Le mot Sunnah, comme terme technique 6
Les parties de la Sunnah du Prophète 8
1- Les Paroles du Prophète 10
2- Les Actes du Prophète 11
L'Interprétation de l'acte du Prophète 12
3- L'approbation tacite (Taqrîr) du Prophète 14
Le mot (signifiant) et les cas de signification 15
La Sunnah: Une Source de la Pensée et de la Législation 17
L'Invention (La Falsification) du Hadith 36
Quelques Exemples de Hadith Inventés 39
La Bid`ah (l'invention, lhérésie) 48
Le Rapport entre la Sunnah et le Coran 52
I.- La Sunnah du Prophète particularise le général dans le Coran 52
II.- La Sunnah restreint le caractère de ce qui est absolu dans le Coran 52
III. La Sunnah explique ce qui est global (mojmal) dans le Coran 54
IV. La Sunnah abroge-t-elle une disposition coranique? 56
Le Besoin d'une Science de Rapporteurs de Hadith 62
Les Qualités d'un Rapporteur dont le Récit est acceptable 64
La Détraction et la Défense «Al-Jarh wa-l-Ta`dîl»66
Les instruments utilisés dans l'établissement de la Détraction et de la Défense 66
La divergence des Uléma sur l'interprétation de l'acceptabilité de l'opinion du
chercheur en Science de Rejâl 68
Les termes qualificatifs de la détraction et de l'accréditation (défense) 70
Les moyens d'accès du rapporteur au récit 71
Des Rapporteurs portant les mêmes noms et le moyen de les distinguer 75
La Méthode de distinction des rapporteurs au nom commun 78
Les Voies menant vers la Sunnah 79
La relation entre le Consensus Unanime et la Conduite des Mutacharri`ah 84
Les arguments de la validité légale de l'énoncé informatif à source unique 92
Les Divisions de l'Énoncé Informatif à Source Unique 96
Pourquoi a-t-on procédé à la classification du Hadith? 97
La Classification du Hadith selon la Continuité de sa Chaîne 99
Les catégories du (récit) morsal: 102
L'Opposition entre les Récits et les Théories de sa Solution 105
La définition de l'opposition 106
L'Égalité et la Préférence 107
Les différentes sortes des éléments préférentiels 109
La
résolution de l'opposition 113
La Définition de la Sunnah
Le Saint prophète est le communicateur du Message d'Allah et l'interprète de Sa Législation. C'est pourquoi les Musulmans ont pris un soin particulier pour conserver, mémoriser, sauvegarder, étudier et définir la Sunnah du Saint Prophète, et ce afin qu'elle soit précise et claire et qu'elle permette qu'on en déduise les dispositions de la Loi et qu'on l'applique. Car elle est la seconde source de la législation islamique, après le Saint Coran.
Nous citons ci-après quelques définitions de la Sunnah présentées par différents faqîh:
Selon le faqîh (jurisconsulte) hanbalite, spécialiste en Science des Fondements: "La Sunnah est du point de vue linguistique, la coutume: ainsi la Sunnah de chacun, c'est ce qu'on fait régulièrement et fréquemment, peu importe que ce soit une bonne chose ou non(...) Mais sur le plan de la Loi islamique, ce mot peut désigner les actes d'adoration recommandés (surérogatoires) attribués au Saint Prophète(...) Il désigne aussi les paroles, les actes et les approbations tacites du Saint Prophète".
Et selon le traditionniste (rapporteur de traditions) et faqîh, Fakhr al-Dîn al-Turayhî: "La Sunnah, dans la langue, c'est la coutume et la voie suivie par quelqu'un. Mais, dans la terminologie des uléma et des spécialistes, c'est la tradition du Saint Prophète, sous toutes les formes de son expression: parole, actes et approbation tacites".
Il ressort de ce qui précède que la Sunnah signifie sur le plan linguistique, la façon ou la voie suivie continuellement et systématiquement, alors que dans la terminologie des uléma, elle désigne tout acte, toute parole et toute approbation du Saint Prophète.
La Sunnah peut désigner aussi, parfois, comme nous venons de le voir, les actes recommandés et surérogatoires. C'est pourquoi, on dit les sunan (plur. de sunnah) du Messager d'Allah, et les faqîh (jurisconsultes) emploient ce terme par opposition au mot "bud`ah" (hérésie). Ainsi, on dit: "C'est une sunnah" pour désigner tout acte qui tire son origine de la législation islamique, et: "C'est une "bud`ah", pour désigner tout élément intrus dans la Religion.
Pour récapituler,
le terme sunnah couvre plusieurs sens. Il désigne tantôt
la parole, l'acte et l'approbation du Saint Prophète, tantôt
ses actes surérogatoires et recommandés, tantôt tout
acte qui tire son origine de la Législation islamique, par opposition
à tout acte fait au nom de la Religion, mais qui est élément
intrus.
Les parties de la Sunnah du Prophète Table des Matières
Depuis que le Saint Prophète reçut la Révélation, il s'appliqua à communiquer aux gens le Message divin et à en expliquer les statuts et les concepts, par la parole et les actes. Conformément à l'ordre d'Allah après l'enseignement de l'Unicité, les premiers actes d'adoration et d'obligation qu'il enseigna à ses adeptes étaient l'ablution (wodhû') et la prière. Puis il leur expliqua les règles de leur Religion, comment devrait être leur conduite sociale, les modalités de la diffusion de l'Appel à l'Islam, la façon de traiter avec les Mécréants qui les entouraient etc. Et c'est à travers ces déclarations et explications relatives aux actes d'adoration, au système social et moral, ainsi que par sa conduite et sa façon de traiter avec l'ennemi, que s'est constituée une richesse législative dans laquelle puiseront les jurisconsultes et les mujtahid (Docteur de la Loi) des générations futures.
Lorsqu'il émigra à Médine, cette émigration, en soi, constitua une partie vivante de sa conduite et de sa Sunnah. Et une fois établi dans cette terre d'accueil, il poursuivit l'exposition de la Loi islamique par ses prêches, ses déclarations, ses correspondances, et par les actes de sa vie quotidienne pratique. Ainsi, sa façon d'accomplir les actes cultuels, son exercice du pouvoir, de la direction spirituelle et des affaires de la justice, sa conduite envers les ennemis (qu'ils fussent des Gens du Livre- Juifs et Chrétiens- ou des polythéistes pendant la guerre ou la paix) son administration de l'État et de la société, son commandement de l'armée, l'explication des dispositions du Coran, son comportement dans les batailles, sa méthode de la diffusion de l'Appel, tout cela constitue sa Sunnah (Tradition) et sa conduite dans la vie pratique.
Le Saint Prophète, outre le fait d'avoir expliqué par la parole et les actes le contenu de la législation islamique, il avait fixé les éléments de celle-ci par une 3ème voie, lapprobation tacite. En effet, il vivait dans une société qui avait ses propres règles, normes et pratiques sociales, tels l'achat et la vente, la location, l'héritage, le mariage, le divorce etc... qu'il lui fallait harmoniser avec les exigences de la Loi islamique. Aussi, interdit-il certaines de ces règles et pratiques et en approuva-t-il certaines autres conformément aux fondements de la Charî`ah (la Loi islamique) et à ses objectifs, visant le changement et la reconstruction. De plus, certains de ses Compagnons, accomplissaient des actes à propos desquels il ne disait rien ni ne désapprouvait, car ces actes ne s'opposaient pas à l'esprit de la Charî`ah et ne se trouvaient pas en contradiction avec elle. Le bagage législatif islamique s'enrichit donc de toutes ces données pour opérer une révolution idéologique et un changement radical et total.
En bref, les éléments de l'apport du Prophète à la législation islamique, se manifestèrent sous trois formes: Le prêche verbal à l'adresse de la nation et de la société musulmane (ainsi qu'à l'adresse de l'humanité après sa disparition), ses actes et sa conduite, son silence approbatif devant certains actes d'autrui. Cet apport servit d'instrument à l'interprétation du Noble Coran et à l'explication de son contenu et des buts du Message divin. Il permit aussi à enseigner aux gens les fondements de la pensée et les vérités de la législation qu'avait reçus leSaint Prophète d'Allah, sous forme de Révélation.
Cette richesse législative
qu'est la Sunnah du Messager d'Allah, a été compilée
et étudiée dans des corpus de Hadith, et divisée
en trois parties qui traduisent les trois formes sous lesquelles elle avait
été exprimée par le Saint Prophète:
1- Les Paroles du Prophète Table des Matières
Ce sont les explications verbales données par le Prophète dans ses prêches, ses causeries, ses directives, ses réponses aux questions des Compagnons, ses correspondances et ses lettres, ses traités politiques, ses éclaircissements ou ses interprétations des mots et du contenu du Coran. Il est évident que le Messager d'Allah s'adressa aux gens dans la langue des Arabes en cours parmi eux, lorsqu'il les appela à l'Islam ou lorsqu'il leur exposait les dispositions de la Charî`ah et les concepts doctrinaux. Il en résulte que son discours comporte des formes et des modes nombreux: le sens propre et le sens figuré, le synonyme, les homonymes, le général, le particulier, le restrictif, l'absolu, le conditionnel, l'impératif, le prohibitif, lautorisant etc. Tout ceci nécessite donc une compréhension et une définition de la signification et une précision des cas où une parole du Prophète comporte ou non un statut légal.
2- Les Actes du Prophète Table des Matières
Les actes du Prophète constituent la forme pratique des lois, des valeurs et du mode de vie islamiques.
L'Islam est un système d'action et un message de construction de la vie. C'est pourquoi, le Saint Prophète était lui-même le constructeur de la vie et l'incarnation - par sa conduite et ses actes - des dispositions de la Charî`ah`ah et de ses buts dans les domaines politique, cultuel, de la méthode de la diffusion de l'Appel, du jihâd, des relations sociales...
Aussi, le Coran avait-il ordonné aux Musulmans l'obligation de suivre l'exemple du Saint Prophète et d'apprendre tout de lui; car ses actes, ses paroles et ses approbations ne font que traduire les Ordres d'Allah, étant donné qu'il était infaillible donc immunisé contre la faute et l'erreur dans tout ce qu'il fait ou dit. En effet, on peut lire dans le noble Coran:
«Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce qu'il vous interdit».
1- Une catégorie de ses actes qui constituent son domaine réservé et exclusif (son mariage avec plus de quatre femmes) et qui ne peuvent pas être pris comme exemples à suivre par les autres.
2- Une catégorie de ses actes qu'il a accomplis en tant que membre de la société, tel que son usage de la langue courante pour expliquer son Message. Ces actes sont considérés comme des modèles de la conduite du Prophète, et les gens doivent s'y conformer.
3- Une catégorie de ses actes qu'il a faits, en tant que Musulman soumis aux obligations religieuses, comme tous les autres Musulmans. Ces actes équivalent à des statuts généraux s'appliquant à tout musulman soumis aux obligations islamiques.
4- Une catégorie de ses actes qu'il a accomplis en tant que Prophète dont la charge est d'expliquer l'Islam aux gens et de le leur enseigner.
5- Une catégorie de ses actes qu'il a accomplis en tant que gouvernant et tuteur des Musulmans. Ces actes sont considérés comme des modèles à suivre et à appliquer pour tout gouvernant légal qui a la charge des affaires des Musulmans, tout au long de la vie de l'humanité. Ils sont le domaine exclusif du gouvernant légal et comprennent les signatures des traités et des accords au nom de la Communauté musulmane, la déclaration de guerre ou de trêve etc.
Une étude méthodique des actes du Messager nous conduit à conclure qu'en sa qualité du Prophète infaillible et communicateur de la Volonté d'Allah, il est impossible qu'il ait pu commettre un acte illégal. Tous ses actes oscillent entre ce qui est obligatoire et ce qui est légal, et tout acte qu'il n'a pas fait (mais sans l'interdire) signifie seulement qu'il n'est pas obligatoire. C'est pourquoi il était nécessaire de procéder à une étude analytique des actes du Prophète, et de chercher les indices et les contextes susceptibles d'interpréter chaque acte du Prophète et de déterminer s'il est à caractère obligatoire, recommandé, autorisé, ou même détestable, car un acte détestable fait partie des actes autorisés.
D'autre part, une telle étude est nécessaire pour déterminer lesquels des actes dont s'est abstenu le Prophète sont à caractère interdit et lesquels à caractère autorisé (étant exclu que le Messager dAllah ait pu sabstenir dun acte obligatoire). Ce tri et cette identification nous ouvre une grande porte sur la recherche juridique et législative, et sur la déduction des statuts légaux (ahkâm char`iyyah) et la connaissance de ce qui est obligatoire, et de ce qui est légal ou illégal.
Il faut noter que l'acte du Prophète est parfois associé à une parole qu'il prononce et parfois à une attitude qu'il observe, parole et attitude qui avaient un but explicatif et didactique et qui nous permettent par conséquent de connaître la nature obligatoire, recommandée ou autorisée dudit acte.
De même, lorsqu'il
s'abstient d'un acte, la parole prononcée ou l'attitude observée
dans ce contexte, nous permettent de déterminer si son abstention
dudit acte indique le caractère interdit ou autorisé de celui-ci.
3- L'Approbation tacite (Taqrîr) du Prophète Table des Matières
Dans la langue, "taqrîr" signifie qu'une chose s'est stabilisée et s'est fixée, et lorsqu'il s'agit d'un avis ou d'un jugement, le "taqrîr" signifie que cet avis ou jugement est signé par celui qui doit le signer. De là nous comprenons que les approbations du Saint Prophète signifie sa signature et son acceptation des actes et paroles qu'il a vu ou entendu faire ou prononcer par un individu, un groupe ou une société, sans qu'il les interdise ou les désapprouve.
Le fait de leur non-interdiction par lui est la preuve de son consentement et de son approbation. Par conséquent ces actes et paroles sont devenus une partie de la Sunnah et de la législation. Car s'ils étaient opposés à sa législation, il les aurait interdits et désapprouvés.
Par exemple, le Saint
Prophète avait remarqué que les gens croyaient à une
information rapportée par un seul individu, lorsque celui-ci était
digne de confiance. Il a observé le silence sur ce fait et n'a pas
interdit aux gens d'accepter une information rapportée par un seul
individu digne de confiance. Nous déduisons de ce silence la validité
de l'acceptation d'une information à source unique et nous considérons
une telle pratique comme argument légal nous autorisnat à
accepter comme vrais des hadiths rapportés du Prophète ou
de limam dAhl-ul-Bayt, par une source unique - si elle est digne de confiance
- sans exiger qu'ils soient comfirmés deux ou quatre sources pour
être considérés comme crédibles. Ceci est valable
pour le témoignage et les tribunaux. En conséquence, tout
ce qui a été fait par un individu ou pratiqué par
la société et dont le Prophète avait eu connaissance
sans l'interdire, est un acte légal, car le silence du Prophète
à cet égard et le fait qu'il ne l'ait pas interdit, signifient
qu'il a signé son approbation, et par voie de conséquence,
indique la validité et la légalité dudit acte, lequel
acte peut servir d'argument (de base) pour la déduction de statuts
(jugements) légaux.
Le mot (signifiant) et les cas de signification Table des Matières
Lorsque nous étudions
les discours du Prophète, nous remarquons que les statuts, les concepts
les idées qu'ils contiennent se manifestent sous trois formes, par
rapport aux modes d'expression et la nature des mots. Ce sont:
a-Le textuel (naçç)
C'est le mot (le groupe de mots) dont le sens ne souffre aucune équivoque (étant donné quil n'admet la possibilité d'aucun deuxième sens), soit parce que le système et les lois linguistiques ne laissent pas de doute sur sa signification, soit parce qu'il y a des indices qui en déterminent la signification avec une clarté totale. L'exemple en est, la parole suivante du Saint Prophète:
«Un Musulman est le frère d'un autre Musulman: il n'est pas injuste envers lui, il ne l'abandonne pas, il ne médit pas de lui, il ne le trahit pas, il ne le trompe pas et il ne le prive pas».
La législation islamique consiste en l'ensemble des lois et des statuts promulgués par Allah en vue de régir ou d'organiser toutes les relations de l'humanité, à savoir les relations de l'homme avec Allah, avec lui-même ou avec les autres.
La pensée islamique est l'ensemble des connaissances et des sciences tirées du Message, telles que la pensée économique et politique, la philosophie, les Fondements de la Jurisprudence (Uçûl al-Fiqh), l'Éthique, l'exégèse etc. Le Saint Coran et la Sunnah du Prophète sont la source de la pensée, de la connaissance et de la législation islamique, comme l'affirme clairement le Livre d'Allah en différents endroits:
- «Il (le Prophète) ne parle pas sous l'empire de la passion. C'est seulement une Révélation qui lui a été faite.» (Sourate al-Najm, 53 : 3 - 4)
- «Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce qu'il vous interdit...»
Par exemple, le Coran avait décrété la Zakât en tant que système fiscal dans les termes suivants:
«Prélève une aumône sur leurs biens pour les purifier et les rendre sans taches».
- soit par une instruction directe venant d'Allah par l'intermédiaire de l'Archange Jibrâ'îl.
Les Uléma ont admis qu'une partie des statuts et des législations secondaires promulgués par le Prophète pour la Communauté musulmane soit déduite de ce qu'Allah lui a révélé, et d'aucuns ont donné à cette déduction l'expression d"ijtihâd du Messager". Et si l'on admettait la pertinence de cette expression, il faudrait préciser tout de suite que ledit ijtihâd du Messager n'est pas le même ijtihâd que celui des jurisconsultes (faqîh), lequel peut s'avérer correct ou erroné, alors que le premier, l'ijtihâd du Messager, est un ijtihâd exclusivement correct et ne fait que traduire le jugement effectif d'Allah, car les statuts et législations déduits par le Prophète sont emprunts à l'esprit de la Loi d'Allah et à la matière de la Législation, Loi et Législation dont il a une connaissance parfaite et totale.
Répondant à la question de savoir s'il était possible que le Prophète ait pu déduire les statuts légaux par les méthodes théoriques, légales (ijtihâd) - à l'exclusion de l'analogie - al-Muhaqqiq al-Hillî dit: «Nous n'excluons pas une telle possibilité, bien que nous n'ayons pas connaissance que le Saint Prophète y a eu recours effectivement. Et si nous admettions cette possibilité, la réponse à la question de savoir s'il peut se tromper dans son ijtihâd, est négative pour plusieurs raisons:
1- Le Prophète est infaillible et immunisé contre lerreur et la faute volontaire ou involontaire.
2- Nous avons reçu l'Ordre d'Allah de suivre la Sunnah du Prophète. Donc, si ce dernier se trompait dans les statuts qu'il décrète, nous aurions l'obligation de suivre lerreur, ce qui est inadmissible.
3- S'il pouvait commettre
une faute, on ne pourrait plus avoir confiance en ce qu'il nous ordonne
ou interdit de faire, ce qui conduirait à répugner à
l'acceptation de ses instructions».
Lorsque nous examinons les vocabulaires de la Sunnah, nous trouvons des exemples des emprunts du Prophète au Livre d'Allah. La meilleure illustration en est le célèbre hadith de "raf`" (dégagement de la responsabilité) dont les termes sont devenus des règles législatives majeures. En effet, on attribue au Messager d'Allah les propos suivants:
«Il (Allah) a dégagé la responsabilité des membres de ma Communauté dans neuf cas: l'erreur, l'oubli, l'ignorance (d'une chose), l'insupportabilité, la contrainte, la force majeure, la "tîrah" (pressentiment, suprerstition), la tentation de penser à la Création...».
Et lorsque nous regardons de près ces règles législatives, nous en trouvons les origines dans le Livre d'Allah implicitement ou explicitement. En voici quelques exemples:
- «Il n'y a pas de faute à vous reprocher au sujet des actions que vous commettez par erreur, mais seulement pour celles que vous préméditez dans vos coeurs. Allah est Celui Qui pardonne. IL est Miséricordieux». (Sourate al-Ahzâb, 33 : 5)
- «Nous n'avons jamais puni un peuple, avant de lui avoir envoyé un prophète».
Après le décès du Messager d'Allah, lorsque des événements et des faits nouveaux surgirent alors quil nexistait pas de textes législatifs explicites les concernant, les Musulmans éprouvèrent le besoin de connaître les règles qui régissent lesdits événements et faits et qui déterminent leur position légale vis-à-vis de ces nouveautés.
Aussi, les gens recouraient-ils aux érudits parmi les Compagnons pour demander leur opinion à ce propos, et ces derniers émettaient des avis parfois concordants et parfois divergents. On appelait alors ces avis la doctrine ou le décret du Compagnon.
De même les Compagnons accomplissaient des actes cultuels, politiques ou fiscaux etc. et on appelait ces actes propres au Compagnon, la Sunnah du Compagnon.
Plus tard les Musulmans divergèrent sur la valeur légale de la sunnah du Compagnon: peut-on la considérer comme une preuve législative ou non? Les fondements de cette divergence se résument comme suit:
a- La définition du Compagnon (qui peut être considéré comme Compagnon?)
b- Dans quelle mesure peut-on considérer la sunnah du Compagnon comme un argument légal et comme une source de la Loi?
c- Et étant donné que la validité de la Sunnah du Compagnon, en tant que source de la Loi, dépend du savoir et de lintégrité de ce dernier, une polémique véhémente éclate propos de ces deux axes.
Cette polémique et le débat sur cette question législative conduisirent à l'apparition de deux écoles principales. L'une considérait la Sunnah du Compagnon comme une source valable de la Loi, l'autre affirmait que l'acte du Compagnon ne saurait constituer une source législative, tout en pouvant être un indice de la Sunnah du Prophète, étant donné que cet acte est le fait d'un Compagnon qui est censé agir selon la Loi islamique.
Si l'on se réfère à la définition linguistique du mot compagnon "çâhib", on constate que le Compagnon est celui qui était fréquemment en compagnie du Prophète.
Cette définition a été adoptée par l'École d'Ahl-ul-Bayt, alors que Ibn Hajar al-`Asqalânî al-Châfi`î a défini le Compagnon comme étant: «Celui qui a rencontré le Prophète en croyant en sa mission prophétique et qui est mort musulman. L'expression celui qui a rencontré le Prophète comprend aussi bien quelquun qui avait fréquenté le Prophète pendant longtemps, que celui qui ne lavait rencontré qu'un court instant, aussi bien celui qui a rapporté des faits et dires de lui que celui qui nen a rien rapporté, aussi bien celui qui avait participé à ses batailles que celui qui y était absent, aussi bien celui qui l'avait simplement vu sans s'asseoir avec lui que celui qui n'avait pas pu le voir à cause d'une cécité, par exemple».
Toutefois, Ibn Hajar a cité une définition d'al-Mazarî, qui diffère de la sienne: "Lorsque nous disons que tous les Compagnons sont justes nous ne désignons pas par cet énoncé toute personne ayant vu le Prophète un jour, ou lui ayant rendu visite occasionnellement, ou s'étant réuni avec lui ponctuellement pour une affaire sans que cette réunion ait une suite. Nous visons par notre énoncé: ceux qui lont fréquenté, ceux qui l'ont soutenu, ceux qui lont secouru et ceux qui ont suivi la lumière descendue avec lui: voilà ceux qui ont été heureux."
Cette définition du Compagnon proposée par al-Mazarî s'accorde avec celle de l'École d'Ahl-ul-Bayt en ceci que lune et lautre n'attribuent pas le titre de Compagnon à quiconque ayant tout simplement aperçu le Saint Prophète, lui ayant rendu visite dans une séance ou l'ayant à peine rencontré. Elles en réservent lhonneur (de ce titre) à quelquun qui a accompagné fréquemment le Saint Prophète, qui l'a soutenu et qui est resté avec lui pendant si longtemps que l'on peut dire selon la norme qu'il était de sa compagnie. En un mot, le Compagnon est celui qui a pu, grâce à sa longue présence aux côtés du Saint Prophète, assimiler sa tradition, participer à son cheminement et suivre son exemple.
De même que les uléma des différentes écoles juridiques ont divergé sur la définition du Compagnon, ils ont divergé également sur la valeur juridique de la Sunnah du Compagnon. En effet, l'École d'Ahl-ul-Bayt a récusé la validité juridique de cette sunnah du Compagnon.
La raison en est que les Compagnons eux-mêmes ont montré les contradictions qui existaient entre leurs conduites, leurs coutumes et leurs doctrines. Chacun d'eux avait une conduite, des actes et une doctrine propres à lui, et chacun d'eux ne se considérait pas comme ayant l'obligation de suivre la sunnah d'un autre Compagnon.
Rappelons à cet égard le refus de l'Imam `Ali de s'engager à respecter la Sunnah de ses deux prédécesseurs, Abû Bakr et `Omar. En effet, selon les historiens, Abdul-Rahmân Ibn `Awf s'est réuni seul à seul avec `Ali Ibn Abî Tâlib après la mort de `Omar Ibn al-Khattâb et dit: «Tu dois t'engager devant Allah à nous gouverner suivant le Livre d'Allah, la Sunnah du Prophète et la conduite d'Abî Bakr et de `Omar, si tu étais choisi comme Calife». L'Imam `Ali se contenta de répondre: «Je vous accorde mon engagement à vous gouverner autant que possible selon le Livre d'Allah et la Sunnah de Son Prophète».
Puis Abdul-Rahmân se réunit de nouveau avec l'Imam `Ali et lui répéta la même proposition, et l'Imam `Ali donna la même réponse.
Et lorsque Abdul-Rahmân Ibn `Awf revint à l'Imam `Ali pour lui répéter sa proposition pour la troisième fois, ce dernier lui dit: «Le Livre d'Allah et la Sunnah de Son Prophète suffisent. Tu peux donc en tant que mujtahid, me dispenser de cette affaire...
S'appuyant sur des Textes (du Coran et de la Sunnah du Prophète) qui font autorité, les adeptes d'Ahl-ul-Bayt, quant à eux, considérèrent la Sunnah de l'Imam `Ali Ibn Abî Tâlib, de ses deux fils al-Hassan et al-Hussayn, et des Imams descendant de ce dernier, comme étant le prolongement de la Sunnah du Saint prophète, et l'expression de cette celle-ci. C'est pourquoi ils l'ont adoptée comme une source de Loi après le Livre d'Allah et la Sunnah du Messager d'Allah.
Les uléma de l'École d'Ahl-ul-Bayt fondèrent ce principe sur l'infaillibilité des Imams d'Ahl-ul-Bayt et leur dépouillement de tous péchés, ainsi que sur le fait qu'ils avaient été associés au Livre d'Allah et à la Sunnah du Prophète, et que ce dernier avait demandé à la Ummah (la Communauté musulmane) de se rattacher à eux et de suivre leurs instructions après sa dis. Lun des arguments sur lesquels les uléma de l'École d'Ahl-ul-Bayt fondèrent leur croyance à l'obligation de suivre la Sunnah des Imams d'Ahl-ul-Bayt est le verset coranique suivant (dit le Verset de Tat-hîr ou de Purification) qui décrète la pureté de ces Imams:
«O vous les Ahl-ul-Bayt (Les Gens de la Maison du Prophète)! Allah veut seulement éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement» (Sourate al-Ahzâb, 33 : 33).
Les différents livres de Tafsîr (exégèse) et les différents hadith s'accordent pour souligner que les personnes visées dans ce verset sont les membres de la famille du Saint Prophète, en l'occurrence: `Ali Ibn Abî Tâlib (cousin et frère du Messager d'Allah), Fâtimah al-Zahrâ', la fille chérie du Prophète et l'épouse de l'Imam `Ali, ainsi que leurs deux fils, al-Hassan et al-Hussayn.
En effet, selon al-Suyûtî al-Châfi`î, dans al-Durr al-Manthûr: <Al-Tabarânî a rapporté ce témoignage d'Om Salamah: «Le Messager d'Allah demanda un jour à Fâtimah: Appelle ton mari et ses deux fils. Elle s'exécuta. Le Prophète les couvrit alors d'un manteau de Fadak, et posa sa main sur eux en disant: O Allah! Ce sont les Ahl Mohammad- ou les Âle Mohammad, selon une autre version- (la famille de Mohammad)! Que Tes Prières et Tes Bénédictions soient donc sur les Âle Mohammad comme elles avaient été sur les Âle Ibrâhîm. Et Om Salamah de poursuivre: «J'ai alors relevé le manteau pour me joindre à eux, mais le Prophète l'a retiré de ma main en disant: Tu es bien à ta place»>.
Et selon al-Tirmithî: «Le Verset d'al-Tat-hîr (33 : 33) a été révélé dans la maison d'Om Salamah. Le Prophète appela alors Fâtimah, al-Hassan, al-Hussayn et `Ali. Il les plaça derrière son dos, les couvrit d'un manteau et dit: O Allah! Ce sont les Gens de ma Maison (Ahl-u Baytî), éloigne d'eux donc la souillure et purifie-les totalement. Om Salamah demanda alors: «Et moi, suis-je avec eux, O Prophète d'Allah?». Le Prophète répondit: Tu restes à ta place et tu es bien là».
Quant au Prophète lui-même, il laissa beaucoup de traces incitant les Musulmans à suivre la Sunnah des Ahl-ul-Bayt. Ainsi, selon Ahmad Ibn Hanbal et Abû Ya`lâ, citant Abî Sa`ïd al-Khidrî, le Prophète a dit lors du Pèlerinage d'Adieu (Hajjat al-Wadâ`), s'adressant aux foules des Musulmans: «Je suis sur le point d'être appelé (par Allah) et de répondre (à cet appel). Je vous laisse les Deux Poids: Le Livre d'Allah, et ma progéniture, les Gens de Ma Maison. (Allah) le Subtil et le Bien-Informé m'a appris qu'ils ne se sépareront pas jusqu'à ce qu'ils me rencontrent auprès du Bassin (au Paradis). Regardez donc comment vous les traiterez après ma disparition».
L'Imam Ja`far al-Çâdiq a expliqué pour sa part quel est le fondement légal des décrets religieux chez les Imams d'Ahl-ul-Bayt. Sourah Ibn Kulayb rapporte: «J'ai demandé à Abî `Abdullâh (l'Imam al-Çâdiq): «Quelle est la source du décret émis par l'Imam?». Il m'a répondu: «Le Livre Saint"». Je lui ai dit: «Et lorsqu'il s'agit de quelque chose qui ne figure pas dans le Livre!». Il a répondu: «La Sunnah». Je lui ai demandé encore: «Et lorsqu'il s'agit de quelque chose qui ne figure ni dans le Livre ni dans la Sunnah!». «Il n'existe pas une chose qui ne figure ni dans le Livre ni dans la Sunnah» m'a-t-il répondu».
L'Imam Mohammad al-Bâqer, quant à lui, a expliqué clairement que la source des décrets des Imams d'Ahl-ul-Bayt remonte obligatoirement à leur grand-père, le Saint Prophète. Ainsi, s'adressant à l'un de ses compagnons, Jâbir, il lui dit: «O Jâbir! Si les décrets que nous émettons à l'adresse des gens exprimaient nos opinions personnelles, nous aurions péri. Mais nous fondons nos décrets sur le patrimoine que le Prophète nous avait laissé et sur les fondements d'une science que nous héritons de père en fils et que nous préservons (thésaurisons) précieusement, tout comme thésaurisent ces gens-là leur or et leur argent».
Il ressort de ce qui précède que tout ce qui a été fait, dit et émis par les Imams d'Ahl-ul-Bayt ne s'écartait point du Saint Coran et exprimait le contenu du Livre d'Allah et de la Sunnah du Prophète. C'est pourquoi leur tradition est devenue l'un des fondements de la Loi et l'une des sources de la législation.
Tous les Messages et les Lois divins firent l'objet d'altérations et de falsifications. Tel fut le cas avec la Tora du judaïsme et les Evangiles du Christianisme. Au regard de lhistoires, il sest avéré que ces Livres censés être la Parole de Dieu sont différents dans leurs contenus de ce qui fut révélé au Prophète Moïse et au Prophète Jésus. Le Coran est le seul Livre divin qu'Allah a préservé de toute modification et de toute altération.
En effet, Allah dit dans le Saint Coran:
«C'est Nous qui avons fait descendre le Rappel (Le Coran) et c'est Nous qui le maintenons intact». (Sourate al-Hijr, 15: 9)
et:
«Il Nous appartient de le rassembler et de le lire». (Sourate al-Qiyâmah, 75 : 17)
Les Musulmans de génération en génération prirent un soin particulier pour préserver ce Livre divin, le protéger, l'apprendre par coeur, l'enregistrer dans des livres, prendre toutes les précautions nécessaires afin de s'assurer que pas une lettre n'y soit rajoutée ni n'en soit supprimée. Mais si cette première source de la Loi divine a pu être préservée de toute altération grâce à la Volonté d'Allah, la Sunnah, la deuxième source de la Législation, de la pensée et de la croyance islamiques fut la proie des falsificateurs et des inventeurs qui, animés par de vilains desseins politiques et de bas intérêts, se permirent de la modifier, de laltérer par des rajouts et des soustractions, imputant au Saint Prophète ce qu'il n'avait ni fait ni dit ou dénaturant ce qu'il avait fait et dit. Le Prophète, conscient de ce grave danger, de son vivant, avait pourtant mis en garde les Musulmans contre les falsificateurs, notamment lors du Pèlerinage d'Adieu:
«Les falsificateurs de ma Sunnah ont augmenté en nombre et vont augmenter encore plus après moi. Quiconque m'attribue volontairement quelque chose de faux, aura réservé sa place dans l'Enfer. Et quiconque vous rapporte un hadith (une tradition: parole ou acte) qui me soit attribué, examinez-le à la lumière du Livre d'Allah et de ce qui est établi de ma Tradition. Acceptez-en ce qui concorde avec le Livre d'Allah et ma Tradition, et rejetez-en ce qui contredit le Livre d'Allah et ma Tradition».
La falsification de la Sunnah avait pris diverses formes. La pire forme de falsification était l'invention, c'est-à-dire attribuer au Saint prophète ou aux Saints Imams une tradition qui n'avait d'existence que dans l'imagination et dans l'esprit malsain de l'inventeur. Définissant cette forme de la falsification du Hadith, al-Chahîd al-Thânî écrit: «C'est la pire des catégories du Hadith faible. Et il n'est permis de le citer qu'en soulignant son caractère de hadith inventé».
Ainsi les corpus de Hadith furent remplis de Traditions inventées et les mémorisateurs de Hadith citaient des dizaines de milliers de traditions inventées, qu'on trouve notamment dans les panégyriques des personnes et des cités.
Et ceci répondait à un dessein politique perfide et faisait partie de la propagande politique qui avait pris des proportions considérables au début du règne Omayyade, après l'an 40 A.h.
D'un autre côté, l'invention de hadith répondait parfois à un autre motif. Certains personnages qui prétendaient vouloir encourager les actes recommandés (et non obligatoires) pensaient qu'il n'était pas préjudiciable d'attribuer au Saint prophète certains bons actes afin d'inciter les gens à faire le bien.
Pour se faire une idée juste des proportions démesurées qu'avait atteintes l'invention de hadith, il est utile de rappeler que le célébrissime rapporteur de Hadith, al-Bokhârî, pour compiler son corpus, a trié environ quatre mille traditions censées être dignes de fois sur un total d'environ six cent cinquante mille traditions attribuées au Saint Prophète! Quant à Ahmad IbnHanbal, il a trié les traditions qui forment son corpus (Mosnad) parmi sept cent cinquante mille traditions qui lui avaient été proposées. C'est du moins ce qu'ont affirmé eux-mêmes ces deux géants rapporteurs de hadith.
Al-Sayyed al-Murtadhâ parlant des inventions et des falsifications de hadith introduites par les Extrémistes (Ghulât), écrit dans son livre, "al-Ghorar wal-Dorar :
«On rapporte que lorsque Mohammad Ibn Solaymân, le gouverneur de Kûfa sous le Califat d'al-Mançûr arrêta un nommé Abdul-Karîm Ibn al-`Awjâ', celui-ci déclara, lorsqu'il apprit la virtualité de son exécution: ... J'ai glissé parmi vos hadith quatre mille faux hadith inventés de toutes pièces».
Il convient de noter
ici, que l'épreuve dramatique et les divisions successives que les
Musulmans n'ont cessé de subir depuis des siècles sont dues
essentiellement à la falsification des Traditions du Saint Prophète
et des Nobles Imams d'Ahl-ul-Bayt. Sans cette falsification, ce profond
fossé qui sépare les Musulmans et ce grave différend
doctrinal et législatif qui les divisent n'auraient pas existé.
Quelques Exemples de Hadith Inventés Table des Matières
Râfî` Ibn Khodayj témoigne à ce propos: «J'ai demandé au Saint Prophète: O Messager d'Allah! Lorsque nous t'entendons dire quelque chose, pouvons-nous le noter?. Il répondit: Écrivez-le sans aucun embarras».
Tous ces récits confirment l'autorisation donnée par le Saint Prophète à ses Compagnons d'enregistrer le Hadith.
D'autres récits affirment qu'il a appelé ses disciples à mémoriser le Hadith et à le diffuser parmi les Musulmans. En voici quelques exemples:
«Qu'Allah embellisse la face de quiconque ayant entendu ma parole, l'apprend par coeur, l'assimile et la transmet telle quelle; car peut-être quun porteur de connaissance (fiqh) ne serait pas connaisseur (faqîh) lui-même, et peut-être quun porteur de connaissance pourrait transmettre celle-ci à quelqu'un qui soit meilleur connaisseur que lui».
Et:
«Quiconque parmi ma Communauté aura appris par coeur quarante de mes paroles relatives à sa religion, pour la Face d'Allah (et dans l'espoir d'en être récompensé dans) l'Au-delà, Allah le ressuscitera en érudit et en savant le Jour de la Résurrection».
Il est évident que l'un des moyens de la mémorisation et de la diffusion du Hadith est l'écriture. Par conséquent, le fait de donner l'ordre de mémoriser le Hadith implique l'autorisation de tout ce qui serait à même de mener à bien l'exécution dudit ordre. Bien plus, il implique l'obligation d'écrire le Hadith si la sauvegarde de la Sunnah (la Tradition du Saint prophète) et sa protection contre tous dangers de perte en dépendaient.
Un autre fait tendant à corroborer la pratique de l'écriture à l'époque du Saint prophète est constitué des lettres qu'il envoya à des rois et des chefs d'Etat, sans parler des pactes et des accords qu'il fit rédiger et qui ont été conservés.
Enfin, on rapporte d'Ibn `Abbâs: «Lorsque la maladie du Prophète s'aggrava, il dit: Apportez-moi de quoi écrire à votre intention une lettre qui vous évitera de vous égarer après moi. `Omar intervint alors et dit: Le Prophète est sous l'emprise de la douleur. Nous avons le Livre d'Allah. Cela nous suffit. Les gens présents tombèrent en désaccord et les bruits grandissant de la dispute indisposa le Prophète qui s'écria: Allez-vous-en! Il n'est pas convenable que vous vous disputiez chez moi. Sur ce Ibn `Abbâs sortit en disant: Le grand malheur, tout le grand malheur réside dans l'empêchement du Messager d'Allah d'écrire (son testament)».
Face à ces récits concordants qui indiquent la tendance du Saint Prophète à lencouragement de la pratique de l'enregistrement des Traditions, il y a deux récits attribués au Messager d'Allah laissant croire à son opposition à une telle pratique. En effet, selon Ibn Sa`îd al-Khidrî: «Le Prophète a dit: N'écrivez de ce que je dis que lCoran et Quiconque a écrit de ce que je dis, autre chose que le Coran, qu'il l'efface».
Lorsqu'on confronte les récits parfois contradictoires et opposés relatifs à la position du Saint Prophète vis-à-vis de l'enregistrement de la Sunnah, il n'est pas difficile de déduire qu'il tendait à y souscrire. Aussi, une partie des grands Compagnons, tels que l'Imam `Ali et son fils l'Imam al-Hassan comprirent-ils cette tendance, l'adoptèrent et s'y conformèrent. En témoigne cette déclaration de l'Imam `Ali, cité par al-Suyûtî: «Lorsque vous écrivez le Hadith, faites-le en en mentionnant la chaîne de transmetteurs». Ils furent suivis par les autres Imams d'Ahl-ul-Bayt et par la deuxième génération des compagnons (al-Tâbi`în). Dautre part, les uléma musulmans finirent par adopter définitivement la même attitude, en s'appliquant à l'écriture systématique du Hadith. Sans cet enregistrement, la Sunnah du Prophète aurait disparu et l'humanité aurait perdu la plus grande richesse de son histoire.
Ibn Salâh soulignant l'importance capitale de l'enregistrement du Hadith écrit: «Sans son enregistrement dans des livres, le Hadith aurait disparu pendant ces derniers siècles».
Et c'est justement la crainte de voir disparaître les traces du Hadith, qui a conduit le Calife `Omar Ibn `Abdul-Azîz à donner l'ordre de l'enregistrer sous son califat (99 - 101 A.H.).
Mais entre-temps, malheureusement, de longues décennies s'étaient écoulées, pendant lesquelles les autorités califales qui s'étaient succédé à la tête du jeune État islamique avaient pris une position très hostile à l'enregistrement du Hadith, sous divers prétextes, laissant le champ libre aux falsificateurs de tous poils et à tous ceux qui désiraient manier la Tradition au gré de leurs intérêts ou de leurs sentiments.
En effet, l'histoire nous apprend que les Califes Abû Bakr, `Omar et `Othmân, suivis par les Califes Omayyades - jusqu'au califat de `Omar Ibn `Abdul-`Azîz - interdirent l'enregistrement du Hadith.
Ainsi, Abû Bakr avait rassemblé les gens après le décès du Prophète et leur dit: «Vous attribuez au Messager d'Allah des propos sur lesquels vous divergez, et les gens après vous, encore plus que vous. Abstenez-vous donc de rapporter les paroles du Prophète. Et si on vous pose une question, répondez: Il y a entre vous et nous le Livre d'Allah. Considérez comme licite tout ce qu'il a rendu licite et comme illicite tout ce qu'il a rendu illicite.»
Parlant du même sujet sous le Califat de `Omar, Ibn Sa`d écrit dans ses "Tabaqât": «Les hadith attribués au Messager d'Allah ayant crû considérablement sous le Califat de `Omar Ibn al-Khattâb, celui-ci demanda aux gens de les lui apporter. Lorsqu'ils sexécutèrent, il donna l'ordre de brûler tous les hadith ainsi rassemblés».
Quant à `Othmân Ibn `Affân, il donna l'ordre, lors d'un discours, d'interdire la citation de tout hadith attribué au Messager d'Allah, s'il n'était pas rapporté sous les Califats d'Abû Bakr et de `Omar: «Personne, dit-il, n'a le droit de rapporter un hadith qui ne fût entendu ni à l'époque d'Abû Bakr ni à l'époque de `Omar».
Mu`âwiyah, exploita cette interdiction de l'enregistrement du hadith, et s'en servit dans son conflit avec l'Imam `Ali d'abord et dans la campagne qu'il mena par la suite contre sa famille, lorsqu'il s'empara du pouvoir en vertu du Traité de réconciliation avec l'Imam al-Hassan, où il donna l'ordre aux traditionnistes et aux rapporteurs de Hadith de s'abstenir de citer tout propos du Messager d'Allah évoquant les vertus et les hautes qualités de `Ali Ibn Abî Tâlib.
Al-Madâ'inî écrit à ce propos dans son livre "Al-Ahdâth": «Mu`âwiyah rédigea une note à l'intention de ses gouverneurs, après le Traité de Réconciliation, dans les termes suivants:
Quiconque rapporte quoi que ce soit des vertus d'Abî Turâb (`Ali Ibn Abî Tâlib) et de sa famille son sang sera répandu...»
Nous avons déjà appris le sens du terme Sunnah. Pour en approfondir notre connaissance, il est opportun davoir quelques notions de son opposé, le mot "bid`ah" (invention, hérésie).
Bid`ah signifie, linguistiquement, inventer. Et en tant que terme technique islamique, ce mot désigne ce qu'on invente dans la religion et ce qui n'a pas de racine dans le Coran et la Sunnah. On dit bid`ah (invention) parce que celui qui la professe l'a inventée (ibtada`a) lui-même.
Donc, bid`ah est tout ce qui est intrus dans la religion et qui n'en fait pas partie à l'origine. Or, le Saint Prophète avait mis les Musulmans en garde contre les hérésies dans les termes suivants:
« La meilleure des paroles est le Livre d'Allah, la meilleure guidance, c'est celle de Mohammad, et les pires des choses ce sont les choses inventées, et toute chose inventée (dans la religion) est un égarement».
Pour nous résumer, la bid`ah est à l'opposé de la Sunnah. Et les bida` (pluriel de bid`ah), les hérésies ou les choses inventées, consistent en tout ce qui a été rajouté à la Religion et qui n'avait pas d'origine dans le Livre d'Allah ni dans la Sunnah de Son Messager, mais que certains persistent pourtant à le considérer comme faisant partie de la Charî`ah (la Loi islamique).
Les hérésies visent à faire dévier l'Islam et à introduire dans la structure de cette religion des idées, des croyances et des pratiques qui lui sont étrangères.
Les autres religions ayant souffert de l'intrusion des hérésies dans leurs Messages et de la déviation qui s'en était suivie, le Coran a averti les gens du danger de ces hérésies idéologiques et comportementales :
«... et la vie monastique qu'ils ont instaurée - nous ne la leur avions pas prescrite - uniquement poussés par la recherche de la satisfaction de Dieu. Mais ils ne l'ont pas observée comme ils auraient dû le faire». (Sourate al-Hadîd, 57 : 27)
Pour préserver la pensée, la Loi et la conduite islamiques de toutes hérésies et de toute déviation, l'Islam a imposé aux Musulmans en général et à leurs uléma en particulier l'obligation de combattre les éléments hérétiques qu'on injecte dans la Religion sous forme de pensées, philosophies et théories, ou qui s'y introduisent par des pratiques et des conduites qui nont rien dislamique. Cette obligation a été affirmée et confirmée dans des paroles attribuées au Saint Prophète et aux Imams d'Ahl-ul-Bayt. Ainsi, selon la chaîne de transmission des Ahl-ul-Bayt, le Prophète a dit: «Lorsque les hérésies apparaîtront au sein de ma Communauté, que le `Âlem (le savant musulman) mette en évidence son savoir, et s'il ne le fait pas, qu'Allah le maudisse».
Et dans un de ses discours, l'Imam `Ali a lancé cet avertissement dans le même sens: «O gens! Le Commencement des dissensions, c'est la soumission à des caprices et l'invention de lois, dans lesquelles on s'oppose au Livre d'Allah, et des hommes deviennent les maîtres d'autres hommes. Si le faux était purement faux, les demandeurs de la vérité le découvriraient facilement. Et si la vérité restait une pure vérité, elle ne conduirait pas à des divergences. Mais le malheur est que l'on prend une partie du faux et une partie de la vérité que l'on mélange pour les présenter comme un ensemble...»
Et selon l'Imam al-Çâdiq: «Toute hérésie est un égarement et tout égarement conduit en Enfer".
Zarârah l'un des Compagnons de l'Imam al-Çâdiq témoigne: «J'ai demandé à Abû `Abdullâh al-Çâdiq de me définir le licite et l'illicite. Il m'a répondu: «Ce qui a été rendu licite par Mohammad restera licite jusqu'au Jour de la Résurrection, et ce qui a été décrété illicite par lui demeurera illicite jusqu'au Jour de la Résurrection. Rien ne peut s'y rajouter».
Et selon l'Imam `Ali: «Personne n'aura inventé une hérésie sans abandonner en échange une Tradition (Sunnah)».
Ceci dit, une mise au point et une précision simposent afin déviter tout équivoque et tout abus danlemploi du mot bid`ah. Pour être considérée comme hérétique, une pensée ou une pratique doit comporter deux éléments associés: 1- lorsquelle serait, évidemment, étrangère à la Foi; 2- et que son tenant la considère comme faisant partie de la Foi. Donc, si un Musulman invente quelque chose, cette invention n'est considérée comme une hérésie opposée à la Sunnah (ni comme un acte interdit ou illicite) que s'il l'introduit dans la religion en la considérant comme une partie d'elle, et que si cette invention était opposée au Coran et à la Sunnah. De là, le fait de célébrer l'anniversaire de la naissance du Prophète, par exemple, n'est pas une bid`ah interdite, bien que cette commémoration soit une nouveauté et qu'elle ne fût pratiquée ni par le Prophète ni par les Compagnons qui vécurent à son époque.
Il y a des liens législatifs et dinterprétation entre la Tradition du Prophète et le Coran. Ils peuvent être résumés comme suit:
Cette restriction apportée par le Prophète n'est qu'une explication fondée sur la signification de nombreux autres versets coraniques qui appellent à la justice et à l'intégrité et interdisent l'injustice, la corruption et le péché, et dont la portée constitue une restriction au verset précité.
a- L'explication par la parole:
Le Prophète
s'est appliqué à travers ses paroles à expliquer beaucoup
de versets équivoques ou polyvalents en éclaircissant leur
signification, et les Musulmans les ont compris grâce à cette
explication verbale.
b- L'explication par écrit:
Le Saint Prophète a adressé des dizaines de lettres à ses gouverneurs et aux rois et chefs d'État des quatre coins du monde à l'époque. De plus, il a fait enregistrer beaucoup de pactes et d'engagements. Or, certains paragraphes de ces lettres et pactes écrits apportent des éclaircissements à certaines notions globales dans le texte coranique.
d- L'explication par le geste:
En effet, il arrivait que le Prophète expliquait un concept global par le geste, comme il l'a fait en montrant deux fois les dix doigts des deux mains et une troisième fois neuf doigts seulement pour expliquer que le mois lunaire peut être de 29 jours et non seulement de 30 jours, comme les gens le concevaient à lépoque.
3- Parfois la limitation ou la restriction que la Sunnah apporte à un statut coranique repose sur le fait que le Prophète était doté de compétences propres à sa qualité d'autorité légale que l'intérêt général ou la nécessité conduit à restreindre et à particulariser ce qui semblait avoir un caractère absolu.
Ainsi, les limitations et les restrictions apportées par la Sunnah à des statuts coraniques absolus ou généraux, ou les explications détaillées qu'elle donne à une loi globale, reposent sur des fondements et des justifications législatives qui résident dans le fait que le Prophète était d'une part le rapporteur ou l'explicateur de la Législation islamique, et d'autre part, le gouvernant de la Ummah (la Nation Musulmane).
`Ilm al-Hadith est la science qui étudie le texte (le contenu) du Hadith, et la chaîne de ses transmetteurs (ou rapporteurs) afin de déterminer si un hadith est acceptable, rejeté ou probable.
Étant donné
que la Sunnah du Prophète est la seconde source de la Législation
et du Savoir islamiques, et qu'elle s'adresse aux Musulmans de toutes époques
et de toutes contrées pour qu'ils se conforment à ses statuts,
à ses concepts et à ses directives, mais qu'en raison des
intervalles temporels entre le Prophète et les générations
nées après sa disparition, ou des obstacles qui empêchaient
certains de ses contemporains d'avoir un contact direct avec lui, les Musulmans
n'ont la possibilité d'avoir accès à la Sunnah
et de connaître son contenu que par des moyens de communication indirects.
En effet, les moyens de communication du savoir à l'époque
du Prophète se limitaient à deux instruments:
1- La communication orale des paroles, actes ou approbations tacites du Prophète - par ceux qui avaient l'occasion directe dentendre ses paroles, dassister à ses actes et de le voir en approuver tacitement dautres (actes).
2- L'écriture
des paroles, des actes et des approbations tacites du Prophète,
afin de permettre à ceux qui n'y assistaient pas directement, d'en
avoir connaissance.
Malheureusement ce savoir instrumental accumulé chez les Musulmans et communiqué par les rapporteurs du hadith soit oralement soit par
écrit, n'était pas fidèlement transmis dans son intégralité. Il a fait l'objet, en effet, de subversion, de modification tendancieuse et d'altération malsaine. Déjà du vivant même du Prophète, des propos et des actes lui avaient été faussement attribués. Que dire de ce qui s'est passé après sa mort, où il était autrement plus difficile de contrer une information incorrecte ou tendancieuse le concernant. De plus, les motivations politiques et politiciennes, les idéologies et les écoles de pensées déviationnistes, les complots des ennemis de l'Islam ont joué un grand rôle dans l'altération de la Sunnah. Beaucoup de propos et d'actes du Prophète ont été effacés de la Sunnah et beaucoup de faux hadith sy sont glissés.
À cette action subversive s'ajoutent les cas de perte et d'oubli involontaires dus à la faillibilité des hommes.
Pour toutes ces raisons et bien d'autres, les uléma de l'Islam ont été amenés à fonder une science spéciale, en l'occurrence, la Science de Hadith qui a pour objet d'étudier les personnalités des rapporteurs de Hadith et le texte du Hadith, et de connaître les degré de véracité des hadith attribués au Prophète.
En dautres termes, les uléma spécialisés, souciex de parvenir au texte provenant réellement du Prophète et des Imams dAhl-ul-Bayt, pour pouvoir l'adopter comme une source de la Législation et un fondement de la structure idéologique et culturelle de la Ummah, ont élaboré une méthode de recherche pluridisciplinaire quils ont appelée la Science ou les Sciences du Hadith dont les principales branches sont:
1- La Science des rapporteurs de Hadith (`Ilm al-Rejâl)
2- La Science
des Fondements du Texte (`Ilm al-Derâyah)
La première, la Science des Rapporteurs de Hadith, se propose d'étudier les caractéristiques de ceux qui rapportent et transmettent le hadith, c'est-à-dire les caractéristiques qui permettent d'opter pour l'acceptation ou le rejet du hadith qu'ils rapportent, en tenant compte de leur moralité ou caractère- sincère, digne de foi ou menteur (al-Jarh wa-l-Ta`dîl)- et de leur capacité de bien saisir le texte du hadith et de le transmettre correctement, de leur célébrité (connus ou inconnus), de leurs rites, doctrines et de tendances, de leurs générations (l'époque dans laquelle a vécu chacun d'eux), afin de déterminer si le hadith rapporté était réellement cité par tel ou tel rapporteur. Bref, cette science vise à apporter des renseignements complets sur la personnalité du rapporteur de Hadith afin de déterminer avec justesse sil faut rejeter le hadith qu'il rapporte ou l'accepter comme une source de la Loi.
Ainsi, la Science des Rapporteurs de Hadith, est la science des chaînes de transmission ou la science de recherche des hommes qui constituent la chaîne de transmission. Fait corps avec la Science de rapporteurs de hadith, la science des biographies, laquelle étudie les personnalités des uléma, des rapporteurs de hadith et d'autres, et fournit ainsi des renseignements supplémentaires à la Science des Rapporteurs de hadith, en projetant la lumière
sur les personnalités de ces derniers et sur les circonstances et les conditions politiques, historiques et idéologiques dans lesquelles ils ont vécu et évolué.
Quant à la Science des Fondements du Texte (matn), elle étudie les fondements du texte, les influences et les modifications qu'il a pu subir, ainsi que d'autres aspects susceptibles d'aider le chercheur à évaluer le texte et à déterminer dans quelle mesure il pourrait être digne de foi.
Le texte ou le "matn", c'est le texte attribué au Prophète ou à l'Imam, tel qu'il nous est parvenu. Et on a défini le texte du hadith comme étant le vocabulaire du hadith qui en indique le sens.
Ainsi, les deux Sciences
(celle des Rejâl et celle de Derâyah) se complètent
dans l'objectif. Elles visent à étudier la chaîne et
le texte du hadith afin d'en déterminer l'authenticité
ou la fausseté, le degré de la certitude le concernant, les
influences ou les modifications que ses éléments (ses mots)
auraient pu subir et qui pourraient entamer son intégrité,
ce qui permet de classer chaque hadith parmi les textes à
adopter ou à rejeter, ou encore dopter pour un hadith plutôt
que pour un autre - lorsqu'il y a opposition entre les deux - en fonction
de l'existence d'éléments positifs dans la chaîne ou
le texte dudit hadith, faisant pencher la de son côté
aux dépens de l'autre.
Le Besoin d'une Science de Rapporteurs de Hadith Table des Matières
Les Qualités d'un Rapporteur dont le Récit est acceptable
1- La majorité: Le rapporteur de hadith a dû être majeur lorsqu'il a transmis ou rapporté son récit. Le récit d'un mineur est donc rejeté.
2- La Sanité d'esprit: Celui dont on accepterait le récit doit être sain d'esprit. Le récit de l'aliéné et du malade mental n'est pas admis.
3- L'intégrité (`adâlah): Pour que le récit d'un rapporteur de hadith soit admissible, il faut que celui-ci soit intègre, c'est-à-dire non pervers, car Allah dit: «O vous les Croyants! Si un homme pervers vient vous apporter une nouvelle, faites attention! Car si, par inadvertance, vous portiez préjudice à un peuple, vous auriez ensuite à vous repentir de ce que vous auriez fait». (Sourate al-Hujurât, 49 : 6)
Les instruments utilisés dans l'établissement de la Détraction et de la Défense
Les principaux moyens de l'établissement de la Détraction et de la Défense du rapporteur sont les sens et la fréquentation. En effet, la démonstration de la Détraction et de la Défense se fait par le témoignage porté sur les conditions du rapporteur, et le témoin est celui qui acquiert la connaissance d'une chose par les sens, en l'occurrence, l'ouïe et la vue.
Au départ, personne ne peut établir la Détraction du rapporteur ni témoigner de son intégrité ou de sa crédibilité, excepté celui qui a vécu avec lui et connu son comportement et les traits de sa personnalité, et qui pourrait dès lors témoigner de sa perversion ou de son intégrité et de sa crédibilité, ou encore de son incapacité à transmettre correctement le hadith etc.
C'est de ces témoins qui fréquentaient les rapporteurs de Hadith que les autres transmettent les témoignages de Détraction et de Défense, et nous les relatent. Celui qui nous transmet un témoignage de Détraction ou de Défense doit remplir une condition essentielle: la sincérité et la crédibilité pour que le témoignage qu'il transmet soit acceptable. Partant de ce principe, la présentation de rapporteurs de Hadith, faite par des uléma de la Science de Rejâl, qui ne soient pas contemporains des rapporteurs qu'ils nous présentent, tels que, al-`Allâmah al-Hillî et Ibn Tâwûs etc... n'est pas considérée comme un témoignage de détraction ou défense d'un rapporteur de Hadith, mais une simple enquête scientifique et une simple conviction à laquelle est parvenu un expert dans le domaine, et rien de plus. Une telle présentation est donc soumise à la critique et au débat, contrairement au témoignage d'un témoin intègre, contemporain du rapporteur, lequel (témoignage) est obligatoirement admis et adopté tant qu'il n'y aura pas une preuve absolue de l'existence d'une erreur dans ce témoignage, erreur due à un oubli, à une méprise ou à tout autre motif semblable.
Les uléma de la Science du Hadith et des Fondements de la Jurisprudence, expliquent que si le témoignage en faveur de l'intégrité d'un rapporteur est admis, même lorsqil nest pas justifié, cest parce que les raisons de l'intégrité sont trop nombreuses pour être mentionnées, et qu'il faut quelles soient toutes réunies pour qu'on puisse établir l'intégrité d'un homme.
En revanche, le témoignage tendant à la détraction d'un rapporteur, n'est admis que si l'on en mentionne les motifs, car les opinions divergent quant au concept de la détraction et de l'infraction à la loi: quelqu'un pourrait avoir commis un accroc à l'intégrité selon un avis juridique donné et serait par conséquent contesté (reprochable), alors que son acte ne serait pas considéré comme contraire aux critères de l'intégrité, selon d'autres avis juridiques. C'est pourquoi, la mention du motif de la détraction devient nécessaire dans la mesure où elle nous permettrait de vérifier si la détraction est fondée ou non, sauf lorsque le détracteur, le défenseur et le récepteur de la détraction et de la défense sont du même avis juridique et utilisent les mêmes termes juridiques, auquel cas précis, le témoignage tendant à la détraction ou à la défense est admis, même en l'absence de l'explication du motif ou du terme "intégrité".
C'est pour cela que
certains uléma exigent une enquête sur la personnalité
du rapporteur, lorsque le témoignage tendant à sa détraction
n'est pas corroboré par la mention du motif de celle-ci.
La divergence des Uléma sur l'interprétation de l'acceptabilité de l'opinion du chercheur en Science de Rejâl
Ce sujet peut s'expliquer et se résumer de la façon suivante:
1- Un groupe duléma a affirmé que l'énonce (khabar) émis par un seul savant en Science de Rejâl doit être considéré comme un argument juridique suffisant pour la détraction ou l'accréditation du rapporteur, étant donné que cet énoncé à source unique est admis comme argument juridique dans les statuts légaux (ahkâm char`iyyah). Cette opinion est répandue parmi les uléma contemporains.
2- D'autres uléma ont exigé que la détraction ou l'accréditation d'un rapporteur ne puisse se faire que par les témoignages de deux savants intègres en sciences de Rejâl.
Ils ont justifié leur exigence en arguant: «La détraction ou l'accréditation d'un rapporteur est une sorte de témoignage, or tout témoignage, pour être admis, doit être porté par deux témoins.
3- L'avis du savant en Science de Rejâl, concernant un rapporteur nous apporte la conviction intime de la contestabilité ou de la crédibilité du rapporteur. Or, la conviction intime constitue un argument juridique que nous avons l'obligation de suivre.
4- Un quatrième
groupe duléma dit que nous sommes acculés à admettre
l'avis du savant en Science de Rejâl, même si cet avis
apporte la conjecture - et non la certitude - en raison de la disparition
des moyens de connaître les traits de la personnalité des
rapporteurs, et de l'absence dindices suffisants pour la connaissance
de ces derniers. Or, la règle veut que lorsque l'accès à
la connaissance est fermé ou que les indices suffisants à
la démonstration sont absents, la conjecture soit un argument juridique
valable.
Les termes qualificatifs de la détraction et de l'accréditation (défense)
Afin que l'opération de l'appréciation du rapporteur de hadith soit très précise et minutieuse, les uléma ont déterminé les vocabulaires qualificatifs de la détraction et de la l'accréditation. En effet al-Chahîd al-Thânî (Zayn al-Dîn al-`Âmilî) a écrit à cet égard: «Les termes de l'accréditation (ta`dîl) sont `âdil (intègre), thiqah (digne de confiance), hujjah (fait autorité), çahîh al-hadîth (dont le hadith est sain) ou tous autres mots exprimant les mêmes sens».
Ainsi, lorsque les uléma de la science de Rejâl étudient la personnalité d'un rapporteur et qu'ils lui donnent les qualificatifs ci-dessus ou d'autres ayant les mêmes sens, cette qualification équivaut à une attestation (témoignage) de son intégrité, de sa crédibilité et de son accréditation en tant que source de transmission de hadith. Quant aux termes utilisés par les uléma en science de Rejâl pour indiquer la faible crédibilité du rapporteur et le manque de confiance en lui, on les appelle les qualificatifs (termes) de détraction, et ce sont: «dha`îf (faible), kath-thâb (menteur), wadh-dhâ` (inventeur), ghâl (hyperbolique), etc.
Ainsi, lorsque les
chercheurs en Science de Rejâl attribuent à un rapporteur
l'un de ces qualificatifs ou tout autre mot ayant le même sens, cela
signifie que ce rapporteur n'est pas digne de confiance et qu'il est interdit
d'adopter les hadith qu'ils rapportent ou transmettent, une fois
que sa détraction est établie.
Les moyens d'accès du rapporteur au récit Table des Matières
1- L'entendre directement relaté par le chaykh:
C'est-à-dire du Traditionniste qui rapporte le récit ou la Tradition. Dans ce cas le rapporteur dit, citant le chaykh dont il a entendu le récit; «J'ai entendu Untel dire...» ou bien: «Untel m'a relaté...» ou encore: «Untel nous a informé...».
De cette façon nous apprenons que le moyen d'accès du transmetteur au récit est l'écoute directe du chaykh. Or, la connaissance du moyen d'accès au récit détermine dans quelle mesure nous pourrions adopter ce récit comme crédible.
Les uléma
considèrent ce moyen comme le meilleur des moyens d'accès
au récit.
2- La soumission (lecture) du récit au chaykh:
Certaines personnes qui s'intéressent à la mémorisation du Hadith, tombent sur un récit dans un livre ou entendent quelqu'un en réciter un. Elles le font entendre alors, après l'avoir mémorisé, au chaykh expert en Récit, et ce dernier en approuve l'authenticité. Le rapporteur écrit alors: «J'ai lu devant un tel (le nom du chaykh), - ou j'ai entendu quelqu'un lire devant Untel - ceci et cela... et il a approuvé».
Et le récit sera considéré comme accrédité, lorsqu'on aura établi la crédibilité de tous les maillons de la chaîne de chaykhs experts.
d- Ceux à propos desquels les savants ne savent pas grand-chose et ne peuvent pas établir des portraits caractéristiques clairs.
Nous voulons maintenant aborder un autre aspect relatif à ces rapporteurs, à savoir que beaucoup d'entre eux ont en commun un prénom, un nom ou un surnom, ce qui ne manque pas de créer une certaine confusion et souvent une méprise. Ainsi, on tombe souvent sur des rapporteurs dénommés Mohammad Ibn Qays, Mohammad Ibn Ismâ`îl, Abî Baçîr, Ibn Sanân etc. Or, il y a dans les chaînes de transmission plusieurs rapporteurs qui s'appellent Mohammad Ibn Qays, ou Mohammad Ibn Ismâ`îl ou Abî Baçîr etc. Il est donc nécessaire de démêler ces homonymes pour pouvoir distinguer celui qui désigne un rapporteur crédible de celui qui renvoie à un rapporteur de faible crédit, celui qui appartient à un rapporteur inconnu de celui qui revient à rapporteur non accrédité... et ainsi de suite, afin dadopter le Récit du rapporteur crédible et de rejeter les autres. Il va de soi que nous ne serions pas confrontés à un tel problème si tous les rapporteurs portant le même nom étaient d'une même catégorie, c'est-à-dire tous crédibles, tous inconnus, ou tous peu crédibles.
Illustrons ce problème par quelques exemples pratiques:
- On peut lire dans Majma` al-Rejâl (Collecteur des Rapporteurs de Hadith) d'al-Qahbâ'î:
«Abû Baçîr Yahyâ ibn (fils de) Abî al-Qâcim: Abû Mohammad; Abû Baçîr al-Asadî, `Abdullâh Ibn Mohammad: Abû Mohammad; Abû Baçîr al-Morâdî, Layth Ibn al-Bokhtarî: Abû Yahyâ... Le nom d'Abû Baçîr pourrait désigner chacun de ces trois rapporteurs, lorsque le hadith transmis est de l'Imam al-Çâdiq ou de l'Imam al-Bâqer....Mais s'il s'agit d'un hadith transmis de l'Imam al-Kâdhim, le rapporteur désigné par le nom d'Abû Baçîr, est Yahyâ Ibn Abî al-Qâcim...».
- On peut lire également dans le même Majma` al-Rejâl:
«Ibn Sanân: Mohammad et `Abdullâh Ibnâ (les deux fils de ) `Abdul-Rahmân al-Hâchimî; et Mohammad Ibn Sanân Ibn Tarîf al-Zâhirî... On les distingue par les générations et les degrés (darajah) respectifs de chacun...».
- Et enfin, on lit dans la note marginale du même "Majma` al-Rejâl:
«Al-Chahîd al-Thânî - Qu'Allah lentoure de Sa Miséricorde - a écrit dans son livre, "Derâyat al-Hadîth wa Chartihâ": «Tout ce qui est rapporté de l'Imam al-Bâqer par Mohammad Ibn Qays est à rejeter, car ce nom est commun à un rapporteur crédible et un rapporteur de faible crédit...Mais pour y démêler le rapporteur crédible de celui de faible crédit, on peut se référer au rapporteur qui les cite. En effet, `Âçim Ibn Hamîd et Yûsuf Ibn `Aqîl et d'autres ne citent que des rapporteurs crédibles, alors que Yahyâ cite des rapporteurs de faible crédit...».
De ce texte, nous apprenons qu'Abû Baçîr est le surnom de trois rapporteurs de hadith et qu'Ibn Sanân est le surnom de trois autres rapporteurs, à savoir: `Abdullâh Ibn Sanân al-Hâchimî, Mohammad Ibn Sanân al-Hâchimî (le frère du premier nommé) et Mohammad Ibn Sanân al-Zâhirî.
Et lorsqu'on se réfère aux recherches de `Ilm al-Rejâl (la Science des Rapporteurs de Hadith), on apprend que Mohammad Ibn Sanân al-Hâchimî et Mohammad Ibn Sanân al-Zahirî sont des rapporteurs de faible crédit (dha`îf). Donc, lorsqu'un hadith est rapporté par Ibn Sanân, le chercheur doit vérifier de quel Ibn Sanân il s'agit, et s'il constate que le rapporteur désigné sous cette appellation est bien `Abdullâh Ibn Sanân al-Hâchimî, il adopte le hadith et l'accepte, mais s'il se rend compte que le rapporteur est Mohammad Ibn Sanân al-Zâhirî, il rejette le hadith.
S'il ne parvient
pas à déterminer de quel Ibn Sanân il est question,
il doit s'abstenir d'adopter le hadith, faute de pouvoir s'assurer de la
crédibilité du rapporteur. Il en va de même chaque
fois qu'il est difficile de démêler plusieurs rapporteurs
ne jouissant pas du même crédit.
La Méthode de distinction des rapporteurs au nom commun
Il ressort de ce qui précède que les spécialistes de la science des Rapporteurs de Hadith ont une méthode de recherche et de vérification leur permettant d'identifier les différents rapporteurs portant le même nom ou le même surnom. Cette méthode est fondée sur plusieurs indices ou présomptions, dont le plus important consiste à déterminer la génération du rapporteur (l'époque dans laquelle il a vécu) ainsi que les rapporteurs qu'il cite ou qui le citent, car cette détermination aide parfois à identifier le rapporteur en cause et à le distinguer de ses homonymes. Ainsi nous avons remarqué que Majma` al-Rejâl nous informe que nous pouvons distinguer les différents rapporteurs désignés par le nom commun d'Ibn Sanân, par la génération et le degré de chacun.
De la même façon, nous nous sommes aperçus que pour déterminer la crédibilité d'un hadith rapporté par le nom de Mohammad Ibn Qays qui désigne le nom commun de trois rapporteurs différents, il faut se référer à ceux qui citent ce nom commun: si c'est `Âcim Ibn Hamîd ou Yûsuf Ibn `Aqîl qui le citent, il s'agira du rapporteur crédible, puisque ces deux rapporteurs ne citent que des sources dignes de foi.
1- Les moyens absolus (décisifs):
Ils comprennent les moyens suivants:
a- L'énoncé informatif (khabar: information) concordant.
b- L'énoncé informatif entouré d'indices absolus (décisifs).
c- Le consensus unanime.
d- La conduite des Compagnons respectueux de la Loi (Sîrat al-Mutacharri`ah).
e- La fixation d'un statut légal chez les Compagnons respectueux de la Loi.
f- La conduite des
Sages (al-Sîrah al-`Oqalâ'iyyah ou Binâ' al-`Oqalâ').
Essayons maintenant d'éclaircir brièvement chacun de ces moyens.
a- L'énoncé informatif concordant:
Il sera expliqué plus loin.
b- L'énoncé informatif entouré d'indices absolus:
Il s'agit d'un énoncé informatif non concordant, connu ou non connu, mais entouré d'indices qui rendent obligatoire le fait de le considérer comme provenant absolument de l'Infaillible (le Prophète ou un Imam d'Ahl-ul-Bayt).
Ainsi, si un énoncé informatif nous parvient d'un rapporteur ou de plusieurs, et qu'il est entouré d'indices et de preuves qui nous apprennent obligatoirement qu'il provient du Prophète ou de l'Imam, cet énoncé est considéré comme appartenant incontestablement à la Sunnah.
c- Le consensus unanime:
Le consensus unanime est l'un des moyens indicatifs de la preuve légale et il est défini comme étant l'accord d'un si grand nombre de théologiens et de légistes sur un avis juridique qu'il est obligatoire de le considérer comme un statut légal.
Donc, le consensus unanime consiste en un décret (avis) religieux sur lequel les jurisconsultes sont unanimement d'accord, sans que l'on sache sur quelle base législative ils se sont fondés pour émettre cet avis. Car ce consensus unanime indique l'existence d'une preuve de la Sunnah (sur laquelle ils se sont fondés), même si cette preuve ne nous est pas parvenue. C'est de cette façon que le consensus unanime est considéré comme l'un des moyens indicatifs de la Sunnah.
d- La conduite des Compagnons respectueux de la Loi:
La conduite des Compagnons respectueux de la Loi est un sujet qui a fait l'objet de recherche chez les uléma des Fondements de la Jurisprudence (Uçûl al-Fiqh). Selon eux, si une conduite est observée par un grand nombre de Compagnons connaissant les statuts légaux et les observant, cette conduite est considérée dès lors comme un argument légal indiquant la preuve de son appartenance à la Sunnah. Le Martyr Sayyed Mohammad Bâqer al-Sadr a expliqué de la façon suivante le sens de la "Conduite des Compagnons connaissant et observant les statuts légaux", et sa valeur d'argument législatif: «Le pendant du consensus unanime est la conduite de ceux qui connaissaient et observaient les statuts légaux à l'époque des Infaillibles, ou à une époque proche de celle-ci, du fait même qu'ils connaissaient et observaient les statuts légaux...». Et al-Sadr d'ajouter: «Quant à la Conduite des Compagnons connaissant et observant les statuts légaux, on peut la considérer en elle-même comme un indice la preuve légal, du fait que lesdits Compagnons, lorsqu'ils observent une conduite, en leur qualité de gens connaissant et observant les statuts légaux, ont forcément appris cette conduite du Législateur. Mais on objecterait à cet argument que cette conduite des mutacharri`ah pourrait ne pas traduire le statut légal du fait de la possibilité qu'ils aient négligé d'interroger l'Infaillible sur la conformité de leur conduite au statut légal, ou bien qu'ils en aient mal compris la réponse - si interrogation il y avait. Toutefois, cette possibilité s'affaiblit, selon le calcul des probabilités, à mesure qu'augmente le nombre de ceux qui ont observé cette conduite parmi les Compagnons connaissant et observant les statuts légaux. C'est pour cela que nous avons dit que la Conduite des mutacharri`ah est le pendant du consensus unanime, car tous deux sont fondés, en tant quindication du statut légal, sur le calcul des probabilités, mais à cette différence près que le consensus unanime représente une position théorique des jurisconsultes, relative aux décrets juridiques (fatwâ), alors que le second traduit une conduite religieuse pratique des Compagnons connaissant et observant les statuts légaux».
Ainsi, la conduite des mutacharri`ah parmi les Compagnons du Prophète est une indication et une expression de la Sunnah du Prophète, et par conséquent elle est une preuve de celle-ci, c'est-à-dire une preuve du statut légal que le Prophète avait communiqué par son acte, son absence d'acte, sa parole ou par son silence approbateur, mais qui ne nous est pas parvenu, et que nous avons découvert à travers la conduite des mutacharri`ah parmi ses Compagnons ou ceux de la génération suivante, lesquels l'ont appliqué dans leur conduite et leur pratique. Et cette conduite est l'indice de la Sunnah du Prophète.
Et de même que la conduite des Compagnons du Prophète ou des mutacharri`ah des générations proches de leurs époques est un indice de la Sunnah du Prophète, de même la conduite des mutacharri`ah parmi les Compagnons des Imams et parmi ceux de la génération suivante indique un acte ou une parole des Imams.
e- La fixation des mutacharri`ah:
C'est l'un des moyens indiquant la Sunnah. Il s'agit d'un statut légal fixé dans l'esprit des Compagnons du Prophète ou de l'Imam, par une longue application, s'étendant sur deux générations ou plus. Sayyed Mohammad Taqî al-Hakîm, expliquant comment la fixation s'est opérée dans les esprits des mutacharri`ah, écrit: «La fixation d'un décret religieux dans l'esprit de l'opinion publique ne nécessite pas son application par deux ou trois générations».
Par cette fixation
nous apprenons un statut légal sans en connaître sa référence.
Elle devient donc un indice d'un statut légal dont la source est
la Sunnah du Prophète.
La relation entre le Consensus Unanime et la Conduite des Mutacharri`ah:
Le Martyr Sayyed Mohammad Bâqer al-Sadr traitant de la relation entre le Consensus Unanime et la Conduite des Mutacharri`ah et la fixation chez les mutacharri`ah, écrit: «Le consensus unanime en question, indique (révèle) un Récit (riwâyah) non écrit mais vécu à travers le comportement et la fixation de l'ensemble des mutacharri`ah».
Il conçoit donc la conduite des mutacharri`ah comme un chaînon intermédiaire entre le consensus unanime et le statut légal.
En effet, lorsque les faqîh sont unanimement d'accord sur une fatwâ dont on ne connaît pas le point d'appui (mustanad), cela "révèle par une conjecture tendant à la conviction intime (lexistence dun statut légal) à travers la conformité comportementale (à ce statut) et la fixation (de ce statut) chez les mutacharri`ah contemporains de l'époque des Textes (législation)».
En d'autres termes, ce sont la conduite des mutacharri`ah et leur fixation qui ont inspiré aux faqîh ce consensus et qui révèlent par conséquent la preuve du statut légal. Comme si les faqîh tombés en accord unanime, avaient examiné la conduite des mutacharri`ah et leur fixation pour en déduire le statut légal. Ainsi, la fatwâ issue du consensus unanime est fondée sur la conduite et la fixation des mutacharri`ah. Or, cette conduite et cette fixation révèlent la preuve (la Sunnah), puisquelles en découlent.
f- La conduite des Sages (al-Sîrah al-`Oqalâ'iyyah):
C'est la conduite sociale des sages, en tant que tels, à l'époque du Prophète (ou de l'Imam), conduite sur ce dernier se tait et ne la désapprouve pas. Le silence du Prophète ou de l'Imam constitue alors la preuve de la légalité de cette conduite. Ainsi, lorsque nous apprenons que les gens avaient une conduite sociale donnée à l'époque du Prophète (ou de l'Imam) et que nous n'avons aucune preuve ou information indiquant que ce dernier l'eût condamnée ou interdite, nous pouvons en déduire qu'il l'approuve.
C'est de cette façon que la conduite des Sages constitue une voie révélatrice de la Sunnah du Prophète.
Nous pouvons déduire de l'approbation (par le Prophète ou l'Imam) d'une conduite des Sages la légalité de cette conduite d'une part, et dautre part, une règle générale s'appliquant sur un domaine plus large que le cadre particulier de ladite conduite, si le concept approuvé tacitement dans celle-ci est de nature plus vaste que le cadre limité de la conduite en question.
L'un des exemples les plus saillants de cette voie est la notoriété. Lorsque nous examinons lensemble des exemples de la notoriété, nous constatons que celle-ci désigne trois choses ou trois voies révélatrices de la Sunnah, et dont la valeur scientifique ou la capacité à révéler la Sunnah se situent à un degré inférieur au consensus unanime.
Ce sont:
1- La notoriété du récit: C'est le fait quun récit soit suffisamment connu et cité par les rapporteurs, par opposition à la rareté (nudrah) et à l'anomalie (chuthûth).
On fait appel à la notoriété du récit lorsqu'on a affaire à deux récits opposés dont l'un est plus connu que l'autre parmi les rapporteurs. Le premier sera adopté au détriment de l'autre. De cette façon la notoriété du récit sert de voie révélatrice de la Sunnah.
2- La notoriété pratique: Cest le fait que la plupart des faqîh adoptent un Récit et en font une source de promulgation de décrets religieux, malgré la faiblesse de crédit de sa chaîne de transmission, ou bien au contraire quils négligent un récit malgré sa chaîne irréprochable.
Ainsi, l'adoption de ce récit indique l'authenticité de son contenu et révèle la Sunnah, car le fait que la plupart des faqîh l'ont adopté engendre la conviction de sa provenance du Prophète ou de l'Imam.
C'est pourquoi un groupe duléma ont professé que la notoriété pratique pallie la faiblesse de la chaîne de transmission, alors quun autre groupe a récusé cette thèse.
Et de même que la notoriété pratique de ce récit constitue une preuve conjecturale de son appartenance au Prophète ou à l'Imam, de même le fait que la plupart des faqîh renoncent à adopter un récit à chaîne de transmission saine révèle leur non-conviction de son appartenance au Prophète ou à l'Imam, en raison de défauts qu'ils auraient constatés dans le contenu dudit récit.
3- La notoriété du décret (fatwâ): C'est le fait qu'un décret religieux soit réputé parmi les faqîh sans que l'on sache sur quel fondement ils sappuient pour adopter ce décret.
Nous avons déjà noté que la Sunnah du prophète est la deuxième source de la législation, de la pensée et de la connaissance en Islam, le Coran en étant la première. Lhistoire nous apprend que les Manichéens, les Juifs, les Hypocrites, les Ghulât et les éléments infiltrés dans la Communauté musulmane livrèrent une guerre idéologique féroce contre l'Islam et s'ingénièrent à le saper de l'intérieur, en attribuant faussement des propos ou des actes au Prophète et aux Imams, en maniant la Sunnah au gré de leurs desseins perfides, en inventant des milliers de hadith et en en déformant des milliers d'autres, au point qu'il était difficile de démêler le bon grain de l'ivraie, de distinguer le vrai du faux, et de savoir quelle tradition est intacte et laquelle est amputée ou surchargée d'éléments intrus. Donc, pour parvenir au Texte de la Sunnah, les uléma ont procédé à la mise au point d'une méthode de recherche visant à étudier et à vérifier les personnalités des rapporteurs de Hadith et le contenu de chaque hadith. De cette façon, la Science du Hadith a vu le jour en vue d'étudier la chaîne de transmissions du Hadith et le contenu de celui-ci, et dans le but d'établir l'authenticité d'une Tradition et de démontrer la fausseté d'une autre. Après avoir étudié et vérifié l'ensemble des Traditions attribuées au Saint Prophète et aux Imams et parvenues aux générations postérieures à l'époque de la législation, les spécialistes ont divisé ces Traditions en deux catégories:
En fait, l'histoire nous informe que l'origine de cette division remonte à l'époque même du Prophète, lorsque celui-ci déclare dans un discours: «O gens! Le nombre de ceux qui m'attribuent faussement des Traditions, va croissant».
Mais c'est après la disparition du Prophète et avant la fondation de la Science de Rejâl que les uléma parmi les Compagnons et les Compagnons de ceux-ci (tâbi`în) se sont mis à trier, avec plus de soin, les hadith sains et non sains, évitant d'accepter un hadith avant d'avoir vérifié la crédibilité de son rapporteur. Ainsi, on rapporte que les Imams d'Ahl-ul-Bayt ont récusé beaucoup de récits et dénoncé les mensonges de beaucoup de rapporteurs. Et après la naissance de la Science de Rejâl qui avait rendu possible le tri des rapporteurs crédibles, on a procédé à la répartition de ceux-ci en différentes catégories selon le degré de la connaissance du rapporteur, de sa capacité à transmettre intégralement le hadith, de la conformité de sa conduite à la Loi, etc.
De même, les
uléma spécialisés ont remarqué que certains
hadith étaient rapportés avec la chaîne complète
de leurs rapporteurs, alors que d'autres ont été transmis
sans que le rapporteur en mentionne la chaîne complète de
transmission ou pis encore, sans citer aucun des rapporteurs censés
les avoir transmis, ou bien en n'en mentionnant que le premier rapporteur.
D'autre part, on a remarqué que certains récits étaient rapportés par un grand nombre de rapporteurs absolument dignes de foi, alors que certains autres n'étaient rapportés que par un ou deux rapporteurs.
Il était donc naturel que le crédit que les uléma accordaient à un rapporteur citant la chaîne complète de transmission de son récit soit différent du crédit accordé à un autre qui ne cite pas ses sources, même s'il est digne de foi. Il en va de même pour le récit rapporté par un grand nombre de rapporteurs et un autre rapporté par un ou deux rapporteurs, même crédibles. C'est pourquoi le récit ou l'énoncé informatif sain (çahîh) a été classé selon le nombre de ses rapporteurs crédibles:
La concordance par le sens pourrait nous parvenir par un grand nombre de voies à source unique, mais portant toutes un même et seul sens. Dès lors, ces énoncés informatifs à source unique entrent dans la catégorie de la concordance par le sens, étant donné que par leur grand nombre ils ont atteint le quota de la concordance, laquelle conduit à la certitude scientifique. C'est ce qu'affirme al-Muhaqqiq al-Hillî: «La concordance par le sens conduit à la connaissance - comme c'est le cas pour la générosité de Hâtam et le courage de `Ali - bien que les énoncés informatifs de cette générosité et de ce courage sont à source unique.»
Les
arguments de la validité légale de l'énoncé
informatif à source unique
Table
des Matières
De là fut
décrétée l'interdiction de la dissimulation d'un énoncé
informatif ou d'un récit entendu du Prophète. Mais pour que
cette interdiction conduise au but recherché (la communication et
la transmission d'un message d'Allah), il est obligatoire de croire celui
qui rapporte et transmet les directives d'Allah et par conséquent,
celles de Son Prophète, peu importe qu'il soit le seul porteur de
ces directives ou quil y en ait plusieurs.
b- Les arguments tirés de la Sunnah:
Les uléma se réfèrent également à la Sunnah, et notamment au hadith ci-après pour affirmer la valeur d'argument de l'énoncé informatif à source unique:
«Qu'Allah embellit un serviteur qui, ayant entendu ma parole, la mémorise, l'assimile et la transmet tel qu'il l'a entendue, car peut-être quun porteur de connaissance serait un non-connaisseur, et peut-être quun porteur de connaissance pourrait porter une connaissance à quelqu'un qui serait plus érudit que lui».
Cette invitation à transmettre la parole du Prophète, adressée à tout Musulman, est un indice de l'obligation de croire celui qui rapporte (du Messager dAllah) un énoncé informatif, même s'il est l'unique porteur de cet énoncé, mais à condition quil ne soit pas pervers bien entendu.
De même, les uléma ont fondé l'adoption de l'énoncé informatif à source unique sur la conduite pratique du prophète. En effet, le Messager d'Allah envoyait souvent des messagers et des émissaires solitaires pour communiquer les instructions du Prophète. Les gens les croyaient et se conformaient aux enseignements du Prophète qu'ils leur transmettaient. En outre, les Compagnons du Prophète et des Imams, connaissant les statuts légaux et les appliquant (mutacharri`ah)* se soumettaient aux énoncés informatifs rapportés par une source unique, mais crédibles, sans que le Prophète ni les Imams naient désapprouvé leur conduite (le fait de se soumettre et de se conformer à de tels énoncés informatifs). Or, cette non-désapprobation équivalait à une approbation tacite de ladite conduite, en l'occurrence, l'application de l'énoncé informatif à source unique.
Il est à noter que ceux qui ont récusé l'énoncé informatif à source unique, ne l'ont fait que par souci de renforcer les mesures de protection de la Sunnah contre le mensonge, l'infiltration subversive, l'erreur etc. Mais ce souci de protection, poussé à cette extrême, est une arme à double tranchant, et pourrait conduire à la suppression de la plus grande partie des Récits et des sources de statuts légaux de la charî`ah, et à un vide juridique concernant un grand nombre d'obligations cultuelles et de relations sociales.
Mais les adversaires de l'adoption de l'énoncé informatif à source unique ont opposé leurs propres arguments aux arguments des tenants de cette adoption. Ils objectent que l'énoncé informatif à source unique est présumé (conjectural) parvenir du Prophète ou de l'Imam, et que par conséquent il n'est pas convenable de fonder la Charî`ah et la pensée islamique sur la conjecture, alors que le Coran nous interdit de suivre la conjecture dans les versets suivants:
«O vous les Croyants! Evitez de trop conjecturer sur autrui: certaines conjectures sont des péchés». (Sourate al-Hujurât, 49 : 12)
et:
«La conjecture ne sert à rien contre la Vérité». (Sourate al-Najm, 53 ; 28)
À cette objection
les défenseurs de la thèse de l'adoption ont répondu:
les preuves de la légalité de l'applicabilité de l'énoncé
informatif à source unique qu'on présume provenir du Prophète
ou de l'Imam sont des preuves décisives (absolues), ce qui leur
confère valeur dargument et légalité.
Les
Divisions de l'Enoncé Informatif à Source Unique Table
des Matières
L'énoncé informatif à sourcunique peut être de faible ou de fort crédit selon sa chaîne de transmission. C'est pourquoi on a classé les énoncés informatifs à source unique dans quatre catégories.
Selon les uléma
spécialistes de la Science des Traditions, le premier à avoir
classifié le Hadith en quatre catégories, dans l'École
Sunnite, était al-Tirmithî. Dans l'École Chiite (d'Ahl-ul-Bayt),
cette classification n'a vu le jour qu'au cours du 7ème siècle
de l'Hégire, grâce au travail de Sayyed Ibn Tâwûs
(décédé en 637 A.H.) et de son disciple, al-`Allâmah,
al-Hillî. Mais cette classification a rencontré une vive opposition
d'une grande partie duléma de cette École.
Pourquoi a-t-on procédé à la classification du Hadith? Table des Matières
1- Çahîh (sain, authentique)
2- Hasin (beau-bien)
3- Mowath-thaq (accrédité)
4- Dha`îf
(faible)
Les uléma adoptent les trois premières catégories. Quant à la quatrième catégorie, le faible, ils l'ont divisé en plusieurs sous-catégories dont les plus importantes sont: morsal (à chaîne amputée), mawdhou` (inventé), modallas (frelaté).
Lorsqu'on étudie la chaîne de transmission des récits, les livres de Rejâl, et les théories de la Science de Rejâl, chez les uléma de l'Islam, on constate que chacun des spécialistes et des rapporteurs de Hadith a sa voie propre qui lui permet de remonter au Prophète. Ainsi, al-Bokhârî, par exemple, adopte des rapporteurs quil lui-même. Il en va de même pour Muslim, al-Tirmithî, Ahmad Ibn Hanbal, al-Châfi`î, Abû Hanîfah, al-Kulaynî, al-Çadûq, al-Tûcî etc. Ces uléma ont retenu, chacun selon ses propres convictions et après enquête, vérifications et recherches, des rapporteurs en qui ils ont placé leur confiance. Mais tous ces uléma s'accordent sur la crédibilité d'un groupe de rapporteurs et en adoptent les récits, tout en différant sur la crédibilité d'autres.
C'est ainsi que Muslim, par exemple, récuse certains rapporteurs adoptés par al-Bokhârî, qui lui-même récuse certains de ceux qui ont la confiance d'Ahmad Ibn Hanbal. De même, on peut remarquer qu'al-Bokhârî par exemple pose des conditions pour l'acceptation d'un récit, différentes de celles posées par Ahmad Ibn Hanbal et par d'autres spécialistes du Hadith. Le même problème de divergence et de convergence sur la crédibilité de certains rapporteurs de Hadith ou sur les conditions de l'acceptabilité d'un récit, existe chez les uléma de Hadith de lÉcole Chiite.
C'est pourquoi, Chaykh al-Islâm commentant Mosnad Mâlik, écrit: «Le livre de Mâlik est sain à ses yeux- et pour ceux qui ont la même opinion que lui sur la valeur d'argument du hadith morsal (à chaîne amputée) ou monqati` (qui est rapporté des compagnons89 des Compagnons) etc- et non aux yeux de ceux qui ont une autre définition du hadith sain.»90
On peut lire dans "Tadrîb al-Râwî" d'al-Suyûtî sur cette divergence entre les grands savants du Hadith: «Il y a quatre cent trente et quelques rapporteurs de hadith adoptés par al-Bokhârî mais exclus par muslim. Quatre-vingts parmi eux rapportent des récits faibles. Et il y a six cent vingt rapporteurs adoptés par Muslim et exclus par al-Bokhârî. Cent soixante d'entre eux rapportent des hadith faibles»91
Ainsi, les uléma
musulmans ont des vues divergentes relativement aux rapporteurs de Hadith
et au Hadith lui-même. C'est pourquoi chacun d'eux a élaboré
sa théorie, ses définitions et ses conditions propres, concernant
les rapporteurs et l'acceptabilité du Récit (riwâyah).
La
Classification du Hadith selon la Continuité de sa Chaîne:
Mais d'autres uléma réfutent cette théorie et refusent de suivre ses arguments.
Lun des exemples de l'adoption des hadith morsal par un groupe de uléma, et le refus de leur adoption par un autre groupe, est ce que "Al-Rawdhah al-Bahiyyah Fî Charh al-Lam`ah al-Dimachqiyyah" écrit à propos de la dette: certains faqîh ont décrété l'échéance de la dette et de la créance du défunt à sa mort (ce qu'il doit et ce qu'on lui doit) et l'obligation de la régler après sa mort, en s'appuyant sur un récit morsal. Mais al-Chahîd al-Awwal et al-Chahîd al-Thânî ont refusé de décréter l'échéance de la dette qu'on a envers le mort, parce qu'ils récusaient la valeur d'argument du récit en question, en raison de son caractère de morsal.
Ainsi, al-Chahîd al-Awwal écrit: «Si le débiteur meurt la dette vient à échéance, mais si le créancier meurt, la dette (quon a envers lui) ne vient pas à échéance». Commentant le propos de ce dernier, Al-Chahîd al-Thânî ajoute: «On a dit que la dette vient à échéance avec la mort du créancier en s'appuyant sur un récit morsal et par analogie (qiyâs) avec le cas de la mort du débiteur, ce qui n'est pas valable».
Le Récit morsal en question, est le récit de MohammadIbn Ya`qûb al-Kulaynî, citant Abû `Alî al-Ach`arî, citant Mohammad Ibn Abdul-Jabbâr, citant quelqu'un parmi ses compagnons, citant Khalaf Ibn Hammâd, citant Ismâ`îl Ibn Abî Qorrah, citant Abî Baçîr qui témoigne: «Abû `Abdullâh (l'Imam al-Çâdiq) a dit: «Si un homme meurt, sa dette et sa créance viennent à échéance».92
Le caractère
morsal dans ce récit réside dans le fait que le nom
du rapporteur cité par Mohammad Ibn Abdul-Jabbâr n'est pas
mentionné - puisqu'on lit dans la chaîne de transmission dudit
récit (...Mohammad Ibn Abdul-Jabbâr citant quelqu'un parmi
ses compagnons). Or, ce quelqu'un est inconnu. De là, le récit
est classé récit morsal de la catégorie que
certains faqîh (comme al-Chahîd al-Awwal et al-Chahîd
al-Thânî) refusent d'adopter, comme nous venons de le constater.
Les
catégories du (récit) morsal: Table
des Matières
Lorsque les uléma
ont étudié les hadith morsal, ils ont constaté
que certains d'entre eux sont transmis par des rapporteurs accrédités,
et certains autres par des rapporteurs non accrédités. Aussi,
ont-ils divisé les hadith morsal en deux catégories:
1- Le morsal d'un rapporteur crédible: C'est le récit attribué à l'Infaillible par un rapporteur dont les biographes des rapporteurs sont convaincus qu'il ne transmet que le récit dun rapporteur digne de foi. Et cela suffit pour la légalité de l'adoption de son récit, selon beaucoup duléma des Fondements de la Jurisprudence, comme nous l'avons expliqué plus haut.93
2- Le morsal
d'un rapporteur non crédible: c'est le récit imputé
à l'Infaillible par un rapporteur dont on ignore la qualité
de sa transmission de récits.94
Certains uléma de la Science des Fondements de la Jurisprudence acceptent la valeur légale de ces récits morsal, si les plus réputés parmi leurs prédécesseurs, avaient appliqué leurs contenus. Ils justifient cette position en arguant que les plus notoires des faqîh précédents n'auraient pas adopté ces récits, s'ils n'avaient pas suffisamment de présomption de leur véracité. Mais là, encore, d'autres uléma refusent de considérer que la pratique d'un précédent faqîh notoire, pallie la faiblesse de la chaîne de transmission, et récusent donc cet argument.
Ayant compris la position des uléma sur les récits morsal qui ont trait aux statuts légaux (les récits des statuts), il convient, maintenant, d'expliquer la valeur scientifique des récits morsal qui ont trait à la détraction ou à l'accréditation d'un rapporteur.
Notons tout dabord
que la détraction et l'accréditation constituent un témoignage
du détracteur et de l'accréditeur. Rappelons ensuite que
`Ilm al-Rejâl (la Science des rapporteurs de Hadith)
s'occupe de l'étude des traits caractéristiques des rapporteurs
de Hadith et de la présentation de ces rapporteurs. Or, le
biographe ou le savant en `ilm al-uçûl a deux façons
de présenter et de faire connaître un rapporteur. Tantôt
il porte un témoignage direct et personnel sur un rapporteur dont
il était contemporain, qu'il connaissait et qu'il fréquentait.
Auquel cas, son témoignage est accepté, s'il est digne de
foi. Tantôt, il présente un rapporteur dont il n'est pas contemporain,
en s'appuyant sur des récits qui décrivent et évaluent
ses qualités et sa personnalité. Auquel cas, on procède
à l'étude de ces récits et à l'examen de leur
chaîne de transmission. Si la voie (la chaîne de transmission)
conduisant au contemporain dudit rapporteur s'avère crédible,
le récit de ce dernier est adopté et l'accréditation
(faite par le biographe) est acceptée, au même titre qu'on
accepte les récits portant sur les statuts légaux. Mais si
le biographe présente un rapporteur dont il n'est pas contemporain,
sans mentionner la chaîne de transmission (la voie) remontant à
l'origine de cette présentation, celle-ci est considérée
comme morsal. Or, certains uléma émettent des réserves
quant à la validité de son accréditation. Il y a,
néanmoins, y a une théorie scientifique propose une solution
à ce problème. Il s'agit de la théorie du recours
aux connaisseurs experts, et de la valeur légale de l'avis de l'expert.
C'est pourquoi, les faqîh font confiance à l'avis du
biographe expérimenté et à ses accréditations,
en sa qualité d'expert, même s'il ne mentionne pas le moyen
qu'il a utilisé pour parvenir à la présentation du
rapporteur.
L'Opposition entre les Récits et les Théories de sa Solution
L'Islam est la religion que le Prophète Mohammad a apportée pour traiter tous les domaines de la vie. Le Message divin comprend en effet les questions de la doctrine, de l'éducation, de la morale, des règles de la bonne conduite, et les différentes règles et lois qui régissent la relation de l'homme avec son Créateur, avec lui-même, avec sa société, avec le monde de la nature et de l'animal qui l'entoure.
La Sunnah est la deuxième source de la législation, après le Coran, et elle est le dépositaire des détails des statuts et des lois, inspirés du Coran ou reçus par le Prophète à travers la Révélation ou par lInspiration divine, car le Messager dAllah a, comme nous le décrit le Coran: «n'est pas dans l'erreur; il ne parle pas sous l'empire de la passion. C'est seulement une Révélation qui lui a été inspirée. Le Puissant, Le Fort la lui a fait connaître». (Sourate al-Najm, 53: 2 - 5)
Donc, tous les statuts, la pensée doctrinale et les concepts visant à orienter et à organiser la vie de l'humanité forment une unité idéologique et législative concordante et intégrale dans laquelle il n'y a pas d'éléments opposés ou contradictoires.
Toutefois la Sunnah
impeccable ne nous est pas parvenue sous sa forme originelle authentique
et intégrale. C'est pourquoi nous rencontrons des récits
attribués au Prophète et aux Imams qui s'opposent les uns
aux autres ou qui se contredisent les uns les autres ou encore qui sont
en opposition et en contradiction avec les significations de certains versets
coraniques. Ainsi, on pourrait tomber sur un récit qui autorise
un acte et sur un autre qui l'interdit, ou bien sur un récit qui
explique un concept ou une pensée donnés, et sur un autre
qui leur donne une explication différente. C'est pourquoi, les uléma
des Fondements de la Jurisprudence ont traité de la question de
l'opposition dans la Sunnah, d'une façon exhaustive, en ont
expliqué les raisons et en ont fixé les solutions scientifiques.
La
définition de l'opposition: Table
des Matières
L'opposition en tant que terme technique est défini comme étant la négation réciproque entre les deux significations de deux preuves95.
L'opposition entre deux récits ne se réalise que si chacun des deux récits est totalement sain et acceptable sur le plan de la chaîne de transmission (sanad) et sur le plan du contenu (matn), et que si l'un nie l'autre, sans que l'un ait primauté sur l'autre.96
Il est à noter aussi que l'opposition ne se réalise qu'entre les preuves conjecturales elles-mêmes. Il ne peut donc pas y avoir opposition entre une preuve absolue (décisive) et une autre preuve absolue, ni entre une preuve absolue et une preuve conjecturale, ni entre une preuve absolue et les "fondements pratiques", tel "l'istiçhâb"97 par exemple.
Les recherches effectuées par les uléma spécialistes de la science du Hadith et de la science des Rapporteurs de Hadith montrent que les éléments intrus dans la Loi et les propos ou les actes imputés faussement au Prophète, aux Imams et aux Compagnons, constituent la raison principale de l'existence d'une telle opposition entre les récits. Et ce type d'opposition réelle forme la majeure partie des cas d'opposition entre les récits.
Mais il y a un autre type d'opposition, qu'on appelle opposition apparente, parce qu'elle n'est pas une opposition réelle, puisqu'il s'agit d'une opposition entre le général et le particulier, entre l'absolu et le restreint. Aussi, a-t-on divisé l'opposition entre les récits en deux catégories:
L'Egalité et la Préférence Table des Matières
Lorsqu'on compare
les récits opposés et quon analyse leurs chaînes de
transmission, leurs contenus et leurs contextes historique, politique et
social, nous constatons que certains d'entre eux comportent dans leurs
contenus ou dans leurs chaînes de transmission des éléments
qui font pencher la balance vers eux au détriment de ceux qui leur
sont opposés, alors que d'autres sont égaux dans leurs caractéristiques
et leur valeur. C'est pourquoi les uléma ont consacré une
recherche spécifique à cette question et l'ont appelée
"L'égalité et la préférence". Aussi, ont-ils
divisé les récits opposés en deux catégories:
1- Les récits opposés égaux: Ce sont des récits opposés par leurs significations et égaux par les qualifications de leur chaîne de transmission et de leur contenu. De là on ne peut ni distinguer les uns des autres, ni préférer les uns aux autres, ce qui a conduit les uléma, comme nous l'avons souligné plus haut, à soutenir deux thèses pour traiter avec les récits opposés égaux qu'on ne peut réconcilier: déchoir les deux récits opposés égaux ou choisir l'un d'eux.
2- Le récit
préférable: C'est le récit que l'on préfère,
à cause de ses qualificatifs, à celui qui est en opposition
avec lui. Un tel récit est adopté à l'exclusion de
celui qui lui est opposé, en raison des éléments préférentiels
ou avantageux qu'il comporte.
Les différentes sortes des éléments préférentiels: Table des Matières
Les uléma
de la Science du Hadith ont divisé les éléments
préférentiels d'un récit en trois sortes:
1- Les éléments préférentiels relatifs à la chaîne de transmission: Ce sont les éléments qu'on trouve dans la chaîne de transmission de lun des deux récits opposés et qui confèrent à ce récit un plus haut degré de probabilité de sa provenance du Prophète ou de l'Imam, ce qui incite à l'adopter au détriment de l'autre.
Les éléments
préférentiels de cette catégorie sont:
a- La multitude (le grand nombre) des rapporteurs du récit: Le récit rapporté par un nombre de rapporteurs, supérieur au nombre des rapporteurs du récit opposé comporte un élément avantageux ou préférentiel.
b- La supériorité des qualifications98 du rapporteur d'un récit à celles du rapporteur de récit opposé, donne au premier récit un avantage sur le second.
c- Le raccourcissement de la chaîne de transmission: C'est le nombre réduit dintermédiaires de transmission entre le rapporteur et le Prophète ou l'Imam. On choisit le récit transmis par le plus petit nombre dintermédiaires, en raison de la diminution de la possibilité d'une erreur ou d'un oubli dans la transmission. Ainsi, on choisit de préférence le récit d'un intermédiaire (transmetteur) qui l'a reçu directement d'un Compagnon du Prophète, citant directement celui-ci, au détriment du récit opposé reçu d'un compagnon de la deuxième génération (tâbe`î), citant un Compagnon qui cite le Prophète.
En analysant le contenu de ce récit, nous remarquons qu'il est de type de signification confirmée. Car l'ordre de l'Imam: "écourte" dans le récit indique l'obligation de la réduction, de même que son expression: «et si tu ne le fais pas, tu te seras opposé...». L'intervention du serment par Allah renforce encore plus la signification visée.
La résolution de l'opposition Table des Matières
Les uléma de la Science des Fondations de la Jurisprudence ont élaboré une méthode scientifique pour résoudre le problème posé par l'opposition entre les récits. Cette méthode constitue l'une des branches les plus importantes de la science de Hadith et de la Science des Fondements de la Jurisprudence. C'est delle que dépend la compréhension et la déduction d'une grande partie des statuts, des concepts et des pensées islamiques. Cette méthode a ses règles qui sont:
1- La règle du cumul normative des récits opposés et de la primauté des uns sur les autres, tel que le cumul du général et du particulier, de la primauté du particulier sur le général, le cumul de labsolu et du restreint, la primauté du restreint sur l'absolu.
L'explication scientifique de cette règle est le recours à la norme ou au bon sens, car celui-ci comprend que lorsque le Législateur Sage promulgue deux lois, l'une sous une forme générale, l'autre sous une forme particulière, ou l'une à portée universelle, l'autre à portée restreinte, la loi à la portée restreinte est considérée comme une présomption de l'interprétation du dessein du Législateur, et non une contradiction avec ce dessein. C'est pourquoi, linterprétation du dessein du Législateur résout d'opposition.
Exemple: Il y a des récits qui interdisent d'une façon générale l'intérêt usuraire, tout comme il y a des versets coraniques qui décrètent cette interdiction et cette prohibition. Mais on trouve aussi des récits qui autorisent au Musulman de prendre un intérêt usuraire d'un mécréant en état de guerre.
En effet, on attribue au Prophète cette parole: «Ne mangez pas ce qui provient d'un intérêt usuraire et ne calomniez pas une femme honnête (mohaççanah)».
Et:
«Entre nous et ceux qui sont en guerre contre nous, la question de (linterdiction de) l'intérêt usuraire ne se pose pas. Nous leur prenons mille dirhams contre un dirham et nous ne leur donnons rien en échange».100
Lorsque nous confrontons ces récits opposés par leurs significations, nous comprenons que le Législateur Sage n'est pas contradictoire dans Sa Législation, mais a particularisé le statut général en exceptant de l'interdiction de l'intérêt usuraire, ce que le Musulman prend au mécréant en état de guerre contre l'Islam, à titre d'intérêt usuraire.
2- La règle de la préférence (tarjîh): C'est le fait de préférer le récit dont la chaîne de transmission, le contenu ou le contexte comporte des éléments préférentiels, et d'appliquer le statut qu'il énonce.
3- L'option (takhyîr): C'est le fait que "la personne assujettie aux obligations religieuses" (mokallaf) d'opter à son gré pour nimporte lequel des récits opposés qu'on ne peut réconcilier et quon ne peut en préférer l'un à l'autre.
4- La déchéance
mutuelle: Certains uléma sont d'avis que les récits opposés
d'une façon fixée dont on ne peut résoudre l'opposition
par l'adoption des uns et des autres et qui ne comportent pas d'éléments
préférentiels faisant pencher la balance vers les uns plutôt
que vers les autres, se font déchoir mutuellement, et nous devons
les ignorer et faire 7comme s'ils n'existaient pas. Et il nous faudra alors
(pour pallier le vide juridique créé par leur déchéance)
nous référer aux "fondements pratiques" (al-uçûl
al-`amaliyyah), tel que "l'acquit de conscience" (barâ'ah)101
et la précaution (ihtiyât)102.