
الاِْقَامَةِ،
وَثَبَتَتْ
رِجْلاَهُ
بِطُمَأْنِينَةِ
بَدَنِهِ فِي
قَرَارِ
الاَْمْنِ
وَالرَّاحَةِ،
بِمَا
اسْتَعْمَلَ
قَلْبَهُ،
وَأَرْضَى
رَبَّهُ.
[23]
Sourate al-Nûr : S 24 / v 35.
[24] Sourate al-Hadîd : S 57 / v 3.
[25] Sourate al-Hachr : S 59 / v 23.
[26] Sourate al-Rahmân : S 55 / v 26.
[27] Sourate al-Hijr : S 15 / v 29.
[28]
Sourate Qâf : S 50 / v 16.
[29] Sourate
al-Baqarah : S 2 / v 7.
[30] Sourate al-Nûr : S 24 / v 40.
[31] Ärâ’ al-Mustachriqîn Hawl-al-Islâm (Les
opinions des orientalistes sur l’Islâm), p. 84.
[32] Hadith qudsî : Parole adressée par Allah au Saint
Prophète, sans faire partie du Coran.
[33] Târîkh al-Taçawwuf fî-l-Islâm, Dr Qâcim Ghanî,
p. 19. L’auteur note à la page 44 de ce livre, citant l’ouvrage d’Ibn
Taymiyyah : « Al-çûfiyyah wa-l-Fuqarâ’ », que le premier
à avoir construit un petit couvent pour les soufis était un des disciples de
‘Abdul-Wâhid Ibn Zayd (un compagnon d’al-Hassan al-Baçrî). Et si Abû
Hâchim était un disciple de ‘Abdul-Wâhid, il n’y a pas de contradiction entre
les deux versions de ce rapport.
[34] Voir : «Tathkirat al-Awliyâ’ » d’al-Chaykh
‘Attâr.
[35] «al-Luma‘», p.427.
[36] Dr Ghanî, Târîkh al-Taçawwuf Fî-l-Islâm.
[37] «Safînat al-Bihâr », al-Muhddith al-Qummî,
Section “salama”.
[38] «Mîrâthé islâm » (L’Héritage de l’Islâm, en persan),
p. 15. Voir aussi les cours de Dr ‘Abdul-Rahmân Badawî à
[39] «Târîkh
al-Taçawwuf Fî-l-Islâm» (L’histoire du soufisme en Islâm), p. 462, citant
le livre : «Ahwâl wa aqwâl Abû Sai‘îd Abû-l-Khayr » (Les États
et les Paroles d’Abû Sai‘îd Abû-l-Khayr).
[40] En arabe : mujâhadat al-Nafs.
[41] « Tabaqât al-çufiyyah », ‘Abdul-Rahmân
Shalmî, p 206.
[42] Il y a une étude détaillée sur al-Hallâj
dans l’Intorduction de la 8ème édition de notre livre «al-Dawâfi‘
Nahw-al-Mâddiyyah » (Les Motivations pour le matérialisme), dans
laquelle nous avons contesté les opinions de certains matérialistes qui
tentèrent de présenter al-Hallâj comme un matérialiste.
[43] «Pâlâné Dûz » (en persan) signifie sellier ce qui
correspond au nom d’Abû Naçr, car Sarrâj en arabe signifie sellier).
[44] L’un des plus populaires poètes de la langue persane.
Les matérialistes et les opportunistes déployèrent beaucoup d’efforts pour le
présenter sinon comme matérialiste, du moins comme sceptique. Ils voulurent
exploiter sa popularité au profit de leurs objectifs matérialistes. Nous avons
traité de ce sujet dans l’introduction de la 8ème édition de notre
livre «Les motivations pour le matérialisme » (al-Dawâfi‘ Nahw-al-Maddiyyah),
comme nous l’avons fait concernant la personnalité d’al-Hallâj.
[45] Tab‘ah hajariyyah.
[46] Voyage spirituel en termes arabes soufis ou
gnostiques « al-Sayr (cheminement) wa-l-Sulûk (et
conduite) ».
[47] En terme arabe soufi et gnostique : « tarîqah ».
[48] Manâzil, plur. de manzilah.
[49] Maqâmât, plur. de maqâm.
[50]
Cf. Coran : sourate Yûsuf, 12/53.
[51] Cf. Coran : sourate al-Fajr, 83/27.
[52] Nahj al-Balâghah : prône 147.
[53] Al-Risâlah al-Quchayriyyah, p. 33.
[54] Comme : « al-faydh al-aqdas » (الفيض
الاقدس), «al-faydh al-muqaddas »
(الفيض
المقدّس), «al-wujûd al-munbaset li-l-haqq-il-makhlûq
bihi” (الوجود
المنبسط للحق
المخلوق بِهِ), “al-hadharât
al-khams” (الحضرات
الخمس),
“maqâm al-ahadiyyah” (مقام
الاحدية), “maqâm al-wâhidiyyah”
(مقام
الواحديّة), “maqâm ghayb al-ghuyûb”
(مقام
غيب الغيوب) etc.
[55] « al-Sayr
wa-l-Sulûk al-‘irfânî”. (السير
والسلوك
العرفاني).
[56] Épicurisme : Doctrine d'Épicure qui
comporte une cosmologie matérialiste fondée sur la notion d'atome (physique),
une théorie des sensations et une morale (reposant en partie sur une recherche
raisonnée du plaisir). (Le Petit Robert).
[57] Nahj-ul-Balâghah, prône 217 : " قد
احيا قلبه
وامات نفسه،
حتى دقَّ
جليله ولطف
غليظه، وبرق
له لامعُ كثير
البرق"
[58] Awliyâ’-ullâh.
اولياء
الله
[59] Henri Corbin : En Islam iranien,
vol. 4, Éd. Gallimard 1972, p. 64.
[60]
Id. ibid pp. 65-66
[61]
Id. Ibid p. 66.
[62]
Id. Ibid p. 67.