Comment
aimer Allah ?
Mohammad Mahdi
al-Âçifî
Édité et adapté en français
par :
Abbas Ahmad al-Bostani
Publication de la Cité du Savoir
Éditeur:
Abbas
Ahmad Al-Bostani
La
Cité du Savoir
C.
P. 712, Succ. (B)
Montréal,
Québec, H3B 3K3
Site Web : www.bostani.com
E-mail
:
Première édition: Novembre 2001
Copyrights: Tous droits réservés à l'éditeur
ISBN : 2-922223-14-0
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Table
des Matières
La relation avec
Allah 5
L'Amour d'Allah
- Le Très-Haut 7
La foi et
l'amour 11
Le plaisir de
l'amour 12
L'amour pallie
les carences dans les actes 15
L'amour
protège le serviteur de la torture 18
Les
degrés et les phases de l'Amour d'Allah 18
L'état de
désir et l'état de plaisir dans l'amour 30
D'autres images du désir et du
plaisir dans les do'â' de l'Imam al-Sajjâd (p): 46
Les importations et les exportations du
coeur 52
Le fondement du libre choix 55
Retour aux munâjât 57
Le do'â' et son sommet 59
Les trois moyens . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Le premier moyen: le besoin 63
Le deuxième moyen: la prière
de demande et la sollicitation 73
Le troisième moyen: l'amour 73
D'autres figures du désir d'Allah
dans les Munâjât de l'Imam al-Sajjâd (p) 81
L'unicité de l'amour divin (les
caractéristiques de l'amour) 85
1- La primauté de l'amour divin 86
2-Le gouvernement de l'amour d'Allah 89
La carte de l'amour et de la haine 93
Aimer pour Allah et détester pour
Allah 95
3-Le gouvernement de l'amour pour Allah 101
La pureté (la
sincérité) de l'amour d'Allah 113
L'attachement jaloux d'Allah à Son
serviteur 116
Aimer pour Allah et en Allah 117
La première source de l'amour 121
1- Allah aime Ses serviteurs 121
2- Il leur inspire Son Amour 122
3- Il leur manifeste son amour 124
4- Allah est jaloux de Son serviteur 128
5- Allah appelle Ses serviteurs au
repentir 128
6- Il les y incite en les soumettant
à des épreuves 129
Comment aimer Allah ? 131
Les conséquences et les effets de
l'amour d'Allah dans la vie de l'homme 135
La corrélation entre l'amour
d'Allah et ses conséquences 141
La réciprocité d'amour entre
Allah et Son serviteur 143
Si Allah aime un serviteur...
146
Comment nous faire aimer d'Allah? 147
Les obstacles et les barrières qui
obstruent l'amour 150
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La
relation avec Allah
La relation avec
Allah, sous sa forme la plus saine est constituée d'une série
d'éléments harmonieux et concordants qui, réunis, forment
la relation correcte avec le Créateur.
Les
références islamiques refusent de concevoir la relation avec
Allah sur la base de l'élément unique, tel que la peur ou
l'espoir, l'amour ou le recueillement, et considèrent qu'une telle
relation est dépouillée d'harmonie et d'équilibre. Les
éléments qui composent la relation avec Allah sont très
nombreux et mentionnés en détail dans les versets coraniques, les
hadith et les Prières de demandes.
Ce sont
essentiellement: l'espoir (en Allah), la peur (d'Allah), l'imploration, le
recueillement, l'humilité, l'appréhension, l'amour, le
désir, la familiarité, l'anâbah (le retour vers
Allah, repentant), le tabattul (retraite spirituelle,
récollection), l'istighfâr (demande de pardon), la
crainte, l'obéissance, l'asservissement (à Allah), le thikr (l'invocation
d'Allah), la pauvreté (le besoin d'Allah), l'i'tiçâm (se
protéger par Allah).
Ainsi, dans un
do'â, l'Imâm Zayn al-'Âbidîn (p) dit:
«Ô
Seigneur! Je Te demande de remplir mon coeur d'amour de Ton Amour et de Ta
crainte, de croyance et de Foi en Toi, de Ton appréhension et de Ton
désir».(1)
De ces
éléments multiples se forme un beau spectre harmonieux de la
relation avec Allah. Chacun de ces éléments constitue une porte
de la Miséricorde et de la Connaissance d'Allah. Ainsi, la demande de la
miséricorde ouvre la porte de la Miséricorde d'Allah, et la
demande de pardon ouvre la porte du Pardon d'Allah.
De même
chacun de ces éléments est considéré en soi comme
une voie pour le mouvement ou la conduite vers Allah. D'autre part, la crainte
ou l'appréhension est une autre voie vers Allah. Le recueillement est
une troisième voie vers Allah; l'espoir, le do'â ou
l'espérance constitue une quatrième voie vers Allah.
L'homme doit se
mouvoir vers Allah à travers différentes voies et ne pas se
contenter d'une voie unique, car chaque voie conduisant à Allah a son
propre charme, sa propre saveur et un délice particulier qu'on ne
retrouve pas dans les autres voies. De là l'insistance de l'Islam sur le
principe de la multiplicité des éléments de la relation avec
Allah.
On a là un
sujet vaste dans lequel nous ne voulons entrer ici.
L'Amour d'Allah - Le Très-Haut
Ce qui nous
intéresse dans cet exposé c'est l'une de ces voies, celle de
l'amour d'Allah, car elle est la meilleure d'entre elles, la plus sûre, la
plus belle et la plus à même de nous attacher à Allah et de
renforcer nos liens avec Lui.
En matière
de comparaison entre ces différents éléments qui composent
la relation de l'homme avec le Créateur, beaucoup de textes religieux
nous fournissent suffisamment d'éclairage pour pouvoir constater que la
voie de l'amour occupe une place de choix en Islam. Citons à titre
d'illustration quelques-uns de ces textes:
Il est dit
qu'Allah inspira au Prophète Dâwûd:
«Ô
Dâwûd! Mon invocation appartient à ceux qui M'invoquent, Mon
paradis à ceux qui M'obéissent, Mon amour à ceux qui Me
désirent, et Moi, J'appartiens à ceux qui M'aiment».(2)
L'Imam
al-Sâdiq (p) dit:
«L'amour
(d'Allah) est préférable à la peur (d'Allah)».(3)
Mohammad Ibn
Yaqûb al-Kulaynî rapporte dans son corpus, "Uçûl
al-Kâfî", le hadith suivant de l'Imam al-Sâdiq (p):
«Les
serviteurs (d'Allah) sont répartis en trois catégories: une
catégorie de serviteurs qui adorent Allah par crainte (de Lui); leur
adoration est celle des esclaves, une deuxième catégorie qui
adorent Allah par l'appât de récompense spirituelle (thawâb),
leur adoration est celle des commerçants, et une troisième
catégorie qui adorent Allah par amour, leur adoration est celle des
hommes libres, et elle est la meilleure des adorations».(4)
Dans le
même corpus précité al-Kulaynî cite le hadith suivant
du Prophète (P):
«Le meilleur
des gens est celui qui s'éprend de l'adoration, l'étreint, l'aime
de son coeur et la pratique avec son corps, se fait disponible pour elle et ne
se soucie point de quoi sera fait le monde d'ici-bas le lendemain: aisance ou
difficulté".(5)
L'Imam
al-Sâdiq (p) dit aussi:
«Les entretiens
intimes (munâjât) des "connaisseurs" (les
mystiques) avec Allah reposent sur trois fondements (ou sentiments principaux):
la crainte, l'espérance et l'amour. La crainte découle de la
science, l'espérance de la certitude et l'amour de la connaissance.
L'indice de la peur est la fuite, celui de l'espérance est la demande,
et celui de l'amour est la préférence donnée au
bien-aimé à toute autre chose. Lorsque la science entre dans la
poitrine, le mystique craint, et lorsqu'il craint, il fuit, et lorsqu'il fuit,
il est sauvé. Quand la lumière de la certitude brille dans le
coeur, le mystique voit la Grâce, et lorsqu'il parvient à voir la
Grâce, il espère, et lorsqu'il goûte les délices de
l'espoir, il demande, et lorsqu'il obtient la satisfaction de sa demande, il
trouve. Lorsque la lumière de la connaissance jaillit dans le coeur, le
vent de l'amour souffle, et lorsqu'il souffle, le mystique se sent
réjoui à l'ombre du Bien-Aimé auquel il donne la
préférence à toute autre chose et s'attache à
suivre scrupuleusement et minutieusement Ses Ordres et Ses Enseignements. Ces
trois fondements sont comme le Haram (la ville de la Mecque),
la Mosquée et la Kabah: quiconque entre dans le Haram
jouit de l'immunité contre les poursuites des gens, et quiconque entre dans
la Mosquée, ses sens sont assurés qu'ils ne seront pas
utilisés pour commettre un péché, et quiconque entre dans
la Kabah, son coeur est assuré qu'il ne sera pas occupé à
autre chose que l'invocation d'Allah».(6)
On rapporte
le hadith suivant du Prophète (P):
«Le
Prophète Chuayb (p) pleura d'amour d'Allah jusqu'à ce qu'il
fût aveugle. Allah lui a révélé alors: "O
Chuayb! Si tu avais pleuré par peur de l'Enfer, Je t'en épargne,
et si tu avais pleuré par désir du Paradis, Je te
l'accorde". Chuayb répondit: "O mon Seigneur et Maître!
Je n'ai pleuré ni par peur de Ton Enfer ni par désir de Ton
Paradis, mais parce que Ton amour est entré dans mon coeur et je ne peux
plus patienter jusqu'à ce que je Te voie". Allah - que Sa Gloire
soit sublime - lui révéla alors: "Si c'est ainsi, Je te
ferai servir par mon interlocuteur Mûsâ Ibn
Imrân"».(7)
Dans le Livre
d'Idrîs (p) on peut lire ceci:
«Bienheureux
sont ceux qui M'ont adoré par amour et M'ont adopté comme Dieu et
Seigneur, et qui ont veillé la nuit et travaillé le jour pour Ma
Face, et non par crainte de l'Enfer ni par désir du Paradis, mais
uniquement par amour pur, par une volonté claire et en abandonnant tout
pour s'adonner totalement à Moi».(8)
et:
«Qu'il soit
aveugle l'oeil qui ne voit en Toi un surveillant et qu'elle soit perdante la
tractation d'un serviteur, qui ne recherche pas à lui obtenir une part
de Ton amour».(9)
La foi et l'amour
Les enseignements
islamiques nous apprennent que la foi, c'est amour:
- Selon l'Imam
al-Bâqer (p):
«La foi est
amour et haine».(10)
- Al-Fudhayl Ibn
Yasar témoigne:
«J'ai
demandé à l'Imam al-Sâdiq (p): "L'amour et la haine ont-ils
un lien avec la foi?" L'Imam al-Sâdiq (p) m'a répondu:
"Mais la foi est-elle autre chose qu'amour et haine!?"»(11)
- Selon l'Imam
al-Sâdiq encore:
«La Religion
est-elle autre chose que l'amour? Allah - Il est Puissant et Sublime - dit: Si
vous aimez Allah, suivez-moi; Allah vous aimera et vous pardonnera vos
péchés. Allah est Celui qui pardonne; Il est le
Miséricordieux. (Sourate Âle 'Imrân, 3: 31)»(12)
- Selon l'Imam
al-Bâqer aussi:
«La Religion,
c'est l'amour et l'amour c'est la Religion».(13)
Le plaisir de l'amour
Si l'acte
d'adoration d'Allah est fait par amour, par désir et par soif, il
procure un plaisir inégalable.
L'Imam
'Alî Ibn al-Hussain, dit Zayn al-Âbidîn (p) qui est bien
placé pour parler de la douceur de l'amour et de l'invocation d'Allah
dit à ce propos:
«Ô
mon Seigneur! Qu'il est bon le goût de Ton amour et qu'il est doux le
boire de Ta proximité».(14)
Cette douceur et ce
plaisir que procure l'amour d'Allah sont solidement implantés et
fixés dans les coeurs des intimes d'Allah et non accidentels ni fugaces
ni passagers. Et lorsque le plaisir de l'amour d'Allah se fixe dans le coeur du
croyant pieux, ce coeur est illuminé par l'amour d'Allah, et se met pour
toujours à l'abri de Sa torture.
En effet l'Imam
'Alî (p) s'adressant à Allah dit:
«O
Seigneur! Par Ta Puissance et Ta Majesté! Je T'ai aimé d'un amour
dont la douceur s'est fixée dans mon coeur; or le for intérieur
de Tes fidèles serviteurs monothéistes ne saurait concevoir que
Tu puisses détester ceux qui T'aiment!».(15)
À
propos de cet état fixé et permanent d'amour divin, l'Imam
'Alî Ibn al-Hussain (p) dit:
«Par Ta
Puissance et Ta Gloire, Ô Seigneur, même si Tu venais à me
gronder, je ne quitterais jamais Ta porte, ni ne cesserais de Te flatter, ayant
su l'immensité de Ta Générosité et de Ta Noblesse».(16)
Et lorsque le
croyant pieux découvre le goût délicieux de l'amour
d'Allah, rien ne pourra dès lors supplanter cet amour
irremplaçable. Ecoutons ce que dit à ce propos l'Imam Zayn
al-'Âbidîn (p):
«Qui
eût pu songer à Te chercher un remplaçant après
avoir goûté aux délices de Ton amour! ou désirer quelqu'un
d'autre que Toi après s'être délecté de Ta
Proximité!?»(17)
Si les gens vont
à gauche et à droite ou s'attachent à ceci ou à
cela, c'est parce qu'ils sont privés de l'amour d'Allah, car ceux qui ont
eu la chance de connaître les délices de l'amour d'Allah, sont
tellement comblés qu'ils ne désirent plus rien d'autre. C'est du
moins ce que nous laisse deviner l'Imam 'Alî Ibn al-Hussain (p):
«Qu'a-t-il
trouvé celui qui T'a perdu! et qu'a-t-il perdu celui qui T'a
trouvé!».(18)
Il est à
remarquer que l'Imam Zayn al-'Âbidîn demande pardon à Allah
pour tout plaisir éprouvé en dehors du plaisir de l'amour
d'Allah, pour toute occupation en dehors de celle de l'invocation d'Allah, pour
toute réjouissance qui ne soit celle de la Proximité d'Allah, et
ce, non qu'Allah ait interdit tout cela à Ses serviteurs, mais parce que
de tels plaisirs et réjouissances distraient le coeur du croyant de son
Créateur, ne serait-ce que pour un court laps de temps, car un coeur qui
a goûté le plaisir de l'amour d'Allah ne saurait se
détacher d'Allah, même l'espace d'une seconde.
Dans la vie des
serviteurs pieux d'Allah tout effort, toute chose, tout acte et même tout
sentiment s'inscrivent dans la prolongation de l'amour d'Allah, de l'invocation
d'Allah, de l'obéissance à Allah. Tout ce qui sort de cette ligne
ou de son prolongement est considéré par eux comme
éloignement d'Allah, dont ils Lui demandent pardon. C'est pourquoi
l'Imam Zayn al-'Âbidin (p) dit:
«Ô
Seigneur! Je Te demande pardon de tout plaisir ressenti en dehors de Ton
invocation, de tout repos sans Ta compagnie, de tout contentement sans Ta
proximité, et de toute occupation sans Ton obéissance».(19)
L'amour pallie les carences dans les
actes
L'amour d'Allah est
inséparable des actes d'adoration; et pour quiconque aime Allah, les
actes, le mouvement et l'effort sur le Chemin d'Allah constituent les signes de
cet amour. Cependant l'amour pallie la négligence des actes et
intercède en faveur du croyant auprès d'Allah lorsqu'il fait
preuve de négligence dans ses actes. En effet l'amour est un
intercesseur efficace auprès d'Allah.
L'Imâm Zayn
al-'Âbidîn, dit dans un do'â, rapporté par Abû
Hamza al-Thamâlî:
«Ma
connaissance (de Toi) est mon guide vers Toi, et mon amour pour Toi est mon
intercesseur auprès de Toi. Or je suis sûr de mon guide par Ta
Guidance et je suis confiant dans l'efficacité de mon intercesseur
auprès de Toi».(20)
Quels bons guides,
intercesseurs, connaissance et amour! Un serviteur dont le guide vers Allah est
la connaissance d'Allah ne s'égare jamais, et un serviteur dont
l'intercesseur auprès d'Allah est l'amour d'Allah, ne manque jamais sa
route et son but vers Allah.
L'Imam Zayn
al-'Âbidîn dit à ce propos:
«Ô
mon Dieu! Tu sais que même si dans la pratique mon obéissance
à Toi n'est pas un exemple de régularité, l'amour de Ton
obéissance et la ferme résolution de T'obéir restent en
moi permanents et réguliers».
Là, l'Imam
nous apprend que s'il arrive que nous doutions de notre obéissance
à Allah dans nos actes et qu'il nous soit impossible d'être
certains d'obéir impeccablement et toujours au Créateur,
néanmoins nous pouvons être sûrs et certains de la permanence
de notre amour d'Allah et de notre volonté inébranlable de
continuer à Lui obéir et à L'aimer. En effet, tout
serviteur ayant éprouvé dans son coeur l'amour d'Allah, n'en
doutera jamais. Certes ce serviteur pourrait être négligent dans
l'observance de l'obéissance ou commettre un acte qu'Allah
déteste ou une désobéissance qu'Allah n'aime pas, mais ce
faisant il est impossible qu'il déteste l'obéissance ou qu'il
aime le péché. Car les membres ou les sens du serviteur pieux
pourraient glisser dans les péchés, attirés par Satan ou
la passion, ou être négligents dans l'obéissance à
Allah, mais son coeur est imperméable à tout ce qui n'est pas
l'amour et l'obéissance à Allah, et la détestation de Sa
désobéissance.
Ainsi l'Imam
'Alî Ibn al-Hussain implore:
«Ô
mon Seigneur! J'aime T'obéir même s'il m'arrive de le
négliger, et je déteste de Te désobéir, même
s'il m'arrive de le faire. Aussi Te demanderais-je de me faire la faveur de me
destiner au Paradis».(21)
Telle est la différence
entre les sens et les sentiments: les premiers pourraient ne pas suivre
toujours les seconds, ceux-ci pourraient se soumettre totalement à
l'emprise de l'amour d'Allah, alors que ceux-là pourraient y manquer,
mais si le coeur est sain et bon, les sens finiront inévitablement par
le suivre et Lui obéir. En un mot, tôt ou tard, les sens et les
membres ne pourront qu'exécuter ce que veulent et demandent les
sentiments, comblant de la sorte le fossé qui les sépare
grâce à la sincérité du coeur.
L'amour protège le serviteur
de la torture
Si les
péchés font déchoir le serviteur aux yeux d'Allah et
l'exposent à Son châtiment et à Sa torture, l'amour d'Allah
l'en protège. Dans l'une de ses Supplications, l'Imam Zayn
al-'Âbidîn dit:
«Ô
mon Seigneur! Mes péchés me font peur, mais mon amour pour Toi me
protège».(22)
Les degrés et les phases de
l'Amour d'Allah
L'amour d'Allah a
des degrés et des phases dans les coeurs des serviteurs. Il pourrait
être faible et à peine ressenti chez un serviteur, épanoui
et fort ne laissant de place à aucune autre occupation susceptible de le
distraire d'Allah, chez un autre. Chez d'autres encore, il s'avère
tellement intense et dominant que le croyant pieux a beau se plonger pendant de
longues heures dans les invocations, les supplications, la prière et le
recueillement dans l'action et l'effort sur la voie d'Allah, il ne parviendrait
pas à étancher sa soif d'adoration.
L'Imam Ja'far
al-Sâdiq (p) dit à ce propos dans l'un de ses Do'â':
«Ô
mon Seigneur! J'ai faim et de Ton amour je ne me rassasie jamais; je suis
assoiffé, et ma soif de Ton amour ne saurait être
étanchée! Ô combien est ardent mon désir de Celui
Qui me voit sans que je Le voie».
Et l'Imam
'Alî Ibn al-Hussain (p) ne dit pas autre chose:
«(Ô
Seigneur) ma soif ardente ne peut être apaisée que par Ton
contact, ma souffrance agitée ne se calme que par Ta rencontre et mon
désir de Toi ne s'assouvit qu'en Te regardant».(23)
L'expression de
l'amour la plus éloquente et la plus merveilleuse, on la trouve dans le
do'â' que l'Imam 'Alî a enseigné à Kumayl ibn
Ziyâd al-Nakh'î et connu sous le nom de "Do'â'
Kumayl":
«À
supposer, Ô Mon Dieu, Mon Maître, Mon Souverain et Mon Seigneur,
que je puisse supporter le supplice que Tu m'infligerais, comment pourrais-je
endurer ma séparation de Toi? et à supposer que je puisse endurer
la chaleur de Ton enfer, comment pourrais-je supporter l'idée de ne plus
aspirer à Ta Générosité? Et comment pourrais-je
rester calme en enfer alors que j'aspire à Ton Pardon?"(24)
L'amoureux pourrait
supporter la punition de son bien-aimé, mais pas sa colère ni sa
haine contre lui. Il pourrait aussi supporter le feu, pourtant insupportable,
mais pas la séparation avec son bien-aimé.
Cet amour et cet
espoir que le serviteur continue à éprouver envers son
Maître, alors même qu'Il lui fait subir le feu et lui montre Sa
colère, constituent la plus belle des images de ce do'â' auguste.
En effet, il est possible que l'esclave éprouve de l'amour pour son
maître pendant qu'il jouit de ses bienfaits et bénéficie de
ses faveurs. Et cet amour est sûrement vrai et sincère. Mais
l'amour absolu ou suprême, c'est celui qui ne quitte point le coeur du
serviteur, même lorsque celui-ci subit l'atrocité du feu de son
Maître.
L'Imam Zayn
al-'Âbidîn exprime le même amour absolu d'Allah, dans la
célèbre prière de demande - dit "Do'â' al-Sahar"
- qu'il a apprise à Abû Hazah al-Thamâlî:
«Ô
par Ta Puissance (O Seigneur), même si Tu venais à me gronder, je
ne quitterais pas Ta porte, ni ne cesserais de Te flatter. Car, vers qui
pourrait se diriger le serviteur, sinon vers son Maître!? et près
de qui pourrait se réfugier la créature, sinon chez son
Créateur!? O mon Dieu! Si Tu venais à m'attacher aux garrots,
à m'interdire Ta faveur devant tout le monde, à dévoiler
mes scandales devant les yeux des serviteurs, à ordonner mon envoi en
enfer, et à T'interposer entre moi et les croyants pieux, je ne perdrais
pas mon espoir en Toi, ni ne cesserais d'espérer l'obtention de Ton
Pardon, et de mon coeur Ton amour ne sortira jamais».(25)
Poursuivons cette
description pittoresque et pathétique de l'amour d'Allah et de l'espoir
mis en Lui, qui sont enracinés dans le coeur des hommes de
piété, en revenant au Do'â' Kumayl précité de
l'Imam 'Alî Ibn Abî Tâlib:
«C'est
pourquoi, je jure sincèrement, par Ton Autorité, ô Mon
Maître et Mon Souverain, que si Tu me laissais y (en Enfer) parler, j'y
soulèverais auprès de ses habitants, un vacarme semblable au
vacarme de ceux qui vivent dans l'espoir, et j'y lancerais vers Toi les cris de
ceux qui crient au secours, et j'y pleurerais sur Toi comme ceux qui pleurent
leurs disparus; et je T'appellerais, où que Tu sois,
Ô
Seigneur des fidèles!
Ô Sommet
des espoirs des connaisseurs!
Ô Secours
de ceux qui crient au secours!
Ô
Aimé des coeurs des véridiques!
Ô Dieu
des mondes!
Gloire et
louange à Toi!
Accepterais-Tu donc
d'y entendre ( en enfer) la voix d'un serviteur musulman qui y serait
emprisonné pour avoir commis une faute? et qui en subirait la torture
pour T'avoir désobéi,
et qui serait
enfermé entre ses étages pour son crime et son
péché,
et qui crierait
à Ton intention comme quelqu'un qui vit dans l'espoir de Ta
Miséricorde,
et qui
T'appellerait en usant du langage monothéiste
et qui T'
implorerait par Ta Seigneurie?
Ô Mon
Souverain! Comment laisser aux supplices celui qui aspire à Ta
Clémence d'antan (ainsi qu'il espère obtenir Ta Grâce et Ta
Miséricorde!)
Comment le
laisser souffrir de Ton enfer alors qu'il espère obtenir Ta Grâce
et Ta Miséricorde!
Comment le
laisser brûler par ses flammes (de l'enfer) alors que Tu entends sa voix
et que Tu le vois là-bas!
Comment le
laisser vivre sous sa chaleur (de l'enfer) alors que Tu connais sa faiblesse!
Comment le
laisser se tordre entre ses étages alors que Tu connais sa
sincérité!
Comment le
laisser subir le mauvais traitement de ses habitants, alors qu'il T'appelle:
Ô Mon Seigneur!
Comment l'y
laisser alors qu'il attend Ta Grâce pour en être
libéré!
Non, jamais
personne ne Te croira ainsi! car, ni ce qu'on sait de Ta grâce, ni la
façon dont Tu as traité les monothéistes en leur accordant
Ta Bienfaisance et Tes Bienfaits, ne permettent de le penser.
Ainsi,
j'affirme avec certitude que: si Tu n'avais pas ordonné le supplice aux
renégats, et que Tu n'avais pas condamné ceux qui T'ont
désobéi à subir l'enfer, Tu aurais transformé
celui-ci en un lieu frais et paisible, et personne n'y aurait trouvé
demeure, ni lieu de détention».(26)
Quelle lecture
pourrait-on faire de l'attitude que l'Imam 'Alî s'imagine adopter au cas
où il tomberait en disgrâce? Attitude de refus de se
résigner au châtiment et à la peine encourue, puisqu'il dit
que s'il venait à être condamné à l'Enfer, il ne
resterait pas les bras croisés, qu'il se mettrait à y
tempêter, crier, lancer des appels etc.!? D'aucuns penseraient tout de
suite qu'une telle attitude correspondrait bien à un trait saillant et
originel de la personnalité de l'Imam: le courage et
l'héroïsme incomparables dont il a fait preuve tout au long de sa
vie et dans les champs de bataille où il n'a jamais baissé les
bras dans les situations les plus difficiles et les plus périlleuses!
Mais une telle
interprétation de l'attitude imaginaire de l'Imam est erronée et
dénote une méconnaissance de la profondeur de sa
piété et de sa soumission infinie au Créateur. La preuve
en est que l'Imam commence son exposé par cette formule, au conditionnel
et non à l'indicatif, adressée à Allah: «si Tu
me donnais la parole... je crierais, tempêterais etc.»,
laquelle met en avant, plus sa soumission que son héroïsme ou son
courage dans la situation qui nous intéresse.
En fait, ces propos
de l'Imam et son état d'âme ici traduiraient plutôt,
l'état d'un petit enfant qui ne connaît dans son univers d'autre
refuge ou protection que la tendresse, l'affection, l'amour et la compassion de
sa mère. Chaque fois qu'il a mal ou qu'il éprouve un sentiment de
détresse, il a recours à sa mère et l'appelle au secours.
Même lorsqu'il commet un geste de désobéissance envers sa
mère, laquelle le punit subséquemment, il ne trouve d'autres
refuge et protection qu'elle-même, et lui lance des appels au secours,
exactement comme il le ferait si la peine qu'il subissait provenait de
quelqu'un d'autre qu'elle.
Dans cette
supplication, l'Imam 'Alî (p) nous montre qu'il ne connaît d'autre
recours qu'Allah, Lequel est son seul refuge et son seul protecteur. Et
lorsqu'il s'imagine qu'Allah lui inflige une peine ou qu'Il le condamne au
supplice,(27) il n'hésite pas une
seconde à recourir à Lui et à L'appeler au secours, comme
il le fait toujours, lorsque la source de détresse vient d'ailleurs.
L'Imam Zayn
al-'Âbidîn exprime la même idée dans sa
célèbre munâjât:
«Si Tu
venais à m'éconduire de Ta porte, près de qui d'autre
pourrais-je me protéger!? et si Tu venais à me refouler de Ta
proximité chez qui pourrais-je trouver abri!? Ô mon Dieu! Chez qui
retourne l'esclave en fugue (fuyard) sinon à son maître!? Et qui
le soustrairait à sa colère sinon lui-même!?»(28)
Et:
«Ô
mon Maître! Je me protège dans Ta Grâce et je Te fuis pour
me réfugier près de Toi!»(29)
Ou encore:
«Chez qui
va l'esclave sinon son Maître et chez qui va la créature sinon
chez son Créateur!»(30)
S'enfuir d'Allah
pour se réfugier auprès d'Allah n'est pas un paradoxe. C'est un
concept qui dénote une signification profonde de la relation du
serviteur avec le Créateur. Les sentiments que l'Imam 'Alî (p)
décrit relativement à cette relation sont des sentiments d'amour
et d'espoir réels, effectifs et très sincères qui animent
les coeurs des vrais adorateurs. Dans cette séquence ou plutôt
dans ce magnifique tableau du do'a', l'Imam 'Alî ne donne pas libre cours
à son imagination à l'instar des poètes, mais exprime et
décrit très exactement et très sincèrement ses
sentiments lorsqu'il se présente devant Allah. C'est pourquoi il fait
suivre ce tableau qui dessine la sollicitation du serviteur de la protection
d'Allah, par un autre tableau qui décrit le secours qu'Allah
dépêche à Son serviteur. Car, il sait d'expérience
et de par sa connaissance passée de la Miséricorde et de la
Grâce d'Allah, qu'il n'est pas possible qu'Il - Il est Sublime -
désappointe ces sentiments d'espoir et d'amour, purs et sincères,
du serviteur, et qu'Il repousse son amour et déçoive ses espoirs:
«Comment
laisser aux supplices celui qui aspire à Ta Clémence d'antan
(ainsi qu'il espère obtenir Ta Grâce et Ta Miséricorde!)
Comment le
laisser souffrir de Ton enfer alors qu'il espère obtenir Ta Grâce
et Ta Miséricorde!
Comment le
laisser brûler par ses flammes (de l'enfer) alors que Tu entends sa voix
et que Tu le vois là-bas!
Comment le
laisser vivre sous sa chaleur (de l'enfer) alors que Tu connais sa faiblesse!
Comment le
laisser se tordre entre ses étages alors que Tu connais sa
sincérité!
Comment le
laisser subir le mauvais traitement de ses habitants, alors qu'il T'appelle:
Ô Mon Seigneur!»
Non, il est
impossible et inconcevable qu'Allah déçoive l'attente de Ses
adorateurs dévoués, vu Sa Clémence et Sa
Miséricorde auxquelles Il les a habitués.
Donc l'Imam
'Alî s'applique à démontrer la Clémence et la
Miséricorde du Créateur, auxquelles s'attendent les adorateurs
sincères par la Clémence et la Miséricorde dont ils ont
déjà bénéficié: «Comment laisser
aux supplices celui qui aspire à Ta Clémence d'antan!».
Notons que l'Imam
'Alî (p) est ici catégorique concernant ce volet (la ligne
descendante) de la relation du Créateur avec le serviteur, de même
qu'il a été catégorique dans l'autre volet (la ligne
montante) de la relation du serviteur avec Allah. De même qu'il ne doute
pas un instant qu'il ne se départe pas de ses sentiments d'amour infini
pour Allah ni ne perde jamais son espoir en Lui, ni ne recherche aucun autre
abri ou secours que Lui, quand bien même il se trouverait en Enfer, de
même il a la certitude qu'Allah ne désappointe pas cet amour
sincère du serviteur et son espoir tenace placé en Lui.
Méditons sur ce ton d'affirmation catégorique et de certitude
absolue de l'Imam 'Alî quant à l'étendue de la
Miséricorde du Créateur à laquelle l'adorateur s'attend:
«Non,
jamais personne ne Te croira ainsi! car, ni ce qu'on sait de Ta grâce, ni
la façon dont Tu as traité les monothéistes en leur
accordant Ta Bienfaisance et Tes Bienfaits, ne permettent de le penser. Ainsi,
j'affirme avec certitude que: si Tu n'avais pas ordonné le supplice aux
renégats, et que Tu n'avais pas condamné ceux qui T'ont
désobéi à subir l'Enfer, Tu aurais transformé
celui-ci en un lieu frais et paisible, et personne n'y aurait trouvé
demeure, ni lieu de détention».(31)
On retrouve cette
affirmation catégorique et cette certitude absolue concernant l'amour de
l'adorateur pour son Maître et la Compassion d'Allah envers son serviteur
dans d'autres supplications de l'Imam 'Alî et de ses successeurs
bénis. Ainsi dans une célèbre Munâjât,
il s'adresse à Allah dans les termes suivants:
«Ô
Seigneur! (je jure) Par Ta Puissance et Ta Gloire, je T'ai aimé d'un
amour dont la douceur s'est enracinée dans mon coeur; or le for
intérieur de ceux qui croient à Ton Unicité ne saurait
concevoir que Tu puisse détester Tes amoureux».(32)
Pour sa part, son
petit-fils, l'Imam 'Alî Ibn al-Hussain dans l'une de ses munâjât
dit:
«Ô mon
Dieu! Comment pourrais-Tu humilier, en la délaissant, une âme que
Tu as chérie par Ton Unicité! Ou comment pourrais-Tu brûler
sous la chaleur de Tes feux une conscience qui a contracté Ton amour!»(33)
Et dans le
Do'â' al-Sahar du mois de Ramadhân, il adresse ce monologue
à Allah:
«Serait-il
imaginable que Tu puisses démentir nos idées (Te concernant), ou
décevoir nos espoirs (mis en Toi)! Non! ô Généreux!
Telle n'est pas notre idée de Toi ni notre espérance en Toi! Car
ô Seigneur! Nous avons un espoir illimité en Toi et ce que nous
espérons de Toi est immense».(34)
L'état de désir et
l'état de plaisir dans l'amour
L'amour peut se
manifester sous deux formes: le désir ou le plaisir.
Les deux états
expriment l'amour mais dans deux situations différentes. L'état
de désir atteint l'amoureux lorsqu'il se trouve éloigné de
celui qu'il aime, alors qu'il vit l'état de plaisir lorsqu'il
côtoie son bien-aimé.
Les deux
états s'alternent dans le coeur de l'adorateur vis-à-vis d'Allah
suivant ces deux formes de manifestation, car Allah se manifeste devant le
serviteur tantôt de loin tantôt de près. Lorsqu'Il se
manifeste de loin, l'adorateur éprouve un état de désir,
et lorsqu'Il se manifeste de près («où que vous soyez,
Il est avec vous»(35), «Nous
sommes plus près de lui que la veine de son cou»(36), «Quand Mes serviteurs
t'interrogent à Mon sujet; Je suis tout près et Je réponds
à l'appel de celui qui M'appelle»(37)).
Méditons
maintenant les propos suivants, très significatifs, de l'Imam al-Mahdi
dans Do'â' al-Iftitâh:
«Louanges
à Allah dont le voile est inviolable et dont la porte ne se ferme jamais».(38)
Il y a deux sortes
de voile: le voile d'obscurité et le voile de lumière. La vue de
l'homme pourrait ne pas fonctionner soit à cause de la densité du
voile d'obscurité soit sous l'effet de la haute tension de l'ardeur (brillance,
luminosité) de la lumière. Ainsi, l'homme ne pourrait pas voir le
soleil, non à cause d'une barrière quelconque, mais en raison de
la vivacité de l'ardeur du soleil qui forme ce que nous appelons le
voile de lumière.
Dans la relation de
l'homme avec Allah, le voile d'obscurité c'est l'amour de la vie
d'ici-bas et la tendance à commettre de mauvaises actions et des
péchés, alors que le voile de lumière y est tout autre
chose: c'est le voile inviolable ou infranchissable, selon l'expression du
Maître du Temps, l'Imam al-Mahdi ().
Et c'est
précisément ce voile qui attise le désir et la soif
d'Allah dans les coeurs des serviteurs pieux, comme nous le décrit
l'Imam Zayn al-'Âbidîn (p):
«(Ô
Seigneur) ma soif ardente ne peut être apaisée que par Ton
contact, ma souffrance agitée ne se calme que par Ta rencontre, mon
désir de Toi ne s'assouvit qu'en regardant Ta Face, mon but ne sera
fixé qu'en m'approchant de Toi, mon affliction ne sera conjurée
que par Ta Miséricorde, ma maladie ne sera guérie que par Ta
Médecine, mon chagrin ne sera enlevé que par Ta Proximité,
ma blessure ne sera cicatrisée que par Ton amnistie, la rouille de mon
coeur ne sera dérouillée que par Ton Pardon! ... Ô Sommet
de l'espoir de ceux qui espèrent! Ô Point de mire des
solliciteurs! Ô Zénith de la demande des demandeurs! Ô
Faîte du désir des désireux! Ô Ami des serviteurs
vertueux! Ô Sécurité de ceux qui ont peur! Ô
Exaucement de la prière des nécessiteux! Ô Réserve des
dépossédés! Ô Trésor des misérables!»(39)
Le pendant de cette
manifestation divine (tajallî) est une autre sorte de
théophanie: la manifestation d'Allah devant Ses serviteurs sans qu'il y
ait entre Lui et eux une porte qui se ferme: Il écoute leurs monologues
suppliants (munâjât), et se trouve plus près d'eux que
leur veine jugulaire; Il s'interpose entre le serviteur et son coeur et rien de
ce qui se passe dans les coeurs des adorateurs ne Lui échappe. Et
là, le serviteur pressent la présence de son Maître, craint
de Lui désobéir ou de commettre ce qui pourrait Lui
déplaire, éprouve un plaisir de L'invoquer et se livre à
Lui par des monologues suppliants et Lui adresse des implorations et des
prières et prolonge inlassablement sa station devant son
Bien-Aimé Créateur.
En effet, il est de
notoriété publique que lorsqu'on se trouve en présence
d'une personne qu'on aime et affectionne, le temps passe vite et on
n'éprouve aucune lassitude ni ennui. Que dire alors quand nous sentons
Allah tout près de nous, en train de nous écouter, nous voir,
entendre nos prières et supplications: «Où que vous
soyez, Il est avec vous. Dieu voit parfaitement ce que vous faites!»(40) et que nos invocations nous apportent un
apaisement et une quiétude que nous ne pourrons retrouver dans n'importe
quelle autre situation: «N'est-ce pas au rappel d'Allah que les
coeurs se tranquillisent!?»(41)
L'Imam al-Mahdi ()
dit dans son Do'â' al-Iftitâh:
«Aussi me
suis-je mis à T'appeler en toute confiance, et à Te solliciter
avec gaieté, sans peur ni crainte, exigeant de Toi avec
familiarité ce pour quoi j'étais venu vers Toi».(42)
Sans doute, cet
état de plaisir, de sécurité et de quiétude
qu'éprouve l'adorateur lorsqu'il se sent près d'Allah
représente-t-il l'un des meilleurs états du serviteur
vis-à-vis de son Seigneur. Néanmoins, il ne constitue pas
l'idéal dans la relation de l'homme avec Allah. Il doit être
associé à l'état de désir pour qu'il soit complet,
équilibré et harmonieux.
En effet, ces deux
états prévalent dans l'adoration des serviteurs pieux et proches
d'Allah et dans leur relation avec Lui. Mais tantôt c'est l'état
de désir qui constitue le trait marquant de cette relation et cette
adoration, tantôt c'est l'état de plaisir doux, de quiétude
et de sécurité, et tantôt tous les deux; et c'est ce
dernier état qui devrait prédominer notre relation avec Allah,
car il est plus harmonieux et plus équilibré.
Observons à
cet égard l'Imam Zayn al-Âbidîn (p) à travers ces
différentes supplications qui nous en fournissent la meilleure
illustration:
- Hammâd Ibn
al-'Attâr al-Kûfî témoigne: «Alors que je
voyageais avec une caravane pour le pèlerinage, une tempête noire
et ténébreuse s'est soulevée. La caravane se disloqua et
je m'égarai dans le désert et parvint enfin à une
vallée déserte. À la tombée de la nuit, je
m'abritai sous un arbre. Lorsque l'obscurité s'intensifia, je vis venir
un jeune homme portant des vêtements blancs usés et exhalant un
parfum de musc. Je me dis alors que c'était sûrement un ami
d'Allah, et qu'il pourrait s'en aller s'il découvrait ma
présence. Aussi restai-je immobile et évitai-je de faire le
moindre mouvement afin de ne pas le faire fuir et de ne pas l'empêcher
d'accomplir ce pour quoi il était venu. Le jeûne homme s'approcha
de l'endroit (où je me trouvai) et se prépara à la
prière. Il s'éleva soudain et se mit à implorer:
"Ô
Toi qui as acquis toutes choses par Ta Royauté et vaincu toutes choses
par Ta Puissance! Fais entrer dans mon coeur la joie de Ton désir et insère-moi
dans le rang de Tes serviteurs obéissants".
»Après
quoi il accomplit la prière. Puis lorsque l'obscurité se dissipa,
il bondit, se mit debout et supplia:
"Ô
Toi vers Qui les solliciteurs se sont dirigés pour en trouver le
meilleur Guide, et près de Qui les gens terrifiés sont venus
s'abriter pour en découvrir le meilleur Pourvoyeur de faveurs et
à Qui les adorateurs ont fait appel pour en constater le meilleur
donateur! Ô mon Dieu! Quand a-t-il connu le repos celui qui a
confié à quelqu'un d'autre que Toi son corps! Et quand a-t-il
connu la joie celui qui a destiné à quelqu'un d'autre que Toi son
intention!..."».(43)
-
Al-Açma'î relate: «Une nuit, alors que j'accomplissais le tawâf
(tour) de la Ka'bah je vis un jeune homme aux bonnes manières
s'accrocher aux rideaux de la Ka'bah en priant:
"Les yeux
se sont endormis et les étoiles se sont hissées, alors que Toi,
le Vivant, le Subsistant, Ta porte reste ouverte aux solliciteurs pendant que
les rois ont fermé les leurs en les faisant surveiller par leurs gardes.
Je suis venu donc près de Toi pour que Tu me regardes avec Ta
Miséricorde, ô Toi le plus Miséricordieux des
miséricordieux!".
»Puis il
récita ces vers:
"Ô
Toi qui exauces la prière du nécessiteux dans l'obscurité!
Ô Toi qui conjures le mal, les épreuves et les maladies!
Tes
pèlerins se sont tous déjà endormis, et Toi, Tu es le seul
à ne pas dormir, ô Subsistant!
Je Te prie,
ô Seigneur, comme Tu nous l'as demandé! Aie donc pitié de
mes pleurs, par l'amour de la Maison et du Sanctuaire!
Car, si un
ignorant ne pouvait espérer Ton Pardon, qui accorderait alors les
bienfaits aux désobéissants!?"
»En le
suivant j'ai su que c'était l'Imam Zayn al-Âbidîn».(44)
Tâwûs al-Faqîh rapporte: «J'ai vu l'Imâm
al-Sajjâd faire le tawâf de la Ka'bah et accomplir des actes
d'adoration depuis la tombée de la nuit jusqu'à la fin de la
nuit. Lorsqu'il n'y vit plus personne, il regarda le ciel et dit:
"Par Ta
Puissance et Ta Gloire! Je n'ai pas cherché à m'opposer à
Toi lorsque j'ai commis un acte de désobéissance. Ce n'est pas
par doute à Ton égard, ni par ignorance de l'exemplarité
de Ta punition, ni par défi à Ton Châtiment, que je T'ai désobéi,
mais par un caprice de mon âme conjugué avec le voile par lequel
Tu couvres mes méfaits! Et à présent qui pourrait me
soustraire à Ta torture!? Et à quelle corde je pourrais
m'accrocher, si Tu venais à me détacher de la Tienne!? Quel
malheur m'attendrait demain: lorsque je serai présenté devant Toi
et qu'on dira aux gens au livret de péchés allégé:
"passez" et à ceux au livret de péchés
chargé: "descendez!" Passerai-je avec les
"allégés" ou descendrai-je avec les
"chargés"!? Malheur à moi! Plus je vis plus longtemps,
plus mes péchés augmentent sans que je me repente! N'est-il pas
temps que j'ai honte devant mon Seigneur!?"
»Puis il
pleura et récita ces vers:
"Me
brûles-Tu au Feu, ô Sommet des espoirs!? Qu'adviendrait-il alors de
mon espoir, et puis de mon amour!?
J'ai commis des
actes détestables par désinvolture, et un crime comme le mien
n'est perpétré par aucune autre créature".
»Ensuite il
pleura encore et implora:
"Gloire
à Toi! On Te désobéit comme si on ne Te voyait pas, alors
Tu Te montres Clément comme si Tu n'étais pas
désobéi! Tu recherches l'amitié de Tes créatures
par Ta Bienfaisance, comme si Tu avais besoin d'elles, alors que Tu Te passes
absolument d'elles, o mon Seigneur!?"
»Après
quoi, il se prosterna. Je m'approchai alors de lui, relevai sa tête et la
déposai sur mon genou et me mit à pleurer jusqu'à ce que
mes larmes aient coulé sur sa joue. Là, l'Imam (p) redressa son
buste et s'assit en me demandant: "Qui est celui qui a interrompu mes
invocations d'Allah?". "Je suis Tâwûs, ô fils du Messager
d'Allah. Pourquoi toute cette angoisse et toute cette crainte!? C'est à
nous de faire ce que tu fais, parce que nous sommes pécheurs et
désobéissants, alors que toi, tu as pour père al-Hussain
Ibn 'Alî, pour mère Fâtimah al-Zahrâ' et pour grand-père
le Messager d'Allah", lui dis-je. L'Imam me répliqua: "Jamais!
Jamais! Ô Tâwûs! Ne me parle pas de mon père, de ma
mère et de mon grand-père. Allah a créé le Paradis
et l'a destiné à quiconque Lui obéit, serait-il un esclave
abyssin, et Il a créé l'Enfer en le destinant à quiconque
lui désobéit, serait-il un Noble (Sayyid) de Quraych. N'as-tu pas
entendu cette Parole d'Allah: Quand on soufflera dans la trompette, ce
Jour-là, il ne sera plus question, pour eux, de
généalogies et ils ne s'interrogent plus. (sourate 23,
verset 101). Par Allah, demain rien ne te sera utile, si ce n'est une bonne
action que tu auras accomplie"».(45)
Les do'â' et
les entretiens intimes (munâjât) attribués aux
Imams d'Ahl-ul-Bayt (p), et notamment les quinze célèbres munâjât
de l'Imam Zayn al-'Âbidîn (al-Sajjâd), cités par
al-Majlicî dans "Bihâr al-Anwâr" sont riches
en ce genre d'images vivantes et mouvantes qui expriment le plaisir et le
désir.
Citons, avant de
conclure ce chapitre, quelques-unes de ces images très
évocatrices qui constituent le domaine quasi exclusif des Imams
d'Ahl-ul-Bayt et un trésor unique en son genre:
«Seigneur!
Qui donc ayant goûté aux délices de Ton Amour pourrait
désirer un autre que Toi!?
Qui donc ayant
joui du plaisir de Ta Proximité chercherait un autre que Toi!?
Ô Mon Dieu!
Donne-nous d'être au nombre de ceux que Tu as élus pour Ta
Proximité et pour Ton Amitié,
que Tu as fait
se réserver à Ton amour et à Ton affection,
que Tu as fait
désirer Ta rencontre et agréer Ta Volonté,
et à qui
Tu as permis de regarder Ta Face,
que Tu as
favorisés par Ta Satisfaction et mis à l'abri de Ton abandon et
de Ta haine,
à qui Tu
as préparé la place de Vérité à Tes
côtés,
que Tu as
réservés pour Ta connaissance,
que Tu as
qu'Alîfiés pour Ton adoration,
dont Tu as
rendu le coeur passionné de Ta Volonté,
que Tu as fait
aimer et inspirer Ton invocation,
que Tu as
amenés à être reconnaissants envers Toi et occupés
à Ton adoration,
que Tu as
rendus de bons serviteurs parmi Tes créatures,
que Tu as
choisis pour s'adonner aux entretiens intimes (munâjât) avec Toi,
dont Tu as coupé toutes attaches qui pourraient les éloigner de
Toi.
Ô
Seigneur!
Fais que nous
soyons au nombre de ceux qui ont l'habitude de trouver l'apaisement
auprès de Toi et s'attendrir pour Toi, qui passent leur vie en soupirs
et gémissements, dont les fronts sont prosternés devant Ta
Grandeur, dont les yeux veillent à Ton service, dont les larmes coulent
par Ta crainte, dont les coeurs sont attachés à Ton amour et les
viscères arrachées par peur de Ta Colère.
Ô Toi dont
les rayonnements de la Sainteté brillent pour les regards de ceux qui
T'aiment et dont la Lumière désire les coeurs de ceux qui Te
connaissent!
Ô Voeu
des coeurs des désireux! Ô sommet des espoirs des connaisseurs
(d'Allah)! Je sollicite auprès de Toi Ton amour et l'amour de ceux qui
T'aiment, ainsi que l'amour de toute action qui me conduira à Ta
proximité.
Fais que je
T'aime plus que tout autre, que mon amour pour Toi soit un guide vers Ton
agrément, que mon désir de Toi soit un rempart contre Ta désobéissance.
Accorde-moi la
faveur de (pouvoir) Te regarder. Regarde-moi avec affection et compassion et ne
détourne pas de moi Ton visage».(46)
Dans cette
séquence de sa munajât, l'Imam al-Sajjâd demande
à Allah trois faveurs de la plus haute importance.
Il Lui demande tout
d'abord de le choisir pour Sa Proximité, de dépouiller son coeur
de toute affection en dehors de son amour pour Lui, de lui permettre de
regarder Sa Face, de lui inspirer Son invocation, de couper toutes ses attaches
susceptibles de l'éloigner de Lui etc.
Ce début est
nécessaire pour la réalisation de la demande que l'Imam formule
à l'adresse du Seigneur, à savoir le mouvement vers la
Proximité d'Allah, car il est indispensable que le serviteur demande au
Créateur de lui accorder les moyens de ce mouvement ou les clés
qui ouvrent le passage vers Lui.
En effet
lorsqu'Allah accorde à un serviteur une faveur, Il lui donne le moyen
d'y accéder. Or les portes par lesquelles l'homme entre pour partir au
sommet de la rencontre avec le Seigneur et pour pouvoir regarder Sa Face sont:
1- Le
dépouillement du coeur de toute passion et de tout amour de la vie
d'ici-bas, de toute préoccupation d'ordre mondain ou terrestre, et de
tout attachement à ce monde, et c'est ce que les uléma appellent
le vidage (takhliyah), ou le fait de vider le coeur de tout souci et
de tout attachement relatifs à quelque chose d'autre que Lui. La
meilleure illustration en est ce passage des munâjât
précités de l'Imam al-Sajjâd:
«Donne-nous
d'être au nombre de ceux que Tu as fait se réserver à Ton
amour et à Ton affection.
Donne-nous
d'être au nombre de ceux que Tu as fait ne regarder que Toi et dont Tu as
dépouillé le coeur (de tout amour qui ne soit pas) pour Toi.
Fais que nous
soyons au nombre de ceux dont Tu as coupé toutes attaches qui pourraient
les éloigner de Toi».
2- Le
deuxième point dans ce début est selon le jargon des
scolastiques, le (tahliyah), c'est-à-dire l'octroi de
tout ce qui est positif, par opposition au premier point dit (takhliyah)
- le dépouillement de tout ce qui est négatif - . En effet, ici,
l'Imam (p) demande à Allah de lui accorder les faveurs suivantes:
«Donne-nous
d'être parmi ceux que Tu as fait agréer Ta Volonté,
à qui Tu as accordé Ta Satisfaction, que Tu as
réservés pour Ta connaissance, que Tu as qu'Alîfiés
pour Ton adoration, que Tu as fait désirer ce que Tu possèdes,
à qui Tu as inspiré Ton invocation, que Tu as amenés
à être reconnaissants envers Toi et occupés à Ton
culte, que Tu as rendus de bons serviteurs parmi Tes créatures, que Tu
as choisis pour s'adonner aux entretiens intimes (munâjât) avec
Toi. Et fais que nous soyons au nombre de ceux dont les fronts sont
prosternés devant Ta Grandeur, dont les yeux veillent à Ton service,
dont les larmes coulent par Ta crainte, dont les coeurs sont attachés
à Ton amour et les viscères arrachées par peur de Ta
Colère».
Donc ce
début, par ses deux points, constitue la clé du mouvement vers
Allah et le point de départ de l'homme vers la réalisation de son
but suprême, la rencontre d'Allah.
La deuxième
demande découle de la première et constitue l'étape
intermédiaire du mouvement montant vers Allah, étape sans
laquelle l'homme ne saurait se mouvoir vers Lui ni parvenir à Sa
Proximité «dans un séjour de Vérité,
auprès d'un Roi Tout-Puissant».(47)
Le vaisseau qui
transporte l'homme vers ce but que tout véridique, tout Prophète,
tout serviteur pieux et tout martyr désirent ardemment atteindre, est l'amour
et le désir d'Allah et le plaisir de se sentir près de Lui,
amour désir et plaisir sans lesquels le serviteur ne pourra
espérer atteindre à cette place sublime près de Lui. Or
cet amour et ce désir d'Allah et ce sentiment de plaisir que l'homme
éprouve auprès de Lui sont des dons d'Allah: Il les accorde
à ceux qu'Il élit et choisit parmi Ses créatures.
Aussi l'Imam
al-Sajjâd (p) insiste-t-il sur cette demande et implore-t-il Allah par
différents moyens d'expression d'y accéder, notamment en Lui
lançant cet appel pathétique et en s'adressant à Lui par
ce merveilleux vocatif: «Ô Voeu des coeurs des désireux!
Ô Sommet des espoirs des aimants!», pour Le supplier de le
faire L'aimer, de le faire aimer tous ceux qui L'aiment et de le faire aimer
toute action susceptible de le rapprocher de Sa Proximité.
D'autres images du désir et du
plaisir
dans les Do'â' de l'Imam al-Sajjâd (p):
«Mon
Dieu! Je Te demande donc (de nous indiquer) les sentiers qui conduisent
à Toi, de nous faire emprunter le plus court chemin qui mène vers
Toi; écourte pour nous la distance, facilite pour nous l'ardu et le
difficile, fais-nous rejoindre ceux de Tes serviteurs qui accourent promptement
vers Toi, qui frappent continuellement à Ta Porte, qui accomplissent
jours et nuits Ton culte, en tremblant devant Ta Majesté, ceux pour qui
Tu as purifié les sources, comblé les désirs, satisfait
les demandes, assouvi, par Ta Grâce, les besoins, ceux dont Tu as rempli
les coeurs de Ton amour, ceux que Tu as désaltérés de Ta
boisson pure, et qui grâce à Toi ont accédé au
plaisir de Tes munâjat (entretiens intimes), et de Toi ont obtenu
l'accession au sommet de leur buts recherchés.
Ô Toi qui
viens à la rencontre de ceux qui se dirigent vers Toi, et qui reviens
sans cesse vers eux pour leur prodiguer Tes faveurs; Ô Toi qui Te montres
Clément et Compatissant envers ceux qui négligent de T'invoquer,
et qui les attires vers Ta porte avec affection et amabilité! Je Te
demande de me réserver le plus grand lot des faveurs que Tu leur
accordes, la plus haute position auprès de Toi que Tu leur destines, la
plus grande part de Ton amour (que Tu leur montres), et la plus grande partie
de Ta connaissance (que tu leur autorises).
Car c'est sur
Toi seul que s'est concentrée ma pensée, c'est vers Toi seul que
s'est dirigé mon désir, c'est Toi seul, et personne d'autre, que
je veux et c'est pour Toi seul à l'exclusion de tout autre que je veille
et je ne dors pas. Ta rencontre est ma consolation, Ton contact vaut mon
âme. C'est Toi qui me manques, Ton amour est ma passion et mon ardente
affection, Ta satisfaction est tout ce que je recherche, Te voir est mon
besoin, être à Ta proximité est l'objet de ma sollicitude,
et être à Tes côtés est tout ce que je demande.
J'éprouve le repos et l'apaisement dans mes entretiens intimes avec Toi,
et en Toi je trouve le remède de mon malaise, l'apaisement de ma soif
ardente et la délivrance de mon adversité. Sois donc mon
compagnon dans ma solitude, Celui qui me relève lorsque je
trébuche, Celui qui me pardonne lorsque je commets une faute, Celui qui
accepte ma repentance, Celui qui répond à mon appel, Celui qui se
charge de ma protection, et Celui qui supplée à mon indigence. Ne
coupe pas mes liens avec Toi ni ne m'éloigne de Toi, ô mes
délices et mon paradis, ô Toi qui représentes tout pour moi
dans ma vie présente et dans ma Vie future».(48)
Cet auguste extrait
d'entretien intime constitue un morceau d'anthologie dans la littérature
de munâjât et de do'â'. Il brosse un portrait
très expressif de l'adresse des Imams d'Ahl-ul-Bayt au Créateur
et de la profondeur de leurs sentiments d'amour envers Lui. Il est, en tout
cas, superflu de commenter ce munâjât riche en
expressions, en images et en figures, car son éloquence se passe de
commentaire. Nous nous contentons toutefois de passer en revue rapidement
certaines images et idées de l'amour divin qu'il recèle.
Au début,
l'Imam al-Sajjâd demande à Allah de lui tendre la main pour le
conduire vers Lui-Même. Tel est en fait l'essentiel et le plus important
de sa requête.
Remarquons tout
d'abord que dans ce do'â', l'Imam al-Sajjâd ne sollicite aucune
faveur, aucun avantage, aucun bienfait dans ce monde ni dans l'Au-delà,
bien qu'une telle sollicitation soit tout à fait légitime et aimée
d'Allah. Il demande seulement la proximité d'Allah et une place
auprès de Lui à côté des véridiques, des
martyrs et des Prophètes.
Notons ensuite
qu'il dit: «Mon Dieu! Je Te demande donc (de nous indiquer) les
sentiers qui conduisent à Toi» (au pluriel) et non "le
sentier" (au singulier). Pourquoi? On sait que le Chemin (al-Çirât)
conduisant à Sa Majesté est unique, et non multiple, puisque le
saint Coran n'en mentionne qu'un partout où il est question de çirât:
«Guide-nous
dans le droit Chemin, le Chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs,
non pas de ceux qui ont encouru Ta Colère, ni des égarés».(49)
«Allah
guide qui Il veut vers le droit Chemin».(50)
«Et Il
les guide vers le droit Chemin».(51)
«Nous les
avons choisis et guidés vers le droit Chemin».(52)
En revanche, le mot
sentier (sabîl) est mentionné au pluriel de nombreuses
fois, aussi bien lorsqu'il s'agit de bons sentiers que les mauvais sentiers:
«Allah guide
aux chemins du salut ceux qui cherchent son agrément».(53)
«Et ne
suivez pas les sentiers qui vous écartent de Sa voie».(54)
«Et
suivez les sentiers de votre Seigneur, rendus faciles pour vous».(55)
«Et
qu'aurions-nous donc à ne pas placer notre confiance en Allah, alors
qu'Il nous a guidés sur les sentiers».(56)
«Et quant
à ceux qui luttent pour notre cause, Nous les guiderons certes sur Nos
sentiers. Allah est en vérité avec les bienfaisants».(57)
En effets, Allah a
laissé aux gens la possibilité d'emprunter une multitude de
moyens, voies ou sentiers pour parvenir à Lui. Selon une opinion admise
par les uléma: les voies menant à Allah sont aussi nombreuses que
les souffles des créatures.
Certes toutes ces
voies courent (se trouvent) sur le Chemin droit d'Allah, mais le
Créateur a permis à chaque serviteur de Le connaître et de
se diriger vers Lui par un moyen différent. Ainsi, il y a des gens qui
s'orientent vers Allah par la Science et l'intellect ('aql), d'autres
par le coeur et le for intérieur, d'autres encore en commerçant
et en traitant directement avec Lui. Ceci dit, il est indéniable que le
meilleur moyen de connaître Allah est l'échange ou le
"commerce" direct avec Lui. En effet Allah dit:
«Ô
vous les croyants! Vous indiquerai-Je un marché qui vous sauvera d'un
châtiment douloureux?»(58)
Et
«Il en
est un, parmi les gens, qui s'est vendu lui-même pour plaire à
Allah. Allah est bon envers Ses serviteurs».(59)
Donc lorsque l'Imam
al-Sajjâd demande à Allah de l'amener vers les voies, et non une
voie, qui conduisent à Lui, il cherche à s'assurer qu'il
parviendra à la bonne porte, car plus les moyens qui conduisent à
Allah sont nombreux, plus on a la chance d'arriver à Sa proximité
et à Ses côtés.
Puis l'Imam
al-Sajjâd implore le Miséricordieux de le faire se joindre
à Ses serviteurs pieux qui étaient prompts et les premiers
à Lui obéir, qui passaient le jour et la nuit à accomplir
le culte, qui ont traversé la voie avec détermination et
sincérité et qui sont tombés en martyrs, chemin faisant.
Car il sait que
parvenir à cette haute position sublime auprès du
Très-Haut requiert le déploiement de grands efforts et la
traversée d'une longue route difficile. Aussi supplie-t-il Allah de lui
raccourcir la distance et de lui aplanir les difficultés de ce long périple
en le joignant aux serviteurs pieux (lui, qui est pourtant, l'Imam et le guide
des serviteurs pieux) qui l'y ont précédé, sachant que la
compagnie de serviteurs dévoués sur une route difficile est
à même de renforcer la détermination des membres de la
caravane de poursuivre ce voyage éprouvant:
«Fais-nous
emprunter le plus court chemin qui mène vers Toi; écourte pour
nous la distance, facilite pour nous l'ardu et le difficile, fais-nous
rejoindre ceux de Tes serviteurs qui accourent promptement vers Toi, qui
frappent continuellement à Ta Porte, et qui accomplissent jours et nuits
Ton culte».
Les importations et les exportations
du coeur
La manière
dont l'Imam al-Sajjâd décrit ces serviteurs pieux auxquels il
demande à Allah de le joindre mérite réflexion et
méditation: «ceux pour qui Tu as purifié les sources,
comblé les désirs(...), ceux dont Tu as rempli les coeurs de Ton
amour, ceux que Tu as désaltérés de Ta boisson pure etc.».
Notons que cette
boisson limpide et pure dont Allah les désaltère dans la vie
d'ici-bas est la boisson de "l'amour", de "la certitude",
de "la sincérité", du "savoir"... et le
récipient qui la renferme est le coeur.
Certes, Allah a
favorisé l'homme de nombreux récipients pour le savoir, la
certitude et l'amour, mais le coeur est de loin le meilleur d'entre eux. Ainsi,
si Allah purifie pour Son serviteur la boisson de son coeur, et le
désaltère d'une boisson limpide et pure, ses actes, ses paroles
et sa production seront aussi pures et limpides.
Car il y a entre
les importations et les exportations du coeur une ressemblance et une
correspondance certaines: si les premières sont pures, les secondes le
seront aussi; c'est dire que l'action, la parole, les opinions, la morale et la
production du serviteur seront purs aussi. En revanche, si ses importations sont
impures, troubles et empreinte des inspirations sataniques, ses exportations
seront à n'en pas douter aussi impures et ne produiront que mensonges,
hypocrisie, avarice et rejet d'Allah et de Son Prophète (P).
En effet le
Messager d'Allah (P) dit: «Il y a dans le coeur deux troupes: une troupe
émanant du Roi, elle est l'augure du bien et l'approbation de la
Vérité, et une troupe émanant de l'ennemi, elle est
l'annonce du mal et le démenti de la Vérité. Quiconque
constate la présence de la première, qu'il sache qu'elle provient
d'Allah, et quiconque constate la présence de la seconde, qu'il invoque
la protection d'Allah contre le Satan». Et le Prophète (P) de
réciter ce verset coranique: «Le Diable vous fait craindre
l'indigence et vous commande des actions honteuses; tandis Qu'Allah vous promet
pardon et faveur venant de Lui». (Sourate al-Baqarah, 2: 268)(60)
Ne voit-on pas
comment les abeilles produisent un miel doux et pur, appétissant et
médicinal, lorsqu'elles se nourrissent du nectar des fleurs, alors que
leur miel ne sera pas pur, lorsqu'elles se nourrissent des sources impures.
Allah dit de Ses
Prophètes Ibrâhîm, Ishâq et Ya'qûb (p):
«Mentionne
Abrâhâm, Isaac et Jacob, Nos serviteurs doués de force et de
clairvoyance. Nous les avons purifiés tout spécialement en leur
rappelant la demeure éternelle. Ils se trouvent auprès de Nous,
parmi les meilleurs élus».(61)
Ce don (la force et
la clairvoyance) dont Allah a favorisé ces grands Prophètes est
justement le produit de cette boisson pure qu'Allah leur avait accordée:
«Nous les avons purifiés tout spécialement en leur
rappelant la demeure éternelle».
Car si Allah ne les
avait pas purifiés tout spécialement par le rappel de la demeure
éternelle, ils n'auraient eu ni force ni clairvoyance.
Moralité:
pour que l'action de l'homme soit pure, il est nécessaire que sa boisson
le soit aussi, car le coeur ne produit que ce qu'il reçoit.
Le fondement du libre choix
Nous avons
expliqué la vérité de l'existence de corrélation et
de correspondance entre les importations et les exportations du coeur. Mais
cette vérité n'est pas forcément la négation du
fondement du libre arbitre qui constitue la base ou le fondement de beaucoup de
concepts et d'idées coraniques. En d'autres termes, cette
vérité ne signifie pas que le coeur soit un récipient vide
qui reçoit et produit passivement tout le bien et le mal qui y est
versé. Loin de là, le coeur est un récipient conscient qui
sait ce qu'il reçoit et distingue la Vérité d'avec le
Faux, le Bien d'avec le Mal. On a là un autre fondement (la conscience
du coeur) de la pensée islamique. Et c'est de ce fondement et de ce
libre arbitre que dépendent beaucoup de questions, de fondements et
conceptions islamiques.
Beaucoup de textes
islamiques soulignent le rôle conscient du coeur dans la vie de l'homme
et sa capacité à distinguer le Vrai du Faux.
Ainsi, on rapporte
que le Prophète Dâwûd (p) s'est adressé à son
Seigneur, lors d'un entretien intime, par les propos suivants: «Ô
mon Dieu! Tout Roi possède un trésor. Où sont donc les
Tiens?» Allah - Il est sublime - lui a répondu:
«J'ai ce qui
est plus grand que le Trône, plus large que le Siège (kursî),
plus doux que le Paradis, plus paré que le malakût. Son sol est le
savoir, son ciel est la Foi, son soleil est le désir, sa lune est
l'amour, ses étoiles sont les idées, son nuage est la Raison, sa
pluie est la Miséricorde, ses arbres sont l'obéissance, ses
fruits sont la sagesse. Il a quatre piliers: la confiance, la réflexion,
le plaisir et le rappel, et quatre portes: la science, la sagesse, la patience,
et la satisfaction. C'est le coeur».
Comme on peut le
constater, le texte dans ses deux composants (la question et la réponse)
emploie un langage de symboles, dont l'utilisation est courante dans les textes
islamiques.
On rapporte
également qu'Allah dit au Prophète Mûsâ (p):
«Ô
Mûsâ! Dépouille ton coeur pour Moi, car J'ai fait de ton
coeur le domaine de Mon amour, J'y ai étalé une terre de Ma
connaissance, construit un soleil de Mon désir, fait briller une lune de
Mon affection, mis une source de réflexion, fait tourner un vent de Ma
réussite, fait tomber une pluie de Ma faveur, planté une plante
de Ma Véracité, fait pousser des arbres de Mon obéissance
et J'y ai érigé des montagnes de Ma certitude ...».
Comme le
précédent, ce texte utilise aussi un langage symbolique, et tous
les deux dénotent et mettent en évidence le rôle conscient
du coeur et sa capacité à distinguer la Vérité du
Faux et la Guidance de la Perdition.
Retour aux munâjât
Dans une autre
séquence du munâjât que nous avons
présenté, l'Imam attire notre attention sur un autre aspect de
l'immense Bonté divine: Allah vient vers celui qui vient vers Lui et le
protège par Sa Grâce; Il est Compatissant et Clément envers
celui qui L'oublie et Il efface cet oubli en l'attirant vers Lui par
l'affection qu'il Lui montre:
«Ô
Toi qui viens à la rencontre de ceux qui se dirigent vers Toi, et qui
reviens sans cesse vers eux pour leur prodiguer Tes faveurs; Ô Toi qui Te
montres Clément et Compatissant envers ceux qui négligent de
T'invoquer, et qui les attires vers Ta porte avec affection et
amabilité!»
Puis l'Imam
al-Sajjâd (p) formule à l'adresse du Miséricordieux une
demande qui nous laisse interrogateurs: il implore Allah de lui réserver
la plus grande part de Sa Miséricorde qu'Il accorde aux serviteurs pieux
et dévoués, la plus haute position auprès de Lui qu'Il
leur destine etc.:
«Je Te
demande de me réserver le plus grand lot des faveurs que Tu leur
accordes, la plus haute position auprès de Toi que Tu leur destines, la
plus grande part de Ton amour (que Tu leur montres), et la plus grande partie
de Ta connaissance (que tu leur autorises)».
Au début,
l'Imam demandait à Allah de le joindre à la caravane des serviteurs
pieux, mais le voilà maintenant qui rehausse d'un cran sa requête
et souhaite que le Seigneur lui réserve auprès de Lui la plus
haute position qu'Il leur impartit. Comment concilier entre les deux demandes?
Que s'est-il passé à l'intérieur de l'Imam, dans son coeur
et son esprit, au cours du même do'â', pour qu'une telle gradation
et un tel saut se produisent dans sa demande?
La réponse
à cette interrogation requiert l'explication de l'un des secrets de la
Prière de demande (do'â').
En effet Allah nous
a appris à ne pas être parcimonieux dans nos requêtes et de
ne pas être avares dans nos sollicitations, ayant affaire au Maître
généreux. Que c'est vilain que de se montrer avare dans la
demande lorsque l'Être sollicité est la
Générosité même et que les trésors de Sa
Miséricorde sont inépuisables, illimités! Et d'autant plus
que la profusion de Ses dons ne fait qu'augmenter Sa
Générosité et Sa Largesse!
Par ailleurs, on
comprend mieux la demande de l'Imam al-Sajjâd (p) d'être
privilégié dans la position qu'Allah réserve à Ses
serviteurs dévoués, lorsqu'on sait qu'Allah nous a
enseigné comme règle de politesse de Lui demander de nous placer
au devant des croyants pieux: «Et fais de nous un guide (imam, celui
qui se met devant) pour les pieux». (Sourate al-Forqân, 25:
74)
En outre, on trouve
dans de nombreux do'â' des Imams d'Ahl-ul-Bayt (p) cette formule
adressée au Seigneur:
Le do'â' et son sommet
Beaucoup de
prières de demande ont un fond et un sommet. Le fond représente
la position du serviteur avec tous les méfaits et les
péchés qu'il a commis, alors que le sommet incarne
légitimement ses espoirs et ses ambitions en Allah dont la Largesse, la
Générosité et les trésors de sa Miséricorde
sont illimités et inépuisables. L'Imam Zayn
al-'Âbidîn al-Sajjâd (p) nous fait sentir cette distance
psychologique entre le sommet et le fond dans Do'â' al-Sahar
précité: «Ô Maître, lorsque je vois mes
péchés, je suis terrifié, et lorsque je vois Ta Noblesse,
je la convoite». Et, «Ô Mon Seigneur! Mon espoir est
grand et mon action est mauvaise; accorde-moi donc de Ton Pardon ce qui
correspond à mon espoir, et ne me tiens pas rigueur de ma mauvaise
action».
Dans le do'â'
Kumayl, l'Imam 'Alî (p) commence par le fond et implore:
«Ô
Mon Dieu! je ne vois personne d'autre que Toi pardonner mes
péchés, dissimuler mes vilenies et transformer ma mauvaise action
en bon acte. Point de divinité, si ce n'est Toi! Gloire et Louange
à Toi! Je me suis rendu injuste envers moi-même et j'ai osé
(transgresser Ta Loi) par mon ignorance; et j'ai fait appel au souvenir que Tu
avais de moi et à la faveur que Tu m'avais toujours accordée
(pour mon pardon). Ô Mon Dieu! Ô Mon Maître! Combien de mes
actes détestables Tu as couverts, et combien de calamités Tu m'as
épargnées! et combien de trébuchements Tu m'as
évités, et combien de malheurs Tu as éloignés de
moi, et combien de belles louanges (à mon égard) Tu as
propagées! Ô Mon Dieu! mon malheur s'est aggravé, mon
état a empiré, mes bonnes actions se sont réduites, mes
chaînes m'ont entravé, mes espérances
démesurées m'empêchent de me rendre utile, ce bas-monde m'a
trompé par sa vanité, et mon âme, par sa trahison et mes
atermoiements. C'est pourquoi, je Te demande, ô Mon Maître, par Ta
Gloire, de faire en sorte que mes mauvaises actions et mes péchés
n'empêchent pas mon invocation de parvenir à Toi, et de ne pas
dévoiler ce que Tu connais de mes secrets».
Ce fond est le
niveau le plus bas de la servitude avec tout ce qu'elle comporte de mal et de
négatif. Puis il remonte pour atteindre le sommet de l'ambition qui
incarne le grand espoir du serviteur dans la large Miséricorde d'Allah:
«Donne-moi
la possibilité de Te craindre révérenciellement, et
d'être à Ta disposition continuellement, afin que je sois parmi ceux
qui rivalisent dans leur course vers Toi, et le plus rapide de ceux qui
accourent pour s'approcher de Toi, et que je Te craigne comme tous les croyants
convaincus, et afin que je rejoigne auprès de Toi, les gens pieux.
Ô Mon Dieu, si quelqu'un me voulait du mal, rends-le-lu, fais de moi le
meilleur de Tes serviteurs, le plus proche de Toi et Ton fidèle le plus
dévoué. Car une telle faveur, on ne peut l'obtenir que par Ta
Grâce».
Ce voyage du
"fond" au "sommet" exprime le mouvement de l'homme vers
Allah. C'est le voyage de l'espoir, de l'espérance et de l'ambition. Et
lorsque l'homme place son espoir et son ambition en Allah, son voyage n'a pas
de fin, ni de limite.
Dans ce voyage,
l'Imam 'Alî al-Sajjâd (p) prie Allah par trois moyens,
conformément à la volonté d'Allah qui nous commande de Lui
demander les moyens d'aller à Lui:
«Ô
vous qui croyez! Craignez Allah et recherchez les moyens de vous rapprocher de
Lui! Combattez pour Sa Cause! Peut-être serez-vous heureux».(62)
«Ceux-là
mêmes qu'ils invoquent, recherchent le moyen de se rapprocher de leur
Seigneur».(63)
Les moyens que
l'Imam demande à Allah dans ce voyage sont: le besoin, la demande et
l'amour. Quelle pertinence! Ce maître incontesté du Do'â'
sait parfaitement ce qu'il demande à Allah, comment demander et
où sont les points d'accès à la Miséricorde du
Miséricordieux!
Le premier moyen: le besoin
Le besoin
lui-même est une émanation de la Miséricorde d'Allah, car
le Créateur couvre de Sa Miséricorde les besoins de toutes Ses
créatures, y compris les animaux et les plantes, et ce sans qu'elles le
Lui demandent. Évidemment cela ne signifie nullement l'inutilité
de la demande et de la sollicitation, lesquelles constituent en fait, à
côté du besoin, un autre aspect de la Miséricorde d'Allah.
Ainsi, si elles ont soif, Il les désaltère, lorsqu'elles ont
faim, Il les nourrit, et lorsqu'elles sont dénudées, Il les revêt:
«C'est Lui qui me nourrit et qui me donne à boire; c'est Lui
qui me guérit , lorsque je suis malade» (64),
et ce lors même qu'ils ne connaissent pas Allah parfaitement, ne savent
pas comment L'implorer, ni quoi Lui demander: «Ô Toi qui, par
tendresse et compassion, donne aussi bien à celui qui Te demande,
qu'à celui qui ne Te demande pas, ainsi qu'à celui qui ne Te
connaît pas».(65)
Dans un merveilleux
munâjât, l'Imam 'Alî (p) énumère les
innombrables motifs de la sollicitation par les serviteurs de la Miséricorde
d'Allah:
«Mon
Seigneur! Ô mon Maître! Tu es le Maître et je suis l'esclave!
Qui d'autre que le Maître fait miséricorde à l'esclave!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Puissant et je suis
l'humilié! Qui donc d'autre que le Puissant fait miséricorde
à l'humilié!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Créateur et je suis la
créature! Qui donc d'autre que le Créateur fait
miséricorde à la créature!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es l'Immense et je suis le mesquin!
Qui donc d'autre que l'Immense fait miséricorde au mesquin!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Fort et je suis le faible! Qui
donc d'autre que le Fort fait miséricorde au faible!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Riche et je suis le pauvre!
Qui donc d'autre que le Riche fait miséricorde au pauvre!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Donateur et je suis le
quémandeur! Qui donc d'autre que le Donateur fait miséricorde au
quémandeur!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Vivant et je suis le mortel!
Qui donc d'autre que le Vivant fait miséricorde au mortel!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es l'Éternel et je suis le
passager! Qui donc d'autre que l'Éternel fait miséricorde au
passager!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Permanent et je suis
l'éphémère! Qui donc d'autre que le Permanent fait miséricorde
à l'éphémère!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Dispensateur et je suis
l'allocataire! Qui donc d'autre que le Dispensateur fait miséricorde
à l'allocataire!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Généreux et je
suis l'avare! Qui donc d'autre que le Généreux fait
miséricorde à l'avare!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Sain et je suis le malade! Qui
donc d'autre que le Sain fait miséricorde au malade!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Grand et je suis le petit! Qui
donc d'autre que le Grand fait miséricorde au petit!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Guidant et je suis
l'égaré! Qui donc d'autre que le Guidant fait miséricorde
à l'égaré!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Pardonneur et je suis le
pécheur! Qui donc d'autre que le Pardonneur fait miséricorde au
pécheur!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Guide et je suis le perdu! Qui
donc d'autre que le Guide fait miséricorde au perdu!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Vainqueur et je suis le
vaincu! Qui donc d'autre que le Vainqueur fait miséricorde au vaincu!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es le Seigneur et je suis le vassal!
Qui donc d'autre que le Seigneur fait miséricorde au vassal!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Tu es l'Orgueilleux et je suis
l'humble! Qui donc d'autre que l'Orgueilleux fait miséricorde à
l'humble!?
Mon
Maître! Ô mon Maître! Fais-moi miséricorde par Ta
Miséricorde, agrée-moi par Ta Noblesse, pat Ta
Générosité et par Ta Grâce, ô Toi
Détenteur de la Générosité et de la bienfaisance,
des faveurs et des bienfaits».
Dans ces
séquences, l'Imam 'Alî (p) invoque son besoin et son indigence
pour s'attirer la Miséricorde d'Allah, c'est dire qu'il fait de son
indigence et de son besoin le motif, la cause et la justification de la
sollicitation de la Miséricorde divine.
Ainsi, la
créature attire la Miséricorde du Créateur, le faible
attire la Miséricorde du Fort, le malade attire la Compassion du
Bien-portant et ainsi de suite.
Telles sont les
lois d'Allah, lesquelles sont immuables. Là où il y a besoin et
pauvreté, il y a la Miséricorde et la Grâce d'Allah. De
même que l'eau descend obligatoirement vers le terrain bas, de même
la Miséricorde d'Allah descend là où il y a besoin, car
Allah est Généreux et Noble, et le propre du
Généreux est de faire montre de sa
générosité et de sa compassion surtout là où
le besoin se fait sentir.
Dans Do'â'
al-Sahar déjà cité, l'Imam al-Sajjâd dit:
«Ô
Mon Dieu! Donne-moi, car je suis pauvre et aie pitié de moi, car je suis
faible».
Il fait ainsi de sa
pauvreté et de sa faiblesse un moyen ou un motif de sollicitation de la
Miséricorde d'Allah.
Évidemment
ceci ne doit pas être pris dans un sens absolu ou comme le seul moyen ni
le moyen impeccable d'obtenir la Miséricorde d'Allah, car dans les lois
divines, il y a d'autres facteurs qui attirent la Grâce du
Créateur et il y a des obstacles et des voiles qui empêchent la
descente de la Miséricorde du Miséricordieux. Par
conséquent, lorsque nous énonçons que le besoin et la
pauvreté sont un motif de la venue de la Miséricorde d'Allah, il
faut comprendre cet énoncé dans le cadre de ces lois
générales.
On trouve dans le
Noble Coran des exemples de l'invocation de la pauvreté et de la
faiblesse en vue de la sollicitation de la Miséricorde d'Allah et de
l'obtention de la réponse positive à notre appel, étant
donné que le besoin appelle une réponse (satisfaction) de la part
d'Allah, tout comme le do'â' et la sollicitation suscitent Sa
réponse, ou en d'autres termes l'exposition du besoin en soi tient lieu
de Prière de demande (do'â').
Citons quelques-uns
de ces exemples coraniques:
1- Ayyûb(66) (p), l'adorateur pieux et durement
éprouvé, s'est contenté d'exposer son état
pathétique au Seigneur, alors qu'il traversait la phase la plus
pénible de ses épreuves: «Et Job (Ayyûb), quand
il en appela à son Seigneur: "Le mal m'a touché, vraiment!
Cependant, Tu es le plus Miséricordieux des miséricordieux!"
Nous lui répondîmes, alors, et lui déblayâmes le mal
qu'il avait, et lui apportâmes sa propre famille, et une en plus,
semblable, à titre de miséricorde de Notre part, et de rappel aux
adorateurs». (Sourate al-Anbiyâ', 21: 83-84).
Ainsi, comme on
peut le constater, les propos que le Coran prête à Ayyûb ne
comportent pas de prière de demande; cependant, Allah nous dit: «Nous
lui répondîmes, alors, et lui déblayâmes le mal qu'il
avait», comme si l'exposition du besoin et du manque
équivalait au do'â'.
2- Thu-l-Nûn
(p)(67), un autre adorateur
dévoué expose son besoin et son malheur à Allah, alors
qu'il se trouvait dans les ténèbres du ventre d'une baleine:
«Et Thû-l-Nûn (Jonas) quand il partit, irrité. Il
pensa que Nous n'allions pas l'éprouver. Puis, il fit, dans les
ténèbres, l'appel que voici:"Pas de divinité,
à part Toi! Gloire à Toi! J'ai été vraiment du nombre
des injustes". Nous l'exauçâmes et le sauvâmes de son
angoisse. Et c'est ainsi que Nous sauvons les croyants». (Sourate
al-Anbiyâ', 21: 87-88).
Là encore
l'exaucement n'est pas une suite donnée à une demande, mais
à un besoin et une angoisse exprimés, car Thû-l-Nûn
n'avait présenté aucune requête, se bornant à dire
à l'adresse d'Allah: «Gloire à Toi! J'ai
été vraiment du nombre des injustes», lorsqu'Allah
l'exauça et le délivra de ses soucis: «Nous
l'exauçâmes et le sauvâmes de son angoisse».
3- Un autre exemple
est l'histoire du Prophète Mûsâ (p) et de son frère
Hârûn lorsqu'Allah leur demanda de porter Son message à
Pharaon: «Allez chez Pharaon, il est rebelle; adressez-lui des
paroles courtoises; peut-être réfléchira-t-il, ou
éprouvera-t-il de la crainte? Tous deux dirent: "Notre Seigneur!
Nous craignons qu'il ne l'emporte sur nous ou qu'il ne se montre
rebelle».(68)
Les deux
frères n'ont pas demandé à Allah de les protéger
contre Pharaon et sa clique, ni de leur assurer la sécurité dont
ils ont besoin. Ils se sont contentés d'évoquer leur faiblesse et
leur crainte de la puissance et de la terreur de Pharaon: «Notre
Seigneur! Nous craignons qu'il ne l'emporte sur nous ou qu'il ne se
montre rebelle». Pourtant Allah a pourvu à leur besoin de
protection, de soutien et d'appui: «Allah dit: "Ne craignez
rien, oui Je suis avec vous; J'entends et Je vois».(69)
4- Le
Prophète Nûh (Noé) exprima devant Allah son
désir de sauver son fils du déluge: «Noé invoqua
son Seigneur en disant: "Mon Seigneur! Mon fils appartient à ma
famille. Ta promesse est sûrement la Vérité; Tu es le plus
juste des juges».(70)
Notons qu'ici
Noé ne demande pas au Seigneur qu'Il sauve son fils, mais s'est
limité à lui faire part de son besoin de le sauver du naufrage.
Dans l'hagiographie
des Prophètes, on rencontre un exemple où l'exaucement est le
résultat du concours de trois facteurs, ou l'effet de trois causes
conjuguées: 1- le besoin (manque inconscient); 2- la demande ou la
requête (manque conscient); 3- l'effort, le mouvement et l'action. Il
s'agit de l'histoire du nourrisson Ismâ'îl (p) et de sa mère
lorsqu'ils furent amenés par le Prophète Ibrâhîm (p)
dans une vallée aride, sur ordre d'Allah. Une fois sur place,
Ibrâhîm (p) les laissa là et les confia à la
protection d'Allah en disant: «Ô Seigneur, j'ai établi
une partie de ma descendance dans une vallée sans agriculture,
près de Ta Maison sacrée (la Ka'bah), - ô notre Seigneur -
afin qu'ils accomplissent la Çalât».(71)
Lorsque l'eau
laissée par Ibrâhîm (p) fut épuisée, le
nourrisson Ismâ'îl, assoiffé, se mit à crier,
à agiter les pieds et les mains, tandis que sa mère Hâger
s'efforçait de chercher de l'eau en faisant le va-et-vient entre les
monticules, Çafâ et Marwah, montant alternativement sur l'une et
sur l'autre pour jeter un regard scrutateur sur le désert dans l'espoir
de découvrir une source (c'est ce qu'on appelle, le sa'y =
effort, une autre cause ou motif de la descente de la Miséricorde), tout
en implorant Allah de lui trouver cette denrée rare qu'est l'eau dans
cet endroit isolé et désertique (et c'est là la demande ou
la prière de demande (le manque conscient). Après quoi, Allah
répondit au besoin et au manque du nourrisson, aux efforts et au
mouvement de la mère, à sa demande et sa prière, en
faisant jaillir de la terre, aux pieds de l'enfant une source abondante
(à l'endroit dit ZamZam aujourd'hui). En voyant le miracle, la
mère descendit du monticule précipitamment pour abreuver son
nourrisson et se mit à amasser de la terre pour la disposer en remblai
autour de la source dans le but d'empêcher l'eau de se dissiper, tout en
répétant le mot zam zam.
Cette scène
que les pèlerins rejouent chaque année en commémoration de
cet événement historique hautement symbolique constitue l'une des
plus belles scènes de la relation du serviteur avec le Créateur,
relation fondée sur trois points de départ:
1- Le besoin et le
manque
2- L'effort et le
mouvement
3- La prière
de demande (do'â') et la sollicitation ou la requête.
Le
deuxième moyen: la prière de demande et la sollicitation
Revenons aux moyens
que l'Imam al-Sajjâd présente pour s'attirer la Miséricorde
d'Allah pour rappeler que le premier de ces moyens est "son besoin et son
manque", le second en est "le do'â'", lequel constitue
l'une des principales clés de la Miséricorde". En effet
Allah dit: «Appelez-Moi, Je vous répondrai».
(Sourate Ghâfir, 40: 60) et: «Mon Seigneur ne se souciera pas
de vous sans votre do'â'». (Sourate al-Furqân, 25: 77).
Le troisième moyen: l'amour
Le serviteur attire
la Miséricorde d'Allah par l'amour plus que par n'importe quel autre
moyen.
Maintenant
examinons les détails de ces trois moyens dans les munâjât
de l'Imam al-Sajjâd (p):
1- «Ton
agrément est mon désir, Te voir est mon besoin, Tu
possèdes le remède de ma maladie, l'apaisement de ma passion, le
soulagement de ma souffrance, la dissipation de mon affliction».
Ce sont là
les composants du moyen de "besoin-manque".
2- «Ton
voisinage est l'objet de ma sollicitation, Ta proximité est le but de ma
demande. Sois donc mon compagnon dans ma solitude, le conjurateur de mon
trébuchement, le pardonneur de mon faux pas, l'acceptant de mon
repentir, l'exauçant de ma prière, le tuteur de ma protection, le
pourvoyeur de mon besoin».
Le moyen ici est
"le do'â'".
3- «C'est
Toi, à l'exclusion de tout autre, que je veux, et c'est pour Toi,
à l'exclusion de tout autre, ma veille et mon insomnie! Ta rencontre est
la prunelle de mes yeux, Ton lien avec moi est mon âme! Mon désir
c'est Toi, ma passion c'est Ton amour».
Et là, c'est
le moyen de "l'amour".
Méditons
à présent sur cette séquence des paroles d'al-Sajjâd
(p), qui constitue un vrai et un merveilleux chef-d'oeuvre du genre, car le
do'â', tout comme l'art et la littérature possède des
chefs-d'oeuvre:
«Ma
pensée s'est coupée de tout pour se concentrer sur Toi et mon
désir s'est éloigné de tout pour se diriger vers Toi, car
c'est Toi à l'exclusion de tout autre que je veux, et c'est pour Toi,
à l'exclusion de tout autre, ma veille et mon insomnie, Ta rencontre est
la prunelle de mes yeux etc.».
Ici nous avons
traduit littéralement cette séquence de munâjât
dont nous avions présenté un long passage dans la première
partie de notre livre, pour mieux faire ressortir des nuances très
significatives dans les expressions employées par l'Imam. Car
al-Sajjâd (p) ne dit pas «ma pensée s'est concentrée
sur Toi» - puisque la concentration de la pensée sur Allah
n'exclut pas la possibilité de la concentration sur un autre, quand bien
même le serviteur concentre sincèrement sa pensée sur le
Miséricordieux -, mais «ma pensée s'est coupée
de tout pour se concentrer sur Toi». Il y a donc dans la relation de
l'Imam avec Allah une coupure avec tout ce qui n'est pas Allah, et une
concentration exclusive sur Lui. Et dans tout amour sincère il y a
"séparation" et "attachement": séparation ou
rupture avec tout sauf Allah, est un attachement à Allah, à tout
ce qu'Il aime et à tout ce qu'Il ordonne, en un mot, une rupture avec
les créatures en vue d'un attachement exclusif au Créateur.
Il en va de
même pour la seconde phrase: «mon désir s'est
éloigné de tout pour se diriger vers Toi». La relation
avec Allah comporte ici également, un "éloignement" de
tout ce qui n'est pas Lui, le mouvement exclusif vers Allah, vers tout ce qu'Il
aime et vers tout ce qu'Il ordonne.
Puis la
troisième phrase vient confirmer d'une façon on ne peut plus
éloquente cette vérité de l'amour sincère
comportant deux volets, un attachement exclusif à Allah et une rupture
totale avec tout ce qui n'est Lui: «car c'est Toi, à
l'exclusion de tout autre, que je veux, et c'est pour Toi, à l'exclusion
de tout autre, ma veille et mon insomnie».
"Veille"
et "insomnie" sont deux contraires du sommeil, mais le premier,
"la veille", consiste à veiller dans un état de
"plaisir", alors que le second, "l'insomnie" exprime un
état dans lequel quelqu'un est privé du sommeil à cause
des soucis et des préoccupations, en l'occurrence la nostalgie et le
désir d'Allah. Ils représentent donc deux des états de
l'amour d'Allah: "le désir et le plaisir", le plaisir du
souvenir d'Allah et de Sa présence auprès du serviteur, lorsque
celui-ci se plonge dans les prières, le do'â' et les invocations,
d'une part, et le désir de Le rencontrer, d'autre part. L'aimant ou
l'amoureux éprouve les deux états (le plaisir et le désir)
lorsqu'il s'élève et se présente, recueilli, devant le
Créateur, et tous les deux lui ôtent le sommeil et lui causent
l'insomnie, pendant que les gens dorment profondément et se reposent
tranquillement, totalement inconscients.
Le sommeil est
évidemment un besoin que tout le monde satisfait, aussi bien les bons
serviteurs que les méchants. Même les Prophètes et les
véridiques dorment. Mais il y a une grande différence entre
quelqu'un ne dort que le temps nécessaire pour satisfaire son strict
besoin de sommeil, tout comme il ne mange et ne boit que le strict
nécessaire pour le besoin de son organisme, et un autre qui se livre
totalement au sommeil et se laisse sous son emprise.
Les serviteurs
dévoués d'Allah ne se rendent pas au sommeil. Ils ne dorment que
le laps de temps nécessaire pour leur organisme. Le Prophète (P)
par exemple ne dormait que très peu et se réveillait après
chaque petit somme pour s'adonner aux prières et aux invocations. Il
ordonnait que l'on déposât près de sa tête de l'eau
pour faire le wudhû' (ablution) lorsqu'il se réveillait
après chaque court sommeil. Lorsqu'on lui étalait un lit doux et
confortable, il ordonnait que l'on l'enlève, de crainte que le confort
ne suscite en lui l'envie de se laisser dominer par le sommeil. Il
préférait dormir sur une natte rude qui l'empêche de se livrer
à un sommeil profond.
En fait Allah a
accordé une place particulière à la nuit, aux invocations
et aux munâjât nocturnes, place différente de celle
attachée aux actes d'adoration diurnes. De même que le jour a ses
hommes, la nuit a ses hommes aussi: ils se lèvent lorsque les gens
dorment, et s'activent et se dirigent vers Allah, lorsque les autres se
relaxent et s'allongent sur leurs lits douillets, avant de plonger dans un
sommeil de plomb.
La nuit a son monde
comme le jour a le sien. Le monde nocturne a ses trésors comme le monde
diurne a les siens. Mais si tout le monde connaît le monde diurne, ses
hommes et ses trésors, peu de gens connaissent la valeur du monde
nocturne, de ses hommes et de ses trésors.
Lorsque l'homme
exploite aussi bien les ressources de la nuit que celles du jour, il devient
mûr, sain et équilibré. Ainsi le Noble Prophète
était à la fois un homme de nuit et l'homme de jour. Il puisait
dans celle-là et celui-ci d'une façon équilibrée.
De la nuit il épuisait les ressources de l'amour, du dévouement
et de l'invocation (d'Allah), et du jour il s''Alîmentait des sources de
la force, du pouvoir et des finances, afin mener à bien l'Appel à
l'Islam et l'asseoir sur une base solide. La veille et les prières de la
nuit l'aidaient à supporter la lourde charge du Message. Allah,
s'adressant au Prophète (P) dit à ce sujet:
«Ô
toi qui es enveloppé de vêtements! Lève-toi pour prier la
nuit, excepté une petite partie; sa moitié ou un peu moins; ou un
peu plus. Et récite le Coran, lentement et clairement. Nous allons te
révéler des paroles très importantes. La prière
pendant la nuit est plus efficace et plus propice pour la récitation. Tu
as, dans la journée, à vaquer à de longues occupations».(72)
Dans un hadith qudsî
(divin) révélé à l'un des véridiques (çiddîqîn),
à propos des prières pendant la nuit Allah dit:
«J'ai des
serviteurs qui M'aiment et que J'aime, qui Me désirent et que Je
désire, qui M'invoquent et dont Je me souviens, qui Me regardent et que
Je regarde. Si tu suis leur voie, ils t'aimeront, et si tu te détournes
d'eux, ils te détesteront».
- À quoi
peut-on les reconnaître?, demanda le véridique. Allah dit:
«Ils
surveillent les ombres pendant le jour comme le berger surveille ses moutons,
et ils désirent (recherchent) le coucher du soleil, comme l'oiseau
désire son nid au crépuscule. Lorsque la nuit tombe, que
l'obscurité se répand, que les tapis sont étalés et
les lits faits, et que chaque bien-aimé se retire auprès de son
bien-aimé, ils dressent leurs pieds pour Moi, dirigent leurs faces vers
Moi, monologuent avec Moi en récitant Ma Parole (...), les uns en
pleurant, d'autres en criant, d'autres en soupirant, d'autres en poussant des
complaintes; les uns en position assise, d'autres en position debout, d'autres
en état d'agenouillement, d'autres prosternés. Je vois ce qu'ils
endurent pour Moi et J'entends ce dont ils se plaignent. Mon premier don pour
eux consiste en trois choses:
1- Je projette
des rayons de Ma Lumière dans leurs coeurs, et de ce fait, ils sauront
de Moi, ce que Je sais d'eux;
2- Si les cieux
et la terre étaient mis dans leurs balances, Je les trouverai
insuffisants pour eux;
3- Je dirige Ma
Face vers eux. Et, crois-tu que quelqu'un soit capable de savoir ce que Je vais
donner à celui vers lequel Je dirige Ma Face?»
On rapporte de
l'Imam al-Bâqer (p) qu'Allah avait révélé au
Prophète Mûsâ Ibn 'Imrân (p):
«Aura
menti quiconque dit qu'il M'aime tout en Me délaissant pour dormir
à la tombée de la nuit. Ô Ibn 'Imrân! Si tu voyais ceux
qui veillent pendant l'obscurité alors que Mon souffle se
représente devant leurs yeux. Ils s'adressent à Moi, alors que Je
suis hors de la vue, et ils Me parlent, alors que Je suis au-dessus de la
présence! Ô Ibn 'Imrân! Verse pour Moi tes larmes et montre-Moi
le recueillement de ton coeur, puis prie-Moi pendant l'obscurité de la
nuit, tu Me trouveras tout près de toi, répondant (à ton
appel ou ta prière)!».
Dans son
prône à propos des pieux, l'Imam 'Alî (p) décrit
l'état de ces serviteurs dévoués lorsque la nuit tombe et
qu'ils se présentent devant Allah en Lui adressant leurs monologues:
«La nuit,
ils mettent en rang leurs pieds pour réciter le Coran lentement et
clairement. Ils s'en servent pour se réconforter et rendre efficace le
remède de leurs maux. Lorsqu'ils rencontrent un verset qui comporte un
intéressement, ils s'y fient par espérance, y aspirent avec
désir, et croient que cela est à la portée de leur vue. En
revanche, lorsqu'ils passent par un verset qui inspire la crainte, ils
l'écoutent avec l'ouïe de leurs coeurs, et ont l'impression que
l'inspiration et l'expiration de l'enfer frappent le fond de leurs oreilles.
Aussi courbent-ils leurs bustes, et posent-ils leurs fronts, les paumes de
leurs mains, leurs genoux et les bouts de leurs pieds sur le sol en demandant
à Allah de leur accorder le salut. Tandis que le jour, ils sont
indulgents, savants, purs et pieux. Ils sont démaigris par la crainte
révérencielle, comme les flèches. Lorsqu'on les voit, on dirait
qu'ils sont malades; mais constatant qu'ils ne le sont pas, on se dit: ils sont
obsédés (par la crainte d'Allah)».(73)
D'autres figures du désir
d'Allah dans les Munâjât de l'Imam al-Sajjâd (p)
«Ô
mon Dieu! Fais que je sois au nombre de ceux dont les arbres de Ton
désir se sont enracinés dans les jardins de leurs poitrines, dont
le chagrin de Ton amour a envahi leurs coeurs, ceux qui se réfugient
dans les gîtes de la pensée, qui se nourrissent à
satiété dans les jardins de la Proximité et du
dévoilement, qui s'abreuvent dans les bassins de l'amour avec des coupes
de plaisir (...) ceux devant les yeux intérieurs desquels le voile a
été enlevé, ceux dont les croyances et les consciences se
sont débarrassés de l'obscurité du doute, (...) ceux des
coeurs et des fors intérieurs desquels le tourment de l'incertitude a
disparu, ceux dont les poitrines se sont élargies par l'accession
à la connaissance (...) ceux qui se sont rassurés de leur retour
vers le Seigneur, ceux dont les âmes se sont assuré l'obtention de
la victoire et du succès, ceux qui ont trouvé la consolation en
regardant leur Bien-Aimé (...) ceux qui ont réalisé un
commerce rentable en troquant la vie d'ici-bas contre la Vie
éternelle...
Ô mon
Dieu! Quels délices pour les coeurs que Tu inspires! Que c'est beau que
d'avoir l'illusion de marcher vers Toi sur les sentiers du mystère! Que
c'est délicieux la saveur de Ton amour! Que c'est agréable le
boire de Ta proximité! Épargne-nous donc l'expulsion et
l'éloignement de Ton voisinage! Place-nous parmi les plus intimes de
ceux qui Te connaissent, les plus pieux de Tes serviteurs, les plus
sincères de ceux qui T'obéissent, et les plus
dévoués de ceux qui T'adorent!».
Il n'est pas
question ici de nous écarter de notre sujet pour commenter ce
merveilleux munâjât dont la beauté,
l'éloquence et le style pittoresque se passent de commentaire.
Toutefois, il est important de nous attarder un peu sur la première
séquence du munâjât de l'Imam: «Ô
mon Dieu! Fais que je sois au nombre de ceux dont les arbres de Ton désir
se sont enracinés dans les jardins de leurs poitrines et dont le chagrin
de Ton amour a envahi leurs coeurs!».
L'image qui ressort
de la parole de l'Imam al-Sajjâd (p) présente les poitrines ou les
coeurs des amis d'Allah comme des jardins joyeux et pleins de bons fruits, et
laisse entendre que ces poitrines revêtent différentes formes:
Certaines poitrines
sont des bureaux et des écoles d'apprentissage du savoir. Or, le savoir
est une bonne chose et une lumière, mais à condition que la
poitrine qui le contient demeure un jardin du désir d'Allah.
Certaines autres
poitrines sont des fonds de commerce, des banques et des places
boursières, pleins de chiffres, de statistiques et de bilans. L'argent
et le commerce n'ont rien de répréhensible, bien au contraire,
mais à condition qu'ils ne deviennent la préoccupation
première et le souci principal du coeur.
D'autres poitrines
se présentent comme des terrains salins où poussent les
épines et les coloquintes, les poisons et les haines, la lutte pour le
pouvoir et l'argent, les complots et les intrigues.
D'autres poitrines
encore constituent des terrains de jeux et des lieux de distraction. Rien
d'étonnant, car pour une grande partie des gens, la vie est jeux et
distractions.
Enfin, il y a des
gens dont la poitrine se scinde en deux parties: une partie est occupée
aux venins, aux haines, aux intrigues et aux complots; et l'autre, aux
distractions et aux jeux. Si la première partie venait à leur
causer des soucis et des ennuis qui bradent leur quiétude et troublent
leur stabilité, ils se réfugient dans l'autre partie et recourent
aux distractions pour se soustraire aux tourments de la première partie.
Quant aux poitrines
des amis d'Allah, se sont des jardins de joie et de bons fruits, comme le dit
l'Imam al-Sajjâd (p). Des jardins dans lesquels les arbres du
désir d'Allah sont plantés solidement et dont les racines se sont
enfoncées profondément. Le désir d'Allah n'y est pas un
élément accidentel, passager, susceptible d'être
emporté par le premier vent que l'attrait, les artifices ou le sourire
de la vie d'ici-bas pourrait faire se lever. C'est un désir qui ne
s'émousse pas, et ses feuilles ne se fanent pas lorsque le serviteur qui
l'éprouve venait à sombrer sous une accumulation d'épreuves
et de malheurs, car les arbres d'un tel désir, lorsqu'ils sont bien
enracinés dans la poitrine, demeurent verts et feuillés, et
continuent à porter leurs fruits malgré toutes les
intempéries.
L'état de
désir est un état d'allégement et de vivacité,
contraire à l'état de pesanteur de ceux qui sont attachés
aux artifices de ce bas-monde, comme nous les décrit le Coran:
«Qu'avez-vous?
Lorsqu'on vous dit: "Élancez-vous dans le Chemin de Dieu",
vous vous appesantissez sur la terre. Préférez-vous la vie de ce
monde à la vie future?»(74)
En effet
l'âme se relâche et éprouve des pesanteurs à mesure
qu'elle s'attache et s'accroche à ce monde. Mais lorsque le serviteur se
détache et se libère(75) de la
vie d'ici-bas et de ses chaînes, il se sent soulagé du poids de ce
monde, et dès lors l'amour et le désir d'Allah l'attirent plus
facilement.
Arrêtons ici
notre exposé sur les images de l'amour, du désir et du plaisir
dans les do'â' des Imams d'Ahl-ul-Bayt (p), pour poursuivre les autres
aspects de l'amour divin.
L'unicité de l'amour divin (Les
caractéris-tiques de l'amour)
Lorsque nous
passons en revue les textes du Coran et de la Sunnah sur l'amour divin, nous
remarquons qu'ils fixent trois critères à ce sujet :
1- La primauté de l'amour
divin
Il faut que le
croyant aime Allah plus que tout autre et plus que tout, et que le pouvoir de
cet amour domine tout dans son coeur, car Allah dit:
«Dis:
"Si vos pères, vos fils, vos frères, vos clans, les biens
que vous avez acquis, un négoce dont vous craignez le déclin, des
demeures où vous vous plaisez, vous sont plus chers que Dieu et Son
Messager et la lutte sur le Chemin d'Allah: attendez-vous à ce qu'Allah
vienne avec Son Commandement". Allah ne dirige pas les gens pervers».(76)
Le Coran n'interdit
pas l'amour des parents, des enfants, des frères, des soeurs, des
conjoints, de la tribu etc. tant qu'ils ne sont pas hostiles à Allah et
à Son Prophète. Il n'interdit pas non plus l'amour des biens, du
commerce, des maisons etc. tant qu'ils ne sont pas illégaux,
puisqu'Allah dit:
«On a
enjolivé aux gens l'amour des choses qu'ils désirent: femmes,
enfants, trésors thésaurisés d'or et d'argent, chevaux
marqués, bétail et champs».(77)
Ce qu'il interdit,
c'est que cet amour soit plus fort que l'amour d'Allah, de Son Prophète
et du combat sur Son Chemin. Le Coran dit encore:
«Certains
hommes prennent des associés en dehors d'Allah; mais les croyants sont
les plus zélés dans l'amour d'Allah».(78)
Ce troisième
verset complète le premier, pour insister sur le fait que l'amour
d'Allah doit l'emporter sur tout autre amour, puisque dans le premier verset
Allah condamne ceux qui aiment quelqu'un d'autre plus que Lui, et dans le
troisième, Il fustige ceux qui aiment quelqu'un d'autre que Lui autant
que Lui.
Selon l'Imam
al-Sâdiq (p): «On n'aura pas une foi pure et sincère en
Allah, tant qu'on ne L'aura pas aimé plus que soi-même, son
père, sa mère, ses enfants, sa famille, ses biens et tout le
monde».(79)
L'emprise de
l'amour divin sur le coeur du croyant n'est pas une question théorique,
dissociée de l'ensemble des activités de sa vie, de sa conduite
et de ses relations. L'amour divin a ses exigences, ses
nécessités et ses conséquences: s'il en est
dissocié, ce ne serait pas un amour sincère. En d'autres termes,
il ne suffit pas de dire ou de croire que l'amour d'Allah habite dans nos
coeurs; il faut que nos actes le démontrent. Le Coran dit:
«Dis:
"Si vous aimez vraiment Allah, suivez-moi, Allah vous aimera alors...».(80)
Lorsqu'un autre
amour habite le coeur du croyant et que les exigences et les impératifs
de cet amour s'opposent à ceux de l'amour d'Allah, c'est l'amour d'Allah
qui doit l'emporter, avoir le dernier mot et être le plus agissant.
Là seulement, le croyant peut croire à la sincérité
de son amour d'Allah.
Les textes
islamiques abondent en ce sens et insistent sur la nécessité de
la prééminence de l'amour divin dans le coeur du croyant. Ainsi,
le Prophète(P) dit:
«Ô
mon Dieu! Je sollicite auprès de Toi Ton amour et l'amour de ceux qui
T'aiment, et le moyen (l'action) qui me guide vers Ton amour. Ô mon Dieu!
Fais que Ton amour soit plus aimé de moi que moi-même et ma
famille».(81)
Et:
«Ô
mon Dieu! Fais que je T'aime plus que toute autre chose, et que je Te craigne
plus que toute autre chose! Coupe de moi les besoins de ce monde par le
désir de Ta rencontre! Si Tu as consolé les gens attachés
à ce monde avec ce qu'ils en désirent, console-moi avec Ton
adoration!».(82)
2- Le gouvernement de l'amour d'Allah
Il faut que l'amour
d'Allah gouverne la vie du croyant, ses relations et ses inclinations, de telle
sorte qu'il devienne le gouverneur de son coeur, le moteur et le
régulateur de ses sentiments et de ses sensations: il supprime dans le
coeur du croyant tous sentiments d'amour et de haine qui ne concordent pas avec
lui, et y fait naître et développer des types de sentiments
d'amour et de haine qu'Allah approuve. Car comme il a été
déjà dit: il n'est pas interdit que le croyant aime et
déteste, et qu'il éprouve toutes sortes d'autres sentiments, mais
il se doit d'orienter ses sentiments d'amour, de haine, de
mécontentement et de satisfaction vers les endroits voulus ou
agréés par Allah. Ainsi, un sentiment d'amour qui s'inscrit dans
le prolongement de l'amour d'Allah, Allah le commande, et un sentiment d'amour
qu'Allah n'interdit pas, l'Islam l'approuve. Le sentiment de haine envers les
ennemis d'Allah, par exemple, Allah nous ordonne de le développer.
En bref, nous avons
insisté jusqu'ici sur un premier point qui caractérise l'amour
sincère d'Allah, à savoir que le croyant peut aimer pour
lui-même, c'est-à-dire éprouver un amour qui n'est pas
lié à l'amour d'Allah, mais à condition, que cet amour ne
soit pas plus fort que son amour d'Allah. Le second point
caractéristique de l'amour d'Allah sur lequel nous attirons l'attention
ici, est que le croyant peut aimer ce qu'il veut, mais à condition que
cet amour ne soit en opposition ou en contradiction avec l'amour d'Allah. Le
Coran dit à ce propos:
«Ô
vous qui croyez! Ne prenez pas pour amis vos pères et vos frères,
s'ils préfèrent la mécréance à la Foi. Ceux
d'entre vous qui les prendraient pour amis, seraient injustes».(83)
Ici, le Coran ne
reproche pas à cette catégorie de croyants d'aimer leurs
pères et frères plus qu'Allah, mais de les aimer malgré
leur mécréance. Aussi Allah les a -t-Il mis en garde contre cet
amour et cette amitié injustes, car comment peut-on aimer à la
fois Allah et Ses ennemis, les mécréants!? Notons au passage,
pour mieux saisir le sens de ce verset, qu'il a été
révélé à propos de "Hâtib Ibn
Balta'ah"(84) qui avait fait parvenir
à son peuple mécréant une information faisant état
de la marche du Prophète (P) sur leur région. Il ne fait pas de
doute que ce personnage était un croyant, et que son amour des siens
n'était pas plus fort que son amour d'Allah, mais il les aimait quand
même, malgré leur hostilité affichée à Allah
et à Son Messager (P).
Le coeur du croyant
sincère ne saurait vibrer (palpiter) en même temps pour deux
bien-aimés opposés: Allah et Ses ennemis. C'est seulement lorsque
son coeur se sera dévoué à Allah et qu'il soumettra tous
ses sentiments et toute son affectivité au contrôle d'Allah, qu'il
sera libre d'aimer et de détester ce qu'il veut, mais toujours dans les
limites des critères des enseignements islamiques.
Ainsi, si le
croyant est sincère dans son amour d'Allah, il n'a pas à donner
libre cours à ses sentiments, les débrider, et se laisser
traîner par eux. Il ne doit pas non plus nouer des relations et des liens
avec n'importe qui et n'importe comment. C'est l'amour d'Allah qui doit
déterminer scrupuleusement ses relations et ses penchants. Les premiers
Musulmans, n'hésitaient pas, lorsque le cas l'exigeait, à tuer
leurs pères, leurs frères et leurs oncles mécréants
qui menaçaient les adeptes de l'Islam. L'Imam 'Alî (p) dit
à ce propos:
«Nous tuions,
avec le Messager d'Allah, nos pères, nos fils, nos frères et nos
oncles... Ceci ne faisait qu'augmenter notre Foi et notre soumission à
Allah, notre détermination à poursuivre la route, notre endurance
de la brûlure de la douleur, notre sérieux dans le combat contre
l'ennemi (...). Et lorsqu'Allah a vu notre sincérité, Il a
apporté l'humiliation à l'ennemi, et la victoire à nous,
et ce jusqu'à ce que l'Islam fût établi».(85)
Ce hadith appelle
deux commentaires:
1- La parole de
l'Imam: «Ceci ne faisait qu'augmenter notre Foi et notre soumission
à Allah», sous-tend une loi divine, à savoir "le
rapport direct entre le sacrifice d'une part, la foi et l'amour de
l'autre", ou en d'autres termes plus il y a souffrances et
épreuves, plus la Foi et l'amour d'Allah se renforcent. Or, peu de gens
sont au fait de cette loi, car la plupart d'entre eux croient
généralement que c'est le contraire qui est vrai, c'est-à-dire
qu'ils conçoivent un rapport inverse entre les deux termes de la
proposition: les souffrances et les épreuves viennent à bout de
la résistance et de la patience de l'homme et finissent par entamer sa
foi et son amour d'Allah.
2- La
corrélation étroite entre l'amour et l'amitié
sincères d'une part, la victoire de l'autre: «Et lorsqu'Allah a vu
notre sincérité, Il a apporté l'humiliation à
l'ennemi, et la victoire à nous». C'est dire que la victoire n'est
accordée que lorsqu'il y a sincérité dans
l'adhésion du combattant à sa cause et à son combat. Or,
ce qui vaut pour le champ de bataille vaut aussi pour le coeur: la
sincérité et le dévouement dans l'amour qu'éprouve
le croyant envers son Créateur. Le croyant ne sera sincère dans
son amour d'Allah que lorsqu'il aura été capable de soumettre
tous ses sentiments et ses relations au contrôle de son amour du
Miséricordieux.
La carte de
l'amour et de la haine
L'amour d'Allah
dessine au croyant une carte très précise de ses relations, de ses
connaissances, de ses ennemis et de ses amis. A partir de cette carte le
croyant peut distinguer avec une parfaite précision ses amis de ses
ennemis, les siens des étrangers.
C'est une carte
étonnante: elle rapproche le lointain et éloigne le prochain,
elle fait entrer un étranger dans une famille et en expulse un membre.
Ainsi le fils de Noé est écarté de la famille de
Noé et devient étranger à son père. Allah interdit
à Noé de s'enquérir auprès de Lui du sort de son
fils: «Noé invoqua son Seigneur en disant: "Mon Seigneur!
Mon fils appartient à ma famille. Ta promesse est sûrement la
Vérité; Tu es le plus juste des juges". Il répondit:
"Ô Noé! Celui-là n'appartient pas à ta famille,
car il a commis un acte infâme. Ne Me demande pas ce que tu ne connais
pas»(86), alors que Salmân, le
Persan entre dans la Famille du Prophète et devient Salmân, le
Mohammadien, dont le Messager d'Allah dit: «Salmân fait partie de
nous, les Ahl-ul-Bayt».(87)
À ce sujet
al-Cheikh al-Mufîd rapporte le hadith suivant: «Un jour on
évoqua les mérites de Salmân et de Ja'far al-Tayyâr
(le frère de l'Imam 'Alî) en présence de l'Imam Ja'afar
al-Sâdiq (p), qui était assis, adossé. Certains, parmi
l'assistance, ont exprimé leur préférence pour le second
(Ja'far al-Tayyâr) en rappelant que le premier (Salmân)
avait été zoroastrien (adorateur du feu), converti à
l'Islam. L'Imam Sâdiq redressa le buste et dit sur un ton de
colère, à l'adresse de son compagnon Abû
Baçîr: "Ô Abû Baçîr! Allah en a fait
un Alawîte après qu'il eut été zoroastrien,
et un Quraichite (la tribu du Prophète) après qu'il eut
été persan. Que les prières d'Allah soient donc sur
Salmân. Quant à Ja'far (al-Tayyâr), il occupe une
haute position auprès d'Allah: il volera avec les Anges au
Paradis"».(88)
Cette carte de
l'amour et de la haine, des amis et des ennemis est différente de celles
que les gens connaissent habituellement. Elle répartit et classe les
gens dans deux fronts distincts: le front des amis, des partisans et des
amoureux d'Allah, et le front des ennemis d'Allah, abstraction faite de la
différence du degré respectif de l'amour ou de l'hostilité
qui existe entre les gens de chacun des deux fronts.
Aimer pour Allah et détester
pour Allah
Le croyant n'a pas
une liberté absolue dans le choix de son amour et de ses inclinations.
Il doit suivre minutieusement les lignes vertes et les lignes rouges de cette
carte, dans ses sentiments, ses inclinations et ses relations, en aimant ce
qu'Allah aime et lui ordonne d'aimer, et en désapprouvant ce qu'Allah
désapprouve et lui demande de désapprouver. Il n'atteindra
à l'essence de la Foi et ne sera pas sincère dans sa foi sans cet
amour envers les amis et les amoureux d'Allah, et cette désapprobation
des ennemis d'Allah. Il faut qu'il aime tous ceux qu'Allah aime, et qu'il
déteste tous ceux qu'Allah déteste. Même le Noble
Prophète (P), il ne doit l'aimer que par amour pour Allah et que parce
qu'Allah l'aime. C'est ce que le Messager d'Allah, lui-même nous ordonne
de faire: «Aimez Allah pour les bienfaits qu'Il vous prodigue, puis
aimez-moi par amour pour Allah, et aimez mes Ahl-ul-Bayt (les Membres de ma
Famille) par amour pour moi».(89)
De cette
façon s'enchaîne, s'étend et se ramifie l'amour pour Allah
pour comprendre et inclure tous les saints de l'Islam, tous les serviteurs
pieux et tous les amis d'Allah, et de la même façon
s'enchaîne le sentiment de haine, d'hostilité et de
détestation envers les ennemis d'Allah, pour comprendre tous ceux qui
font preuve d'inimitié envers Allah et Son Prophète, et tous ceux
qu'Allah et Son Prophète détestent ou qui détestent Allah
et Son Prophète.
Les quelques
hadiths suivants montrent que les textes islamiques relatifs à l'amour
d'Allah et la haine de ses ennemis, répartissent le champ de
l'humanité en deux fronts symétriques: le front des amis et des
intimes d'Allah, quel que soit le degré de leur amitié et de leur
amour, d'une part, le front des ennemis d'Allah, quel que soit le degré
de leur hostilité et de leur inimitié, de l'autre:
1- Le Messager
d'Allah (P) dit à l'un de ses Compagnons: «Ô 'Abdullah! Aime
pour Allah et déteste pour Allah, soit l'ami des amis d'Allah et
l'ennemi des ennemis d'Allah, car on n'atteindra à l'amitié
d'Allah que de cette façon; et sans cela personne ne goûtera la
saveur de la foi, quel que soit le grand nombre de ses prières et de ses
jours de jeûne».(90)
2- Al-Barqî
rapporte dans "al-Mahâsin" le hadith suivant
relaté par Abû Baçîr: «J'ai entendu Abû
'Abdullâh (l'Imam al-Sâdiq) dire: "Ceux qui s'aiment par amour
pour Allah seront assis, le Jour du Jugement, sur des chaires de
lumière. La lumière de leurs corps et de leurs chaires illuminent
tellement tout autour d'eux, qu'on les reconnaît à ce signe et
qu'on en dit: Voilà les gens qui s'aiment par amour pour
Allah"».(91)
3- L'Imam
al-Sâdiq (p) dit: «La plus solide des anses de la Foi consiste
à aimer pour Allah, détester pour Allah, donner pour Allah, et se
retenir pour Allah - le Très-Haut».(92)
4- Selon l'Imam
al-Sâdiq (p): «Quiconque aime un mécréant, aura
détesté Allah, et quiconque déteste un
mécréant aura aimé Allah. (...) En fait, par Allah, l'ami
de l'ennemi d'Allah est l'ennemi d'Allah».(93)
5- Selon l'Imam
Abû Ja'far (p): «Allah a révélé à un
Prophète: "Pour ce qui concerne ton ascétisme dans ce monde,
il hâte pour toi le repos, et quant à ton attachement exclusif à
Moi, il consolide ton lien avec Moi. Mais as-tu fait montre d'hostilité
envers un ennemi à Moi, ou d'amitié envers un ami à
Moi?"».(94)
6- Selon l'Imam
al-Sâdiq (p): «Celui qui aime pour Allah, déteste pour
Allah, donne par amour pour Allah, et se retient pour Allah, aura
complété sa Foi».(95)
7- Selon l'Imam
al-Sâdiq (p): «Le Messager d'Allah (P) demanda un jour à ses
Compagnons: "Quelle est l'anse la plus solide de la Foi?".
"Allah et Son Prophète le savent mieux que nous",
répondirent certains. D'autres énumérèrent
respectivement: la Prière, la Zakât, le Jeûne, le Hajj et la
'Omrah (Pèlerinage mineur), le Jihâd. Le Prophète (P) dit
alors: "Tout ce que vous avez énuméré a ses
mérites, mais ce n'est cela (la réponse). La plus solide anse de
la Foi consiste à aimer pour Allah, détester pour Allah,
être l'ami des amis d'Allah et rejeter et désapprouver les ennemis
d'Allah».(96)
9- Selon l'Imam
'Alî Ibn al-Hussain al-Sajjâd (p): «Lorsqu'Allah rassemblera
les premiers et les derniers (hommes de l'Humanité), un crieur se mettra
à crier: "Où sont les combattants d'Allah?" Une partie
des gens se lèveront, et il leur dira: "Allez au Paradis sans
compte (jugement)". Lorsqu'ils se dirigeront vers le Paradis et qu'ils
rencontreront les Anges, ceux-ci leur demanderont: "Où
allez-vous?" Ils répondront: "Au Paradis, sans compte".
"Et quelle sorte de gens êtes-vous?", leur demanderont encore
les Anges. "Nous sommes les combattants d'Allah", diront-ils.
"Et quelle a été votre action?", les interrogeront les
Anges. "Nous aimions pour Allah et nous détestions pour
Allah", affirmeront-ils. "Belle récompense pour une bonne
action!", diront les Anges"».(97)
10- Selon l'Imam
Abû Ja'far (p): «Si tu voulais savoir si tu es quelqu'un de bien,
scrute alors ton coeur; s'il aime les gens qui obéissent à Allah
et déteste les gens qui Lui désobéissent, sache que tu es
quelqu'un de bien et qu'Allah t'aime, mais si tu constates qu'il déteste
les gens obéissant à Allah et qu'il aime ceux qui Lui sont
désobéissants, sache alors, qu'il n'y a rien de bien en toi et
qu'Allah te déteste, car l'homme sera réuni avec celui qu'il aime».(98)
11- Selon l'Imam al-Sâdiq
(p): «Quiconque ne suis pas (les enseignements de) la Religion dans
l'amour et la haine, n'a pas de Religion».(99)
12- Le
Prophète (P) dit: «Si deux serviteurs, l'un à l'est,
l'autre à l'ouest, s'aimaient pour Allah, Il les réunira le Jour
de la Résurrection».(100)
Et:
«La meilleure
des bonnes actions consiste à aimer pour Allah et détester pour
Allah».
Et (cité par
Anas):
«Aimer pour
Allah est une obligation tout comme détester pour Allah est une
obligation».(101)
13- On rapporte
qu'Allah demanda au Prophète Mûsâ (Moïse) (p):
«As-tu
accompli une action pour Moi?
- Oui! J'ai
prié pour Toi, j'ai jeûné pour Toi, j'ai fait l'aumône
pour Toi, et j'ai fait les invocations pour Toi!
Allah - Il est
Sublime - lui dit:
- Ta Prière
est la preuve de ta soumission (à Allah), ton jeûne te conduira au
Paradis, ton aumône te servira d'ombre, et tes invocations, de
lumière! Alors, qu'est-ce que tu as fait pour Moi?
Mûsâ
(p) demanda:
- Indique-moi une
action qui serait pour Toi!
Allah lui dit:
- As-tu noué
d'amitié avec un ami à Moi? T'es-tu jamais montré hostile
à un ennemi à Moi?
Mûsâ (p)
comprit alors que la meilleure des actions consiste à aimer pour Allah
et détester pour Allah».(102)
3- Le gouvernement de l'amour pour
Allah
Le croyant doit
soumettre à l'autorité du principe de "l'amour pour
Allah" tous ses liens, ses relations et les penchants de son coeur,
exactement comme il les a soumis à l'autorité du principe de
"l'amour d'Allah". Car là aussi, il n'est pas interdit en
Islam à ce que le Musulman aime pour lui ce qu'il veut et désire
(bien que le programme de l'éducation islamique tend et s'emploie
à faire de "l'amour d'Allah" la source de tout amour dans la
vie du croyant, au point de consacrer son coeur exclusivement à l'amour
à Allah), mais à la condition que son amour personnel ne soit pas
plus fort que l'amour d'Allah, d'une part, et qu'il s'abstienne d'aimer ce
qu'Allah déteste et de détester ce qu'Allah aime, d'autre part.
En outre, et c'est la troisième condition ou restriction, il doit
s'abstenir de faire de son amour personnel (l'amour de soi) le critère
ou l'arbitre de ses sentiments d'amour et de haine, en dehors des règles
légales de l'amour et de la haine, et en opposition avec le principe de
l'autorité de "l'amour pour Allah" qui doit être le juge
des sentiments d'amour et de haine dans la vie du croyant. En bref, tout ce qui
est "amour pour Allah" gouverne sur toutes les relations du croyant,
et tout ce qui est "amour de soi" doit être gouverné par
les règles de l'amour et de la haine en Islam.
Telle est la
troisième différence entre "l'amour d'Allah" et
"l'amour pour Allah" d'une part, "l'amour de soi" de
l'autre. Telle est aussi la signification de l'autorité de "l'amour
pour Allah" sur les relations sociales et les penchants du coeur du Musulman,
tout comme l'autorité de "l'amour d'Allah" sur les sentiments
d'amour et de haine dans la vie du croyant.
Cette
autorité de "l'amour pour Allah" sur les relations et les
penchants du croyant s'exerce de deux façons:
1- L'autorité de
"l'amour pour Allah" doit s'exercer positivement et négativement,
en émettant un jugement négatif contre tout ce qui ne concorde
pas avec "l'amour pour Allah", et un jugement positif qui approuve et
confirme tout ce que requiert et commande "l'amour pour Allah".
En effet
"l'amour pour Allah", tout comme "l'amour d'Allah", appelle
d'autres sentiments d'amour et de haine, et le Musulman ne sera sincère
dans son amour pour Allah que lorsqu'il en aura fait le juge et
l'autorité dans toutes ses relations et penchants, et qu'il aura
accepté de se conformer à tous les sentiments d'amour et de haine
qui découlent de cette autorité, car les prolongements et les
ramifications de l'amour pour Allah dans les relations de l'homme, ses rapports
et les penchants de son coeur sont illimités. Et du moment où le
croyant accepte "l'amour pour Allah", il n'aura d'autre choix que de
suivre les sentiments d'amour et de haine qui en découlent, quelque
étendue que soit la chaîne de relations sociales et familiales,
impliquée.
Sans doute le
célèbre Hadith du Prophète, rapporté aussi bien par
les sources chiites que sunnites, et décrétant l'obligation faite
aux Musulmans d'aimer les Ahl-ul-Bayt, subséquemment à leur
obligation d'aimer Allah, pour Ses bienfaits, et d'aimer le Prophète par
amour pour Allah constitue la meilleure illustration de l'autorité du
principe de "l'amour pour Allah" sur tous les sentiments et les
relations du Musulman, et de l'enchaînement des obligations, en
matière de sentiments d'amour, d'amitié et de haine que suscite
ce premier maillon d'une longue chaîne d'obligation, qu'est "l'amour
pour Allah. Voici le texte dudit Hadith, tel qu'il est rapporté par le
célèbre Compagnon, Ibn 'Abbas qui témoigne: Le Messager
d'Allah (P) dit:
«Aimez Allah
pour les bienfaits dont Il vous nourrit, aimez-moi par amour pour Allah, et aimez
mes Ahl-ul-Bayt (Ahlu baytî =les gens de ma maison) par amour pour
moi».(103)
Nous avons
déjà expliqué que le principe de l'autorité de
"l'amour pour Allah", tout comme celui de l'autorité de
"l'amour d'Allah", entraîne l'obligation d'une attitude
positive et d'une attitude négative de la part du croyant dans ses
relations et ses sentiments. Attitude positive, le croyant doit aimer, par
amour pour Allah, tout ce qu'Allah aime et ordonne d'aimer; attitude négative,
il doit détester tout ce qu'Allah déteste ou ordonne de
détester. En fait, cette attitude négative est une question de
principe dans la vie du musulman, bien qu'elle puisse lui coûter cher et
entraîner la haine, la rancune et même la guerre, parfois.
Cependant, sans cette attitude négative, le croyant ne sera pas
sincère dans son amour pour Allah. Car cet amour serait chose facile,
s'il n'entraînait pas de telles conséquences sur la vie du
croyant, sur ses relations, ses penchants et ses rapports, et s'il ne
requérait pas de tels sacrifices dans ses relations, ses sentiments et
inclinations personnels.
Le Hadith que nous
venons de citer illustrait surtout l'attitude positive que l'amour pour Allah
entraîne. Nous allons à présent citer quelques hadiths qui
illustrent l'attitude négative que le croyant se doit d'adopter
vis-à-vis des ennemis d'Allah par application du principe de
l'autorité de "l'amour pour Allah":
- Selon Zayd Ibn
Arqam, le Prophète (P) dit à 'Alî, Fâtimah, al-Hassan
et al-Hussain: «Je suis en guerre contre quiconque est en guerre contre
vous, et en paix avec quiconque est en paix avec vous».(104)
- Barâ' Ibn
al-'Âzib, rapportant le Hadith al-Ghadîr, témoigne: Le
Prophète (P) a tenu la main de 'Alî et dit:
«De quiconque
je suis le Maître, 'Alî que voici en est le Maître (aussi).
Ô Allah! Sois l'ami de quiconque est son ami, et l'ennemi de quiconque
est son ennemi».(105)
- Selon une version
légèrement nuancée du même Hadith, rapportée
par Zayd Ibn al-Arqam, le Prophète (P) dit:
«Ne
savez-vous pas que je suis plus responsable de tout croyant que
lui-même?» Ils (les gens présents) répondirent:
"Si!". (Le Prophète dit alors): «Alors, de quiconque je
suis le Maître, 'Alî en est le Maître. Ô Mon Dieu, sois
l'ennemi de quiconque est son ennemi, et l'ami de quiconque est son ami».(106)
Ainsi,
"l'amour pour Allah" constitue donc un axe gouvernant la vie du
croyant. Il entraîne l'obligation d'aimer et de détester,
d'être ami ou ennemi.
Beaucoup de textes
de ziyârah (visite pieuse) rapportés par les Imams
d'Ahl-ul-Bayt confirment cette vérité. Ainsi dans la
ziyârah du Maître des martyrs, l'Imam al-Hussain, les
pèlerins proclament: «Avec vous, toujours avec vous! Jamais avec
votre ennemi». Car l'amour de l'Imam al-Hussain (p), un membre
éminent des Ahl-ul-Bayt, rendu obligatoire par le principe de
l'autorité de l'amour d'Allah et des obligations subséquentes
(l'amour pour Allah amour du Prophète amour des Ahl-ul-Bayt), requiert
le rejet de ses ennemis et la rupture avec ses adversaires et
détracteurs. Sans quoi, sans cette rupture et ce rejet, ledit amour ne
revêt pas sa valeur réelle.
Telle est en
résumé, la première façon dont s'exerce
l'autorité de l'amour pour Allah: elle commande au croyant d'adopter une
attitude positive (envers les Amis d'Allah) et une attitude négative
(contre les ennemis d'Allah).
2- La seconde obligation
qu'entraîne le principe de l'autorité de "l'amour pour
Allah", est que le croyant doit appliquer ce principe aux degrés de
l'amour et de la préférence, en donnant la priorité d'un
type d'amour sur un autre, et la préférence à une chose
sur une autre. Ainsi lorsqu'il y a concurrence des penchants, des relations et
des inclinations du coeur, il doit donner la priorité au sentiment ou
à la relation qui satisfait Allah sur celui ou celle qui le satisfait
lui-même, et ce dans le cadre des règles de la Loi islamique,
relative à la nécessité de donner la priorité du
plus important sur l'important.
Selon Abû
Hurayrah, le Prophète (P) dit: «Par Celui Qui dispose de mon
âme, aucun de vous n'aura cru jusqu'à ce que je sois plus
aimé de lui que ses biens et ses enfants».(107)
Le même
Hadith a été rapporté par Muslim selon une version
nuancée: «Aucun serviteur n'aura cru jusqu'à ce que je sois
plus aimé de lui que sa famille, ses biens et tout le monde».(108)
Selon Târiq
Ibn Laylâ al-Ançârî, le Prophète dit: «Le
serviteur d'Allah n'aura pas cru jusqu'à ce que je sois plus aimé
de lui que lui-même, que ma progéniture soit plus aimé de
lui que sa propre progéniture, et que ma famille soit plus aimée
de lui que sa propre famille».(109)
Ainsi "l'amour
pour Allah" diffère de "l'amour pour soi" islamiquement
légitime en ceci que ce dernier est toujours gouverné par le
premier. Par exemple, l'amour de la famille et de la patrie est islamiquement
permis, tant qu'il reste dans le cadre que l'Islam autorise, mais cet amour ne
constitue pas un axe gouvernant ou une autorité sur les relations
sociales ou les attachements du coeur du croyant, il est au contraire
gouverné par les règles de "l'amour pour Allah" et de
"l'amour d'Allah", ce qui veut dire que le croyant n'a pas le droit
de suivre son amour de la patrie ou de la famille dans toutes ses exigences et
ses conséquences inconditionnellement, ou en d'autres termes, il ne lui
est pas permis d'aimer ceux de sa famille ou de ses concitoyens qui soient des
ennemis d'Allah et de Son Prophète (P). Car la règle de
"l'amour pour Allah" lui impose d'aimer les croyants qui ne font pas
partie de sa patrie et de sa famille, et de détester et combattre, au
sein même de sa famille et de sa patrie, ceux qui sont des ennemis
d'Allah et de Son Prophète.
Lorsqu'on a
demandé à l'Imam 'Alî Ibn al-Hussain (p), ce que signifie
"l'esprit du corps" ou la solidarité familiale ou tribale ('açabiyyah),
il répondit: «L'esprit du corps condamné (par l'Islam)
consiste à considérer les méchants de son peuple comme
étant meilleurs que les gens pieux d'un autre peuple. Aimer son peuple
ne signifie pas esprit du corps, car l'esprit du corps c'est aider ou soutenir
son peuple dans l'injustice».(110)
Quant à
l'amour de la Ummah, étant donné qu'il découle du principe
de l'autorité de "l'amour d'Allah", il a autorité
à son tour sur tout ce qui en découle, et implique que le croyant
aime obligatoirement tous les Musulmans (qui composent la Ummah), aussi bien
ceux appartenant à son peuple et sa patrie que ceux qui n'en font pas
partie (mais qui appartiennent à la Ummah), et qu'il combatte
obligatoirement tous les ennemis d'Allah et tous les agresseurs, aussi bien,
ceux faisant partie de son peuple et de sa patrie, que ceux qui appartiennent à
un autre peuple et à une autre patrie.
Par
conséquent, le premier amour, "l'amour de la patrie et du peuple ou
de la tribu, de la famille" diffère du second, "l'amour de la
Ummah" (la nation ou la Communauté musulmane) en ceci qu'il fait
partie de la catégorie de l'amour permis, mais soumis aux règles
et aux exigences de "l'amour pour Allah", alors que le second est du
type gouvernant et a donc autorité sur tous les penchants et relations
nation'Alîstes et patriotiques du croyant.
La substance et le
sommet du walâ' (amitié ou inféodation)
résident dans l'Unicité. Sans l'Unicité, le walâ'
perd totalement sa raison d'être. C'est seulement lorsque nous aurons
saisi cette vérité que nous comprendrons le vrai sens du walâ'.
Autrement notre compréhension de cette notion de walâ'
sera superficielle et simpliste, s'appliquant à tout et à
n'importe quoi, y compris l'amitié avec les ennemis d'Allah,
épousant les contraires et les opposés sans s'embarrasser des
contradictions, mettant dans le même registre l'amour d'Allah et de Ses
Prophètes, et l'amour de Pharaon et de sa clique. Ainsi, dans son
acception simpliste, le walâ' peut réunir l'amour des
civilisations zoroastrienne, pharaonique et babylonienne, et l'amour de
l'Islam, comme le font les courants nationalistes contemporains. Donc lorsque
le walâ' s'abaisse à ce niveau, il se vide de sa
substance et de son contenu, et se dévalorise complètement.
Récapitulons,
pour mieux exposer les autres implications de l'amour pour Allah: il ressort de
ce qui précède que l'amour pour Allah doit donc constituer dans
la vie du Musulman l'axe du walâ', dans ses implications
positives et négatives, l'axe de l'amour et de la haine, du
rapprochement et de l'éloignement, et avoir autorité sur toutes les
relations, les orientations et les tendances du croyant. Tout autre amour qui
ne soit pas en contradiction avec l'amour pour Allah est permis, à
condition toutefois, qu'il soit soumis à l'autorité de l'amour
pour Allah. Ceci implique que même lorsque deux groupes de Musulmans
entrent en conflit quelconque, le croyant ne peut les réunir dans le
même amour, c'est-à-dire continuer à les aimer tous les
deux également. Il doit prendre position et orienter son amour et sa haine
respectivement vers l'un et l'autre. Ce sont les règles de "l'amour
pour Allah" qui dictent l'attitude ou la position à prendre dans de
tels cas de figure. Dans une situation semblable, l'Islam ne laisse pas au
croyant le soin de prendre position en faveur ou en défaveur de chacun
des deux groupes, selon ses inclinations et ses sentiments personnels. Il lui
commande, au contraire, d'y soumettre soigneusement ses sentiments et ses
penchants aux règles de "l'amour pour Allah", et d'essayer
tout d'abord, tout son possible, pour les réconcilier. Si l'un des deux
groupes s'avère être injuste, il doit prendre fermement position
pour le groupe agressé ou lésé et contre le groupe
agresseur ou injuste, sans se laisser influencer par des considérations
sentimentales, tribales ou affectives. Et si le groupe agresseur persiste dans
son agression, et refuse de rendre justice, il doit lui déclarer la
guerre et le combattre côte à côte avec le groupe
agressé: «Si deux groupes de croyants se combattent, alors,
faites la paix entre eux. Puis, si l'un d'eux se rebelle contre l'autre, alors
combattez celui qui se rebelle, jusqu'à ce qu'il s'incline devant
l'ordre d'Allah. Puis, s'il s'incline, alors, faites la paix entre eux avec
justice, et jugez à la balance. Oui, Allah aime ceux qui jugent à
a la balance».(111)
L'amour pour Allah
est donc un axe qui gouverne la vie du Musulman. Il lui dessine une carte
claire de ses relations sociales et familiales, des endroits (individus,
groupes, etc.) respectifs dont il doit s'éloigner ou se rapprocher, et
des situations respectives vers lesquelles il doit ou peut orienter sa haine ou
son amour. L'un des traits caractéristiques de cet axe est qu'il
n'accepte aucun autre axe, quel qu'il soit, à côté de lui.
La pureté (la
sincérité) de l'amour d'Allah
"La
pureté de l'amour d'Allah" se situe à un degré
supérieur par rapport au principe de "l'Unicité de
l'amour", principe qui n'annihile pas tout autre amour que celui d'Allah,
mais confère à ce dernier l'autorité, la priorité
et la prééminence sur tout autre amour: «Les croyants
sont les plus ardents en l'amour d'Allah»,(112)
et il constitue une des conditions de la Foi, et une des branches de
l'Unicité.
En revanche,
"la pureté de l'amour" renie tout autre amour que l'amour
d'Allah, à l'exception de celui qui se situe dans le prolongement de
l'amour d'Allah (aimer pour Allah et détester pour Allah), et à
la différence de "l'Unicité de l'amour", elle ne
s'apparente pas à la Foi, ni à l'Unicité, mais fait partie
du domaine des véridiques et de leurs positions rapprochées
d'Allah, Lequel accorde à Ses serviteurs dévoués la
capacité de chasser de leurs coeurs tout amour autre que le Sien.
L'Imam
al-Sâdiq (p) professe à ce sujet: «Le coeur est la Maison
Interdite (Haram) d'Allah. Ne fais donc pas habiter quelqu'un d'autre
qu'Allah dans la Maison Interdite d'Allah».(113)
Donc, à la
différence des sens qui se meuvent et se déplacent dans la vie de
tous les côtés qu'Allah a permis et autorisés, le coeur a
cette particularité d'être l'Enceinte privée d'Allah, dans
laquelle il n'y a pas de place pour aucun autre sentiment ou attachement que
l'amour d'Allah.
Dans le Hadith que
nous venons de citer, la définition du coeur comme étant une
"Maison privée ou interdite", est une définition
très précise et expressive, car la Maison interdite ou
privée est une zone sûre et fermée à tout
étranger. Ses habitants sont à l'abri de l'insécurité
et de la peur. Aucun étranger n'y pénètre, tout comme le
coeur, qui est la Maison protégée d'Allah, dans laquelle aucun
autre amour que l'amour d'Allah ne doit entrer, et aucun autre amour ne doit
déranger ni concurrencer l'amour d'Allah. C'est pourquoi, les
véridiques, les serviteurs pieux d'Allah se dévouent
entièrement à l'amour d'Allah et n'y adjoignent aucun autre, quel
qu'il soit, sauf celui qui se situe dans son prolongement (de l'amour d'Allah).
Dans le munâjât
suivant de l'Imam al-Sajjâd (p), il n'est pas difficile de ressentir le
tourment de l'amour et la sincérité du dévouement dans
l'amour:
«Ô
mon Maître! Vers Toi s'oriente mon désir, de Toi est ma crainte,
en Toi sont placées mes espérances! Mon espoir m'a conduit vers
Toi, sur Toi j'ai concentré, ô l'Unique, ma pensée, c'est
Toi le motif de mes sincères espoir et crainte, mon amour s'est plu
à Toi, c'est vers Toi que j'ai tendu la main, et c'est par Tes souvenirs
que mon coeur a vécu».
Ainsi, l'Imam lie
ici tout son espoir, sa crainte, son désir, sa pensée, etc.
à Allah.
Dans un hadith, le
Prophète (P) dit: «Aimez Allah de tous vos coeurs».(114)
Dans un
Do'â', l'Imam al-Sajjâd (p) supplie Allah: «Ô mon
Dieu! Je Te demande de remplir mon coeur de Ton amour, de Ta crainte, de foi en
Toi, de croyance en Toi, de désir de Toi».(115)
Si le coeur du
serviteur est rempli de l'amour et du désir d'Allah, il est normal qu'il
n'y reste aucune place vacante pour un autre amour, sauf d'un amour qui
émane de l'amour d'Allah, ce qui revient au même.
Dans le Do'â'
à l'occasion de l'arrivée du mois de Ramadhân, l'Imam
al-Sâdiq (p) dit: «Ô mon Dieu! Prie sur Mohammad et la
Famille de Mohammad, et occupe mon coeur à la glorification de Ta
Grandeur, remplis-le de Ton amour afin que je Te rencontre avec le sang
jaillissant dans mes veines jugulaires»,(116)
langage métaphorique qui exprime le dévouement dans l'amour
d'Allah, lequel devient l'obsession du coeur et son souci tenace.
L'attachement
jaloux d'Allah à Son serviteur
Allah aime Son serviteur
et en est jaloux, car la jalousie est le propre de l'amour. Il veut que le
coeur du serviteur se dévoue à Son amour, et qu'il ne laisse y
entrer aucun autre.
On rapporte que le
Prophète Mûsâ (p) s'adressa à son Seigneur dans la
Vallée sainte et dit: «Ô Seigneur! Je me suis
dévoué dans mon amour pour Toi et j'ai purifié mon coeur
de tout autre que Toi». Pourtant, il aimait énormément sa
famille. Allah lui dit alors: «Ôte de ton coeur l'amour de ta
famille, si ton amour s'est dévoué à Moi».(117)
Le propre de
l'amour jaloux d'Allah envers Son serviteur est d'enlever de son coeur tout
intrus, lorsque intrus il y a, afin de préserver sa pureté. Dans
un do'â' l'Imam al-Hussain (p) dit:
«(Ô
Seigneur), c'est Toi qui as enlevé la poussière des coeurs de Tes
aimants, afin qu'ils n'aiment personne que Toi!... Qu'a-t-il trouvé
celui qui T'a perdu!? Et qu'a-t-il perdu celui qui T'a trouvé!? N'a
obtenu que déception celui qui avait accepté un suppléant
à Toi».
Aimer pour
Allah et en Allah
Mais ici une
question se pose qui appelle une réponse: d'aucuns pourraient être
amenés à interpréter le dévouement dans l'amour
d'Allah, compris de la sorte, comme étant contraire à la nature
innée de l'homme, puisqu'Allah a créé l'homme en
déposant dans sa nature la tendance à aimer beaucoup de choses.
Donc aimer Allah exclusivement en écartant la possibilité de tout
autre amour contredirait cette nature innée qu'Allah a
créée.
La réponse
à cette interrogation est simple: la pureté de l'amour d'Allah ne
signifie pas la négation de la nature innée, mais l'orientation
des sentiments de l'homme (amour et haine) vers ce qu'Allah aime et
déteste.
Car, en fait, Allah
ne demande pas à Son fidèle serviteur et interlocuteur
privilégié, le Prophète Mûsâ (p) d'ôter
définitivement de son coeur l'amour de sa famille, mais seulement
d'aimer sa famille à travers son amour d'Allah, afin que cet Amour soit
la source unique de tout amour dans son coeur. En d'autres termes, ce qu'Allah
commande à son Prophète Mûsâ, c'est de relier tout
amour au canal de Son amour; de cette façon, l'amour de la famille
devient une consécration et une confirmation de l'amour d'Allah. C'est
là une méthode d'éducation sublime dont ne
bénéficient que ceux qu'Allah aime, élit. La preuve en est
que le Prophète Mohammad (P), qui est le plus pur, le plus
dévoué et le plus sincère de l'humanité aimait
d'autres choses, puisqu'il répétait: «J'aime de votre vie
d'ici-bas trois choses: le parfum, les femmes et la prière qui vaut la
prunelle de mes yeux».
Il ne fait pas de
doute que cet amour se situe dans le prolongement de l'Amour d'Allah, car,
étant donné que la plus aimée de ces trois choses est la
Prière (qui lui est aussi chère que la prunelle de ses yeux),
laquelle constitue indubitablement un acte de soumission à Allah,
l'amour du Prophète (P) pour lesdites trois choses ne peut que prolonger
l'Amour d'Allah.
Ainsi, le
dévouement dans l'Amour d'Allah, loin de s'opposer à la nature
humaine, équivaut à une réorganisation de la carte de
l'amour et de la haine conformément à cette donnée
nouvelle que l'Islam introduit. Dès lors, l'amour naturel de l'homme
reste à sa place, mais inséré dans le cadre d'une
organisation nouvelle qui consacre l'Amour du serviteur pour Allah, au lieu de
l'affaiblir ou de le brouiller.
C'est pour cette
raison que les textes islamiques, dont nous citons quelques-uns ci-après
réaffirment la valeur et l'importance cruciale de l'amour pour Allah et
l'amour en Allah:
- L'Imam 'Alî
(p) dit: «L'amour pour Allah est le plus proche lien (de lignage)».(118)
Et:
«L'amour en
Allah est plus sûr que le lien utérin».(119)
L'Imam 'Alî
(p) exprime ici une pensée très précise et reposant sur un
fondement idéologique. En effet, il y a dans la vie des gens des
lignages, des réseaux de liens sociaux. Le plus solide de ces liens est
le lien utérin. Or, la relation avec Allah devient plus sûre que
le lien utérin, si l'homme lie et soumet son amour et ses attachements
à cette relation, et aime et déteste à travers elle, son
amour devient le plus sûr et le plus complet des lignages et des liens.
Car si l'amour était pour quelqu'un d'autre qu'Allah, il pourrait
changer ou s'émousser, ou encore être affecté par des facteurs
qui modifient les sentiments des gens les uns envers les autres. Mais si son
amour de son frère s'inscrit dans l'Amour d'Allah, il sera plus
sûr, plus solide et plus imperméable aux vicissitudes et aux
facteurs opposés.
Le
dévouement dans l'Amour d'Allah, loin de renier les attachements
naturels qui habitent l'âme humaine, les confirme et les enracine en les
insérant dans le grand canal qui régit et ordonne l'amour de tous
les véridiques et les amis d'Allah. De cette façon, le meilleur
des gens auprès d'Allah devient celui qui aime le plus son frère
croyant.
Selon l'Imam
al-Sâdiq (P): «Il n'est pas de cas où deux frères de
religion se rencontrent sans que le meilleur d'entre eux soit celui qui aime le
plus son frère».(120)
Il est pertinent de
rappeler ici un autre hadith de l'Imam al-Sâdiq (p), déjà
cité: «Ceux qui s'aiment par amour pour Allah seront assis, le
Jour du Jugement, sur des chaires de lumière. La lumière de leurs
corps et de leurs chaires illuminent tellement tout autour d'eux, qu'on les
reconnaît à ce signe et qu'on en dit: Voilà les gens qui
s'aiment par amour pour Allah».(121)
La première source de l'amour
D'où tirer
l'Amour? Voilà une question capitale dans notre exposé. Car ayant
compris l'importance et la valeur inestimable de l'Amour d'Allah, il nous faut
absolument savoir où nous devrions l'épuiser et quelle est sa
source? La réponse concise à cette interrogation se résume
ainsi: Allah Lui-Même est la source, le principe et le but de cet Amour.
Nous allons
maintenant détailler et développer ce sujet.
1- Allah aime Ses serviteurs
Allah aime Ses
serviteurs, assure leur subsistance, couvre leurs défauts, leur prodigue
des dons et des bienfaits innombrables, leur pardonne, accepte leur repentance,
leur trouve le chemin de la prospérité, les guide dans le droit
chemin, les couvre de Ses soins, et conjure leurs malheurs. Toutes ces faveurs
sont des signes d'amour.
2- Il leur inspire Son Amour
L'un des signes
révélateurs et étonnants de l'amour d'Allah pour Ses
serviteurs est qu'Il leur inspire Son amour. Étonnant parce qu'Il est
à la fois le pourvoyeur et le récepteur de l'amour. Il inspire
l'amour à Ses serviteurs pour en être par la suite l'objet. En
d'autres termes Il est inspirateur de l'amour des gens. Il leur projette
attirance sur attirance, puis Il les attire vers Lui par ces charges
d'Attirance.
Beaucoup de textes
islamiques soulignent cette vérité.
Rappelons-nous
à cet égard l'un des munâjât de l'Imam
'Alî Ibn al-Hussain al-Sajjâd (Zayn al-'Âbidîn) qui
dit:
«Ô
mon Dieu! Fais que je sois au nombre de ceux dont les arbres de Ton
désir se sont enracinés dans les jardins de leurs poitrines et
dont le chagrin de Ton amour a envahi leurs coeurs!»
Dans son
Do'â' à 'Arafah l'Imam al-Hussain (p) dit:
«Comment
peut-on démontrer Ton Existence par un être dont l'existence
dépend de Toi! Est-ce possible que quelqu'un d'autre que Toi ait une
manifestation que Tu n'aurais pas, pour qu'il devienne la preuve de Ton
Existence! Quand aurais-Tu été absent, pour que Tu aies besoin
d'un indicateur qui guiderait vers Toi! Quand Te serais-Tu
éloigné pour que les traces soient le guide vers Toi! Qu'il soit
aveugle, l'oeil qui ne voit pas en Toi le Surveillant! Qu'il soit perdant le
marché d'un serviteur, qui n'inclut pas la part de Ton amour! Guide-moi
donc par Ta Lumière vers Toi! Fais que je me présente entre Tes
mains pour Te rendre un culte sincère! Protège-moi par Ton secret
protecteur! Fais-moi marcher sur les traces des gens attirés par Toi!
Mon Dieu! Fais que Ta planification pour moi me fasse me passer de ma
planification, et Ton choix me fasse me passer du mien!... C'est Toi qui as
fait briller les lumières dans les coeurs de Tes Serviteurs intimes
jusqu'à ce qu'ils T'eussent connu, reconnussent Ton Unicité!
C'est Toi qui as enlevé l'amour des autres des coeurs de Tes aimants
pour qu'ils n'aiment personne d'autre que Toi et ne se réfugient auprès
de personne d'autre que Toi! C'est Toi leur consolation lorsqu'ils sont
abandonnés par tout le monde! C'est Toi qui les as guidés lorsque
les aspects de la route leur ont parus divergents! Qu'a-t-il trouvé
celui qui T'a perdu!! Et qu'a-t-il perdu celui qui T'a trouvé!! N'a
recueilli que désappointement celui qui a accepté de substituer
quelqu'un d'autre à Toi! Comment place-t-il son espoir en quelqu'un
d'autre alors que Tu n'as jamais cessé Ta bienfaisance! Et comment
demande-t-il à quelqu'un d'autre alors que Tu n'as jamais changé
l'habitude de Ta largesse! (...) Ô Toi qui as fait goûter à
Tes aimants la douceur de Ta Compagnie, au point qu'ils se sont mis à Te
flatter entre Tes mains! Ô Toi qui as habillé Tes serviteurs
intimes des vêtements de Ta Majesté, et ils se sont mis entre Tes
mains, en demandant pardon. Ô mon Dieu! Demande-moi par Ta
Miséricorde, afin que j'arrive près de Toi! Attire-moi par Ta
faveur pour que je penche vers Toi».(122)
3- Il leur manifeste Son Amour
Allah manifeste Son
amour à Ses serviteurs et leur prodigue Ses bienfaits afin qu'ils
L'aiment. Car les bienfaits et les faveurs touchent les coeurs purs et
conscients, et leur font aimer leur bienfaiteur Allah.
Dans Do'â'
al-Sahar (de la fin de la nuit), l'Imam al-Sajjâd (p)
dit:
«Tu nous
montres de l'amour par Tes bienfaits, alors que nous nous opposons à Toi
par les péchés! Ta bienfaisance descend vers nous et notre
méchanceté monte vers Toi! Un noble Ange continue encore à
Te rapporter chaque jour une action répréhensible, commise par
nous, mais tout ce qui T'est rapporté (de mauvais) sur nous ne
T'empêche de nous entourer de Ta Miséricorde, et de nous favoriser
de Tes signes! Gloire à Toi donc! que Tu es Clément, que Tu es
Grand, que Tu es Noble, depuis toujours et continuelle-ment!».(123)
Le serviteur ne
peut qu'avoir honte en comparant les bienfaits, la grâce, les faveurs, le
pardon, la couverture des défauts etc. qui descendent et viennent
d'Allah vers lui, et la méchanceté et l'action condamnable qu'il
envoie vers Allah, car il répond à ces signaux d'amour et
d'affection de la part d'Allah, par une attitude de répulsion et de
haine à Son égard.
«O mon
Dieu! Alors que Tu m'appelles, je Te tourne le dos, et alors que Tu Te montres
aimable envers moi, je Te boude; et alors que Tu me témoignes de
l'affection, je la refuse de Ta part, comme si Tu me devais quelque chose; et
malgré tout, cela ne T'a pas empêché d'être
Miséricordieux envers moi, Bienfaisant à mon égard, et de
me couvrir de la faveur de Ta Largesse!».(124)
En tout état
de cause, quiconque a l'habitude de lire le Coran peut constater facilement que
ce Livre d'Allah tient à se servir du bienfait divin ou à
invoquer ce bienfait pour orienter l'homme vers l'Amour d'Allah et vers le
chant de Ses louanges.
Citons-en un court
passage, entre bien d'autres, à l'appui de notre affirmation:
* «C'est
Lui qui fait descendre du ciel, avec mesure, une eau grâce à
laquelle Nous rendons la vie à une terre morte. Ainsi vous fera-t-on
sortir de vos tombes.
* »C'est
Lui qui a créé toutes les espèces d'animaux. Il vous a
donné, comme moyens de transport, les vaisseaux et les bêtes de
somme,
* »pour
que vous vous y teniez commodément assis. Vous vous rappelez alors les
bienfaits de votre Seigneur et vous direz: Gloire à Celui qui a mis tout
cela à notre service, alors que, de nous-mêmes, nous n'y serions
pas parvenus».(125)
Il ressort de ces
deux versets coraniques que les vaisseaux, les animaux et les bêtes de
somme servent à trois desseins et non un seul:
1)- «pour
que vous vous y teniez commodément assis», c'est
l'utilisation du bienfait;
2)- puis «(pour
que) vous vous rappeliez les bienfaits de votre Seigneur, lorsque vous vous y
tenez commodément assis», c'est la conscience du bienfait;
3)- puis vous
direz: «Gloire à Celui qui a mis tout cela à notre
service, alors que, de nous-mêmes, nous n'y serions pas parvenus»,
et c'est le remerciement, les louanges et la glorification.
Ceux qui
reçoivent les bienfaits d'Allah sans en être conscients et sans
faire les louanges d'Allah pour ses bienfaits sont comme les bestiaux: ils ne
profitent que partiellement du bienfait, car celui-ci n'alimente pas seulement
le corps, mais aussi, l'âme, l'esprit et le coeur. Or, ceux qui ne
bénéficient que partiellement du bienfait privent leurs esprits,
leurs âmes et leurs coeurs des bienfaits du Miséricordieux.
De même les
autres sources islamiques, les hadiths, sont riches en exemples où les
Prophètes et les saints de l'Islam appellent les gens à Allah et
leur font aimer le Créateur, en mettant en évidence Ses
bienfaits.
Ainsi, selon un
hadith saint (qudsî): Allah a révélé au
Prophète Mûsâ (p): «Fais-Moi aimer de Mes
créatures». Mûsâ (p) dit: «Ô mon
Dieu! Tu sais que je T'aime plus que tout autre. Mais comment pourrais-je
influencer les coeurs des serviteurs!?". Allah lui a
révélé: «Rappelle-leur Mes bienfaits et Mes
signes; dès lors ils ne retiendront de Moi dans leur mémoire que
le bien».
Selon un autre
hadith saint: Allah dit au Prophète Dâwûd (p): «Aime-Moi
et fais-Moi aimer de Mes créatures». Dâwûd (p)
répondit: «Moi, je T'aime, certes oui. Mais comment Te faire aimer
de Tes créatures!?» Allah lui dit: «Évoque
auprès d'elles Ma largesse; si tu la leur rappelles, elles M'aimeront».(126)
4- Allah est jaloux de Son serviteur
Comme nous l'avons
déjà signalé, Allah est jaloux de Ses serviteurs; Il veut
qu'ils dépouillent leurs coeurs de tout autre amour que le Sien.
5- Allah appelle Ses serviteurs au
repentir
L'un des signes de
l'amour d'Allah de Ses serviteur est que lorsqu'ils Lui
désobéissent et se détournent de Lui, Il ne les abandonne
pas à leur triste sort, mais leur tend la corde de l'affection, les
appelle au retour et leur ouvre les portes de la repentance:
«Quiconque
agit mal ou fait du tort à lui-même, puis aussitôt implore
d'Allah le pardon, trouvera Allah Pardonneur et Miséricordieux».(127)
6- Il les y incite en les soumettant
à des épreuves
Même
lorsqu'ils refusent de se repentir et de retourner vers Lui en continuant dans
leur éloignement du Droit Chemin, Allah ne se détourne pas d'eux
et ne leur coupe pas le chemin du retour et du repentir, mais les
éprouve par le malheur et la calamité dans l'espoir de les
ramener à la raison:
«Nous
n'avons envoyé aucun prophète dans une cité sans frapper
(par la suite) ses habitants de malheur et de calamité, afin qu'ils
implorent (le pardon)».(128)
Dans le munâjât
No 8, déjà cité, l'Imam al-Sajjâd (p) dit:
«Ô
Toi qui viens à la rencontre de ceux qui se dirigent vers Toi, et qui
reviens sans cesse vers eux pour leur prodiguer Tes faveurs; Ô Toi qui Te
montres Clément et Compatissant envers ceux qui négligent de
T'invoquer, et qui les attires vers Ta porte avec affection et
amabilité!».
Allah est donc
indulgent et affectueux, même envers ceux qui L'oublient et se
détournent de Lui. Il les aime et leur montre Son affection, leur offre
Son amour et leur ouvre le chemin du retour à Son amour lorsqu'ils
s'éloignent et se détachent de Lui.
Il est donc la
source et le but de l'Amour. Donc, qui veut l'amour divin, n'a qu'à le
demander à Allah.
Nous avons eu
l'occasion de voir dans les pages précédentes, des extraits de
do'â' dans lesquels les Imams insistent dans leur demande de l'amour
d'Allah.
En voici un rappel:
Dans un do'â', l'Imam 'Alî Ibn al-Hussain (p) implore Allah:
«Ô
mon Dieu! Je Te demande de remplir mon coeur de Ton amour, de Ta crainte, de
foi en Toi, de croyance en Toi, de désir de Toi».(129)
Dans un
do'â', le Prophète (P) dit:
«Ô
mon Dieu! Je Te demande de m'inspirer Ton amour, l'amour de ceux qui T'aiment,
et l'action qui me conduit à Ton amour. Ô mon Dieu! Fais que je
T'aime plus que moi-même et ma famille».(130)
Dans le 7e de ses
15 célèbres munâjâts, l'Imam al-Sajjâd
(p) dit:
«Ô
mon Dieu! Transporte-nous dans Tes vaisseaux de sauvetage! Fais-nous nous
réjouir du plaisir des entretiens intimes avec Toi (munâjât)!
Fais-nous entrer dans les bassins de Ton amour! Fais-nous goûter la
douceur de Ton affection! Fais que notre jihâd (combat) soit pour Ta
Cause, et que notre souci soit Ton obéissance! Donne-nous de purifier
nos intentions dans nos relations avec Toi! Car nous existons par Toi et pour
Toi, et nous n'avons d'autre moyen menant vers Toi que Toi-même!».(131)
Comment aimer Allah?
Nous avons dit
qu'Allah montre Son affection à Ses serviteurs à travers les
bienfaits qu'Il leur prodiguent. C'est là une vérité
établie qui n'a pas besoin d'une nouvelle démonstration ou
explication. Ce qui nous importe maintenant est de dire que la "conscience
du bienfait" constitue le facteur essentiel et principal de l'amour
d'Allah, et que lorsque le croyant est conscient du bienfait dont Allah le
gratifie, cette conscience a deux effets directs sur sa relation avec Allah.
Le premier est le
remerciement ou la gratitude, le second, l'amour. Tous deux
élèvent le croyant vers Allah et forment deux voies qu'il
emprunte pour se diriger vers Allah.
La relation entre
le bienfait et le remerciement est une relation dialectique et de
réciprocité, ou en d'autres termes il y a corrélation entre
les deux: chaque fois qu'Allah gratifie un serviteur d'un bienfait, ce bienfait
appelle le serviteur à remercier Allah, et chaque fois qu'il remercie
Allah de Son bienfait, Allah augmente pour lui Ses bienfaits: «Si
vous êtes reconnaissants, très certainement, J'augmenterai (Mes
bienfaits) pour vous».(132) Or
l'augmentation des bienfaits requiert encore plus de reconnaissance, et ainsi
de suite. Et c'est de cette façon que s'effectue la montée du
serviteur vers Allah.
En revanche, si
l'homme reçoit le bienfait sans en avoir conscience, il suscite en lui
l'insolence, l'hypocrisie, la vanité et la tyrannie: «Prenez
garde! Vraiment l'homme devient rebelle, dès qu'il estime qu'il peut se
suffire à lui-même».(133)
Le bienfait conduit
l'homme tantôt à l'amour d'Allah et à un sentiment de
reconnaissance envers Lui, tantôt à la rébellion, à
la vanité et à l'incurie. Or, la différence entre les deux
états est la conscience. C'est pourquoi le Coran met l'accent sur le
rappel des bienfaits d'Allah, rappel qui occupe une grande superficie de ce
Livre d'Allah. Il tente d'ouvrir les yeux de l'homme, son esprit et son coeur
sur une grande partie des bienfaits d'Allah, qu'il oublie habituellement, alors
qu'il les côtoie et en bénéficie quotidiennement.
Cet oubli est de
nature à abrutir l'esprit, de sorte qu'il ne ressent plus la valeur la
beauté de ces bienfaits que sont, entre bien d'autres, la vie conjugale,
l'enroulement du jour sur la nuit et la nuit sur le jour, les vaisseaux et les
montures dont se sert l'homme sur la mer et la terre. De là le Coran se
livre à travers ses pages à cette campagne de
"consciencisation" ou de prise de conscience des innombrables
Bienfaits divins: «Si vous comptiez les bienfaits de Dieu, vous ne
sauriez les dénombrer».(134)
«Il a répandu sur vous des bienfaits apparents et
cachés».(135)
Sur
l'interprétation de ce dernier verset coranique, 'Â'ichah rapporte
que le Prophète (P) dit: «Si on ne connaît des bienfaits
d'Allah que ceux relatifs à son manger et son boire, cela veut dire
qu'on a un savoir déficient et qu'on doit s'attendre à l'approche
de l'Heure de la torture».(136)
Ainsi, le rappel des
Bienfaits équivaut à une prise de conscience. Et lorsque le
serviteur prend conscience de ces bienfaits, ceux-ci se transforment dans sa
vie en amour et reconnaissance, et s'ils ne sont pas accompagnés de
prise de conscience, ils conduisent à la vanité, à
l'arrogance et à la rébellion.
C'est à
cette haute valeur des louanges et à cette conscience des bienfaits,
qu'Allah veut inculquer à Ses serviteurs, que fait allusion l'Imam
al-Sajjâd (p) dans le premier Do'â' d'al-Sahîfah
al-Sajjâdiyyah:
«Louanges
à Allah: s'Il venait à empêcher Ses serviteurs d'avoir
conscience de la nécessité de faire Ses louanges par
reconnaissance de Ses faveurs successives et ses bienfaits manifestes, ils
utiliseraient ces faveurs sans L'en louer, et jouiraient de Ses larges dons
sans L'en remercier. S'ils venaient à se comporter de la sorte, ils
sortiraient des frontières de l'humanité et entreraient dans
celle de la bestialité, et seraient comme ceux décrits dans le
Noble Coran: "Ils ne sont comparables qu'à des bestiaux, et plus
égarés encore, loin du chemin droit"(137)».
De nombreux textes
islamiques s'appliquent répétitivement, comme nous avons eu
l'occasion de le voir, à invoquer les bienfaits d'Allah pour susciter
chez les gens l'amour d'Allah et à orienter les gens vers l'amour
d'Allah pour Ses bienfaits et Ses signes.
De même les
hadiths des Ahl-ul-Bayt prennent un soin particulier à
énumérer les bienfaits d'Allah, tout d'abord, et à
insister sur la nécessité de faire Ses louanges et de Le remercier,
ensuite.
Ce sont là
deux méthodes éducatives adéquates en Islam. Elles visent
à:
1- Rappeler
à l'homme les bienfaits d'Allah et l'amener à en prendre
conscience;
2- L'orienter vers
les louanges, le remerciement et l'amour d'Allah
Les conséquences et les effets
de l'amour d'Allah dans la vie de l'homme
L'amour d'Allah a
de grands effets sur la vie, dont:
1- Obéir
à Allah et suivre Son Prophète: si le croyant aime Allah, il Lui
obéit et obéit au Prophète, et l'obéissance
à Allah et à Son Prophète appelle l'amour d'Allah (pour le
croyant) et Son pardon. En effet Allah dit: «Dis: Suivez-moi, si vous
aimez Allah; Allah vous aimera et vous pardonnera vos péchés».(138)
2- L'amour d'Allah purifie
le coeur des souillures qui s'y sont accrochées et de l'amour de ce
monde, car il est le facteur le plus puissant et le plus influent dans le coeur
du croyant. Or, le facteur dominant a la propriété
d'éliminer les facteurs contraires et opposés. Selon l'Imam
'Alî (p): «L'amour d'Allah est un feu qui brûle tout ce qu'il
traverse, et une lumière qui illumine tout ce sur quoi elle
brille».(139)
Il est donc feu et
lumière. Il purifie le coeur et l'illumine, lui apporte lumière
et clairvoyance. L'Imam al-Sâdiq (p) dit: «Si l'amour d'Allah
projette sa lumière sur le coeur d'un croyant, il le débarrasse
de tout ce qui l'occupe, au point que toute évocation en dehors de celle
d'Allah devient pour lui obscurité. Celui qui aime Allah est le plus
sincère des hommes envers Lui, le plus véridique dans sa parole,
le plus respectueux de ses engagements, le plus pur dans ses actes, le plus
limpide dans ses invocations, et le plus obéissant dans son culte. Les
Anges s'enorgueillissent de lui lorsqu'il s'entretient intimement avec Allah,
et sont fiers de le voir».(140)
3- Le rappel:
L'amour d'Allah entraîne le rappel, car le coeur de l'aimant se rappelle
(celui qu'il aime) alors que le coeur oublieux et distrait, n'est pas
réceptif à l'amour. L'amoureux ne saurait ignorer ni oublier
celui qu'il aime. Le Prophète dit (P): «Le signe de l'amour
d'Allah est l'invocation (le rappel) d'Allah, et le signe de la haine d'Allah
est la détestation de l'invocation d'Allah».(141)
Lorsque l'homme
aime quelque chose, il se le rappelle, et plus il l'aime, plus il se le
rappelle. Et lorsqu'il n'aime pas une chose, il l'ignore ou en fait l'ignorant.
Font partie du rappel (invocation): la veille de nuit (pour accomplir des actes
cultuels, l'accomplissement de longues prosternations, les prières, la
continuation du culte et de l'adoration.
Selon l'Imam
'Alî (p): «Le coeur qui aime Allah aime beaucoup le mouvement vers
et pour Allah, alors que le coeur distrait d'Allah, aime le repos».(142)
Il est
rapporté qu'Allah a révélé au Prophète
Mûsâ Ibn 'Imrân (p): «Aura menti quiconque
prétend M'aimer, alors qu'il M'oublie en se livrant au sommeil, à
la tombée de la nuit. Tout amoureux n'aimerait-il pas se retirer en
tête-à-tête avec son bien-aimé!? Me voici, ô
Ibn (fils de) 'Imrân en train de voir ce que font Mes aimants: leurs vues
quittent leurs coeurs et Mon châtiment se présente devant leurs
yeux...».(143)
4- L'acceptation de
l'Ordre d'Allah. Or, l'acceptation de l'Ordre d'Allah se situe à un
degré supérieur au degré de la résignation, car
l'homme peut se résigner à une chose, sans pour autant l'accepter
volontiers, alors que l'acceptation signifie ici agréer. Ceci dit,
l'acceptation de l'Ordre d'Allah, de Son décret et de Sa décision
constitue l'une des plus hautes positions des amis d'Allah.
Ainsi, dans le
Do'â' Kumayl, l'Imam 'Alî (p) implore: «Ô Mon Dieu!
Je Te prie, en toute soumission, en toute humilité et très
modestement, d'être Indulgent avec moi et d'avoir pitié de moi, et
de me rendre content et satisfait de ce que Tu m'as imparti et (de me faire)
humble dans tous les cas».(144)
On lit aussi dans
"Ziyârat Amîn-ullâh": «Ô mon Dieu!
Fais que mon âme soit rassurée quant à Ton pouvoir,
satisfaite de Ton décret, infatuée (passionnée,
engouée) de Ton invocation et de Ton do'â', amoureuse de
l'élite de Tes amis, bien-aimée sur Ta terre et dans Ton ciel».(145)
Notons que
l'acceptation ou la satisfaction de l'Ordre d'Allah fait partie des traits
caractéristiques et des conséquences de l'amour d'Allah. Ainsi si
le serviteur aime Allah, il agrée Sa Décision, Son Décret
et Son Commandement.
Allah a
révélé au Prophète Dâwûd (p): «Ô
Dâwûd! Quiconque aime un bien-aimé, croit à sa
parole, quiconque accepte un bien-aimé, accepte son action, quiconque a
confiance en son bien-aimé, compte sur lui, et quiconque désire
un bien-aimé, il le recherche sérieusement».(146)
5- L'une des
conséquences de l'amour du serviteur pour Allah est l'amour d'Allah pour
le serviteur. C'est là une conséquence obligatoire. Allah dit:
«Dis: Suivez-moi, si vous aimez Allah; Allah vous aimera et vous
pardonnera vos péchés. Allah est celui qui pardonne, Il est
Miséricordieux».(147)
6- Une autre
conséquence de l'amour d'Allah est "aimer pour Allah" et
"haïr pour Allah", conséquence on ne peut plus naturelle
de l'amour d'Allah, car lorsque l'homme aime quelque chose, il aime aussi tout
ce qui s'y accorde et déteste tout ce qui s'y oppose.
Ci-après un
hadith de l'Imam al-Sâdiq (p) soulignant quelques-uns des effets et des
conséquences de l'amour d'Allah: «Si le coeur hérite l'amour
d'Allah et s'en éclaire, la Grâce y pénètre
rapidement. Et lorsque la Grâce habite le coeur, celui-ci atteint une
haute position. Lorsqu'on atteint cette position, tout son désir et son
amour se concentrent sur son Créateur et s'orientent exclusivement vers
Lui. Ce faisant, il aura atteint la position suprême et dès lors
son Seigneur entre dans son coeur. Il s'ensuit qu'il acquiert la sagesse d'une
façon différente dont l'acquièrent les sages, la science
d'une façon différente dont l'acquièrent les savants, et
la vérité d'une façon différente dont
l'acquièrent les véridiques. En effet, les sages
acquièrent la sagesse par le silence, les savants acquièrent la
science par la recherche, et les véridiques acquièrent la
vérité par le recueillement et le culte prolongé. Or, ceux
qui suivent un tel cheminement peuvent aussi bien s'abaisser que se hisser. La
plupart d'entre eux, finissent par s'abaisser. Car on ne peut se hisser si l'on
ne respecte pas les droits d'Allah et ne suit pas ce qu'Allah ordonne, attitude
qui caractérise ceux qui n'ont pas d'Allah une réelle
connaissance, ni ne L'aiment d'un vrai amour. Ne sois donc pas
impressionné par leur prière, leur jeûne, leurs
récits, leurs sciences. Ce sont en ré'Alîté des
onagres épouvantés».(148)
La corrélation entre l'amour
d'Allah et ses conséquences
Il est
impératif de noter que la relation entre l'amour d'Allah et une somme
des conséquences de cet amour est une relation réciproque et
dialectique, c'est-à-dire qu'il y a interdépendance et influence
réciproque entre l'amour d'Allah et une partie de ses
conséquences, dont chacune conduit à l'autre. Ainsi:
- L'amour d'Allah
conduit à l'invocation d'Allah:
Le Prophète
(P) dit à ce propos: «Le signe de l'amour d'Allah est l'amour de
l'invocation d'Allah».(149)
- Et l'invocation
d'Allah conduit à l'amour d'Allah:
En témoigne
ce hadith du Prophète (P) rapporté par l'Imam al-Sâdiq (p):
«Quiconque multiplie l'invocation d'Allah aimera Allah».(150)
- L'amour d'Allah
conduit à dépouiller le coeur des attaches et des
préoccupations d'ici-bas:
L'Imam
al-Sâdiq (p) dit: «Si l'amour d'Allah brille sur le coeur d'un
serviteur, il le vide de toute occupation».(151)
- Le
dépouillement du coeur des attaches avec le bas-monde conduit à
l'amour d'Allah.
L'Imam
al-Sâdiq dit (p): «Si le croyant se détache de la vie
d'ici-bas, il se transcende et découvre la douceur de l'amour d'Allah,
au point que les gens de ce monde le voient comme s'il avait l'esprit
troublé. Mais en fait, c'est la douceur de l'amour d'Allah qui s'est
emparé tellement de lui qu'il ne s'intéresse plus à
personne».(152)
D'autre part aimer
pour Allah et détester pour Allah font partie des conséquences de
l'amour d'Allah, mais en même temps ils conduisent à l'amour
d'Allah. Ainsi, celui qui aime pour Allah confirme son amour d'Allah, et celui
qui aime Allah, Allah l'aime, et celui qu'Allah aime, aime Allah.
Il y a dans la
culture islamique beaucoup d'autres cas semblables à cette relation
réciproque, lesquels font cheminer l'homme dans une ligne montante vers
Allah. Par exemple, l'invocation d'Allah consacre l'amour d'Allah, et l'amour
d'Allah consacre l'invocation d'Allah. De cette façon l'invocation et
l'amour redoublent dans cette relation réciproque en direction de la
proximité d'Allah.
La réciprocité d'amour
entre Allah et Son serviteur
Nous avons
évoqué la relation réciproque entre l'amour d'Allah envers
Ses serviteurs et l'amour des serviteurs envers Allah et vu comment l'amour de
l'un conduit à l'amour de l'autre et vice versa et comment cette
réciprocité constitue le point de départ, dans la vie de
l'homme, d'un mouvement montant vers Allah.
Le Coran pour sa
part fait allusion à cet amour réciproque: «Ô les
croyants! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion ... Allah va faire
venir un peuple qu'Il aime et qui L'aime, modeste envers les croyants et fier
et puissant envers les mécréants, qui lutte dans le sentier
d'Allah, ne craignant le blâme d'aucun blâmeur. Telle est la
grâce d'Allah. Il la donne à qui Il veut. Allah est Immense et
Omniscient».(153)
La
réciprocité d'amour entre Allah et Son serviteur permet à ce
dernier de savoir si et dans quelle mesure Allah l'aime, en se regardant
lui-même, car le soi est un miroir et un mesureur précis qui
permet à l'homme de connaître sa position auprès d'Allah.
En effet l'Imam al-Sâdiq (p) dit à ce sujet: «Celui qui veut
savoir sa place auprès d'Allah, qu'il sache d'abord la place qu'Allah
occupe en lui».(154)
L'Imam
al-Sâdiq (p) dit également: «Quiconque voudrait savoir
quelle est sa position auprès d'Allah, qu'il détermine quelle est
la position d'Allah auprès de lui, car Allah réserve au serviteur
la même position que celui-ci Lui consacre».(155)
L'Imam 'Alî
(p) dit la même chose avec une nuance significative: «Quiconque
d'entre vous désire connaître sa position auprès d'Allah,
qu'il regarde comment est la position d'Allah auprès de lui lorsqu'il
commet des péchés. Telle sera sa position auprès d'Allah.
Il est Sublime et Béni!».(156)
Il dit aussi:
«Quiconque aimerait connaître sa position auprès d'Allah,
qu'il regarde la position d'Allah auprès de lui. Ainsi, quiconque a le
choix entre deux choses: la vie terrestre et la Vie future, et
préfère la seconde à la première, aura aimé
Allah, alors que celui qui préfère la première à la
seconde, n'aura pas accordé de place à Allah auprès de
lui».(157)
Dans le Hadith
saint suivant (révélé au Prophète
Dâwûd), on découvre un portrait expressif et subtil de la
relation entre Allah et le serviteur. Il montre combien Allah est Noble,
Généreux, Gracieux et Miséricordieux envers Ses serviteurs
lorsqu'ils viennent vers Lui, L'aiment et Le demandent:
«Ô
Dâwûd! Informe les habitants de la terre que J'aime quiconque
M'aime, fréquente qui-conque Me fréquente, tiens compagnie à
qui-conque Me tient compagnie, et noue amitié avec quiconque noue
amitié avec Moi. Il n'est personne qui M'aime d'un amour dont Je sais de
son coeur la sincérité, sans que Je ne l'adopte, et sans que Je
ne l'aime comme personne d'autre parmi Ma créature. Quiconque Me
réclame à bon escient, Me trouvera, et quiconque réclame
un autre que Moi, ne me trouvera pas. Refusez donc, ô habitants de la
terre! Votre fatuité actuelle, et accourez vers Ma Grâce, Ma
compagnie, Mon amitié, Ma fréquentation! Accompagnez-Moi, Je vous
accompagnerai et J'accourrai à votre amour».(158)
Si Allah aime un serviteur...
Lorsqu'Allah aime
un serviteur, Il lui ouvre les trésors de Sa Miséricorde, lui
offre sans compter Ses bienfaits dans ce monde et dans la Vie future, ouvre son
coeur à Sa connaissance, lui confère la foi, la clairvoyance, et
la certitude, lui inspire l'amour, le rend passionné de Lui et
désireux de Sa proximité, lui fait procurer le plaisir de Sa compagnie
et abreuve son coeur de Son amour, le rapproche et l'attire vers Lui, lui
accorde Son agrément...
Selon l'Imam
al-Sâdiq (p) encore: «Lorsqu'Allah aime un serviteur, Il lui
inspire l'obéissance et la satisfaction, le rend érudit dans la
Religion, et le renforce par la certitude. Dès lors, il se contentera de
la portion congrue et se revêtira de la chasteté. Et lorsqu'Allah
déteste un serviteur, Il lui fait aimer l'argent, lui accorde l'aisance,
lui inspire l'amour de sa vie terrestre, le livre à ses caprices.
Dès lors, il n'en fera qu'à sa tête, répandra la
corruption et opprimera les serviteurs».(159)
Selon l'Imam
'Alî (p): «Lorsqu'Allah aime un serviteur, Il lui inspire le bon
culte».(160)
Et:
«Lorsqu'Allah aime un serviteur, Il lui fait aimer
l'honnêteté».
Et:
«Lorsqu'Allah aime un serviteur, Il l'orne de la quiétude et de la
patience».
Comment nous faire aimer d'Allah ?
Nous avons dit
qu'Allah se montre affectueux envers Ses serviteurs: «Tu nous montres
de l'amour par Tes bienfaits, alors que nous nous opposons à Toi par les
péchés!». N'est-ce pas malheureux de notre part! Allah
qui Se passe de tout et qui n'a besoin de personne flatte Ses serviteurs et
S'applique à les attirer et à Se faire aimer d'eux, sans que,
eux, qui dépendent totalement de Lui, recherchent Son amour et tentent
tout pour se faire aimer de Lui!
La question qui se
pose est donc comment le serviteur peut-il se faire aimer d'Allah?
Nous avons des
éléments de réponse à cette interrogation, dans un
Hadith sain, d'une grande importance, rapporté par des sources
nombreuses et concordantes, aussi bien Sunnites que Chiites, ce qui
écarte tout doute concernant son authenticité. Il est
rapporté par al-Barqî qui cite l'Imam al-Sâdiq (p), citant à
son tour le Prophète (P) qui dit: «Allah dit: Il n'est pas
d'acte accompli par un serviteur dans l'intention de se rapprocher de Moi, que
J'aime plus que celui que Je lui ai rendu obligatoire. Puis, Mon serviteur
continue à se rapprocher de Moi par les actes surérogatoires
(recommandés) jusqu'à ce que Je l'aime. Et une fois que Je
l'aime, Je deviens son ouïe avec laquelle il entend, sa vue avec laquelle
il voit, sa langue avec laquelle il parle, sa main avec laquelle il saisit, et
son pied avec lequel il marche».
Ce texte comporte
une série d'enseignements que nous expliquons brièvement:
1- Les meilleurs
actes par lesquels le serviteur peut se rapprocher et se faire aimer d'Allah
sont les actes cultuels obligatoires, tels que la Prière, le
Jeûne, la Zakât, le Khoms, le Hajj (Pèlerinage de la Mecque)
etc. C'est là un trait particulier aux obligations islamiques, qu'aucun
autre acte ne partage.
2- Vient ensuite le
rôle des actes surérogatoires dans le rapprochement du serviteur
de son Seigneur dans la recherche de Son amour. Le serviteur doit donc
s'adonner, autant que faire se peut et continuellement à ces actes pour
atteindre à la proximité et à l'amour du Créateur.
3- Le
troisième enseignement de ce texte se rapporte aux conséquences
et aux effets de l'amour d'Allah envers le serviteur. En effet celui dont Allah
est la langue avec laquelle produit la parole, ne pourra dire que la
vérité, et ne remuera jamais sa langue pour prononcer des
insanités ou des faussetés. De même celui dont Allah est la
main, ne sera jamais vaincu ni défait. Et enfin celui dont Allah est
l'ouïe grâce à laquelle il peut entendre et la vue avec
laquelle il peut voir, ne confondra jamais entre le faux et la
Vérité, saura toujours distinguer les vrais croyants des
hypocrites, les véridiques des menteurs, et marchera sa vie durant, sous
la Lumière et la guidance d'Allah, sans aucun risque de s'égarer
et de dévier du droit chemin.
4- Le
quatrième enseignement de ce Hadith sain confirme une
vérité déjà dite, à savoir qu'Allah exauce
la prière du serviteur: «S'il Me prie, Je lui réponds,
et s'il Me demande, Je lui donne».
Il est des
serviteurs pieux qu'Allah ne déçoit jamais, dont Il ne rejette
aucune prière, qu'Il n'abandonne pas à eux-mêmes,
même l'espace d'une seconde. Il les protège constamment, les
dirige continuellement, les soutient sans relâche, les dote de
clairvoyance, leur accorde la Guidance, remplit leurs coeurs de lumière
et les maintient sur le droit chemin. Ce sont les serviteurs qui aiment Allah
et qu'Allah aime.
Les obstacles et les barrières
qui obstruent l'amour
Nous avons
abordé longuement les causes, les effets, les exigences et les
conséquences de l'amour d'Allah dans la vie de l'homme. Il est opportun
maintenant d'exposer les obstacles qui empêchent le coeur du serviteur
d'aimer Allah, afin qu'il puisse les surmonter et les éviter. Les deux
plus importants de ces obstacles et barrières sont d'une part les
péchés et les actes de désobéissance, qui rouillent
le coeur du serviteur, d'autre part l'amour et les attaches de ce monde.
Concernant les
péchés qui rouillent le coeur et lui font perdre sa
pureté, sa transparence et sa limpidité Allah dit: «Non!...
Leurs coeurs ont été rouillés par ce qu'ils ont accompli
».(161)
Lorsque l'homme commet
un péché, celui-ci forme un point noir dans son coeur. Puis, s'il
continue à désobéir à Allah au lieu d'implorer Son
pardon pour le péché commis, le point noir s'étale peu
à peu pour noircir complètement le coeur.
Selon Ibn 'Omayr,
l'Imam al-Sâdiq (p) dit: «Allah n'aime jamais celui qui Lui
désobéit». Puis l'Imam de réciter, à l'appui,
ces vers: «Tu désobéis à Allah, tout en
affectant de L'aimer! C'est impossible! C'est un acte d'hérésie!
Si tu L'aimais sincèrement, tu Lui aurais obéi, car l'amoureux est
obéissant à son bien-aimé!».(162)
Le second obstacle
qui empêche l'amour d'Allah d'entrer dans le coeur du serviteur est
l'amour de la vie d'ici-bas et l'attachement à ce monde
éphémère, car l'homme n'a pas été
créé avec deux coeurs. Le Coran dit à ce propos: «Allah
n'a pas placé à l'homme deux coeurs dans sa poitrine».(163)
Ainsi, si le coeur
du croyant est dépouillé de tout et réservé
exclusivement à Allah, il L'aimera de tout son coeur, mais d'autres
soucis ou attaches occupent une partie de son coeur, cette partie sera
soustraite à l'amour d'Allah. Et si coeur du croyant continue à
se soucier des affaires de ce bas-monde, il finit par se soustraire
complètement à l'amour d'Allah et perdre totalement le plaisir
que procure l'amour du Créateur, ainsi que la douceur de l'amour des
invocations divines.
Le Prophète
(P) dit: «L'amour d'Allah et l'amour du monde ne se réunissent pas
dans un seul et même coeur».(164)
Il est
rapporté que lorsqu'on a demandé au Prophète
'Îssâ (p): «Apprends-nous un seul acte qui nous fasse aimer
d'Allah», il répondit: «Détestez le bas-monde, Allah
vous aimera».(165)
Selon l'Imam
al-Sâdiq (p): «Si le croyant se détache de la vie d'ici-bas,
il se transcende et découvre la douceur de l'amour d'Allah».(166)
L'expression de
l'Imam dans ce hadith est subtile, car l'amour de la vie fait perdre à l'homme
la sensation de la douceur de l'amour d'Allah; or quiconque perd la sensation
de la douceur de l'amour d'Allah, son coeur ne penche plus pour Allah, et
quiconque dépouille son coeur de l'amour de la vie, ressent la douceur
de l'amour d'Allah.
L'Imam 'Alî
(p) dit: «Comment peut prétendre aimer Allah, celui qui s'est
accoutumé à l'amour de la vie?»(167)
Et:
«De
même que le soleil et la nuit ne se côtoient pas, de même
l'amour d'Allah et l'amour de la vie ne vont pas ensemble».(168)
Selon l'Imam
al-Sâdiq (p): «Par Allah, n'aura pas aimé Allah quiconque
aime la vie et se noue d'amitié avec d'autres que nous (les
Ahl-ul-Bayt)».(169)
Selon l'Imam
'Alî (p) encore: «Quiconque aime rencontrer Allah doit se distraire
de la vie».(170)
Et:
«Si vous
aimez Allah réellement, sortez de vos coeurs l'amour de la vie!»(171)
*******************************
Notes *********************************
1. "Bihâr
al-Anwâr", Tom 89, p. 92
2. "Bihâr
al-Anwâr", Tom 98, p. 226.
3. "Bihâr
al-Anwâr", Tom. 78, p. 226.
4. "Uçûl
al-Kâfî", Tom. 3, p. 131.
5. "Uçûl
al-Kâfî", Tom. 3, p. 131.
6. "Miçbâh
al-Charî'ah", Tom.2, p. 3.
7. "Bihâr
al-Anwâr", Tom.12, p. 380.
8. "Bihâr
al-Anwâr", Tom. 95, p. 467.
9. "Bihâr
al-Anwâr", Tom. 98, p. 226.
10. "Bihâr
al-Anwâr", Tom. 78, p. 175.
11. "Uçûl
al-Kâfî", Tom.2, p. 125.
12. "Bihâr
al-Anwâr", Tom. 96, p. 237.
13. "Nûr
al-Thaqalayn", Tom. 5, p. 285.
14. "Bihâr
al-Anwâr", Tom. 98, p. 26.
15. "Munâjât
Ahl-ul-Bayt", Tom.96, p. 97.
16.
"Do'â'
al-Ashâr" du mois de Ramadhân, rapporté par
Abû Hamzah al-Thamâlî.
17.
"Mafâtih
al-Jinân", Les 15 munâjât de l'Imam Zayn
al-Âbidîn (p), munâjât al-Muhibbîn, p.
229.
18. "Bihâr
al-Anwâr", Tom. 98, p. 226.
19.
Munâjât
No 13, des 15 munâjât de l'Imam Zayn al-'Âbidîn,
d'après le récit d'al-'Allâmah al-Majlicî, dans Bihâr
al-Anwâr.
20.
"Mafâtih
al-Jinân", Do'â' Abû Hamzah
al-Thamâlî.
21.
"Munâjât
Ahl-ul-Bayt".
22.
"Munâjât
Ahl-ul-Bayt", p. 88.
23.
"Munâjât
'Alî Ibn al-Hussain (p)".
24.
"Mafâtih
al-Jinân", Do'â' Kumayl Ibn Ziyâd.
25.
"Mafâtih
al-Jinân", Do'â' Abû Hamzah
al-Thamâlî
26.
"Mafâtih
al-Jinân", Do'â' Kumayl Ibn Ziyâd.
27.
Nous
empruntons ici les mots de l'Imam 'Alî lui-même (p), autrement nous
n'oserions pas parler de la relation entre Allah et lui de cette façon.
28.
"Munâjât
No. 1", des 15 Munâjât de l'Imam Zayn al-'Âbidîn,
d'après le récit d'al-'Allâmah al-Majlicî, dans
"Bihâr al-Anwâr".
29.
"Mafâtih
al-Jinân", Do'â' Abû Hamzah
al-Thamâlî
30.
"Mafâtih
al-Jinân", Do'â' Abû Hamzah
al-Thamâlî
31.
"Mafâtih
al-Jinân", Do'â' Kumayl Ibn Ziyâd.
32.
"Munâjât
Ahl-ul-Bayt", 68/96.
33.
"Munâjât
No. 3", des 15 Munâjât de l'Imam Zayn al-'Âbidîn, d'après
le récit d'al-'Allâmah al-Majlicî. Dans Bihâr
al-Anwâr.
34.
"Mafâtih
al-Jinân", Do'â' Abû Hamzah
al-Thamâlî
35. Sourate
al-Hadîd, 57: 4.
36. Sourate
Qâf, 50: 16.
37. Sourate
al-Baqarah, 2: 186.
38. Do'â'
al-Iftitâh.
39.
"Munâjât
No 11", des 15 Munâjât de l'Imam Zayn al-'Âbidîn,
d'après le récit d'al-'Allâmah al-Majlicî. Dans
"Bihâr al-Anwâr".
40.
Sourate al-Hadîd,
57: 4.
41.
Sourate
al-Ra'ad, 13: 28.
42.
"Mafâtih
al-Jinân", Do'â' al-Iftitâh.
43. "Bihâr
al-Anwâr", 46/77-78.
44. "Bihâr
al-Anwâr", 46/77-78.
45.
"Bihâr
al-Anwâr", 46/81-82.
46.
Munâjât
No 9, des 15 munâjât de l'Imam Zayn al-'Âbidîn,
d'après le récit d'al-'Allâmah al-Majlicî. Dans Bihâr
al-Anwâr.
47.
Sourate al-Qamar
(La Lune), 54: 55.
48.
Munâjât
No 8, des 15 munâjât de l'Imam Zayn al-'Âbidîn,
d'après le récit d'al-'Allâmah al-Majlicî. Dans
"Bihâr al-Anwâr".
49.
Sourate
al-Hamd, 1: 6-7.
50.
Sourate
al-Baqarah, 2: 213.
51.
Sourate
al-Mâ'idah, 5: 16.
52.
Sourate
al-An'âm, 6: 87.
53.
Sourate
al-Mâ'idah, 5: 16.
54.
Sourate
al-An'âm, 6: 153.
55. Sourate
al-Nahl, 16: 69.
56. Sourate
Ibrâhîm,
57. Sourate
al-'Ankabout, 29: 69.
58. Sourate
al-Çaff, 61: 10.
59. Sourate
al-Baqarah, 2: 207.
60. "Tafsîr
al-Mîzân", Tom.2, p. 404.
61.
Sourate
Çâd, 38: 45-47.
62.
Sourate
al-Mâ'idah, 5: 35
63.
Sourate
al-Asrâ', 17: 57.
64.
Sourate
al-Cho'arâ', 26: 79-80.
65.
Extrait de
l'un des do'â' du mois de Rajab.(voir "Mafâtih
al-Jinân".
66.
Job fut
éprouvé par Allah par les maladies les plus pénibles. Il
perdit ses biens et ses enfants, et cependant il ne se plaignît
qu'à Allah.
67.
Thû-l-Nûn quitta son peuple en
colère, parce que ceux-ci ne croyaient pas en Allah. Il prit le bateau,
mais le bateau s'arrêta, et d'après les coutumes des marins, ils
tirèrent au sort pour connaître le responsable. Le sort tomba sur
Thû-l-Nûn, et les marins le jetèrent à l'eau
où une baleine le recueillit pour le vomir plus tard sur le rivage.
68.
Sourate Tâhâ,
20: 43-45.
69.
Sourate Tâhâ,
20: 46.
70.
Sourate
Houd, 11: 45.
71.
Sourate
Ibrâhîm, 14: 37.
72.
Sourate
al-Muzzammil, 73: 1-7.
73.
"Nahj-ul-Balâghah",
annotation de Subhî al-Sâlih, h 193.
74.
Sourate
al-Tawbah, 9: 38.
75.
Se
détacher et se libérer de ce monde ne signifie pas qu'on
l'abandonne totalement pour se retirer et se cantonner dans une vie de
monastère, car le Noble Prophète (P) était
libéré de la servitude de ce monde, mais il a continué
à oeuvrer et à travailler dur en vue de la victoire de l'Appel
sur les attraits de la vie terrestre et pour soumettre celle-ci, au lieu de se
soumettre à elle.
76.
Sourate
al-Tawbah, 9: 24.
77.
Sourate
Âle 'Imrân, 3: 14.
78.
Sourate
al-Baqarah, 2: 165.
79.
"Bihâr
al-Anwâr", 70/24-25.
80.
Sourate
Âle 'Imrân, 3: 31.
81.
"Kanz
al-'Ummâl", 2/209, h 3794.
82. "Kanz
al-'Ummâl", 2/182.
83. Sourate
al-Tawbah,
84. "Tafsîr
Nour al-Thaqalayn", Tom 2, p. 195.
85. "Nahj-ul-Balâghah",
op. cit., 1/91-92, h. 52.
86. Sourate
Hûd,
87. "
'UyûnAkhbâr al-Redhâ", 224.
88. "Al-Ikhtiçâç",
d'al-Cheikh al-Mufîd, 341
89.
Cité
avec de petites nuances dans: "Bihâr al-Anwâr",
70/14; "Suan al-Tarmithî", 13/201; "Mustadrak al-Hâkim",
3/193; "Ta'rîkh Baghdâd", 4/160 etc...
90.
"Al-Amâlî",
d'al-Sâdûq", p. 8 ; "Uçûl
al-Kâfî", 2/125.
91.
"Bihâr
al-Anwâr", 74/399.
92.
"Al-Amâlî",
d'al-Sâdûq", p. 345.
93.
"Al-Amâlî",
d'al-Sâdûq", p. 360.
94. "Tuhaf
al-'Uqûl", 479.
95. "Al-Mahâsin",
p. 263.
96. "Uçûl
al-Kâfî", 2/125
97. "Uçûl
al-Kâfî", 2/126.
98. "Uçûl
al-Kâfî", 2/126.
99. "Uçûl
al-Kâfî", 2/127.
100.
"Jâmi'
al-Akhbâr", p. 194.
101.
C'est-à-dire
la preuve et le signe indicateur de ton islam.
102.
"Bihâr
al-Anwâr", 96/252-253.
103.
"Sunan
al-Tamithî" 5/664, h. 3789, éd: Mustafâ
al-Chalabî; "Al-Mustadrak 'alâ-Çahîhayn",
d'al-Hâkim al-Nîsâbûrî, 1503; "Bihâr
al-Anwâr", 70/14; "Al-Amâlî" d'al-Sadûq,
219; "'Ilal al-Charâ'i'", 1/113 etc..
104.
"Al-Mustadrak
'alâ-Çahîhayn", d'al-Hâkim
al-Nîsâbûrî, 3/149.
105.
"Al-Mustadrak
'alâ-Çahîhayn", d'al-Hâkim
al-Nîsâbûrî, 3/149; "Musnad Ahmad Ibn
Hanbal", 4/281.
106.
"Musnad
Ahmad Ibn Hanbal", 4/372.
107.
"Sahîh
al-Bukhârî" 1/6, éd.: Dâr al-Tibâ'ah,
année 1286.
108.
"Sahîh
Muslim", 1/49, éd.: Dâr al-Fikr, Beyrouth, cité aussi
dans "Kanz al 'Ummâl", 1/37, h. 70.
109.
Cité
par Cheikh 'Abdul-Hussain al-Amini, dans "Siratanâ...". p. 11 ;
Al-Hâfidh al-Buhayqî dans "Chu'ab al-Ïmân";
Al- daylamî dans son "Musnad", Al-'Allâmah
al-Majlicî dans "Bihâr al-Anwâr", 27/13
etc...
110.
"Uçûl
al-Kâfî", 2/408 ; "Bihâr
al-Anwâr", 73/288.
111.
Sourate
al-Hujurât, 49: 9.
112.
Sourate
al-Baqarah, 2: 165.
113.
"Bihâr
al-Anwâr", 70/25.
114.
"Kanz
al-'Ummâl", 47/49.
115. "Bihâr
al-Anwâr", 98/89.
116. "Bihâr
al-Anwâr", 97/334.
117. "Kanz
al-'Ummâl", 47/49.
118. "Ghurar
al-Hikam", d'al-Âmidî
119. Idem
120. "Bihâr
al-Anwâr", 74/398.
121.
122. "Bihâr
al-Anwâr", 98/226.
123. "Bihâr
al-Anwâr", 98/85.
124. "Mafâtîh
al-Jinân", 180.
125. Sourate
al-Zukhruf, 43: 11-13.
126. "Bihâr
al-Anwâr", 70/18-22.
127. Sourate
al-Nisâ', 4: 110.
128. Sourate
al-A'râf, 7: 94.
129. "Bihâr
al-Anwâr", 98/89.
130. "Kanz
al-'Ummâl", h. 3718.
131. "Mafâtîh
al-Jinân", 123.
132. Sourate
Ibrâhîm, 14: 7.
133. Sourate
al-'Alaq, 96: 6-7.
134. Sourate
al-Nahl,
135. Sourate
Luqmân, 31: 20.
136. "Al-Amâlî"
d'al-Cheikh al-Tûcî, 2/105
137. Sourate
al-Furqân, 25: 44.
138. Sourate
Âle 'Imrân,
139. "Bihâr
al-Anwâr", 70/23.
140. Idem.
141. "Kanz
al-'Ummâl", h. 1776.
142. "Tanbîh
al-Khawâtir", 332.
143. "Bihâr
al-Anwâr", 70/14.
144. "Mafâtih
al-Jinân", Do'â' Kumayl.
145. Ziyârat
Amînullâh dans "Mafâtih al-Jinâm".
146. "Bihâr
al-Anwâr", 77/42.
147. Sourate
Âle 'Imrân,
148. "Bihâr
al-Anwâr", 70/25.
149. "Kanz
al-'Ummâl", h. 1776.
150. "Bihâr
al-Anwâr", 93/160.
151. "Bihâr
al-Anwâr", 70/23.
152. "Bihâr
al-Anwâr", 73/56.
153. Sourate
al-Mâ'idah,
154. "Bihâr
al-Anwâr", 70/18.
155.
"Bihâr
al-Anwâr", 71/156 (il faut comprendre cette analogie dans la
proportion et non quantitativement).
156.
"Bihâr
al-Anwâr", 71/156.
157.
Idem.
158.
Idem.
159.
"Bihâr
al-Anwâr", 103/26.
160. "Ghurar
al-Hikam", d'al-Âmidî.
161.
Sourate
al-Mutaffifîn, 83: 14.
162.
"Al-Amâlî",
d'al-Çadûq, 293, édition de pierre.
163. Sourate
al-Ahzâb, 33: 4.
164. "Tanbîh
al-Khawâtir", 362.
165. "Bihâr
al-Anwâr", 14/328.
166. "Uçûl
al-Kâfî", 2/130.
167. "Ghurar
al-Hikam"
168. Idem.
169. "Bihâr
al-Anwâr", 78/26.
170.
"Ghurar
al-Hikam"
171. Idem.